Entre appels à l’unité et divisions géopolitiques, un Conseil de sécurité en quête d’un leadership renouvelé se dit résolu à s’acquitter de ses responsabilités
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En quête d’un « leadership renouvelé pour la paix », le Conseil de sécurité s’est réuni aujourd’hui à l’initiative de la Slovénie, qui préside ses travaux en septembre, pour un débat ouvert à l’ensemble des États Membres de l’ONU dont le thème était « Leadership pour la paix: unis dans le respect de la Charte des Nations Unies et la recherche d’un avenir sûr ». Un appel fédérateur éclipsé par les clivages persistants entre ses membres, qui affaiblissent de l’aveu de chacun l’action de l’organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales.
En début de séance, la présidence de séance a donné lecture d’une déclaration sur laquelle les « Quinze » s’étaient accordés pour affirmer la résolution du Conseil à « s’acquitter de ses responsabilités de la manière la plus efficace possible ».
C’est le Secrétaire général lui-même qui a lancé la longue série de critiques entendues durant la séance, en rappelant une « vérité fondamentale »: la paix n’est jamais automatique, comme en témoignent les divisions géopolitiques et le sentiment de méfiance, « qui ne font qu’empirer », avec des violations répétées du droit international et de la Charte des Nations Unies. « De Gaza à l’Ukraine en passant par le Soudan, les guerres s’éternisent, les souffrances s’amplifient, et la légitimité et l’efficacité de l’ONU et de ce Conseil sont remises en cause », a résumé M. António Guterres, pour qui il n’y aura pas de « leadership pour la paix » sans volonté politique véritable: « Un Conseil uni peut jouer un rôle déterminant en faveur de la paix. Un Conseil divisé ne le peut pas », a-t-il tranché.
Mme Ellen Johnson Sirleaf, ancienne Présidente du Libéria, a annoncé que les Sages, dont elle est membre, préconisent la mise en place d’une coalition chargée de lancer un processus de réforme et de mener des négociations en vue d’un Conseil de sécurité plus représentatif et efficace, avec l’apport central de l’Assemblée générale. « Combien de temps pouvons-nous continuer à travailler dans un système qui est clairement en échec? » s’est demandé Mme Johnson Sirleaf, pour qui « le temps des excuses est révolu ».
La condamnation des violations de la Charte et du droit international humanitaire ne devrait pas dépendre de notre proximité politique ou géographique avec les pays concernés, a estimé le Premier Ministre de la Slovénie, M. Robert Golob, qui présidait cette séance. Selon lui, la perception du deux poids, deux mesures entame la crédibilité du Conseil, contribuant à l’érosion de sa capacité à faire appliquer ses décisions. Une inertie qui aboutit à l’acceptation de cette réalité abjecte visant à nier que toutes les vies humaines ont la même valeur, a renchéri la Présidente du Comité international de la Croix-Rouge, Mme Mirjana Spoljaric Egger.
Si tous les membres du Conseil ont regretté la « logique de polarisation » et les « fissures » du « régime de sécurité collective », selon les mots de l’Algérie, des divergences sont apparues sur les diagnostics. Battant le rappel des principes de la Charte des Nations Unies, qui sous-tendent chaque décision du Conseil de sécurité, le Premier Ministre britannique, M. Keir Starmer, s’est demandé comment la Russie, « agresseur sans pitié » de l’Ukraine et responsable direct du « supplice » des plus de 600 000 soldats russes morts ou blessés dans cette « aventure absurde », avait encore l’audace de siéger au Conseil. « La Russie a commencé cette guerre illégale, elle doit y mettre un terme et quitter l’Ukraine! » a exigé le Chef du Gouvernement britannique, qui a par ailleurs considéré comme prioritaire « la cessation immédiate des hostilités » à Gaza.
La Représentante permanente des États-Unis a prolongé les propos de M. Starmer sur Gaza et l’Ukraine, estimant que cette dernière était victime d’une agression qui est aussi « une attaque contre la Charte ». Elle a assuré au Conseil de sécurité que le Président Biden continue de croire chaque jour qu’un règlement diplomatique de la guerre à Gaza est possible, et répété que la communauté internationale ne peut laisser le Président russe, Vladimir Putin, redessiner les frontières de son pays par la force. Elle a également réitéré la proposition de l’Administration « Biden-Harris » de réformer l’ONU en soutenant l’attribution au Conseil de sécurité de deux sièges de membre permanent pour l’Afrique et d’un siège de membre non permanent pour les petits États insulaires en développement. « Les solutions de paix les plus viables sont celles ouvertes à toutes les voix, celles des femmes et de toutes les minorités, et seul un Conseil de sécurité uni et réformé nous permettra de régler les conflits qui nous empêchent de dormir », a assuré la représentante américaine.
