En cours au Siège de l'ONU

9720e séance – après-midi
CS/15816

Après les attaques russes menées depuis fin août, le Conseil de sécurité examine, pour la septième fois cette année, la situation humanitaire en Ukraine

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Pour la septième fois cette année, le Conseil de sécurité a examiné, cet après-midi, la situation humanitaire en Ukraine.  La séance a été tenue à la demande de la France et de l’Équateur, après les intenses attaques menées depuis la fin août par la Fédération de Russie contre plusieurs villes du pays.  C’est aussi la première fois que le Conseil se penchait sur l’aspect humanitaire du conflit depuis l’entrée des forces ukrainiennes sur le territoire russe dans la région de Koursk, le 6 août. 

Après avoir dressé un bilan de la situation humanitaire depuis le début de l’invasion russe le 24 février 2022, la Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires par intérim, Mme Joyce Msuya, a rappelé les conséquences des attaques systématiques contre les infrastructures énergétiques de l’Ukraine sur l’accès aux services de base comme l’eau, le chauffage, les télécommunications, les services de santé ou le système éducatif. 

Mme Msuya s’est également inquiétée de l’extension des combats à de nouvelles zones des deux côtés de la frontière internationale reconnue entre l’Ukraine et la Fédération de Russie.  Citant des sources locales russes, elle a notamment relevé que, depuis le début de l’opération militaire de l’Ukraine dans la région de Koursk, au moins 130 000 civils auraient été évacués.  Elle a ensuite dit sa préoccupation face à l’impossibilité d’atteindre quelque 1,5 million de personnes vivant dans les régions de l’Ukraine occupées par les forces russes, malgré des besoins urgents.  Elle a en outre rappelé que les déplacements des lignes de front rendent les opérations humanitaires extrêmement dangereuses pour les travailleurs humanitaires.  Précisant qu’au cours des sept premiers mois de l’année, environ 6,2 millions de personnes avaient reçu une aide humanitaire en Ukraine, Mme Msuya a assuré que les préparatifs du plan d’intervention pour l’hiver à venir avançaient à plein régime. 

Lors de la discussion qui a suivi, le représentant de l’Ukraine a déploré l’impuissance de l’ONU qui n’a ni la mission de forcer la Fédération de Russie à respecter le droit international ni la capacité à le faire. Dénonçant la poursuite d’une « guerre d’anéantissement », il a vu dans la récente recrudescence des tirs de missiles contre le peuple ukrainien et les infrastructures essentielles du pays la « quatrième session de l’invasion à grande échelle » de son pays, faisant observer qu’elle coïncide avec la soixante-dix-neuvième session de l’Assemblée générale, laquelle est « saluée par les explosions de missiles balistiques et les cris des civils ukrainiens blessés ».

L’Ukraine a été soutenue par ses alliés et appuis au sein du Conseil -États-Unis, membres européens du Conseil, Japon et République de Corée-  mais aussi par l’Union européenne (UE) et, à titre individuel, plusieurs de ses États membres voisins de l’Ukraine, suscitant la protestation de la délégation russe face à l’intervention de ces derniers. 

Tout en rappelant leur soutien indéfectible à l’Ukraine, y compris en matière d’aide humanitaire, ces pays, à l’image de la Slovénie, ont insisté sur la poursuite de l’escalade par la Fédération de Russie, voyant dans l’attaque du 26 août « l’assaut aérien le plus important depuis le début de la guerre ».  Ils ont mis l’accent sur les crimes de guerre commis par les forces russes.  Le Royaume-Uni et les États-Unis ont rappelé la frappe, en juillet, de l’hôpital pour enfants Okhmatdyt de Kyïv lors d’une attaque massive sur la capitale ukrainienne. La Suisse a rappelé « les limites clairement établies par le droit international humanitaire que toutes les parties doivent respecter en toutes circonstances », insistant sur la séparation entre combattants et non-combattants et entre biens civils et militaires. 

Les attaques contre les infrastructures énergétiques ont été les plus largement dénoncées.  Les attaques gratuites et aveugles menées actuellement par la Russie contre des civils et des biens civils en Ukraine, y compris des infrastructures énergétiques, constituent des violations flagrantes du droit international, a ainsi déclaré la République de Corée.  La Russie s’efforce de saper la résilience du peuple ukrainien et de rendre insupportable la vie des populations civiles pendant les mois d’hiver qui approchent, ont dénoncé la Slovénie, la France ou encore le représentant de l’UE, alors que la Pologne, principal pays d’accueil des réfugiés ukrainiens avec 1 million de personnes sur son sol, demandait qu’on fasse en sorte d’éviter que l’Ukraine ne devienne une crise humanitaire de longue durée. 

