En cours au Siège de l'ONU

9698e séance – matin 
CS/15784

Au Conseil de sécurité, des responsables humanitaires de l’ONU s’alarment d’une « catastrophe absolue » au Soudan, où la famine menace 26 millions de personnes

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Une « catastrophe absolue »: c’est en ces termes que la Directrice des opérations et de la communication du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a présenté, ce matin, la crise humanitaire au Soudan. Alors que 26 millions de personnes y souffrent d’une faim aiguë, soit le triple de la population de New York, elle a confirmé que les conditions d’une famine étaient réunies dans le camp de Zamzam, à El-Fasher, la capitale du Darfour septentrional, et ailleurs dans le pays.

« Cette annonce devrait nous faire l’effet d’une douche froide », a lancé Mme Edem Wosornu aux membres du Conseil, à qui elle a expliqué que « cela signifie que nous arrivons trop tard et que nous n’en avons pas fait assez ».  Cela signifie que nous, la communauté internationale, avons échoué, s’est-elle indignée, en dénonçant une crise entièrement provoquée par l’homme et un « affront honteux » à « notre conscience collective ». 

Renchérissant, le représentant du Programme alimentaire mondial (PAM) a évoqué une situation effroyable qui se détériore jour après jour.  M. Stephen Omollo s’est livré à un vibrant plaidoyer en faveur d’une action diplomatique coordonnée afin de remédier aux défis opérationnels qui obèrent la réponse humanitaire, avant d’accuser les belligérants de ne pas respecter leurs obligations au titre du droit international humanitaire.  Il a fait état d’obstacles considérables à l’acheminement de l’aide de part et d’autre des lignes de front et transfrontalière. De son côté, Mme Wosornu a confirmé les blocages de convois, notamment par les Forces d’appui rapide, à El-Fasher, et les difficultés pour livrer les denrées stockées à Port-Soudan et au point de passage d’Adré, faute d’autorisations. 

Les États-Unis se sont indignés de constater que des personnes meurent de faim au Soudan malgré une aide humanitaire disponible sur place.  Ce sont les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide qui empêchent cette aide de parvenir aux nécessiteux, selon la délégation américaine, qui a sommé les deux parties de mettre fin à ces entraves.  Elles doivent se conformer au respect du droit international, a insisté la France, en les exhortant à garantir la protection des civils et l’acheminement de l’aide.

Également préoccupés par le siège imposé par les Forces d’appui rapide à El-Fasher, les A3+, formés de l’Algérie, du Mozambique, de la Sierra Leone et du Guyana, ont appelé les parties à prioriser l’assistance à la population soudanaise et à garantir un cessez-le-feu humanitaire.  La Chine a de son côté jugé essentiel de ne pas « politiser » l’aide.  M. Omollo a d’ailleurs souligné que mettre un terme à la famine exige une volonté politique, en interpellant le Conseil à ce sujet. 

Dressant un bilan accablant sur le terrain au cours des six dernières semaines, la Directrice des opérations et de la communication de l’OCHA a signalé que 726 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur et à l’extérieur de Sannar depuis le 25 juin, à la suite de l’avancée des Forces d’appui rapide dans cet État.  Et alors que le système de santé soudanais s’est effondré, a relevé Mme Wosornu, les deux tiers de la population ne peuvent se rendre dans un hôpital ou consulter un médecin.  En effet, de fortes précipitations ont inondé des quartiers résidentiels entiers et des sites où sont hébergées des personnes déplacées, notamment à Kassala et au Darfour septentrional, ne faisant qu’accroître le risque de propagation du choléra et de maladies d’origine hydrique.  Une génération entière d’enfants est privée d’une deuxième année consécutive d’éducation, s’est désolée la haute fonctionnaire, en rappelant que Khartoum, la capitale du Soudan, autrefois le « cœur battant » du pays, est en « ruines ».  Mais la faim n’est pas la seule menace à peser sur les populations, a-t-elle observé, en faisant cas de « crimes de guerre » et de niveaux de violences sexuelles atroces.

Alors que les agences onusiennes et leurs partenaires humanitaires s’efforcent par tous les moyens d’empêcher l’aggravation de la catastrophe, Mme Wosornu a considéré qu’il n’est tout simplement pas possible d’en faire davantage sans obtenir les autorisations et les ressources nécessaires.  Or, à ce jour, l’appel humanitaire en faveur du Soudan n’est financé qu’à hauteur de 32%, avec tout juste 874 millions de dollars sur les 2,7 milliards demandés. 

