République centrafricaine: le Conseil de sécurité examine la situation du pays après l’adoption d’un plan de développement et avant des élections locales
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La Représentante spéciale du Secrétaire général pour la République centrafricaine (RCA), qui est à la tête de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation dans ce pays (MINUSCA), a indiqué, ce matin devant le Conseil de sécurité, que « l’achèvement du prochain cycle électoral 2025-2026 est primordial pour renforcer la stabilité institutionnelle ». Un avis partagé par la plupart des intervenants qui ont invité la MINUSCA à accompagner ce processus électoral comme il se doit, dans l’espoir de voir les Centrafricains élire leurs représentants locaux pour la première fois en près de 40 ans.
Mme Valentine Rugwabiza, qui intervenait par visioconférence, a présenté le dernier rapport du Secrétaire général sur la République centrafricaine, informant le Conseil des récents développements politiques et sécuritaires, ainsi que des principales réalisations de la MINUSCA dans la mise en œuvre de son mandat qui arrive à échéance le mois prochain. Elle a rappelé que les élections locales offrent une occasion unique de renforcer la gouvernance au niveau décentralisé. C’est pourquoi le Gouvernement, la MINUSCA et l’équipe de pays des Nations Unies ont renforcé leur collaboration pour mobiliser une large participation des groupes marginalisés, en particulier les femmes et les personnes déplacées. C’est ainsi que 30 000 certificats de naissance leur ont été délivrés, leur permettant de s’inscrire sur les listes électorales.
Ces élections locales sont cruciales pour la RCA, a reconnu le représentant du pays qui a espéré voir se mobiliser les partenaires et amis de la République centrafricaine. Alors que le Président de la formation République centrafricaine de la Commission de consolidation de la paix, M. Omar Hilale (Maroc), a appelé les partenaires du pays à soutenir le fonds commun du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) dédié à ces élections, la France a dit prévoir une contribution à hauteur de 2 millions d’euros à ce fonds.
Pour que ces élections soient transparentes et permettent la pleine participation des réfugiés, des déplacés, des rapatriés et des minorités ethniques, le Royaume-Uni a encouragé la MINUSCA à travailler à cette fin en étroite collaboration avec le Gouvernement centrafricain. Renforcer l’assistance électorale a également été le souci des A3+ (Algérie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone) qui, par la voix de l’Algérie, y ont appelé la MINUSCA et les partenaires de la République centrafricaine. Les A3+ ont ajouté à cette exigence celle de veiller au respect des droits humains, élément essentiel pour parvenir à une paix durable. La situation des droits de l’homme dans le pays doit être abordée parallèlement aux processus de paix et politiques, ont-ils insisté.
L’état de droit, l’inclusivité et la bonne gouvernance sont d’ailleurs au cœur des objectifs prévus par le Plan national de développement sur cinq ans, adopté en septembre 2024 par le pays, qui a été salué par les hauts fonctionnaires et les membres du Conseil. Ce plan de 12,8 milliards de dollars ambitionne d’apporter une transformation structurelle de l’économie, de bâtir un pays prospère disposant d’un capital humain de qualité et des infrastructures résilientes et durables, a expliqué le représentant centrafricain.
Le niveau de financement du Plan de réponse humanitaire a toutefois suscité des inquiétudes chez les A3+, qui ont exhorté les partenaires internationaux à fournir un plus grand soutien financier. Ils ont également dit leurs préoccupations face à la porosité des frontières de la République centrafricaine depuis plusieurs années. Ils ont en effet regretté que cela facilite la libre circulation des groupes armés et le trafic illicite d’armes dans les zones frontalières. Cette porosité constitue une menace pour la stabilité non seulement du pays, mais de l’ensemble de la région, ont renchéri la France et d’autres membres du Conseil.