S’il s’est lui aussi livré à un réquisitoire contre la Russie et à un plaidoyer en faveur d’une cessez-le-feu permanent à Gaza, le Ministre des affaires étrangères de la France, M. Jean-Noël Barrot, a évoqué un autre conflit « tragique », celui qui sévit au Soudan, où plus de la moitié de la population souffre d’insécurité alimentaire aiguë. Raison pour laquelle Paris a organisé en avril dernier une conférence qui a permis de lever plus de 2 milliards d’euros, dont 900 millions par l’Union européenne et ses États membres, pour soutenir les populations civiles soudanaises et les réfugiés dans les pays voisins. Et la France, a annoncé le chef du Quai d’Orsay, a l’intention de contribuer à la livraison par voie aérienne de cargaisons humanitaires du Programme alimentaire mondial (PAM) près du camp de Zamzam, au Darfour septentrional, où sévit la famine.
« Les épées doivent être transformées en socs de charrue », a quant à lui affirmé le Ministre chinois des affaires étrangères, M. Wang Yi. Et parce que la paix est une question de justice, justice à laquelle aspire l’humanité entière, il a exhorté les membres permanents à renoncer à l’imposition de sanctions unilatérales contre d’autres États Membres, ce qui sape durablement les capacités de ces derniers à sortir des conflits ainsi que l’autorité du Conseil de sécurité.
Le Ministre des affaires étrangères de la Sierra Leone, M. Alhaji Musa Timothy Kabba, a salué le leadership de ces dirigeants africains qui, à l’instar des présidents angolais et kényan, s’engagent en faveur de la paix dans des situations de conflit en Afrique mais aussi en Haïti. Il n’a pas manqué d’attirer l’attention sur le rôle pacificateur que tient son pays auprès du Burkina Faso pour l’aider à mieux lutter contre le fléau du terrorisme. Saluant la portée de la déclaration présidentielle adoptée aujourd’hui, il a appuyé l’idée qui s’y trouve formulée que toute initiative forte pour la paix ne peut que faire avancer la communauté internationale et le Conseil de sécurité dans la recherche commune de solutions holistiques aux défis auxquels ils font face.
Son homologue coréen, M Cho Tae-yul, a quant à lui invité le Conseil à mettre l’accent sur la diplomatie préventive en mobilisant les outils importants dont il dispose pour s’attaquer plus efficacement aux causes profondes des conflits. Le Premier Ministre de Malte, M. Robert Abela, dont le pays quittera, fin décembre, le Conseil après y avoir siégé ces deux dernières années, s’est dit convaincu que la diversité des points de vue et des expériences peut aider cet organe clef de l’ONU à surmonter les obstacles à la paix et à la sécurité internationales.
« Jamais probablement depuis la crise des missiles de Cuba en 1962, notre planète n’a été aussi proche d’un conflit mondial qu’elle ne l’est aujourd’hui », a lancé la Fédération de Russie, représentée par son ambassadeur à l’ONU, lequel a rejeté les accusations de ses collègues occidentaux. Dans leurs visées hégémoniques mondiales, les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN et de l’Union européenne (UE) se sont aventurés toujours plus loin dans une guerre avec Moscou destinée à maintenir à flot leur projet antirusse en Ukraine, a accusé le représentant.
Pour la Fédération de Russie, les « élites occidentales », qui vivent encore dans le système de relations internationales Yalta-Potsdam hérité de la Seconde Guerre mondiale, se sont éloignées des principes de la Realpolitik fondée sur les intérêts nationaux et la sécurité indivisible, à savoir que le renforcement de la sécurité d’un État ne doit pas porter atteinte à celle d’un autre. Le rejet de cette entente, dont l’une des manifestations est l’expansion effrénée de l’OTAN, crée une menace réelle de voir la situation sombrer dans une escalade incontrôlée, a estimé le représentant, pour qui on assiste à un déclin de la diplomatie professionnelle et de la culture du dialogue au profit d’une « diplomatie du mégaphone », qui domine le Conseil de sécurité et l’ONU.
