En cours au Siège de l'ONU

9681e séance – matin 
CS/15760

RDC: la Cheffe de la MONUSCO prévient le Conseil de sécurité d’un risque très réel posé par le M23 de conflit régional plus large dans l’est du pays

Ce matin, la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la République démocratique du Congo (RDC) a présenté au Conseil de sécurité le dernier rapport sur la MONUSCO –la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo- en avertissant que l’expansion rapide du Mouvement du 23 mars (M23) pose « un risque très réel » de conflit régional plus large.  En cette année où la MONUSCO opère son retrait, les délégations concernées -la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda- ont pris position sur les propositions du Secrétaire général s’agissant de la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) en RDC.

Mme Bintou Keita, qui est à la tête de la MONUSCO, a commencé son exposé en saluant la mise en place d’un nouveau Gouvernement, le 12 juin 2024, avec une « première » Première Ministre de l’histoire du pays, Mme Judith Suminwa Tuluka, et un total de 17 femmes sur 54 membres.  Elle s’est félicitée des échanges qu’elle a eus avec les membres du cabinet, qui ont permis de discuter du nouveau plan d’action du Gouvernement et des possibilités de soutien de la MONUSCO.

La Représentante spéciale a ensuite dressé un bilan des violences touchant le pays, en commençant par parler de l’attaque du 19 mai qui a visé la résidence du Président de l’Assemblée nationale, M. Vital Kamerhe.  Elle a également dénoncé le fait que le M23 se soit emparé de la ville de Kanyabayonga (Nord-Kivu), accusant ce mouvement « et ses soutiens » d’avoir incendié plusieurs bases des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et déclenché de nouveaux déplacements de population.  Citant le Groupe d’experts qui travaille avec le Comité des sanctions établi par le Conseil de sécurité, elle a dit que le Gouvernement rwandais a renforcé son soutien au M23 et lui a ainsi permis de réaliser des gains territoriaux majeurs dans l’est de la RDC.  Ce qui lui a fait dire que l’escalade rapide de la crise du M23 pose un risque très réel de provoquer un conflit régional plus large. 

Mme Keita a aussi dénoncé les attaques « horribles » menées par les Forces démocratiques alliées (ADF), les milices Zaïre et les groupes armés de la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) dans la province de l’Ituri, qui ont fait près de 300 victimes supplémentaires depuis le 27 mars.  La MONUSCO, a-t-elle relaté, a poursuivi son soutien aux FARDC pour la protection des civils contre la CODECO et des groupes Maï-Maï en Ituri, formant 500 nouvelles recrues des FARDC et poursuivant son opération Springbok, en défense de Goma et Sake.

Abordant la crise humanitaire qui s’accentue, Mme Keita a dénombré 7,3 millions de personnes déplacées, dont 6,9 millions dans les seules provinces de l’est.  Une situation qui ne fait qu’augmenter les cas de violence sexuelle et violences basées sur le genre (de 3% depuis 2022), en particulier ceux touchant les enfants qui ont augmenté de 40%.  Face à cette crise, seulement 26% du Plan de réponse humanitaire 2024 (2,6 milliards de dollars) ont été versé, s’est-elle inquiétée. 

En pleine période de retrait de la MONUSCO, Mme Keita comme les membres du Conseil ont abordé la question de l’aide à apporter à la Mission de la SADC en RDC, qui atteindra sa pleine capacité opérationnelle d’ici à la mi-juillet.  Face aux différentes options possibles présentées par le Secrétaire général, « qui excluent la solution militaire » a rappelé Mme Keita, la RDC a dit souscrire à l’option 2, à savoir « une utilisation limitée des moyens logistiques et des capacités militaires de la MONUSCO ».  La RDC a plaidé pour un soutien incluant des moyens aériens, de transports terrestres, d’infrastructures ainsi que la remise des installations de la MONUSCO lors de son retrait, des ressources financières pour compléter le budget de la Mission de la SADC en RDC pour l’achat de drones et de transport aérien stratégique, et des plateformes de collecte d’informations et de renseignements.