C’est fort de ce constat, a expliqué la Représentante spéciale, qu’a été lancée, le 8 août dernier, la construction du premier poste frontière multiservices, à Bembéré, une localité frontalière du Tchad. Ce projet phare permettra une meilleure gestion des mouvements de biens et de personnes, contribuant ainsi au renforcement de la sécurité et de la stabilité régionales.
Mme Rugwabiza a également signalé que la MINUSCA avait intensifié son soutien multiforme aux mécanismes préfectoraux de mise en œuvre, qui se sont révélés essentiels pour favoriser la cohésion sociale, alerter sur les conflits émergents et renforcer la prévention des conflits. M. Hilale a d’ailleurs souligné l’importance d’investir dans les capacités des autorités pour assurer la sécurité, maintenir l’ordre et rétablir l’autorité de l’État, en particulier dans les zones reculées. Il a également insisté sur l’accès à la justice pour tous et la lutte contre l’impunité, notamment pour les crimes graves commis pendant les conflits.
Dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation, la Représentante spéciale a annoncé que la dissolution de six groupes armés et de trois factions de groupes armés signataires est restée effective et a abouti au désarmement et à la démobilisation de leurs combattants, avec l’intégration de certains dans les forces armées nationales. La Suisse a invité les autorités à s’engager pleinement dans le processus de désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration (DDRR). Certaines délégations ont en effet émis des réserves sur les écarts entre les mesures gouvernementales et la feuille de route arrêtée pour le processus de DDRR.
Le représentant de la République centrafricaine a répondu à ces observations en faisant valoir que la réalité du terrain veut que les autorités locales retirent les armes aux combattants qui viennent les déposer au lieu d’attendre qu’une commission technique ne fasse le déplacement in situ. Par ailleurs, il s’est félicité de la visite à Bangui de l’équipe du Processus de Kimberley, disant s’attendre à la levée totale de l’embargo sur ses diamants, source de revenu importante pour le pays.
Le délégué a dit compter également sur la diligence de la MINUSCA afin que les fournisseurs locaux bénéficient de contrats onusiens, conformément à l’accord sur le statut des forces. La République centrafricaine se réserve dorénavant le droit d’interdire l’entrée sur son territoire des marchandises ou des biens et services qui contreviendraient audit accord, ou à défaut, de les taxer, a averti le représentant.
À ce sujet, la Cheffe de la Mission s’est inquiétée d’un environnement opérationnel de plus en plus difficile pour la MINUSCA, qui résulte d’un changement dans la politique nationale d’importation de carburant. Cela perturbe en effet l’approvisionnement en carburant de la Mission. Quant au mandat de celle-ci, la Représentante spéciale a appelé le Conseil de sécurité à le proroger d’une année supplémentaire, soit jusqu’au 15 novembre 2025, tout en mettant à disposition des ressources proportionnées et opportunes pour son exécution.
Au moment de cette prorogation, il faudra prendre en compte l’opinion de la République centrafricaine sur les paramètres du mandat, a demandé la Fédération de Russie. Une exigence aussi du pays concerné, qui s’est étonné de ne pas avoir encore connaissance du rapport d’évaluation de la Mission, alors que l’on est à trois semaines de la fin du mandat. « Peut-être qu’il serait temps de le partager avec nous », s’est impatienté le délégué. « Ce rapport est important pour nous dans la formalisation de notre position et nous espérons qu’il sera mis à disposition rapidement dans notre langue de travail. »
Les États-Unis ont pour leur part insisté sur la nécessité, pour la MINUSCA, de maintenir une politique de tolérance zéro face aux abus sexuels, rappelant que les responsables doivent rendre des comptes et que les victimes doivent avoir accès à un soutien complet. Les États-Unis ont également exprimé leurs inquiétudes concernant des acteurs soutenus par le Kremlin, soupçonnés de piller les ressources de la République centrafricaine et de compromettre la sécurité du pays.