La Fédération de Russie a exprimé des doutes quant à l’analyse de la crise humanitaire dans les camps de réfugiés de Zamzam, Abou Chouk et Salam, attirant l’attention sur le fait que le cinquième niveau d’insécurité alimentaire le plus élevé (IPC-5) n’a pas encore été annoncé.  « Les auteurs du rapport mentionné indiquent clairement qu’ils disposaient d’informations limitées lors de sa préparation et que les statistiques fournies sont de nature prédictive », a relevé la délégation. Autrement dit, les experts nous mettent en garde contre la probabilité théorique d’une catastrophe, en a déduit la Russie.  Une telle approche « unilatérale » de la part de l’ONU et de certains membres du Conseil, qui instrumentalisent la faim et la crise humanitaire pour dissimuler la solution aux problèmes politiques au Soudan, est inacceptable, a tranché la délégation russe. 

Tout en ne niant pas la gravité de la crise dans son pays, le représentant soudanais a également estimé que le rapport du Comité d’examen des situations de famine pour ce qui est du Darfour septentrional est erroné.  La situation dans le camp est stable, a-t-il assuré, en brandissant des photos qui montrent que les gens n’y meurent pas de faim.  Il a expliqué la pénurie de vivres et d’articles de première nécessité dans ce camp par le siège des Forces d’appui rapide, qui confisquent les camions humanitaires et tentent d’affamer la population sur place et ailleurs.  La délégation soudanaise a reproché au Conseil et à la communauté internationale de ne pas condamner ces violations qui ne font « qu’encourager leurs auteurs ».  Son représentant a affirmé par ailleurs que les autorités soudanaises coopèrent avec l’ONU et facilitent les efforts humanitaires.  S’agissant du point de passage frontalier d’Adré, il a concédé que les conditions sont difficiles, en l’absence de coopération avec le Tchad.

La seule solution pour mettre fin à cette situation dramatique est de parvenir à une cessation des combats en vue d’un règlement durable du conflit, par le dialogue, a argué la France, à l’instar de la plupart des membres du Conseil.  Ils ont salué d’une manière générale les efforts de médiation en cours sous l’égide de l’Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Soudan, M. Ramtane Lamamra, appelant les deux parties à participer aux pourparlers prévus à Genève à partir du 14 août.

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD

Exposés

La situation humanitaire au Soudan aujourd’hui est une « catastrophe absolue », a déclaré sans ambages Mme EDEM WOSORNU, Directrice des opérations et de la communication du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).  Vingt-six millions de personnes souffrent d’une faim aiguë, soit le triple de la population de New York.  Plus de 10 millions de personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers en raison de la violence, de la faim et des privations.  Parmi elles, 726 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur et à l’extérieur de Sannar depuis le 25 juin, à la suite de l’avancée des Forces d’appui rapide dans l’État, et cela en l’espace de six semaines.  Le système de santé soudanais s’est effondré, a poursuivi Mme Wosornu.  Les deux tiers de la population ne peuvent se rendre dans un hôpital ou consulter un médecin. De fortes pluies ont inondé des quartiers résidentiels et des sites où sont hébergées des personnes déplacées, notamment à Kassala et au Darfour septentrional, ce qui ne fait qu’accroître le risque de choléra et de maladies d’origine hydrique.  Une génération entière d’enfants est privée d’une deuxième année consécutive d’éducation.  Khartoum, la capitale du Soudan, autrefois le cœur battant du pays, est en ruines, s’est désolée la haute fonctionnaire.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) a confirmé la semaine dernière les pires craintes, à savoir que des conditions d’une famine étaient réunies dans le camp de Zamzam, près d’El-Fasher, la capitale du Darfour septentrional, a souligné la haute responsable.  C’est ce même camp qui a fait l’objet d’une mise en garde de la part de Médecins Sans Frontières il y a six mois, où un enfant mourait toutes les deux heures de malnutrition.  Le PAM a également constaté des conditions de famine dans d’autres camps de déplacés à l’intérieur et autour de la ville. « Cette annonce devrait nous faire l’effet d’une douche froide », s’est exclamée Mme Wosornu, parce que « cela signifie que nous arrivons trop tard et que nous n’en avons pas fait assez ». Cela signifie que nous, la communauté internationale, avons échoué, a-t-elle tranché, soulignant qu’il s’agit d’une crise entièrement provoquée par l’homme et d’un affront « honteux » pour notre conscience collective. 

Mais la faim n’est pas la seule menace qui pèse sur les populations, a renchéri la haute fonctionnaire.  Quatre cent quatre-vingts jours de conflit ont plongé des millions de civils dans la violence, avec son cortège de morts, de blessés et de traitements inhumains, et détruit les infrastructures essentielles dont les civils dépendent. Mme Wosornu est très préoccupée par les crimes de guerre qui ont été commis, alors que les femmes et les filles du Soudan sont victimes de niveaux de violences sexuelles atroces alors même que l’accès aux soins d’urgence est de plus en plus difficile. 

