L’implication présumée de troupes de la République populaire démocratique de Corée dans le conflit russo-ukrainien inquiète le Conseil de sécurité
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Cet après-midi, le Conseil de sécurité s’est réuni pour une réunion d’information ayant pour objet l’implication présumée de troupes de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) dans le conflit opposant l’Ukraine à la Fédération de Russie. Elle a été demandée par l’Ukraine, avec le soutien de plusieurs membres du Conseil, dont la France, le Japon, Malte, la Slovénie, la République de Corée, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Les Nations Unies ne disposent encore d’aucun détail sur ces développements, qu’elles ne sont donc pas en mesure de vérifier ou de confirmer, a d’emblée indiqué M. Miroslav Jenča, Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques: « nos connaissances sur ce sujet se fondent donc uniquement sur des informations accessibles au public », à savoir des sources médiatiques et des déclarations de responsables d’États Membres.
Si l’ONU déclare ne pas disposer de preuve à ce jour, plusieurs délégations ont déclaré détenir « des informations suffisantes » selon lesquelles des soldats de la RPDC ont été envoyés en Russie et « ont participé à un entraînement militaire, en violation flagrante des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité », selon le Japon. Les États-Unis ont dit détenir des renseignements indiquant que ces militaires ont commencé à arriver dans la partie occidentale de la Russie: « nous pensons que 10 000 soldats nord-coréens ont été envoyés pour se former et pour venir sans doute grossir les rangs de l’armée russe en Ukraine dans les semaines à venir ».
L’Ukraine elle-même a cité ses services de renseignement qui anticipent une entrée des troupes de la RPDC déjà stationnées en Russie dès le mois prochain, pour une confrontation directe avec les forces ukrainiennes. « Pour dissimuler leur présence, les militaires de la RPDC sont censés porter des uniformes russes, utiliser des armes légères russes et des documents d’identité russes. Les militaires de la RPDC sont censés être intégrés dans les unités russes, composées de représentants des minorités ethniques de la partie asiatique de la Russie », a précisé l’Ukraine, qui estime le nombre de ces soldats à 12 000.
Certains membres permanents du Conseil ont interprété ces développements comme un signe: celui « de la faiblesse de l’agresseur russe », pour la France; celui « d’immenses pertes » et « d’un Kremlin désespéré », pour les États-Unis.
Le déploiement présumé de troupes de la RPDC sur le territoire russe intervient après que les deux pays ont signé un traité de partenariat stratégique global le 19 juin, ratifié plus tard par la Chambre basse du Parlement russe le 24 octobre, a précisé M. Jenča. Qualifié de « mutuellement bénéfique », de « transparent » et de « respectueux du droit international » par la Russie cet après-midi, ce traité prévoit entre autres que dans le cas où l’une des deux parties est mise en état de guerre par une invasion armée d’un ou de plusieurs États, l’autre partie fournira une assistance militaire avec tous les moyens en sa possession.
Certains membres du Conseil ont souligné la gravité du déploiement présumé de troupes de la RPDC dans la région russe de Koursk, le Royaume-Uni évoquant le nombre de 10 000 soldats déployés dans cette zone. Un tel développement constitue à leur avis une escalade significative du conflit, susceptible de déstabiliser les régions euro-atlantique et indo-pacifique.
Des membres ont plus précisément craint une aggravation des tensions dans la péninsule coréenne, déjà nettement en hausse ces derniers mois. Cela « change la dynamique géopolitique de la région », s’est ainsi alarmée la République de Corée. L’envoi de troupes au combat permettra à la RPDC de « s’exercer à la guerre » pour la première fois depuis la guerre de Corée, a fait valoir la délégation sud-coréenne en notant aussi que le « régime nord-coréen » recevra en compensation des technologies avancées utiles pour la poursuite de ses objectifs militaires. Le Royaume-Uni est même allé plus loin dans cette logique, en prévenant qu’une RPDC dotée d’une technologie militaire améliorée et d’une capacité accrue d’exportation d’armes pourrait alimenter l’instabilité dans les zones de conflit du « monde entier ».
La « complicité » de la RPDC dans l’agression non provoquée de l’Ukraine par la Russie ne fera qu’aggraver la situation en Ukraine, a estimé le Japon. La République de Corée s’est de plus émue des risques pris par les soldats de la RPDC qui, en apparaissant comme des cibles militaires légitimes, pourraient connaître « un triste sort » en devenant « de la véritable chair à canon ». Pour éviter toute escalade de la situation, plusieurs membres comme Malte, le Mozambique ou les A3+ (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana) ont souligné la nécessité urgente pour les parties concernées de parvenir à un règlement pacifique du conflit.
Avant cela, le respect des résolutions du Conseil de sécurité, et donc des sanctions qu’il a décidées, a été demandé. M. Jenča a réitéré la position de l’ONU selon laquelle toute relation qu’un pays entretient avec la RPDC doit entièrement respecter les sanctions applicables. Plusieurs délégations ont à leur tour souligné que toute coopération militaire entre la RPDC et la Russie doit respecter le droit international et les résolutions pertinentes du Conseil.