Mettre un terme à cette dégradation rapide de la situation internationale est difficile, mais possible, a estimé le représentant russe. Il a appelé à privilégier un consensus basé sur le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures, le respect de l’égalité souveraine des États et de leurs intérêts sécuritaires, avec pour boussole la Charte des Nations Unies en lieu et place du prétendu « ordre fondé sur des règles », qui repose uniquement sur les intérêts et les « caprices » de Washington et de ses satellites.
Le Conseil de sécurité poursuivra son débat public demain, jeudi 26 septembre, à 18 heures.
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Leadership pour la paix: unis dans le respect de la Charte des Nations Unies et la recherche d’un avenir sûr (S/2024/662)
Texte de la déclaration du Président du Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité rappelle que l’Organisation des Nations Unies a été créée pour préserver les générations futures du fléau de la guerre. Il réaffirme les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et déclare qu’il est plus important que jamais de demeurer résolu à maintenir la paix et la sécurité internationales, conformément à la Charte.
Le Conseil de sécurité réaffirme qu’il a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il réitère son attachement au droit international, y compris la Charte, notamment les buts et principes qui y sont énoncés, dans leur intégralité, car ils sont les fondements universels, indispensables et irremplaçables d’un monde plus sûr, plus pacifique, plus juste, plus égal, plus inclusif, plus durable et plus prospère.
Le Conseil de sécurité considère que les obligations découlant du droit international doivent être universellement observées et instituées, y compris celles découlant de ses résolutions en la matière, souligne qu’il attache une importance capitale à la promotion de la justice et de l’état de droit, qui sont des éléments indispensables à la coexistence pacifique et à la prévention des conflits armés, et réaffirme qu’il faut promouvoir la participation pleine et réelle des femmes et leur exercice des responsabilités à tous les niveaux de la prise de décision dans de bonnes conditions de sécurité et sur un pied d’égalité, conformément à la résolution 1325 (2000) et aux résolutions connexes.
Le Conseil de sécurité constate la complexité des défis et des menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité internationales, et souligne l’importance d’adopter une démarche d’ensemble pour pérenniser la paix. Il réaffirme son soutien indéfectible à la protection des civils en période de conflit armé et rappelle les obligations découlant du droit international humanitaire concernant la protection des civils en période de conflit armé. Il demande à toutes les parties à un conflit armé de s’acquitter pleinement des obligations que leur fait le droit international humanitaire, de façon à respecter et à protéger les civils, y compris le personnel humanitaire, et réaffirme qu’il est résolu à faire en sorte que les auteurs de violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme aient à répondre de leurs actes.
Le Conseil de sécurité souligne l’importance de promouvoir le multilatéralisme et le rôle central de l’Organisation des Nations Unies dans le système multilatéral, ainsi que le soutien qu’elle apporte au renforcement de la coordination du système des Nations Unies, instrument de changement pour les plus vulnérables, notamment par la réalisation des objectifs de développement durable, la prévention des conflits et la réduction de leur nombre, et salue l’action que mène le personnel humanitaire pour soulager les souffrances des populations civiles et protéger la dignité humaine, ainsi que celle que mènent l’Organisation et ses organismes pour appuyer le maintien de la paix et de la sécurité. Il réaffirme que le développement, la paix et la sécurité, et les droits humains sont interdépendants et se renforcent mutuellement.
Le Conseil de sécurité est pleinement conscient des responsabilités que lui confère la Charte et des aspirations collectives des peuples du monde, qui le poussent à prendre des mesures efficaces pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Il se déclare résolu à s’acquitter de ses responsabilités de la manière la plus efficace possible. Il considère que l’esprit qui a présidé à la création de l’Organisation des Nations Unies devrait prévaloir et inspirer l’humanité à persévérer sur la voie de la paix.
Exposés
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a commencé par rappeler « une vérité fondamentale »: la paix n’est jamais automatique, comme en témoignent les divisions géopolitiques et la méfiance, qui ne font qu’empirer. L’impunité gagne du terrain, et l’on assiste à des violations répétées du droit international et de la Charte des Nations Unies.
