En cours au Siège de l'ONU

9735e séance – matin
CS/15838

Haïti: le Conseil de sécurité proroge d’un an le mandat de la Mission multinationale d’appui à la sécurité mais se divise sur sa transformation en une mission de la paix

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, 
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Le Conseil de sécurité a décidé, ce matin, de proroger jusqu’au 2 octobre 2025 le mandat confié à la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) en Haïti, suite à l’adoption à l’unanimité de la résolution 2751 (2024).  Mandatée par la résolution 2699 (2023), la MMAS a pour objectif de créer les conditions de sécurité propices à la tenue d’élections présidentielle et législatives libres et régulières, dans le cadre d’un processus politique dirigé et contrôlé par les Haïtiens.

Après le vote, les États-Unis et l’Équateur, coauteurs du texte, ont remercié le Kenya et la Communauté des Caraïbes (CARICOM) de leur engagement envers le texte ainsi que les membres du Conseil pour leur soutien à la prorogation du mandat de la MMAS.  « Grâce au déploiement de cette mission, qui constitue un jalon pour la reconstruction de la paix en Haïti, nous avons, en quelques mois à peine, bon espoir de voir les forces de police haïtiennes reprendre le contrôle sur les bandes organisées », a déclaré l’Équateur. 

Si l’adoption de cette résolution réaffirme la volonté de trouver des solutions durables pour traiter des causes profondes de la crise, elle ne constitue pas une solution en soi et il reste énormément de travail pour rétablir la sécurité, a néanmoins souligné le délégué équatorien.  À ce titre, il a appelé à définir une stratégie à long terme, à l’instar des représentants de la République de Corée, du Japon et du Royaume-Uni qui se sont dits prêts à réfléchir aux différentes options quant à l’avenir de la Mission. 

Reconnaissant elle aussi qu’il restait énormément à accomplir en dépit des récentes réalisations, la représentante des États-Unis a estimé que la transformation de la Mission en une mission de la paix permettrait de la renforcer sur les plans financier et logistique.  Il s’agit d’une opportunité de rétablir l’image des missions de la paix et, selon les propos de son homologue maltaise, de faire de la MMAS « un exemple robuste de solidarité internationale ».  Rappelant qu’il s’agit d’une demande initialement exprimée par Haïti, la France a également appelé à mener une réflexion sur cette possible transformation. 

Bien qu’elles soutiennent l’augmentation des capacités de la Mission, la Chine et la Fédération de Russie n’ont pas manqué d’exprimer leurs réserves sur sa potentielle transformation en une mission de la paix.  Si le représentant de la Chine a rappelé les « enseignements lourds de conséquences » d’une présence internationale et de la mise en place de missions externes dans certains pays, le délégué russe a estimé « prématuré » de discuter de ce sujet tant que la criminalité et la « contrebande d’armes américaines » se poursuivent.  Appelant à mieux contrôler les flux d’armes, les deux délégations ont émis le souhait que les futures élections se déroulent dans les meilleures conditions possibles, le représentant de la Russie sommant, au passage, le Conseil de se concentrer sur cet objectif. 

Pour Haïti en revanche, la transformation de la MMAS en une mission de la paix est « non seulement nécessaire mais surtout urgente ».  Une telle transformation permettrait de mobiliser plus de ressources financières et d’apports matériels essentiels pour répondre à l’ampleur de la crise, a argumenté le représentant haïtien, insistant sur l’insécurité toujours omniprésente et les multiples défis économiques posés par les groupes armés qui continuent de se procurer des armes au travers de voies illicites. 

« Rien que durant le premier semestre de cette année, l’ONU a enregistré 3 600 homicides, une augmentation de 74% par rapport à l’année dernière », a signalé le délégué haïtien qui s’est dit convaincu de la capacité du peuple haïtien à sortir de cette crise à condition que la communité internationale continue à le soutenir avec la même détermination et les ressources adéquates: « Ensemble, nous pouvons construire un pays plus sûr et plus prospère ».  Un optimisme partagé par le Kenya qui a souligné les progrès notables réalisés par la MMAS en matière de sécurisation des infrastructures stratégiques tout en rappelant la nécessité d’augmenter les ressources logistiques de la Mission via les contributions volontaires des États Membres. 

En dépit des divergences sur le statut futur de la Mission, plusieurs délégations, dont celles de la Slovénie et du Guyana, qui s’exprimait au nom des A3+ (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana), ont, elles aussi, insisté sur la nécessité d’engranger davantage de financements.  Il faut encourager les États Membres à soutenir la Mission financièrement et le Conseil à utiliser tous les outils à sa disposition afin d’aider la MMAS à préparer le terrain pour la tenue d’élections et la Police nationale d’Haïti à reprendre le contrôle sur les quartiers tombés entre les mains des gangs armés, a insisté le représentant slovène, qui a appelé à « ne pas répéter les erreurs du passé ».  « Le peuple haïtien a le droit à la sécurité et la prospérité », a appuyé la Suisse.

LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI

Texte du projet de résolution (S/2024/695)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant toutes ses résolutions antérieures concernant Haïti, notamment les résolutions 2645 (2022), 2653 (2022), 2692 (2023) et 2743 (2024), et réaffirmant la résolution 2699 (2023),

Remerciant les responsables kényans de la Mission multinationale d’appui à la sécurité, se félicitant du déploiement de la Mission en Haïti, en réponse à l’appel lancé par le Secrétaire général et le Gouvernement haïtien, après consultations avec Haïti et compte tenu du fait que, dans sa résolution 2699 (2023), le Conseil a autorisé qu’un appui soit apporté à Haïti sur le plan de la sécurité, et se félicitant également que plusieurs États Membres aient proposé de participer à la Mission et que des contributions financières aient été versées à l’appui des opérations de la Mission, 

Se déclarant profondément préoccupé par la situation en Haïti, s’agissant notamment de la violence, des activités criminelles et des déplacements massifs d’Haïtiens,

Se félicitant du partenariat établi entre les autorités haïtiennes et les responsables de la Mission pour rétablir la sécurité publique dans l’intérêt du peuple haïtien,

Réaffirmant la nécessité de continuer de mener un processus politique dirigé et contrôlé par les Haïtiens qui permette la tenue d’élections présidentielle et législatives libres et régulières, et rappelant le mandat de la Mission, qui consiste à créer les conditions de sécurité propices à leur tenue,

Déclarant que le Secrétaire général peut fournir à la Mission des moyens d’appui logistique, lorsque la Mission et ses donateurs en font la demande, dans le plein respect de la politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme en cas d’appui de l’ONU à des forces de sécurité non onusiennes, à condition que ces moyens soient remboursés en intégralité à l’Organisation des Nations Unies à l’aide des contributions volontaires disponibles,

Considérant que la situation en Haïti continue de menacer la paix et la sécurité internationales et la stabilité dans la région,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1.    Décide de proroger jusqu’au 2 octobre 2025 le mandat confié à la Mission multinationale d’appui à la sécurité par la résolution 2699 (2023), et demande de nouveau à Haïti et aux responsables de la Mission de l’informer régulièrement, ainsi que le Secrétaire général, des progrès accomplis concernant le déploiement;

2.    Rappelle et réaffirme les autres paragraphes de la résolution 2699 (2023), en notant que les mesures d’embargo sur les armes prévues au paragraphe 14 de ladite résolution ont été réaffirmées et reconduites dans la résolution 2700 (2023);

3.    Encourage la Mission à accélérer son déploiement et souhaite voir s’accroître les contributions volontaires et l’appui à la Mission;

4.    Décide de rester activement saisi de la question.

 

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