La Russie a énergiquement réagi aux affirmations des délégations, qu’elle a qualifiées de « mensonges des Occidentaux pour dénigrer l’armée russe ». Elle a protesté en rétorquant que sa coopération avec Pyongyang était pleinement conforme au droit international. La RPDC est un « bon voisin », un partenaire proche avec qui la coopération militaire est « transparente », « dans le respect du droit international », a assuré le délégué russe. Il a estimé que la RPDC « ne représente une menace pour qui que ce soit ». Cette collaboration va se poursuivre, « personne ne peut nous l’interdire », a martelé le représentant.
De son point de vue, ces attaques « creuses », « fallacieuses », émises « sans l’ombre d’une preuve » visent plutôt à justifier une intensification de la coopération trilatérale entre la République de Corée, l’Ukraine et l’OTAN. Le délégué a en effet évoqué des « mercenaires étrangers » polonais, américains et britanniques ayant aidé l’Ukraine à piller la région de Koursk, en Russie. Sans cette fourniture de troupes et d’armes létales, le « dictateur à la tête de l’Ukraine » ne pourrait pas faire la guerre, a-t-il décrété. Il a aussi invité la République de Corée à ne pas soutenir militairement l’Ukraine comme l’y poussent « les forces occidentales ». Le représentant russe a dit espérer que Séoul aurait « la sagesse de ne pas participer à ce petit jeu ».
M. Jenča a exhorté tous les acteurs concernés à « s’abstenir de toute mesure susceptible d’entraîner un débordement et une intensification de la guerre en Ukraine ». Il a aussi rappelé l’importance des résolutions du Conseil de sécurité sur la RPDC. « La question est de savoir si la présence signalée de troupes de la RPDC en Russie pourrait entrer dans le champ d’application de ces résolutions. Il appartient au Conseil de sécurité de la trancher », a-t-il conclu.
Le Conseil de sécurité se réunira à nouveau demain, jeudi 31 octobre, à la demande de la Russie, pour discuter à nouveau de l’Ukraine sous l’angle des armes occidentales fournies au pays. Une convocation vivement critiquée par l’Union européenne qui y a vu une tentative de plus de la Russie de détourner l’attention de son agression contre l’Ukraine. Il s’agit d’un abus du système des Nations Unies, s’est insurgée la délégation.
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MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE
Exposé
M. MIROSLAV JENČA, Sous-Secrétaire général des Nations Unies pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, a d’abord rappelé que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) a confirmé que, parmi les civils, près de 12 000, dont des centaines d’enfants, ont été tués depuis février 2024, et près de 26 000 ont été blessés. Des millions de personnes restent déplacées et ont besoin d’une aide humanitaire vitale, a-t-il ajouté, avant de parler de millions d’autres qui restent sous la menace d’un nouveau déplacement en raison des attaques russes généralisées, en particulier dans l’est et le sud du pays.
L’ONU, a-t-il poursuivi, suit avec une vive inquiétude les récents rapports faisant état du déploiement de personnel militaire de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) en Fédération de Russie, y compris leur éventuel déploiement dans la zone de conflit. Le haut fonctionnaire a indiqué que les Nations Unies ne disposent d’aucun détail supplémentaire sur ces développements qu’elles ne sont donc pas en mesure de vérifier ou de confirmer. « Nos connaissances sur ce sujet se fondent donc uniquement sur des informations accessibles au public. » Selon les rapports des médias et les déclarations de responsables d’États Membres, des troupes de la RPDC seraient arrivées en Fédération de Russie. Les estimations de leurs effectifs varient considérablement.
Les informations faisant état de la présence de troupes de la RPDC en Russie font suite à la signature, le 19 juin 2024 à Pyongyang, du « Traité de partenariat stratégique global entre la Fédération de Russie et la République populaire démocratique de Corée », qui semble prévoir une coopération sur les questions de sécurité et de défense, entre autres. Ce traité a été ratifié par la chambre basse du Parlement russe le 24 octobre et la chambre haute devrait lui emboîter le pas, a indiqué M. Jenča.
De plus, a-t-il informé, les déploiements présumés de troupes font également suite à des informations antérieures selon lesquelles la RPDC aurait transféré des fournitures militaires à la Russie, notamment des missiles balistiques et des obus d’artillerie, en vue d’une éventuelle utilisation dans le cadre de ses opérations militaires en Ukraine.
M. Jenča a exhorté tous les acteurs concernés à « s’abstenir de toute mesure susceptible d’entraîner un débordement et une intensification de la guerre en Ukraine ». Il a aussi rappelé les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité sur la RPDC. « La question est de savoir si la présence signalée de troupes de la RPDC en Russie pourrait entrer dans le champ d’application de ces résolutions. Il appartient au Conseil de sécurité de la trancher », a-t-il conclu.