« De Gaza à l’Ukraine en passant par le Soudan –mais pas seulement– les guerres s’éternisent, la souffrance s’amplifie, la faim s’aggrave, des vies sont bouleversées et la légitimité et l’efficacité de l’ONU et de ce Conseil sont remises en cause », a résumé le Chef de l’Organisation, pour qui le leadership pour la paix exige d’agir dans au moins deux grands domaines.
Tout d’abord, ce leadership suppose que tous les États Membres respectent les engagements qu’ils ont pris en vertu de la Charte des Nations Unies, du droit international et des accords récents, tels que le Pacte pour l’avenir, ce qui exige une volonté politique de mise en œuvre de leur part, a fait valoir le Secrétaire général. Ce leadership pour la paix suppose aussi de donner au Conseil de sécurité les moyens d’agir véritablement pour atténuer les tensions mondiales et contribuer à régler les conflits à l’origine de tant de souffrances dans le monde: « Un Conseil uni peut jouer un rôle déterminant en faveur de la paix. Un Conseil divisé ne le peut pas », a-t-il résumé.
Il est donc impératif que ses membres redoublent d’efforts pour trouver un terrain d’entente, a poursuivi M. Guterres. À ses yeux, le Conseil a prouvé sa capacité à parler d’une seule voix dans certains domaines importants, dont il a cité quelques exemples, qui démontrent selon lui qu’on peut instaurer la paix. Le Conseil supervise actuellement 11 opérations de maintien de la paix déployées sur trois continents, ce qui représente près de 70 000 Casques bleus. Il adopte des résolutions qui contribuent à l’acheminement ininterrompu d’une aide humanitaire vitale vers certains foyers de crise. Et la résolution 2719 (2023), qu’il a qualifiée d’« historique », permet aux opérations d’appui à la paix dirigées par l’Union africaine et autorisées par le Conseil d’être financées par les contributions des États Membres de l’ONU.
Au vu des conflits plus complexes et insolubles dont ce Conseil est saisi, on peut penser que la paix est un rêve irréalisable, « mais je crois fermement que la paix est possible si nous nous en tenons aux principes », a affirmé le Secrétaire général. Pour lui, la paix en Ukraine est possible, en suivant la Charte des Nations Unies et en respectant le droit international. La paix dans la bande de Gaza est également possible, en travaillant d’arrache-pied pour obtenir un cessez-le-feu immédiat, la libération immédiate de tous les otages israéliens et la mise en chantier de la solution des deux États. Et la paix au Soudan est également possible, en adressant un message clair aux parties belligérantes, à savoir que tous les membres de ce Conseil –dont les cinq permanents– ne toléreront pas la terrible violence et la crise humanitaire effroyable que subissent des civils innocents.
M. Guterres a donc lancé un appel à l’unité de tous les membres du Conseil pour qu’ils se montrent à la hauteur de cette responsabilité, « à la hauteur de la promesse de la Charte des Nations Unies ». « Contribuez au succès de ce Conseil – et non à son affaiblissement. Faisons en sorte que le Conseil soit un forum efficace et représentatif pour la paix – aujourd’hui comme dans les années à venir », a conclu M. Guterres.
Mme MIRJANA SPOLJARIC EGGER, Présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a constaté avec amertume que le Comité fait face chaque jour aux conséquences d’un irrespect flagrant de la part des parties belligérantes, lesquelles, de surcroît, hésitent de moins en moins souvent à recourir à des interprétations permissives du droit international humanitaire pour justifier violations, destructions et entraves à l’action humanitaire. « L’inertie » de la communauté internationale aboutit à l’acceptation de cette réalité abjecte visant à nier le fait que toutes les vies humaines ont la même valeur, a-t-elle déploré. Aussi a-t-elle appelé à ce que ces violations soient condamnées ouvertement et que des mesures soient prises pour les faire cesser.