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LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE (S/2024/730)
Exposés
Mme VALENTINE RUGWABIZA, Représentante spéciale du Secrétaire général pour la République centrafricaine (RCA) et Cheffe de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation dans ce pays (MINUSCA), a commencé par annoncer que la dissolution de six groupes armés et de trois factions de groupes armés signataires de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation est restée effective et a abouti au désarmement et à la démobilisation de leurs combattants, avec l’intégration de certains dans les forces armées nationales. Cependant, il reste essentiel de renforcer la mise en œuvre des activités de réintégration socioéconomique pour une transition réussie et durable des ex-combattants au sein de leurs communautés respectives. Les échanges entre le Gouvernement et les groupes armés actifs se sont poursuivis en vue de leur retour à l’Accord politique. De même, la décision prise par le Mouvement patriotique pour la Centrafrique de se retirer de la Coalition des patriotes pour le changement et de renoncer à la lutte armée a été accueillie positivement par le Gouvernement de la RCA et a conduit à des engagements directs pour un processus de désarmement de leurs combattants. La haute fonctionnaire a appelé les organisations régionales et sous-régionales, en particulier les garants de l’Accord politique et les médiateurs de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), à soutenir davantage la dynamique politique en cours en facilitant le dialogue entre le Gouvernement et les chefs des groupes armés qui ont exprimé leur volonté de renoncer à la violence et de revenir à l’Accord politique et à la feuille de route de Luanda.
La Représentante spéciale a indiqué que la MINUSCA a intensifié son soutien aux mécanismes préfectoraux de mise en œuvre qui se sont révélés essentiels pour favoriser la cohésion sociale, alerter sur les conflits émergents et renforcer la prévention des conflits. En outre, le 8 août, le Ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et du développement local, le Ministre de l’intérieur et de la sécurité publique et Mme Rugwabiza ont procédé au lancement de la construction du premier poste frontière multiservices de la RCA à Bembéré, localité à la frontière avec le Tchad. Ce projet phare permettra une meilleure gestion des mouvements de biens et de personnes, contribuant ainsi au renforcement de la sécurité et de la stabilité régionales, a-t-elle expliqué.
Par ailleurs, les préparatifs des élections locales ont continué à progresser avec la promulgation du code électoral le 2 juillet. Alors que les Centrafricains pourront élire leurs représentants locaux pour la première fois après presque 40 ans, le Gouvernement, la MINUSCA et l’équipe de pays des Nations Unies ont renforcé leur collaboration pour mobiliser une large participation des groupes marginalisés en tant qu’électeurs et candidats, en particulier les femmes et les personnes déplacées. Par conséquent, 30 000 certificats de naissance ont été délivrés aux groupes vulnérables afin qu’ils puissent s’inscrire comme électeurs pour les élections générales prévues en 2025. Dans ce contexte, l’achèvement du prochain cycle électoral 2025-2026 est primordial pour renforcer la stabilité institutionnelle et nécessite l’assistance multidimensionnelle essentielle de la MINUSCA, a-t-elle expliqué.
Dans le même temps, la MINUSCA a continué d’étendre sa présence dans les points chauds où elle n’avait jamais été présente, en appui à l’extension de l’autorité de l’État, a relevé Mme Rugwabiza. C’est ainsi que l’intervention de la MINUSCA dans le Haut-Mbomou, en étroite synergie avec le Gouvernement, a conduit au retour de 2 000 réfugiés centrafricains du Soudan du Sud, ces derniers bénéficiant d’un environnement sécuritaire amélioré et d’un meilleur accès aux services de base. La MINUSCA continue de faire des progrès significatifs dans son soutien au rétablissement de l’autorité de l’État dans tout le pays, a poursuivi la Représentante spéciale. Au cours de la période considérée, elle a fourni un soutien logistique au déploiement de 3 gouverneurs, 14 préfets et 62 sous-préfets, tout en renforçant les capacités de plus de 2 448 fonctionnaires en vue d’améliorer la prestation des services de base. La Cheffe de la Mission a néanmoins déploré un environnement opérationnel de plus en plus difficile, résultant d’un changement dans la politique nationale d’importation de carburant, ce qui perturbe l’approvisionnement de la MINUSCA. Malgré des efforts notables et des réalisations importantes, le risque d’un retour en arrière demeure, a-t-elle mis en garde. Les progrès tangibles obtenus en étroite collaboration avec le Gouvernement centrafricain nécessitent désormais une expansion et une consolidation et le rôle de la MINUSCA reste essentiel, a-t-elle argué. Elle a terminé en appelant le Conseil de sécurité à proroger le mandat de la MINUSCA d’une année supplémentaire, jusqu’au 15 novembre 2025, tout en mettant à disposition des ressources proportionnées et opportunes pour sa mise en œuvre.
