En cours au Siège de l'ONU

9701e séance – matin   
CS/15787

Conseil de sécurité: l’expansion des activités terroristes de Daech et de ses affiliés en Afrique et à travers le monde exige une réponse globale et coordonnée

La situation en Afrique de l’Ouest et au Sahel, où opèrent Daech et d’autres groupes terroristes, reste difficile et complexe, en raison de leur expansion et de leur capacité de nuisance, a déclaré, ce matin au Conseil de sécurité, le Secrétaire général adjoint chargé du Bureau de lutte contre le terrorisme (BLT), venu présenter le dix-neuvième rapport du Secrétaire général sur la menace représentée par Daech et sur les efforts déployés par l’ONU pour aider les États Membres à y faire face.  Le constat de M. Vladimir Voronkov a été confirmé par la Directrice exécutive de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme des Nations Unies (DECT), Mme Natalia Gherman. 

M. Voronkov a indiqué qu’au cours de la période à l’examen, deux des affiliés de Daech, la « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique » (ISWAP) et l’État islamique du Grand Sahara », ont étendu et consolidé leurs zones d’opérations.  Le haut fonctionnaire a dit craindre de voir ces groupes étendre leur influence dans les États du littoral nord, soit un vaste territoire allant du Mali au nord du Nigéria.  Il a également signalé une intensification des opérations de Daech dans le nord du Mozambique, dans l’est de la République démocratique du Congo et en Somalie, sans oublier celles de l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-K), la franchise de Daech en Afghanistan, qui mène des attaques terroristes à l’étranger.  Le Secrétaire général adjoint s’est également inquiété de la résurgence du noyau dur de Daech, qui a revendiqué la responsabilité des attaques de l’EIIL-K dans le monde entier, y compris en Iraq, en Syrie et en Europe.

Mme Gherman a confirmé que l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale sont particulièrement affectées par les activités de groupes affiliés à Daech, à l’origine de larges déplacements de populations, avec 2,9 millions de personnes déracinées en mai 2024 dans la région du lac Tchad.  Pour elle, l’attaque terroriste perpétrée contre un théâtre de Moscou en mars dernier confirme que Daech et ses affiliés ont renforcé leur capacité de nuisance à travers le monde. 

De concert avec M. Voronkov, les États Membres ont argué que seule une action globale et coordonnée permettrait de répondre durablement au fléau du terrorisme.  La Suisse a appelé à prioriser la prévention, jugeant insuffisantes les approches sécuritaires, qui peuvent même selon elle être de nature à aggraver la situation.  Le Japon a renchéri, en notant que terroristes et extrémistes violents exploitent la fragilité sociétale causée par les défis multidimensionnels et transnationaux, tels que l’instabilité politique, la pauvreté et les changements climatiques.  La délégation nippone a donc plaidé pour une approche intégrée axée sur la sécurité humaine, en appelant à promouvoir les liens entre aide humanitaire, développement et paix.  Il faut également s’attaquer à la violence sexuelle et sexiste, utilisée par les terroristes à des fins stratégiques, ont souligné plusieurs membres du Conseil, en citant par exemple les sévices perpétrés par l’EIIL contre la communauté yézidie il y a 10 ans.

Convaincue par l’insuffisance des solutions exclusivement militaires, la France a néanmoins soutenu que le recours à la force peut s’imposer contre les groupes terroristes.  Elle a rappelé l’action de son armée, saluant au passage celle des soldats africains engagés sur le continent dans des initiatives régionales de lutte.  La France et l’Union européenne continuent d’ailleurs de soutenir ces efforts, notamment en apportant un appui à la Force multinationale mixte (FMM), créée par les États du bassin du lac Tchad pour combattre l’expansion de Boko Haram, et désormais celle de Daech, dans la région, a expliqué sa représentante.  Les États-Unis ont également justifié leur présence en Syrie en raison de la lutte contre l’EIIL.