Après avoir rappelé que le droit international humanitaire a été créé pour surmonter les divisions qui entravent la réalisation de la paix durable, Mme Spoljaric a fait valoir que les traités créés et ratifiés par les États imposent la retenue. En vertu des Conventions de Genève, « même votre ennemi doit être traité avec humanité ». En résumé, le droit international humanitaire n’est pas affaire de transaction, a-t-elle martelé. Si elle a salué le fait que tous les membres du Conseil de sécurité rappellent systématiquement aux parties aux conflits leurs obligations en la matière, elle les a toutefois exhortés à aller plus loin pour garantir l’application concrète du droit. Cela signifie prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les dommages civils, respecter les lois de la guerre « même si votre ennemi ne le fait pas », et accepter que des acteurs humanitaires neutres apportent une aide humanitaire dans les zones contrôlées par ce dernier. Il s’agit également de veiller à ce que les hôpitaux soient épargnés par les bombes, que les civils puissent fuir en lieu sûr et que l’approvisionnement en nourriture ne soit pas interrompu, a énuméré la Présidente du CICR. En d’autres termes, « il faut que le soutien du Conseil au droit international humanitaire se traduise par des actes », faute de quoi, a-t-elle averti, les Conventions de Genève cesseront d’être un instrument de paix qui sauve des vies. « Le droit international humanitaire ouvre la voie à la paix, faites-en une priorité politique », a-t-elle demandé.
Mme ELLEN JOHNSON SIRLEAF, ancienne Présidente du Libéria et membre des Sages (The Elders), a rappelé que la préservation de la paix doit être la responsabilité première de tout dirigeant avant de déplorer que le leadership pour la paix dont le monde a désespérément besoin fasse cruellement défaut. C’est pourquoi les Sages appellent à l’action concernant trois questions prioritaires, à commencer par le respect du droit international, qui doit être appliqué de manière cohérente. « De l’Ukraine à Gaza et au-delà, nous constatons de plus en plus de violations systématiques du droit international dans les situations de conflit, et l’impunité pour ceux qui commettent des atrocités », a dénoncé Mme Johnson Sirleaf.
Les États puissants, dont certains membres permanents du Conseil, ignorent délibérément les normes internationales, a accusé l’ancienne Présidente du Libéria. Malgré la guerre d’agression lancée contre l’Ukraine, en violation flagrante de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité demeure « paralysé ». De plus, certains membres du Conseil sapent les décisions de la Cour internationale de Justice et profèrent des menaces contre la Cour pénale internationale et ses fonctionnaires.
« Il est essentiel que nos institutions judiciaires internationales soient soutenues et que leurs décisions soient respectées », a martelé Mme Johnson Sirleaf, avant de dénoncer les États « influents » qui s’immiscent dans des conflits afin « d’attiser l’agression ». Elle a également condamné les transferts d’armes vers les parties au conflit qui commettent des violations claires du droit international.
Alors que l’an prochain marquera les 25 ans de l’adoption de la résolution 1325 (2000), par laquelle le Conseil a reconnu le rôle crucial des femmes dans la paix et la sécurité, Mme Johnson Sirleaf a fait valoir que la résolution des conflits et la consolidation de la paix doivent être véritablement inclusives. Or, les décisions qui affectent le plus la paix et la sécurité sont toujours prises principalement, voire exclusivement, par des hommes, souvent les mêmes qui ont déclenché le conflit. « Si nous voulons vraiment encourager le leadership en faveur de la paix, les femmes doivent être représentées dans les organismes internationaux », a-t-elle ajouté.
Constatant que les opérations de maintien de la paix sont trop souvent interrompues au moment où elles sont le plus nécessaires, sans que le conflit sous-jacent ne soit résolu, Mme Johnson Sirleaf a plaidé pour un « leadership en faveur de la paix » destiné à restaurer la crédibilité de l’architecture internationale de paix et de sécurité. Un tel leadership est également nécessaire pour faire face aux menaces existentielles auxquelles est confrontée l’humanité entière, comme la crise climatique, la prolifération nucléaire ou encore les pandémies.
Aujourd’hui, cependant, lorsque le monde se tourne vers l’ONU pour faire preuve de leadership face à ces menaces, il se heurte à un Conseil de sécurité « largement considéré comme inefficace », a fait observer Mme Johnson Sirleaf. À ses yeux, la réforme tant attendue de cet organe est désormais urgente afin de l’adapter au monde d’aujourd’hui, plutôt que de le laisser être une « relique de 1945 ». Afin de profiter de l’élan du Pacte pour l’avenir, les Sages appellent à la mise en place d’une coalition chargée de lancer un processus de réforme et de mener des négociations en vue d’un Conseil de sécurité plus représentatif et plus efficace, avec l’apport central de l’Assemblée générale. « Combien de temps pouvons-nous continuer à travailler dans un système qui est clairement en échec? » s’est toutefois demandé Mme Johnson Sirleaf, pour qui « le temps des excuses est révolu ».