Le Rwanda a dit ne s’être jamais opposé au déploiement d’une force multilatérale dans l’est de la RDC, avant d’accuser la Mission de la SADC de s’être alliée aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) qui constituent une grande menace pour la sécurité, la souveraineté et l’intégrité territoriale du Rwanda ainsi que pour la région des Grands Lacs.  Le délégué a invité l’ONU à examiner minutieusement la Mission de la SADC et à vérifier sa conformité avec les principes des droits de l’homme de l’Organisation.  Le Conseil doit veiller à ce que les contributions des États Membres ne bénéficient pas aux FDLR, a-t-il plaidé.  Le représentant congolais a répliqué que les FDLR sont aujourd’hui « une force résiduelle », avant de demander au Rwanda de « rentrer chez lui pour que nous restions des voisins et pour que nous puissions discuter ».

Le Royaume-Uni a estimé pour sa part que tout soutien de l’ONU à la force régionale de la SADC ne doit pas entraver la capacité de la MONUSCO à remplir son mandat.  D’un point de vue opérationnel, a précisé la Suisse, ce soutien doit être centré sur la protection des civils et un partage d’informations solide.  Toute aide de l’ONU à cette mission doit être fournie dans le strict respect des droits humains, a ajouté le Japon.  La Fédération de Russie a tout simplement appelé à appuyer la nouvelle Mission.

Pour sa part, la Sierra Leone, au nom des A3+ (Algérie, Guyana, Mozambique, Sierra Leone) a estimé que l’unité des membres du Conseil est un « impératif moral » afin de garantir que la Mission de la SADC reçoive le soutien dont elle a besoin pour la paix et la stabilité du pays.  Les États-Unis ont plaidé pour qu’un appui limité lui soit apporté alors que la France, prenant note des recommandations du Secrétaire général pour renforcer la coopération entre la MONUSCO et la Mission de la SADC, a promis de présenter prochainement un projet de texte à cette fin.

Les délégations ont également commenté la clôture, le mois dernier, des opérations de la MONUSCO au Sud-Kivu, mettant fin à plus de 20 ans d’opération.  Le processus de transition se poursuit sous la forme d’un plan provincial de transition pour la province du Sud-Kivu, accompagné par un plan d’appui de l’équipe pays des Nations Unies, a fait savoir Mme Keita.  La Chine a appelé la MONUSCO à travailler avec le Gouvernement congolais afin de veiller à un retrait en toute sécurité et de façon ordonnée avant de réclamer « un petit ajustement » de son mandat pour qu’elle puisse assurer une coordination avec les forces régionales.

LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO S/2024/482S/2024/519

Déclarations

Mme BINTOU KEITA, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), présentant le rapport trimestriel sur la situation en République démocratique du Congo (RDC), a rappelé qu’un nouveau Gouvernement a été mis en place le 12 juin 2024 avec une « première » Première Ministre de l’histoire du pays, Mme Judith Suminwa Tuluka, qui est à la tête d’un Gouvernement composé de 54 membres dont 17 femmes, soit une nette augmentation, de 27% à 33%, de femmes.  Elle a ainsi salué l’engagement du Chef de l’État à promouvoir l’égalité des sexes et ses efforts en sa qualité de Champion de la masculinité positive de l’Union africaine.  Les échanges avec les nouveaux responsables ont permis de discuter du nouveau plan d’action du Gouvernement et des possibilités de soutien de la MONUSCO, s’est réjouie Mme Keita.

La Représentante spéciale a ensuite condamné l’attaque, le 19 mai, de la résidence de Vital Kamerhe, qui a entraîné la mort de deux policiers chargés de sa sécurité.  Elle a noté que les forces de sécurité congolaises ont arrêté plus de 50 personnes, accusées d’avoir participé à plusieurs attaques, se désolant que la situation sécuritaire dans l’est de la RDC continue de se détériorer.  Elle a dit être préoccupée par l’expansion rapide du Mouvement du 23 mars (M23) dans le Nord-Kivu et par son débordement dans le Sud-Kivu, malgré les nombreuses opérations menées par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), soutenues par la MONUSCO et la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) en République démocratique du Congo.  Au cours des deux dernières semaines, le M23 s’est emparé de la ville de Kanyabayonga, a-t-elle indiqué en signalant aussi que le M23 et ses soutiens ont incendié plusieurs bases des FARDC et déclenché de nouveaux déplacements de population. Comme le souligne le Groupe d’experts, le Gouvernement du Rwanda a renforcé son soutien au M23, lui permettant de réaliser des gains territoriaux majeurs dans l’est de la RDC, a fait valoir la Représentante spéciale pour qui l’escalade rapide de la crise du M23 pose un risque très réel de provoquer un conflit régional plus large. 