M. OMAR HILALE, Président de la formation République centrafricaine de la Commission de consolidation de la paix (CCP), a d’abord salué l’adoption en septembre 2024, sous le leadership du Président Faustin Archange Touadéra, du nouveau Plan national de développement (PND) qui vise à transformer la République centrafricaine en la sortant d’une crise prolongée et d’une dépendance à l’aide humanitaire, dans le but de la diriger vers le relèvement et le développement durable.
Ainsi, a souligné M. Hilale, ce plan ne se limite pas à la croissance économique, mais promeut également un dialogue inclusif, un renforcement des institutions, un accès à la justice et un développement économique équitable. Il a précisé que la paix ne peut être atteinte que par le dialogue et la compréhension mutuelle, en insistant sur la mise en place de plateformes de dialogue incluant les groupes armés, le Gouvernement, la société civile et les communautés locales. Il a également mis en avant des programmes de réconciliation visant à favoriser la cohésion sociale.
Concernant le renforcement des institutions, le Président a souligné l’importance d’investir dans les capacités des autorités pour assurer la sécurité, maintenir l’ordre et rétablir l’autorité de l’État, en particulier dans les zones reculées. Il a également insisté sur l’accès à la justice pour tous et la lutte contre l’impunité, notamment pour les crimes graves commis pendant les conflits. Il a applaudi les efforts visant à renforcer l’état de droit, en particulier les mécanismes d’accès à la justice.
Sur le plan économique, M. Hilale a exprimé son soutien aux initiatives inclusives du PND, qui prévoient des investissements dans les infrastructures, les transports et l’énergie pour stimuler l’économie locale, encourager l’entrepreneuriat, créer des emplois et réduire les motivations à la violence. Il a mis en avant l’importance de l’inclusion des citoyens dans le développement du pays, en soulignant le rôle des organisations de la société civile dans la promotion de la paix, de la démocratie et des droits humains.
En ce qui concerne les prochaines élections locales prévues pour 2025, le Président a noté qu’elles représentent une opportunité unique pour renforcer la gouvernance locale et promouvoir la décentralisation en République centrafricaine. Il a insisté sur l’importance d’élections locales transparentes et responsables, en soulignant que celles-ci permettraient de renforcer la démocratie locale, d’encourager la participation citoyenne, de garantir la transparence dans la gestion des ressources publiques, de permettre l’alignement des projets sur les besoins locaux et enfin de faciliter des partenariats entre les autorités locales, les ONG et les acteurs privés.
Enfin, M. Hilale a rappelé l’importance du soutien international, notamment financier, pour garantir la tenue des élections dans les délais prévus. Il a appelé les partenaires de la République centrafricaine (RCA) à soutenir le fonds commun du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) dédié à ces élections. La formation République centrafricaine de la Commission de consolidation de la paix (CCP), selon lui, jouera un rôle crucial dans la mobilisation des ressources, la coordination des efforts internationaux et le suivi des progrès réalisés.
Pour conclure, le Président a rappelé que bien que la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) reste un partenaire clef dans les efforts de consolidation de la paix en RCA, elle n’a pas vocation à durer indéfiniment. C’est pourquoi, a-t-il ajouté, la communauté internationale doit intensifier son soutien à la RCA pour préserver les acquis durement obtenus grâce à la MINUSCA.