Conseil de sécurité: sur fond de retards dans l’organisation des élections, une « tempête parfaite » se profile sur les plans humanitaire et économique au Soudan du Sud
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Le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan du Sud a averti ce matin, devant le Conseil de sécurité, qu’une « tempête parfaite » se prépare en ce qui concerne les perspectives humanitaires et économiques du pays, avant d’appeler à un élan collectif de la part de l’ensemble des parties prenantes, « notamment le Gouvernement de transition », pour empêcher un retour au conflit et jeter les bases d’une société pacifique, prospère et démocratique.
Outre une insécurité alimentaire chronique, le débordement du conflit soudanais au Soudan du Sud et l’incertitude face aux événements politiques critiques nécessaires à une transition réussie, M. Nicholas Haysom s’est inquiété de la détérioration rapide de l’économie, exacerbée par la rupture des infrastructures et des revenus pétroliers essentiels, et du risque d’inondations historiques en septembre.
Chacun de ces éléments représente à lui seul un défi important, a-t-il souligné, et, s’ils sont combinés, ils pourraient amener le pays à un point de basculement au moment même où le peuple entame une phase délicate de construction de la nation. Le temps presse, a-t-il lancé, avertissant que la capacité de réponse de l’ONU risque d’être dépassée et la transition politique du pays de dérailler.
C’est dans ce contexte qu’un deuxième processus de dialogue a été lancé en mai à Nairobi, a indiqué M. Haysom. Connu sous le nom de l’initiative Tumaini, ces pourparlers visent à garantir que les groupes non signataires se joignent au processus de paix et proposent de nouveaux mécanismes de suivi, de contrôle et de mise en œuvre. Cependant, a-t-il rapporté, le Mouvement populaire de libération du Soudan dans l’opposition (MPLS dans l’opposition) a annoncé son retrait de l’initiative Tumaini le 16 juillet, craignant qu’elle ne traite de questions déjà convenues dans l’Accord revitalisé.
M. Haysom a donc encouragé une approche dans laquelle les deux processus se renforceraient mutuellement, tout en appelant à clarifier davantage la manière dont l’initiative Tumaini et ses résultats convergeront avec le cadre de l’Accord revitalisé. La MINUSS, a-t-il précisé, ne défend pas l’un ou l’autre processus comme une modalité exclusive, mais promeut la confluence constructive des deux.
Voyant dans cette initiative un « pas dans la bonne direction », les États-Unis ont appelé tous les partenaires régionaux et internationaux à apporter un appui plus robuste à cet effort, plaidant en outre pour un espace politique libre. La délégation s’est en revanche dite préoccupée par l’impact sur la liberté d’expression de la loi sur le service national de sécurité ainsi que par les taxes et frais imposés aux livraisons humanitaires.
De son côté, le Président par intérim de la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée, le général de division Charles Tai Gituai, a signalé que malgré une prolongation de la période de transition de 24 mois, des tâches cruciales comme les préparatifs des élections restent à concrétiser et la phase 2 du processus d’unification des forces et de désarmement, démobilisation et réinsertion reste à être opérationnalisée.
Avec l’annonce d’élections pour le 22 décembre 2024, il est de la plus haute urgence que les parties redoublent d’efforts dans la mise en œuvre de la feuille de route de la transition et s’engagent dans des discussions inclusives pour parvenir à un consensus sur des mesures pratiques et réalistes pour organiser les élections, ont souligné les A3+ (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana).
S’agissant de l’organisation des élections, les membres du Conseil ont relevé quelques avancées positives dans ce sens, notamment dans l’opérationnalisation des organes techniques électoraux, la formation des hauts organes électoraux de l’État et la mise en œuvre des dispositions transitoires. Malgré les défis liés à la situation économique, le financement du fonctionnement des structures responsables du processus électoral a permis d’ouvrir des bureaux régionaux de la Commission électorale nationale dans tous les États, s’est félicitée la Fédération de Russie.
La France et le Royaume-Uni restent toutefois préoccupés par les retards pris dans la préparation des élections, notamment dans l’établissement du fichier électoral. Ils ont également appelé les autorités sud-soudanaises à clarifier les modalités du scrutin et à lui allouer les ressources nécessaires afin de garantir la tenue d’élections libres, justes, sûres et transparentes en temps voulu.
