9736e séance – matin
CS/15839

Conseil de sécurité: la société civile congolaise appelle à « écouter les cris de détresse » de la population de l’est de la RDC

(Le résumé complet de la réunion sera disponible ultérieurement.)

Le Conseil de sécurité examine, ce matin, la situation en République démocratique du Congo en accordant une attention particulière à la question des sanctions.

Il entendra à cette occasion les exposés de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la République démocratique du Congo, Mme Bintou Keïta; d’une responsable du Fonds pour les Femmes Congolaises, et du Président du Comité de sanctions 1533.

 

« La communauté internationale a intérêt à écouter les cris de détresse 

de la population vivant dans la partie est de la RDC en état de désespoir indescriptible. »

(Thérèse Nzale-Kove - Fonds pour les Femmes Congolaises)

La représentante de la société civile a insisté sur la nécessité d’une protection accrue des civils pendant et après le retrait de la MONUSCO, soulignant l’importance d’évaluer les systèmes de protection des droits humains ainsi que les inégalités sociales, particulièrement dans les provinces quittées par la mission onusienne. Elle a également plaidé pour l’implication des organisations féminines dans ce processus afin de garantir la continuité des efforts de protection des civils. 

 

« La paix n’est pas gagnée, mais il existe aujourd’hui 

un cadre actif de dialogue entre la RDC et le Rwanda. »

(Bintou Keïta, Représentante spéciale du Secrétaire général 

pour la République démocratique du Congo)

La haute fonctionnaire a cependant signalé que malgré certains progrès, des défis considérables demeurent, précisant que ces derniers mois, la compétition autour de l’exploitation et du commerce des ressources naturelles a exacerbé les dynamiques du conflit dans l’est de la RDC.

LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO (S/2024/689)

Exposé

Mme BINTOU KEITA, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), présentant le rapport S/2024/689 du Secrétaire général, a salué l’instauration conjointe, le 30 juillet dernier, d’un cessez-le-feu par le Rwanda et la RDC, cela à l’initiative de l’Angola.  Elle s’est félicitée de ce que, outre la poursuite des discussions au titre du processus de Luanda, l’existence de ce cadre actif de dialogue, d’une médiation tout à fait proactive et investie, d’un instrument opérationnel donnent enfin une perspective réelle de paix en RDC.

Après avoir salué l’adoption de la résolution 2746 (2024) autorisant la MONUSCO à soutenir l’action sécuritaire de la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en RDC, Mme Keita a noté qu’à ce stade, les bailleurs de fonds ont versé 1 milliard de dollars d’aide humanitaire pour l’est du pays, ce qui, a-t-elle dit, « permet de sauver des millions de vie ».  Néanmoins, le niveau record de financement anticipé pour cette année sera insuffisant, puisque ce sont près de 2,6 milliards de dollars qui demeurent nécessaires pour venir en aide à près de 9 millions de personnes dans le besoin. 

La Représentante spéciale a ensuite mis l’accent sur l’état de la situation sécuritaire en Ituri, où l’intensification des violences des groupes armés est due pour l’essentiel à leurs opérations visant la prise de contrôle des zones d’exploitation minières.  Ces groupes armés sont devenus plus forts d’un point de vue militaire et financier depuis sa dernière intervention devant ce Conseil, a concédé Mme Keita. Elle a souligné que l’élimination de la menace posée par les ADF en Ituri reste une priorité de la MONUSCO, ce groupe armée ayant intensifié ses attaques contre les civils au cours des derniers mois, exploitant le vide sécuritaire laissé par le déploiement des forces congolais qui luttent contre le M23. 

La Cheffe de la MONUSCO a également évoqué la situation sanitaire en RDC, épicentre mondial de l’épidémie de variole simienne.  Les personnes déplacées trouvent abri dans des camps surpeuplés, propices à la transmission du virus, a-t-elle dit, appelant les pays à fournir en vaccins et seringues le Gouvernement, à l’image de ce que font le Japon et le Royaume-Uni. 