Ces délégations ont répété que la Fédération de Russie devrait rendre des comptes pour ses multiples violations du droit international et ses exactions.  Certaines, dont l’Union européenne, ont rappelé que la Cour pénale internationale avait lancé des mandats d’arrêt contre six responsables, dont le Président russe Vladimir Putin, et que tout État partie au Statut de Rome de la Cour devait exécuter ces mandats d’arrêt.  La justice pour les victimes de l’agression russe est une condition préalable à une paix durable, ont commenté les États-Unis. 

Les appuis de l’Ukraine ont également condamné les transferts d’armes à ce pays et mis en garde les pays fournisseurs, en premier lieu la République islamique d’Iran et la République populaire démocratique de Corée (RPDC).  Le représentant des États-Unis a expliqué que son pays avait prévenu l’Iran « en privé et en public » que le transfert de missiles balistiques à la Russie constituerait une « escalade dramatique », ajoutant que son pays annoncerait ultérieurement de nouvelles sanctions contre l’Iran.  S’adressant à l’Iran mais aussi à la RPDC, le représentant a averti: « Le monde regarde.  Vos transferts d’armes, en particulier de missiles et de technologies de drones, à la Russie lui permettent de mener à bien son agression en Ukraine, de tuer des civils et de dégrader la vie civile de manière générale. Cela vous rend complices et vous place du mauvais côté de l’histoire. » 

La République de Corée a rappelé l’illégalité des transferts d’armes de la RPDC à la Fédération, puisque le Conseil de sécurité a imposé à la RPDC « pas moins de 10 résolutions au titre du Chapitre 7 de la Charte » depuis 2006, « toutes adoptées à l’unanimité ».  Inquiète de constater l’érosion du régime de sanctions du fait de sa violation flagrante par la Russie, la République de Corée a demandé à cette dernière de cesser sa coopération militaire avec la RPDC et de « remplir son devoir de membre permanent du Conseil de sécurité en mettant fin à cette guerre ». 

Les États-Unis ont également mis en garde la Chine, accusée de « vouloir avoir le beurre et l’argent du beurre ».  Elle ne peut se dire en faveur de la paix et de la protection de la Charte des Nations Unies « tout en permettant à la Russie de faire la guerre par le biais d’importations à double usage ou en soutenant un processus de paix qui récompense la Russie pour l’invasion d’un autre État Membre », a averti le représentant.  Quant au Bélarus, il a lui aussi été prié, par la Lituanie s’exprimant au nom des pays baltes, de s’abstenir de « toute mesure qui pourrait être considérée comme un acte de complicité avec la Fédération de Russie ».

Au contraire, le représentant de la Fédération de Russie s’est félicité des frappes menées par les forces armées de son pays contre l’Ukraine, qu’il a jugées « impressionnantes et très efficaces », affirmant qu’elles visaient des cibles militaires, à l’exemple de l’école militaire de Poltava « qui forme des spécialistes d’appareils de détection électromagnétique et de guerre radioélectronique ».  Ces frappes ont détruit également de nombreuses installations énergétiques importantes, des entrepôts, des moyens aériens et de munitions d’artillerie, des lieux de fabrication de drones et des aéroports de déploiement, ainsi que des centres de formation nationaliste et de mercenaires étrangers, a-t-il détaillé.  Il a également relevé que ces frappes avaient été suivies par un grand nombre d’annonces de décès de militaires haut gradés, dont « des Américains, des Britanniques, des Français, des Polonais ou des Suédois ».  Tout ce qui viendrait aider « la clique de Zelenskyy » deviendrait une cible légitime pour la Russie, a-t-il averti. 

Le représentant russe a certes reconnu « des tragédies qui n’ont pas pu être évitées ces derniers jours », mais a attribué les victimes civiles des frappes russes à des problèmes rencontrés par « le système de défense antiaérienne défaillant de l’Ukraine », citant le cas d’une « erreur de tir qui a tué sept personnes le 30 août à Kharkov ».  Il a aussi dénoncé le placement de la défense antiaérienne dans des lieux habités en violation du droit international humanitaire.  Les pays occidentaux devraient apprendre aux Ukrainiens de ne pas placer les installations de tirs dans les écoles, les crèches et les hôpitaux; ils devraient également leur apprendre à ne pas transporter des militaires dans des ambulances et des bus scolaires, a-t-il ajouté. 