Assurant de sa détermination à garantir un processus électoral inclusif, le Soudan du Sud a indiqué que son Président a tenu, hier, une réunion avec les dirigeants des partis politiques sur la mise en œuvre de l’Accord revitalisé pendant laquelle il a décidé de demander un avis technique sur la faisabilité de tenir les élections dans les temps.
La Chine a souligné pour sa part que c’est à la population du pays de déterminer ses choix d’avenir, choix que la communauté internationale se doit de respecter.
Au cours de cette séance, les membres du Conseil ont également été informés par la Directrice des opérations et de la communication du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) que les inondations combinées au conflit pourraient créer des poches de famine entre juin 2024 et janvier 2025, alors même que le sous-financement continue d’obérer la réponse humanitaire, le Plan de réponse n’étant financé qu’à hauteur de 31%.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD (S/2024/572)
Exposés
M. NICHOLAS HAYSOM, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), a rappelé que lors de son dernier exposé en avril, il avait signalé que les parties n’avaient pas encore atteint la « masse critique » de mise en œuvre des tâches nécessaires à la tenue d’élections libres, justes et crédibles. Depuis lors, les discussions se sont poursuivies entre les parties en vue de résoudre ces questions et d’autres questions prioritaires en suspens de la feuille de route.
Il a également indiqué qu’en mai, un deuxième processus de dialogue a été lancé à Nairobi, connu sous le nom de l’initiative Tumaini. Ces pourparlers visent à garantir que les groupes non signataires, la société civile, les groupes confessionnels et les chefs traditionnels se joignent au processus de paix, a expliqué le Chef de la Mission. Cette initiative propose de nouveaux mécanismes de suivi, de contrôle et de mise en œuvre, ainsi qu’une structure de conseil national de direction. Cependant, le Mouvement populaire de libération du Soudan dans l’opposition (MPLS dans l’opposition) a annoncé son retrait de l’initiative Tumaini le 16 juillet, craignant qu’elle ne traite de questions déjà convenues dans l’Accord revitalisé.
M. Haysom a encouragé une approche dans laquelle ces deux processus se renforceraient mutuellement dans la recherche d’un consensus entre toutes les parties prenantes, c’est-à-dire entre les signataires officiels et les non-signataires de l’accord de paix. Il importe cependant de clarifier davantage la manière dont l’initiative Tumaini et ses résultats convergeront avec le cadre de l’Accord revitalisé et le compléteront. La MINUSS, a-t-il précisé, ne défend pas l’un ou l’autre processus comme une modalité exclusive, mais promeut la confluence constructive des deux.
Pour ce qui est de la mise en œuvre de l’Accord revitalisé et de sa feuille de route, il a évoqué l’octroi d’un financement à la Commission nationale de révision constitutionnelle et la formation de comités électoraux supérieurs d’État. De plus, la Commission électorale nationale a commencé à évaluer les infrastructures et les installations nécessaires pour créer un environnement propice à la tenue des élections. À ce jour, 29 partis politiques ont été enregistrés, mais certains continuent d’avoir des réserves au sujet du montant des frais d’enregistrement fixé par le Conseil des partis politiques, l’annonce de la clôture de la période d’enregistrement ou encore le maintien de formations militaires par certains partis, a indiqué le Chef de la MINUSS.
Le 5 juillet, a-t-il poursuivi, la Commission électorale nationale a annoncé la date du 22 décembre 2024 pour la tenue des élections. Alors que des consultations sont toujours en cours entre les acteurs politiques pour déterminer si des élections peuvent ou doivent avoir lieu cette année, il est difficile de considérer le 22 décembre comme un élément déclencheur définitif, indépendamment d’autres facteurs critiques. Il a également évoqué les préoccupations liées à l’adoption récente d’une loi qui confère au service de sécurité nationale le pouvoir d’effectuer des arrestations sans mandat.
M. Haysom a ensuite averti qu’une « tempête parfaite » se prépare au Soudan du Sud, en ce qui concerne les perspectives humanitaires et économiques du pays. Il a parlé d’une crise humanitaire prolongée fondée sur une insécurité alimentaire chronique; d’un débordement du conflit soudanais au Soudan du Sud; de l’incertitude face aux événements politiques critiques nécessaires à une transition réussie; d’une économie qui se détériore rapidement, exacerbée par la rupture des infrastructures et des revenus pétroliers essentiels; et d’un risque d’inondations historiques en septembre.
