En cours au Siège de l'ONU

9774e séance - après-midi
CS/15884

Bosnie-Herzégovine: le Conseil de sécurité autorise le renouvellement du mandat de l’opération militaire EUFOR ALTHEA

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

La stabilité de la Bosnie-Herzégovine est fondamentale pour éviter un conflit régional, ont souligné plusieurs membres du Conseil de sécurité, cet après-midi, à l’occasion du débat sur la situation de ce pays.  Le Conseil a donc adopté à l’unanimité la résolution 2757 (2024) par laquelle il décide d’autoriser le renouvellement pour une nouvelle période de 12 mois, à compter de ce 1er novembre, du mandat de la force multinationale de stabilisation EUFOR ALTHEA. 

L’opération militaire de l’Union européenne en Bosnie-Herzégovine EUFOR ALTHEA joue un rôle essentiel pour garantir un environnement sûr, rassurer la population et dissuader les acteurs déstabilisateurs potentiels, dans un contexte pourtant marqué par des tensions politiques persistantes et des provocations préoccupantes, a expliqué la France, qui a présenté le texte.

« Le principal problème de la Bosnie-Herzégovine est lié aux tentatives extérieures d’affaiblir, de diviser et finalement de détruire notre pays », s’est lamenté M. Denis Bećirović, Président de la présidence collégiale de la Bosnie-Herzégovine, demandant de ne pas oublier que le génocide des Bosniaques a été le point culminant de l’agression contre la Bosnie-Herzégovine, il y a trois décennies.  Il a qualifié la politique de la Serbie de « destructive », déplorant qu’elle soit suivie par l’entité de la Republika Srpska.  Il en a voulu pour preuve sa décision d’intégrer dans les manuels scolaires du contenu à la gloire des criminels de guerre Radovan Karadžić et Ratko Mladić.

La Serbie soutient sans aucune réserve l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine, a rétorqué le représentant serbe, prônant le dialogue, le consensus et des solutions acceptables pour tous.  Il a souligné que la politique consistant à mener des actions unilatérales et à tenter d’imposer un point de vue n’est pas dans l’intérêt de tous les citoyens de la Bosnie-Herzégovine.  La Serbie a l’intention de développer des relations transparentes avec la Republika Srpska dans le cadre de l’Accord de Dayton, a précisé le représentant, ajoutant que les relations spéciales entre cette entité et la Serbie visent à promouvoir le développement socioéconomique et démocratique des deux parties et également de la région.

Nécessaire réconciliation interethnique

Au cours de ce débat, la rhétorique sécessionniste et la remise en cause de l’ordre constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine par l’entité de la Republika Srpska ont pourtant suscité de vives inquiétudes parmi les délégations qui se sont exprimées, comme le Royaume-Uni, la Slovénie ou encore le Japon. 

La délégation de l’Union européenne (UE) a exhorté les acteurs politiques de Bosnie-Herzégovine à s’abstenir de remettre en question la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale du pays, et à mettre fin à la glorification des criminels de guerre condamnés ainsi qu’à la négation du génocide.  « La réconciliation interethnique est nécessaire pour instaurer un climat de respect mutuel et de compréhension entre les différentes communautés », a souligné la Suisse.

Pour que l’unité nationale prévale dans le pays, il est essentiel que toutes les parties avancent à l’unisson vers l’objectif commun de mise en œuvre de l’Accord de paix de Dayton, a-t-il été avancé.  « Il n’y a pas d’alternative », a renchéri la République de Corée, ajoutant que « la Bosnie-Herzégovine doit faire face à son passé sans se laisser piéger par lui ». 

Pourtant, à en croire M. Bećirović, les autorités de la Republika Srpska menacent dangereusement les fondements de l’Accord de paix de Dayton en prônant la destruction de l’État de Bosnie-Herzégovine au profit du projet criminel de la Grande Serbie.  Estimant qu’il était temps de dire la vérité au sujet des véritables intentions de la Serbie, il a appelé la communauté internationale, et en particulier l’UE, à condamner clairement la réactivation du projet de Grande Serbie, rappelant que cela ne concerne pas seulement la Bosnie-Herzégovine mais l’ensemble de l’Europe.

Négociations d’adhésion à l’Union européenne

Convaincue que l’avenir de la Bosnie-Herzégovine, comme de l’ensemble des Balkans occidentaux, est dans l’UE, la France a souligné que la décision prise en 2024 par le Conseil européen d’ouvrir les négociations d’adhésion était un signal clair à cet égard.  Elle a appelé les autorités bosniennes à nommer un négociateur en chef afin de faire progresser ce processus d’adhésion.

« Il est essentiel de travailler ensemble à l’adhésion pour répondre aux aspirations des citoyens de Bosnie-et-Herzégovine à faire partie de l’Union européenne », a abondé la délégation de l’UE, qui attend de tous les acteurs politiques qu’ils se concentrent sur le dialogue et sur les priorités.  Il s’agit notamment de présenter un programme de réformes dans le cadre de la « facilité pour les réformes et la croissance en faveur des Balkans occidentaux ».