Le représentant a également dénoncé « l’aventure de Koursk », accusant « des égorgeurs ukrainiens » introduits dans la région d’avoir lancé contre des civils pacifiques un véritable régime de terreur, tuant des enfants ou enlevant des civils qui n’ont pas eu le temps d’être évacués.  Il a dénoncé comme un exemple flagrant de politique de « deux poids, deux mesures » le mutisme de ses « collègues occidentaux » face aux crimes commis par les Ukrainiens sur le territoire de Koursk et leur silence sur les tirs du « régime de Kiev » sur des villes russes pacifiques, comme le 28 août dans la région de Zaporojie.  Il a dénoncé à de multiples reprises les agissements de « nazis » ou de « néonazis », dont il a aussi longuement énuméré les activités menées ouvertement sur le territoire d’États soutiens de l’Ukraine, comme le Canada ou le Japon, État membre du Conseil qui a ensuite dénoncé des propos « malicieux » à l’égard de son pays.

Les membres africains et latino-américains du Conseil ont pour leur part déploré que les populations et les infrastructures civiles continuent d’être ciblées, appelant les parties à renoncer au bain de sang et à la violence en cessant au plus vite toutes les hostilités. 

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE

Exposé

Mme JOYCE CLEOPA MSUYA MPANJU, Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence par intérim, a déclaré que, selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), plus de 11 700 civils avaient été tués depuis le 24 février 2022, ajoutant que plus de 24 600 civils avaient été blessés.  Dans tout le pays, 10 millions de personnes ont été forcées de fuir leur foyer.  Depuis le 26 août, les frappes incessantes de missiles et de drones se sont poursuivies dans toute l’Ukraine, notamment dans la région de Donetsk. 

Les attaques systématiques contre les infrastructures énergétiques de l’Ukraine provoquent des coupures d’électricité quotidiennes pour des millions de personnes dans tout le pays, a poursuivi Mme Msuya.  Ces pannes limitent l’accès à l’eau, au chauffage, aux réseaux mobiles, à Internet et aux transports publics.  Elles entravent la capacité des hôpitaux et des établissements de santé à fonctionner et perturbent le système éducatif.  La rentrée scolaire a été marquée par des attaques constantes et des dégâts infligés aux écoles. 

Mme Msuya a appelé à ne pas négliger les impacts psychologiques à long terme de ces hostilités.  En Ukraine, les civils passent des heures interminables dans des abris antibombes. Les personnes vivant dans les régions le long de la ligne de front passent souvent des jours à se cacher des combats.  Des millions d’Ukrainiens sont confrontés quotidiennement à la mort, à la destruction et à la peur d’être attaqués.  La responsable a rappelé l’impact disproportionné de la guerre sur les femmes et les enfants, qui ont du mal à accéder aux services essentiels et sont exposés à des risques accrus pour leur sécurité, notamment en raison de la violence fondée sur le genre.  Elle a dit être préoccupée par l’extension récente des combats à de nouvelles zones des deux côtés de la frontière entre l’Ukraine et la Russie.  Ainsi, depuis l’opération militaire menée par l’Ukraine dans la région russe de Koursk, le 6 août, au moins 130 000 civils ont été évacués, selon des responsables locaux russes. 

Les changements des lignes de front rendent les opérations humanitaires extrêmement dangereuses et exposent les travailleurs humanitaires à de graves dommages, a fait observer la Secrétaire générale adjointe.  Celle-ci a rappelé qu’au cours des sept premiers mois de 2024, quelque 6,2 millions de personnes avaient reçu une aide humanitaire en Ukraine, ajoutant qu’à l’approche de l’hiver, le plan d’intervention et les préparatifs avançaient à plein régime.  Elle s’est toutefois dite préoccupée par le fait que quelque 1,5 million de personnes ne peuvent pas être atteintes dans les régions de l’Ukraine occupées par la Fédération de Russie, notamment à Donetsk, Kherson, Luhansk et Zaporizhzhia.  Elles ont pourtant besoin de soins de santé urgents, de médicaments, de nourriture et d’eau potable. 

Mme Msuya a lancé un appel en faveur de l’acheminement sûr, rapide et sans entrave de l’aide humanitaire à tous les civils dans le besoin, avant de rappeler que, depuis le début de l’année, les donateurs avaient fourni près de 1,4 milliard de dollars pour la réponse humanitaire en Ukraine.  Le plan d’intervention et les besoins humanitaires exigent que les dons augmentent et que les donateurs accélèrent le financement de la réponse, a-t-elle averti. 

Mme Msuya a rappelé que la guerre, qui n’a que trop duré, avait causé d’immenses souffrances et abouti à ce que plus de 14,6 millions de personnes, soit 40% de la population de l’Ukraine, aient besoin d’une aide humanitaire.  Protéger les civils, et finalement mettre fin à cette guerre, est une question de volonté, a-t-elle conclu. 

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