Chacun de ces éléments représente à lui seul un défi important, a-t-il souligné, et, s’ils sont combinés, ils pourraient amener le pays à un point de basculement au moment même où le peuple entame une phase délicate de construction de la nation. Le temps presse, a-t-il lancé, avertissant que la capacité de réponse de l’ONU risque d’être dépassée et la transition politique du pays de dérailler. Les conséquences pour l’ensemble de la région de l’Afrique de l’Est seraient considérables.
Il a insisté sur l’importance d’une discipline fiscale et monétaire pour relever ces défis, y compris la transparence dans la gestion des revenus pétroliers et des taux de change. Le non-paiement des salaires des membres civils et en uniforme de la fonction publique est une source supplémentaire de tension, s’est inquiété M. Haysom en encourageant le Gouvernement à donner la priorité à cette question. Le Chef de la MINUSS a également appelé à un élan collectif de la part de l’ensemble des parties prenantes, notamment le Gouvernement de transition, pour empêcher un retour au conflit et jeter les bases d’une société pacifique, prospère et démocratique.
Mme EDEM WOSORNU, Directrice des opérations et de la communication du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a déclaré que le Soudan du Sud est aux prises d’une crise alimentaire, d’une crise économique et d’une crise climatique, dans un contexte de conflit et de diminution des ressources allouées à la réponse humanitaire. Plus de 9 millions de personnes, soit 76% de la population du Soudan du Sud, ont besoin d’une aide humanitaire. Parmi elles, 54% d’enfants et 24% de femmes. Selon nos projections, les inondations combinées au conflit pourraient créer des poches de famine entre juin 2024 et janvier 2025, a averti Mme Wosornu.
Elle a rappelé que la crise économique a été largement déclenchée par la cessation en février dernier des exportations de pétrole transitant par le Soudan. La livre sud-soudanaise s’est dépréciée de plus de 70% et l’inflation était de 97% en juin en moyenne annuelle. Les conditions sont si désespérées que certains se nourrissent de végétation sauvage et de dattes. Elle a ensuite souligné les conséquences du conflit au Soudan pour son voisin, le Soudan du Sud, accueillant le plus de déplacés après le Tchad. Près de 780 000 personnes ont fui au Soudan du Sud depuis le 15 avril 2023, a-t-elle précisé.
Malgré les défis, la communauté humanitaire continue d’apporter une aide, a-t-elle dit. Plus de 2,6 millions de personnes ont reçu une aide au premier semestre 2024, et plus de 820 000 personnes ont bénéficié de soins de santé. Elle a rappelé que le Soudan du Sud est l’un des pays les plus dangereux au monde pour les travailleurs humanitaires. Quatre d’entre eux ont été tués depuis 2023. Le sous-financement continue d’obérer la réponse humanitaire, a-t-elle déploré, en notant que le Plan de réponse n’est financé qu’à hauteur de 31%. Elle a en conséquence demandé un soutien renforcé des donateurs. Malgré la situation difficile, il reste possible d’agir, a-t-elle affirmé. En conclusion, Mme Wosornu a appelé à appuyer la transition du pays, à répondre aux conséquences de la guerre et à remédier à l’insécurité alimentaire. « Tout retard coûte des vies. »
Le général de division CHARLES TAI GITUAI, Président par intérim de la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée, a relevé que malgré une prolongation de la transition de 24 mois, des tâches cruciales comme les préparatifs des élections restent à concrétiser. Il a indiqué que la phase 2 du processus d’unification des forces et de désarmement, démobilisation et réinsertion reste à être opérationnalisée. Sur le front humanitaire, la situation reste difficile et il importe de souligner que le fonds spécial pour la reconstruction prévu dans l’Accord n’a pas encore vu le jour. De même, la crise économique empire avec l’amenuisement des revenus pétroliers, la plongée de la livre sud-soudanaise et l’inflation, qui se double mécaniquement de la baisse du pouvoir d’achat. Il a déploré le déficit d’engagement politique, ainsi que des lacunes en matière de capacités et la violence communautaire, entre autres obstacles à la consolidation de la paix au Soudan du Sud. Les institutions prévues dans l’Accord manquent encore à l’appel, même si des réformes sécuritaires et juridiques sont en cours. Il a estimé que l’Accord revitalisé reste la feuille de route idoine, raison pour laquelle il a demandé au Conseil de sécurité de continuer à suivre de près le processus de paix au Soudan du Sud et de mobiliser la communauté internationale afin d’y financer le processus de paix.