Cela n’a pas empêché la Fédération de Russie de dénoncer une politisation de la lutte antiterroriste par les pays occidentaux.  Ce à quoi la délégation américaine a rétorqué que c’est plutôt Moscou qui cherche à politiser « nos efforts au niveau mondial » en vue d’éradiquer le terrorisme.  Pourtant, a argué le représentant russe, en Syrie, les terroristes prospèrent dans les régions contrôlées par les États-Unis.  Il a également accusé la majorité des pays occidentaux de continuer à refuser le rapatriement de leurs ressortissants identifiés comme combattants étrangers.  Sur ce point, Mme Gherman a fait état de quelques avancées puisque, en collaboration avec le DECT, 10 États Membres ont rapatrié des enfants et quelques adultes qui résidaient dans des camps du nord-est de la Syrie. 

Pour le Secrétaire général adjoint, les réponses peuvent parfois justifier la force, mais cette option doit être alignée sur des stratégies visant à s’attaquer aux facteurs multiformes du terrorisme et de l’extrémisme violent, dans le respect des droits humain et du droit international humanitaire.  M. Voronkov a également souligné l’importance cruciale de la coopération entre États Membres pour faire face à la menace posée par Daech.  C’est dans cet esprit que son bureau a soutenu le Nigéria pour la tenue, en avril à Abuja, de la réunion africaine de haut niveau sur la lutte contre le terrorisme.  Il s’est félicité que la déclaration qui a été rendue publique à l’issue de cette manifestation prévoit la transformation du Centre national nigérian de lutte contre le terrorisme en un centre régional qui couvrira le Sahel et l’Afrique de l’Ouest.

Le Royaume-Uni a d’ailleurs applaudi l’élaboration d’initiatives dirigées par l’Afrique, en soulignant qu’en étroite collaboration avec les communautés économiques régionales et avec le soutien des entités onusiennes, l’Union africaine joue un rôle central dans ces efforts.  Dans cette perspective, la délégation britannique s’est dite prête à soutenir l’élaboration de plans d’action nationaux.  En tant que coordonnatrice du continent africain dans la lutte contre le terrorisme, l’Algérie a quant à elle plaidé pour une nouvelle stratégie de lutte contre le terrorisme, pour élaborer une liste africaine d’organisations terroristes et émettre des mandats d’arrêt contre les membres de ces groupes.

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES RÉSULTANT D’ACTES DE TERRORISME (S/2024/583)

Exposés

M. VLADIMIR VORONKOV, Secrétaire général adjoint en charge du Bureau de lutte contre le terrorisme (BLT), a présenté le dix-neuvième rapport du Secrétaire général sur la menace que Daech fait peser sur la paix et la sécurité internationales et sur les efforts déployés par l’ONU pour aider les États Membres à contrer cette menace. 

Il a indiqué que la situation en Afrique de l’Ouest et au Sahel reste difficile et complexe.  Les groupes terroristes ont continué à s’étendre dans le Sahel et à infliger de lourdes pertes, compromettant ainsi la stabilité régionale.  Deux des affiliés de Daech dans la région, la « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique » (ISWAP) et l’État islamique du Grand Sahara (EIGS), ont étendu et consolidé leurs zones d’opérations.  Si ces groupes étendent leur influence dans les États du littoral nord, un vaste territoire s’étendant du Mali au nord du Nigéria pourrait tomber sous leur contrôle effectif, a alerté le Secrétaire général adjoint.  Il a également signalé que les affiliés de Daech ont accéléré leur rythme opérationnel dans le nord du Mozambique ainsi que dans l’est de la République démocratique du Congo, où une augmentation « dramatique » des attaques terroristes a entraîné un nombre élevé de victimes civiles.  La filiale de Daech s’est aussi renforcée en Somalie.  

De même, M. Voronkov a prévenu du risque que l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-K), l’affilié de Daech en Afghanistan, mène des attaques terroristes à l’étranger, ce groupe ayant amélioré ses capacités financières et logistiques au cours des six derniers mois et intensifié ses efforts de recrutement.  L’activité de Daech et d’autres groupes terroristes en Afghanistan reste très préoccupante, a-t-il ajouté, appelant à s’unir pour empêcher l’Afghanistan de redevenir un foyer de terrorisme.  À cet égard, les efforts des États Membres voisins pour contrer et empêcher la propagation de la menace émanant de l’Afghanistan sont très importants. 