En outre, une série d’attaques « horribles » menées par les Forces démocratiques alliées (ADF), les milices Zaïre et les groupes armés de Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) dans la province de l’Ituri a fait près de 300 victimes supplémentaires au cours de la période considérée, a-t-elle ajouté en déplorant la mort, entre le 4 et le 7 juin, de plus de 90 personnes se trouvant dans des coins isolés du territoire. 

La Représentante spéciale a assuré que la MONUSCO avait poursuivi son soutien aux FARDC pour la protection des civils contre la CODECO et des groupes Maï-Maï en Ituri.  La MONUSCO a notamment formé 500 nouvelles recrues des FARDC, tandis que l’opération Springbok, en défense de Goma et Sake, continue de faire face aux opérations du M23. Pour sa part, la Mission de la SADC en RDC atteindra sa pleine capacité opérationnelle d’ici à la mi-juillet, a indiqué Mme Keita avant de déplorer la perte de deux soldats sud-africains le 25 juin lors d’une attaque du M23 contre leur base à Sake. 

La Représentante spéciale s’est inquiétée de l’aggravation de la crise humanitaire en RDC provoquée par les attaques du M23.  Au total, la RDC compte 7,3 millions de personnes déplacées dont 6,9 millions dans les seules provinces de l’est.  Or les violations du droit international humanitaire entravent l’acheminement de l’aide humanitaire, s’est-elle impatientée en notant au moins 15 bombardements de sites de personnes déplacées ou de leurs environs immédiats qui ont fait près de 30 morts et de nombreux blessés.  De plus, la violence basée sur le genre ne cesse d’augmenter, s’est-elle désolée: en 2023, 122 960 cas ont été signalés (une augmentation de 3% depuis 2022).  Les filles représentaient près de 90% de tous les cas, et les incidents de violence sexuelle contre les enfants avaient augmenté de 40%.  Sur la base des tendances actuelles, l’année 2024 risque de devenir une autre année record, a prévenu Mme Keita. 

Abordant la question du financement du Plan de réponse humanitaire 2024 (2,6 milliards de dollars pour fournir une aide humanitaire à 8,7 millions de personnes), Mme Keita a noté que seulement 26% ont été versés.  Elle a appelé les États Membres et les organisations régionales à renforcer leur engagement en faveur de solutions politiques et régionales et à s’attaquer aux causes profondes des conflits.  La trêve humanitaire de deux semaines dans l’est de la RDC, qui a débuté le 5 juillet à minuit, devrait être l’occasion pour donner un nouvel élan aux efforts de paix régionaux en cours, a-t-elle espéré.

Dans la résolution 2717 (2023), a rappelé la Représentante spéciale, le Secrétaire général a présenté les différentes options possibles de soutien à la Mission de la SADC en RDC qui excluent la solution militaire.  La paix ne pourra être rétablie que grâce à des solutions politiques durables, a-t-elle martelé en recommandant que les efforts régionaux soient menés en complémentarité avec les initiatives de médiation au niveau provincial et local destinées à faciliter le désarmement des groupes armés dans l’esprit du processus de Nairobi.  La MONUSCO continue son appui aux efforts de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) du Gouvernement dont la réinsertion de plus de 1 800 ex-combattants à Lubero, a-t-elle assuré. 