Déclarations des délégations non membres
Érosion du droit international et de la Charte des Nations Unies, panne de leadership, déficit de responsabilité et de crédibilité: les délégations qui se sont exprimées cet après-midi à la suite des membres du Conseil de sécurité ont plaidé tour à tour en faveur de la réforme de cet organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales, afin de le rendre plus inclusif, cohérent et efficace, mieux adapté aux défis du XXIe siècle.
« Nous assistons à un profond changement dans les relations internationales. Hélas, pas pour le mieux », a diagnostiqué le Président de la Pologne. L’agression russe de l’Ukraine menace la sécurité mondiale et aggrave les problèmes mondiaux les plus urgents, a-t-il déploré, accusant Moscou d’abuser de son droit de veto pour empêcher le Conseil de condamner cette violation flagrante du droit international. « Il est choquant qu’un membre permanent du Conseil de sécurité, qui devrait s’occuper du droit international et de la sécurité, le ruine tout simplement. »
Témoin de la multiplication des violations du droit international en toute impunité, sur la base d’une « politique de puissance » plutôt que de recherche de la paix, le Président de la Slovaquie a noté que les États Membres de l’ONU trouvent de plus en plus difficile de faire confiance à la capacité du Conseil de résoudre les crises. « Voyez où cela nous mène », a-t-il tancé, en montrant l’exemple de son voisin immédiat, l’Ukraine, aujourd’hui déchiré par la guerre en dépit des dénonciations répétées de l’agression russe par une majorité « écrasante » des Membres de l’ONU.
L’autorité du Conseil « s’effondre », a renchéri le Premier Ministre espagnol: ses résolutions ne sont pas appliquées, le recours au veto entraîne une paralysie constante et l’un de ses membres permanents viole la Charte de manière flagrante en envahissant un autre pays de manière illégale. Comme des dizaines de chefs d’État et de gouvernement intervenus lors de ce débat public, il a souligné l’importance d’une mise en œuvre cohérente des dispositions de la Charte, l’application du droit international ne pouvant être ni sélective ni subordonnée aux intérêts politiques ou stratégiques des grandes puissances. De même, le droit international humanitaire, ce « minimum d’humanité », ne doit jamais être remis en question.
Pour offrir à nos citoyens la sécurité et le développement qu’ils recherchent, le monde a besoin de deux choses: des institutions multilatérales « opérationnelles » et des membres qui assument leurs responsabilités, a affirmé le Président de la Tchéquie. Or, a-t-il ajouté, « la Russie fait tout le contraire », ébranlant au passage les fondements mêmes de notre sécurité collective. Une responsabilité qui incombe également à la Chine, laquelle continue, selon le dirigeant tchèque, d’alimenter le conflit en Ukraine en fournissant à Moscou les outils dont elle a besoin pour renforcer ses capacités militaires. La Chine doit remplir le rôle qu’elle aspire à jouer en tant qu’acteur mondial, a-t-il résumé, avec les avantages, mais aussi les responsabilités énormes et indissociables qui l’accompagnent.
« La valeur d’une nation, la valeur d’une communauté, ne se mesure pas à ses capacités de violence, pas plus qu’à la valeur de ses armées », a martelé le Président du Conseil européen. Évoquant un « pacte fondateur » entre les nations les plus puissantes et le reste du monde, par lequel celui-ci a accepté de leur conférer un droit de veto en échange de la « garantie de la paix mondiale », il n’a pu que constater que ce pacte est aujourd’hui remis en question à mesure que les bombes pleuvent sur Kyïv, sur Gaza ou encore sur le Soudan. « Lorsque les crimes restent impunis, les victimes perdent la foi. Nous perdons tous la foi. » Un monde nouveau, plus brutal, est né, a insisté le Président du Conseil, pour qui le Conseil de sécurité doit être réformé.
Les violences « extrêmes » -comme celles infligées au peuple palestinien à Gaza qui ont forcé la majorité de la population à quitter ses foyers « une fois, deux fois, cinq fois » depuis le début du conflit, il y a un an- n’ont pas permis de résoudre la crise ni d’établir la paix, a relevé le Secrétaire général de la Ligue des États arabes, pour qui il suffit d’appliquer le droit à l’autodétermination. Considérant, comme l’a souligné l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ), que ce conflit « n’a pas commencé le 7 octobre », il a estimé que le Moyen-Orient pourrait être « à feu et à sang » pendant des années si Israël n’est pas tenu de rendre des comptes. « La crédibilité du Conseil et de l’ONU est en jeu, et elle est en péril », a-t-il insisté.