Il s’est également inquiété de la résurgence du noyau dur de Daech, notant que le groupe a revendiqué la responsabilité des attaques menées par l’EIIL-K dans le monde entier. Il a cité, entre autres, les opérations lancées par Daech en janvier et en mars en Iraq, et le rythme soutenu de ses opérations en Syrie, avec une recrudescence des attaques, en particulier dans la zone désertique centrale.  Des efforts soutenus en matière de lutte contre le terrorisme seront nécessaires pour empêcher Daech de tirer parti de ces avancées, a fait valoir le haut responsable selon lequel des efforts supplémentaires seront également nécessaires pour remédier à la situation désastreuse des camps et autres lieux de détention dans le nord-est de la Syrie.  Le Secrétaire général continue d’ailleurs d’appeler les États Membres à redoubler d’efforts pour faciliter le rapatriement de leurs citoyens qui se trouvent dans ces camps, a-t-il signalé, avant de prévenir que la menace posée par l’EIIL-K pèse également sur l’Europe où ce groupe est considéré comme la plus grande menace terroriste extérieure.  

Insistant sur l’importance cruciale de la coopération entre les États Membres pour faire face à la menace posée par Daech, M. Voronkov a expliqué que c’est dans cet esprit que son bureau a soutenu le Gouvernement du Nigéria dans l’organisation de la réunion africaine de haut niveau sur la lutte contre le terrorisme, qui s’est tenue à Abuja en avril.  Il a salué le fait que la Déclaration d’Abuja prévoit la transformation du centre national nigérian de lutte contre le terrorisme en un centre régional de lutte contre le terrorisme qui couvrira le Sahel et l’Afrique de l’Ouest. 

Le Secrétaire général adjoint a toutefois souligné que la coopération ne suffira pas si elle ne débouche pas sur des réponses globales et solidement ancrées dans des stratégies politiques.  Si les réponses peuvent parfois nécessiter l’usage légitime de la force, cette force doit être alignée sur des stratégies plus larges visant à s’attaquer aux facteurs multiformes du terrorisme et de l’extrémisme violent qui le favorise, a-t-il argué, soulignant que ces réponses doivent être pleinement conformes aux droits de l’homme et au droit international humanitaire.  

Mme NATALIA GHERMAN, Directrice exécutive de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme des Nations Unies (DECT), a relevé que depuis la publication du dernier rapport en date du Secrétaire général de l’ONU sur la menace posée par Daech, de nombreux défis persistent dans la prévention du terrorisme. Et l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale ont été particulièrement affectées par les actes de groupes affiliés à cette organisation terroriste, qui a provoqué de larges déplacements de populations.  Elle a évoqué le chiffre de 2,9 millions de déplacés en mai 2024 dans la région du lac Tchad, tandis que le terrorisme porte atteinte aux enfants au centre du Sahel. Elle a également cité l’attaque terroriste perpétrée contre un théâtre de Moscou en mars dernier, relevant que Daech et ses affiliés ont renforcé leur capacité de nuisance à travers le monde. 

Mme Gherman a ensuite évoqué quelques avancées au cours de ces derniers six mois, notamment dans des activités conjointes menées par le Comité avec les États.  Par exemple, 10 États Membres ont rapatrié les enfants et quelques adultes qui résidaient dans des camps du Nord-est de la Syrie.  Soutenir les victimes de Daech, y compris celles affectées par la violence sexuelle et sexiste, reste une priorité de l’ONU, a-t-elle indiqué.  Dans le même temps, l’Organisation continue de promouvoir l’établissement des responsabilités à travers la publication de pratiques optimales.  La Directrice exécutive a également évoqué les activités du Comité contre le terrorisme avec des pays tiers, notamment dans le Sahel et en Afrique de l’Ouest.

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