La Représentante spéciale a rappelé que le 25 juin avait été marqué par la clôture des opérations de la MONUSCO au Sud-Kivu, mettant fin à plus de 20 ans d’opérations dans la province.  Le processus de transition se poursuit sous la forme d’un plan provincial de transition pour la province du Sud-Kivu, accompagné par un Plan d’appui de l’équipe pays des Nations Unies.  En conclusion, Mme Keita a lu un slam des jeunes de l’Uhuru Knowledge Center, qui dénonce, entre autres, « le cycle infernal de fuite, les bombes sur les déplacés à Mugunga, les traumatismes et les peurs, les villages brûlés, les maisons incendiées, les cœurs brisés des familles… »  Ce slam se conclut par un appel à écouter cette jeunesse congolaise et à la soutenir sans réserve pour l’avenir du pays. 

Le représentant de la France a condamné la violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDC et appelé le Rwanda à cesser son soutien au M23 et à retirer ses forces du territoire congolais.  Dans le même temps, il a demandé à la RDC de mettre un terme à ses liens avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et a salué, à ce titre, la proposition d’un plan pour désarmer et démobiliser les combattants de ce groupe.  Il faut un règlement politique du conflit, a poursuivi le délégué, en exprimant le soutien de la France aux efforts de l’Angola pour ramener les parties à la table des négociations.  Le délégué a par ailleurs salué le déploiement de la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) en République démocratique du Congo, prenant note des recommandations du Secrétaire général pour renforcer la coopération entre la MONUSCO et la SAMIRDC.  Nous présenterons prochainement un projet de texte à cette fin, a-t-il indiqué.  Enfin, après avoir dénoncé les pressions exercées par le M23 sur la MONUSCO pour s’arroger le contrôle de certaines zones, il a affirmé que le Conseil de sécurité restera seul décisionnaire du désengagement de la Mission de l’ONU, en consultation étroite avec Kinshasa. 

Le représentant de l’Équateur s’est dit préoccupé par la violence du M23 dans le Nord-Kivu, qui s’étend de plus en plus à certaines parties du Sud-Kivu, au moment où s’opère le retrait de la MONUSCO du Nord-Kivu.  Cela confirme la nécessité pour la RDC de collaborer avec la MONUSCO dans la mise en œuvre du plan de retrait, a-t-il noté en soulignant l’importance d’un appui qui permet un contrôle gouvernemental sur l’ensemble du territoire.  Le soutien militaire étranger au M23 et à certains groupes armés, tels que les FDLR, doit cesser immédiatement, a exigé le représentant avant de prendre note des efforts de médiation diplomatique entre la RDC et le Rwanda, menés par le Gouvernement angolais.  L’Équateur encourage le Gouvernement congolais à continuer de s’attaquer aux causes des tensions intercommunautaires et à mettre en œuvre l’accord de cessation des hostilités entre le Gouvernement et les différents groupes armés de la province d’Ituri, qui est « plausible » selon lui, dans le cadre du programme de désarmement, démobilisation, communauté et stabilisation. 

Les pratiques et crimes les plus atroces enregistrés en RDC, y compris les violences sexuelles basées sur le genre et les violations graves à l’encontre des enfants, ne peuvent rester impunis, a poursuivi le représentant.  À cet égard, il a mis en exergue le travail de la MONUSCO visant à mettre fin au recrutement et à l’utilisation d’enfants dans les groupes armés, et à renforcer le secteur de la justice, à travers la mise en œuvre du programme conjoint d’appui à la réforme judiciaire des Nations Unies et la coopération technique et financière pour lutter contre l’impunité pour les crimes contre l’humanité.  L’Équateur considère que le déploiement de la Mission de la SADC en RDC, appuyée par l’Union africaine, est un signe de soutien régional à la paix et à la stabilisation en RDC que le Conseil de sécurité devrait appuyer, a déclaré le délégué.  Pour lui, le Conseil « doit appuyer toute initiative régionale, bilatérale et internationale qui, de manière coordonnée, soutient la RDC dans la consolidation de la paix et de la stabilité politique ». 