« Le Leadership pour la paix commence dans cette salle », a rappelé le Président du Conseil de direction présidentiel du Yémen. Il a dénoncé le manque de volonté politique du Conseil pour agir, ce qui mène selon lui à l’aggravation des conflits, comme celui qui perdure dans son pays et a perdu des « centaines de milliers d’âmes innocentes » aux mains des houthistes. Ainsi, les attaques de ceux-ci contre le commerce international en mer Rouge procèdent selon lui de la « faillite » du Conseil qui n’a pas traité cette situation avec sérieux.
Pour le Ministre des affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger du Maroc, le respect de la Charte ne saurait être « à géométrie variable ». La situation « indescriptible » et les milliers de morts à Gaza interpellent tous les États Membres sur la pertinence de nos mécanismes, a-t-il relevé, jugeant « déplorable » l’incapacité du Conseil à accomplir sa mission lors de violations graves de la Charte.
Or, si les menaces auxquelles nous faisons face évoluent rapidement, il est essentiel que nos outils et mécanismes évoluent avec la même célérité afin de répondre aux défis contemporains, a déclaré le Président du Panama, pays qui fera son entrée au Conseil de sécurité en 2025 à titre de membre non permanent. Loin d’être anodines, les conséquences de l’inaction du Conseil produisent davantage de victimes, de déplacements forcés et de migrations irrégulières, ébranlant la stabilité et la sécurité d’États stables, soudainement forcés de composer avec des flux migratoires sans précédent. Située « depuis 1 000 jours » aux abords d’une zone de guerre, la Hongrie a vu « en face » ses répercussions, a attesté son Ministre des affaires étrangères et du commerce, à commencer par l’afflux de 1,3 million de réfugiés ukrainiens.
Si la responsabilité première d’assurer la paix et la sécurité internationales incombe au Conseil, cet organe « ne fait pas toujours ce que nous attendons de lui », a regretté le Président de la Finlande, au nom des pays nordiques. L’une des causes de cette lacune réside dans l’usage sans retenue du veto par certains membres permanents, ainsi que sa composition, qui doit être revue afin de mieux refléter les réalités mondiales du XXIe siècle.
Le déclin de la confiance dans le Conseil de sécurité est encore dû, selon le Président des Maldives, à l’absence de représentation égale, de responsabilité et de transparence. Il est en outre alimenté par l’intervention « sélective » du Conseil, qui maintient la sécurité « pour certains mais pas pour d’autres ». Il a dénoncé sa composition « archaïque », qui ne correspond pas aux réalités de la composition actuelle de l’ONU, où les petits États insulaires en développement (PEID), par exemple, comptent pour un cinquième des États Membres. « Nous méritons une place à la table des discussions », a-t-il tonné.
Le projet d’élargissement du Conseil a reçu l’aval de nombreuses délégations, afin que des régions telles que l’Afrique et l’Amérique du Sud puissent faire entendre leur voix dans la prise de décisions concernant la paix et la sécurité internationales. Membre du Groupe « Unis pour le consensus », l’Espagne a défendu les idées d’un Conseil de sécurité élargi, avec de nouveaux membres non permanents, ainsi que de l’abolition du veto et, dans l’intervalle, de toute initiative susceptible d’en limiter l’usage. Rendre le Conseil de sécurité plus responsable implique également d’examiner les motifs qui sous-tendent le recours au veto lorsqu’il fait obstacle à toute action significative en faveur de la paix, a indiqué le Ministre des affaires étrangères de la Nouvelle-Zélande.
Afin de soutenir les efforts de prévention et de consolidation de la paix, la Ministre des affaires étrangères du Népal a proposé de renforcer les partenariats avec les organisations régionales et les institutions financières internationales.
Soulignant l’importance fondamentale du leadership national, le Président finlandais a également fait remarquer que la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité est, en définitive, tributaire de la volonté des États Membres et qu’il leur appartient de prendre des décisions éclairées par le droit international et la Charte des Nations Unies.