Seul un engagement inébranlable de tous les acteurs politiques en faveur de l’intégration européenne et une appropriation locale des processus de réforme permettront de progresser vers la réalisation de cet objectif stratégique, a souligné la Slovénie.  Voisin immédiat et membre de l’UE, la Croatie a indiqué avoir créé avec la Bosnie-Herzégovine un partenariat solide, pavant la « voie irréversible » vers une intégration européenne.

Le Haut-Représentant sur la sellette

Malgré les tensions, la bonne tenue des élections locales en Bosnie-Herzégovine en octobre a été saluée par plusieurs délégations, dont la Chine et la Suisse, pour qui cela « témoigne du respect des libertés fondamentales ». La Croatie a évoqué le soixante-sixième rapport du Haut-Représentant pour la Bosnie-Herzégovine, M. Christian Schmidt, qui a évalué ces élections, mais également noté un manque de progrès vers l’intégration européenne au cours de la période à l’examen.

À ce propos, la Fédération de Russie a une nouvelle fois contesté la légitimité du Haut-Représentant, qui n’a pas participé au débat, l’accusant de s’ingérer dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine et d’avoir transformé son mandat en « instrument de politique coloniale ».  Assurant que la Republika Srpska ne constitue aucune menace, le représentant russe a accusé M. Schmidt de donner une fausse impression de la situation et a préconisé la suppression du Bureau du Haut-Représentant, qualifié de « relique du passé ». 

La Chine a également reproché à M. Schmidt d’invoquer « les pouvoirs de Bonn » pour réviser la loi nationale, ce qui a créé des divisions et entraîné d’importantes polémiques.  Le représentant chinois a appelé à prendre en compte les préoccupations des trois grandes communautés du pays sans choisir un camp.

Dans la même veine, le délégué russe s’est inquiété à de nombreuses reprises de l’érosion des principes clefs de l’Accord de Dayton, qui garantissent l’égalité des trois peuples formant un État avec deux entités, la Republika Srpska et la Fédération de Bosnie-Herzégovine.  Il a dénoncé « un système parallèle, extraconstitutionnel, illégal et antidémocratique », permettant aux représentants d’un seul des peuples de prendre des décisions au nom de la Bosnie-Herzégovine.  Selon lui, cette violation flagrante de l’Accord de Dayton est ourdie par les pays occidentaux, qui se considèrent comme les garants de l’Accord et dont l’objectif est de centraliser la Bosnie-Herzégovine pour en faire un État unitaire entièrement contrôlé par l’Occident.

Les affaires de la Bosnie-Herzégovine doivent être décidées par les Bosniens, ont insisté la Chine et la Russie. 

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LA SITUATION EN BOSNIE-HERZÉGOVINE

Texte du projet de résolution (S/2024/788)

      Le Conseil de sécurité,

      Constatant que la situation dans la région de l’ex-Yougoslavie continue de menacer la paix et la sécurité internationales,

      Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

      1.    Autorise les États Membres, agissant par l’intermédiaire de l’Union européenne ou en coopération avec elle, à créer, pour une nouvelle période de douze mois à compter de la date d’adoption de la présente résolution, une force multinationale de stabilisation (EUFOR ALTHEA) succédant juridiquement à la SFOR avec une structure de commandement et de direction des opérations unifiée, qui remplira ses missions liées à la mise en œuvre des dispositions des annexes 1-A et 2 de l’Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine et de ses annexes (appelés collectivement Accord de paix, S/1995/999, annexe) en coopération avec le quartier général de l’OTAN sur place, conformément aux arrangements qui ont été conclus entre l’OTAN et l’Union européenne et qui lui ont été communiqués par ces deux institutions dans leurs lettres du 19 novembre 2004, par lesquelles elles conviennent que l’EUFOR ALTHEA jouera le rôle principal dans la stabilisation de la paix s’agissant des aspects militaires de l’Accord de paix;

      2.    Décide de renouveler l’autorisation qu’il a accordée au paragraphe 11 de sa résolution 2183 (2014) pour une nouvelle période de douze mois à compter de la date d’adoption de la présente résolution;

      3.    Autorise les États Membres à prendre, agissant en vertu des paragraphes 1 et 2 ci-dessus, toutes les mesures nécessaires pour faire appliquer et respecter les annexes 1-A et 2 de l’Accord de paix, et souligne que les parties continuent de répondre à égalité de l’observation des dispositions de ces annexes et qu’elles encourent à égalité les mesures coercitives que l’EUFOR ALTHEA et la présence de l’OTAN pourraient juger nécessaires pour assurer l’application des annexes en question et leur propre protection;

      4.    Autorise également les États Membres à prendre, à la demande de l’EUFOR ALTHEA ou du quartier général de l’OTAN, toute mesure nécessaire pour défendre l’EUFOR ALTHEA ou la présence de l’OTAN et pour aider ces deux entités à remplir leur mission, et reconnaît à l’une comme à l’autre le droit de prendre toute mesure de protection nécessaire en cas d’attaque ou de menace;

      5.    Autorise en outre les États Membres, agissant en vertu des paragraphes 1 et 2 ci-dessus et conformément à l’annexe 1-A de l’Accord de paix, à prendre toute mesure nécessaire afin de faire respecter les règles de fond et de procédure organisant la maîtrise de l’espace aérien de la Bosnie-Herzégovine pour l’aviation civile et militaire;

      6.    Décide de rester saisi de la question.

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