Passant à la situation humanitaire, Mme Wosornu a expliqué que l’OCHA et la communauté humanitaire au Soudan continuent de travailler contre vents et marées pour apporter une aide vitale aux nécessiteux.  L’OCHA a lancé en avril un plan visant à mettre en place une réponse intégrée dans les points chauds de la faim à travers le pays, couvrant l’assistance alimentaire, la nutrition, la santé, l’eau, l’assainissement et l’hygiène, et l’agence élargit sa présence opérationnelle à d’autres zones où l’insécurité alimentaire est la plus forte.  Le Bureau explore toutes les voies possibles pour atteindre les communautés touchées, y compris par des ponts aériens et l’aide en espèces dans les zones où les marchés fonctionnent, a encore noté la haute fonctionnaire. Il est prévu de distribuer plus de 100 millions de dollars en espèces et en bons d’achat avant la fin de l’année, a indiqué la responsable.  De plus, l’ONU livre des semences et d’autres intrants pour aider les agriculteurs, car si les agriculteurs ont pu planter dans certaines régions, l’insécurité et le conflit empêchent de nombreuses autres communautés de cultiver.

Depuis le mois de mai, les partenaires humanitaires ont aidé 2,5 millions de personnes dans les zones de personnes déplacées 4 et 5, dont 1,8 million de personnes bénéficiant d’une aide à la sécurité alimentaire et de moyens de subsistance, 800 000 personnes bénéficiant d’un soutien en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène, et 237 000 personnes bénéficiant de soins de santé. 

En bref, nous nous efforçons par tous les moyens d’empêcher cette catastrophe de s’aggraver, a martelé la représentante de l’OCHA, mais il n’est pas possible de faire plus sans obtenir les autorisations et les ressources nécessaires.  Elle a également fait état de blocages de convois humanitaires, notamment par les Forces d’appui rapide à El-Fasher et des difficultés de livraisons des denrées qui se trouvent à Port-Soudan et au point de passage d’Adré, faute d’autorisations. Pendant ce temps, l’appel humanitaire pour le Soudan n’est financé qu’à 32%, ayant reçu tout juste 874 millions de dollars sur les 2,7 milliards nécessaires, a-t-elle renchéri.

Face à ce bilan accablant, la haute responsable a réitéré les demandes concrètes de l’OCHA aux membres du Conseil et à la communauté internationale, à commencer par l’urgence de mettre fin au conflit pour soulager la population civile et permettre l’acheminement rapide de l’aide humanitaire dans tout le pays.  Elle a en outre souligné l’impératif d’un accès humanitaire rapide, sûr et sans entrave à travers tout le Soudan, par tous les itinéraires possibles que ce soit par voie terrestre ou aérienne.  Enfin, si nous ne recevons pas un financement adéquat pour les opérations d’aide -y compris un financement flexible qui peut faciliter le travail des partenaires locaux- la réponse humanitaire s’arrêtera, a mis en garde Mme Wosornu.

M. STEPHEN OMOLLO, Sous-Directeur exécutif à la direction de l’environnement et de la gestion du travail du Programme alimentaire mondial (PAM), a rappelé que la famine est une réelle et dangereuse possibilité au Soudan: « Nos avertissements n’ont pas été entendus. »  Il a rappelé que plus de 750 000 personnes sont à un niveau catastrophique d’insécurité alimentaire.  La situation est effroyable et se dégrade jour après jour, a-t-il poursuivi.  La confirmation la semaine dernière d’une situation de famine doit servir de sonnette d’alarme pour la communauté internationale et ce Conseil, a déclaré M. Omollo.  Il a plaidé pour des efforts diplomatiques coordonnés afin de remédier aux défis opérationnels qui obèrent la réponse humanitaire.  Toutes les parties belligérantes ne respectent pas leurs obligations au titre du droit international humanitaire. 

M. Omollo a souligné les obstacles considérables à l’acheminement de l’aide au travers des lignes de front et l’aide transfrontalière, les parties refusant régulièrement d’autoriser les acheminements au travers des lignes de front.  Si le point de passage de Tine au Tchad est ouvert, sa capacité est nettement diminuée en raison de la saison des pluies.  « Il est donc crucial que le point de passage d’Adré demeure disponible pour toutes les agences et ce, sans délai. »  L’intervenant a appelé à un financement souple et renforcé de la réponse humanitaire au Soudan, celle-ci étant sous-financée, plaidant également pour une diplomatie efficace garantissant que l’aide puisse transiter par les points de passage au Tchad, au Soudan du Sud, en Libye et en Égypte.  « Toutes les parties doivent respecter le droit international humanitaire. »  Mettre un terme à la famine exige une volonté politique, a conclu M. Omollo, en appelant le Conseil à en faire montre.

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