Le représentant du Royaume-Uni a appelé toutes les parties au conflit à respecter la trêve.  Il a fermement condamné les attaques commises contre les travailleurs humanitaires, notamment celle de Butembo qui a causé la mort de deux travailleurs humanitaires de l’ONG britannique Tearfund.  Il a dénoncé le fait de cibler les humanitaires, avant de rappeler l’inviolabilité des camps de population civile.  Mettre en danger la vie des civils en plaçant de l’artillerie lourde à proximité des camps de personnes déplacées est inacceptable, s’est-il indigné, jugeant également « inexcusable » de lancer des attaques sur des zones connues pour être fortement peuplées de civils.  Le délégué a souhaité que la période de transition de la MONUSCO soit « responsable » et permette un positionnement de l’État lui permettant d’assumer ses responsabilités et d’éviter un vide sécuritaire.  Il a, en outre, souhaité que tout soutien de l’ONU à la force régionale de la SADC, la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en RDC, n’entrave pas la capacité de la MONUSCO à remplir son mandat actuel. 

Le représentant de la Sierra Leone, qui s’exprimait au nom de l’A3+ (Algérie, Guyana, Mozambique, Sierra Leone) a appelé les parties concernées à cesser toutes les attaques contre la MONUSCO. Il a salué la nomination de la première femme Première Ministre de la RDC ainsi que la présence de 17 femmes au sein du nouveau Gouvernement congolais, avant de s’alarmer de la détérioration de la situation sécuritaire dans les provinces du Kivu et de l’Ituri. Préoccupé par les risques encourus par les civils dans les camps de personnes déplacées, le délégué a exhorté les parties à assurer la protection des civils.  Il a ensuite condamné les attaques perpétrées contre des infrastructures critiques, contre l’aéroport de Goma et contre les Casques bleus et les biens de la MONUSCO.  Il est grand temps de résoudre ce conflit, a-t-il commenté, regrettant l’absence d’amélioration depuis la dernière réunion du Conseil de sécurité sur ce dossier. Le peuple congolais ne doit plus continuer à subir les atrocités commises par les groupes armés en RDC, a insisté le délégué. 

Alarmé par la recrudescence des combats à Kanyabayonga depuis le 7 février dernier, le représentant a dit craindre un débordement régional dans la région des Grands Lacs.  Il a appelé les groupes armés à cesser leurs attaques contre les civils, à se retirer des territoires occupés et à donner aux populations le répit dont elles ont besoin. Dans ce contexte, il a réitéré le soutien des A3+ aux efforts de médiation et de dialogue, notamment ceux déployés par le Président angolais João Lourenço.  Il a également rappelé l’importance des processus de Luanda et de Nairobi, dans le but de dynamiser le dialogue politique au niveau régional et de désamorcer les tensions. 

Après avoir pris acte du retrait de la MONUSCO du Sud-Kivu, le représentant a estimé que l’unité des membres du Conseil est un « impératif moral » afin de garantir que la Mission de la SADC en République démocratique du Congo reçoive le soutien dont elle a besoin pour la paix et la stabilité en RDC. Appelant de ses vœux un financement adéquat pour la réponse humanitaire dans l’est de la RDC, il a averti que les activités des groupes armés ne font qu’exacerber les conséquences humanitaires pour les plus de 6 millions de personnes déplacées.  Il a enfin souhaité que les acteurs étatiques, les groupes armés et les autres parties prenantes soient tenus responsables de leurs actes et traduits en justice pour leur rôle dans le recrutement et l’utilisation d’enfants dans le conflit. 

La représentante des États-Unis a salué la pause humanitaire de deux semaines qui a commencé le 5 juillet, ainsi que le désengagement de la MONUSCO du Sud-Kivu.  Elle s’est cependant déclarée préoccupée par les difficultés de déploiement rencontrées par les Forces armées de la RDC pour tenir les positions de la MONUSCO.  Elle a dénoncé les menaces et avancées du M23 et a jugé « irresponsable » le soutien que le Rwanda leur apporte. Encourageant la RDC et le Rwanda à dialoguer en vue d’une désescalade, elle a assuré du soutien des États-Unis à cette fin.  À l’heure actuelle, les interventions militaires du Rwanda sont de plus en plus directes et décisives, a-t-elle déploré, avant d’appeler toutes les parties à protéger les populations.  Elle a ensuite salué le déploiement de la mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en République démocratique du Congo (SAMIRDC) et plaidé pour qu’un appui limité lui soit apporté.  Le Conseil de sécurité doit éviter toute mesure susceptible d’attiser les tensions régionales, a conclu la déléguée. 