Après avoir évoqué les préoccupations au sujet du rétrécissement de l’espace démocratique dans le pays, Mme Keita est revenue sur un autre « fléau », celui des détenus parqués dans des prisons surpeuplée. Elle a ainsi rappelé que le 2 septembre, des milliers de prisonniers ont tenté de s’évader de la prison centrale de Kinshasa, cette tentative de masse s’étant soldée par la mort de 250 prisonniers et de nombreuses agressions de femmes incarcérées. Elle a appelé le Gouvernement et ses partenaires à créer un environnement propice à la restauration urgente de la cohésion nationale, un antidote selon elle à l’instabilité, laquelle profite à ceux qui appellent à la rébellion armée.  Sur cet autre fléau que sont les violences sexuelles, Mme Keita a rappelé, qu’en 2024, 61 000 victimes ont été traitées par des partenaires humanitaires de la Mission, et que les violences sexuelles et de genre font 1 victime toutes les 4 minutes, « soit plus de 20 d’ici la fin de cette séance ».  Aussi a-t-elle demandé au Conseil de sécurité et à la communauté internationale de tout faire pour mettre fin au drame des violences sexuelles en RDC, dans le but d’atténuer les inévitables traumatismes qui risquent de grever l’ensemble du tissu social du pays pendant des décennies. 

Enfin, Mme Keita a indiqué que la Mission et le Gouvernement de la RDC sont à l’œuvre pour définir les modalités de mise en œuvre des prochaines étapes du désengagement de la Mission.  Ce travail, qui s’intensifiera dans les semaines à venir, visera à assurer que les principales leçons apprises du désengagement du Sud-Kivu ont été retenues, a-t-elle conclu. 

Mme THÉRÈZE NZALE-KOVE, chargée de programme au Fonds pour les Femmes Congolaises (FFC), qui apporte un appui financier et technique aux organisations locales de promotion des droits de la femme, a exposé la situation « désastreuse » des femmes et des filles en République démocratique du Congo (RDC) et particulièrement dans sa partie Est.  Il y a, a-t-elle d’abord indiqué, plus de 7,3 millions de déplacés internes en RDC, dont 94% sont concentrés dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Tanganyika.  Or, le plan de réponse humanitaire n’est financé qu’à 37%, ce qui limite gravement les possibilités d’actions.

Les violences sexuelles et sexistes ont pris une ampleur inquiétante, a fait observer Mme Nzale-Kove. Plus de 90 000 cas de violences sexuelles ont été recensés en une année, violences incluant le viol, la torture, le mariage forcé et l’esclavage sexuel, a détaillé la militante, citant comme exemple le cas de 268 femmes et filles violées collectivement à la prison de Makala, à Kinshasa. 

Cette violence est aggravée par le fait que les survivantes ont le plus grand mal à accéder aux services essentiels, en raison de la stigmatisation et du manque de ressources du système de santé.  En outre, des milliers d’enfants déplacés n’ont pas accès à l’éducation, et plus de 3 700 violations graves à leur encontre, telles que des meurtres et des recrutements dans des groupes armés, ont été signalées.

Concernant la participation des femmes aux processus de paix, l’intervenante a noté que leur impact est visible, malgré une reconnaissance insuffisante.  Elle a cité comme exemple d’action concrète le groupe de réflexion « Synergie des femmes pour la paix et la sécurité », constitué sur l’initiative du FFC.  Cependant, leur rôle reste marginal dans les négociations de paix, malgré la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité.

« La communauté internationale a intérêt à écouter les cris de détresse de la population vivant dans la partie Est de la RDC en état de désespoir indescriptible », a poursuivi Mme Nzale-Kove en insistant sur la nécessité d’une protection accrue des civils pendant et après le retrait de la MONUSCO.  Elle a souligné l’importance d’évaluer les systèmes de protection des droits humains ainsi que les inégalités sociales, particulièrement dans les provinces quittées par la mission onusienne.  Elle a plaidé pour l’implication des organisations féminines dans ce processus afin de garantir la continuité des efforts de protection des civils.

Pour conclure, elle a appelé à des mesures contraignantes à l’égard de toutes les parties au conflit armé en RDC et à l’accélération de la mise en œuvre intégrale de la feuille de route de Luanda.  Elle a demandé que soient prises des actions concrètes avec le Gouvernement congolais pour contrer le fléau des violences sexuelles et sexistes.  Enfin, elle a exhorté la MONUSCO et le Gouvernement de la RDC à consulter régulièrement et de manière significative les organisations féminines de la société civile, à tous les stades de la transition.  « La protection des femmes et des enfants n’est pas négociable » a-t-elle finalement lancé.

(à suivre)

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.