Le représentant de la Chine a noté la prise de fonction du nouveau Gouvernement de la RDC, le mois dernier en, saluant son plan d’action pour parvenir à la stabilité et à la paix.  Il a insisté pour que la violence des groupes armés cesse, en rappelant que le 3 juillet dernier, une entreprise privée chinoise a subi une attaque qui a causé la mort et la disparition de plusieurs personnes.  Il a demandé que les responsables soient arrêtés et traduits en justice, et exhorté tous les groupes armés à déposer les armes et à se retirer des zones qu’ils occupent.  Notant qu’en avril le Gouvernement de la RDC a conclu un accord de cessez-le-feu avec de multiples groupes armés et qu’un projet pilote de DDR a été mené au Kivu, le délégué a appelé la communauté internationale à soutenir des progrès de ce type, à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC et à y améliorer la situation humanitaire. 

Afin de faciliter une désescalade dans la région, le représentant a voulu que l’on règle les divergences par le dialogue au détriment des solutions militaires. Il a remercié l’Angola d’avoir organisé une réunion ministérielle entre la RDC et le Rwanda.  Pour ce qui est du retrait de la MONUSCO dont la première étape est terminée, le délégué a appelé la Mission à travailler avec le Gouvernement congolais afin de veiller à un retrait en toute sécurité et de façon ordonnée. La Chine, a conclu le représentant, appuie un petit ajustement du mandat de la MONUSCO pour qu’elle puisse assurer une coordination avec les forces régionales. 

Le représentant de la Slovénie a exhorté le M23 et tous les autres groupes armés à cesser immédiatement les hostilités et à se retirer des territoires occupés.  Il a rappelé aux parties leur obligation de respecter le droit international humanitaire et les droits humains.  Il a fermement condamné les plus de 170 attaques contre des agents humanitaires cette année, ainsi que la poursuite des attaques contre les soldats de la paix.  Il a dénoncé l’utilisation croissante de l’artillerie lourde à proximité des camps de déplacés, comme les bombardements qui ont eu lieu à Mugunga et au lac vert.  Il a voulu que l’on traduise en justice les auteurs de violences sexuelles, d’exploitation sexuelle et d’esclavage sexuel. Le délégué s’est dit craindre que le conflit ne prenne une dimension régionale et a exhorté les Présidents congolais et rwandais à s’engager dans un dialogue politique inclusif. 

La représentante de Malte a exprimé une nouvelle fois son soutien au dernier communiqué de presse du Conseil de sécurité qui condamnait fermement le soutien militaire étranger au M23 et à tout autre groupe armé opérant en RDC. Alors que la MONUSCO a achevé son retrait du Sud-Kivu, la déléguée a pointé les retombées sécuritaires du Nord-Kivu sur le Sud-Kivu, y compris les 500 000 déplacés.  Elle a encouragé les autorités congolaises à ne ménager aucun effort pour assurer une présence militaire suffisante dans la région et empêcher que des bases ne tombent entre les mains des groupes armés. Sur le plan politique, elle a condamné la tentative du 19 mai de déstabiliser les institutions démocratiques en RDC. 

Sur une note positive, la déléguée s’est félicitée de la nomination de la première femme premier ministre et des 17 autres femmes qui sont entrées au Gouvernement.  Elle a aussi félicité l’Angola pour ses efforts visant à désamorcer les tensions et encouragé les dirigeants des pays concernés à revenir à la table des négociations.  Exigeant que toutes les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme cessent immédiatement, la déléguée a plaidé pour une présence plus importante de conseillers à la protection de l’enfance dans le Sud-Kivu, conformément à la résolution 2717 (2024). 

Le représentant de la République de Corée a salué la pause humanitaire de deux semaines qui a commencé vendredi dernier à l’est de la RDC.  Mon pays espère que cette trêve permettra de prévenir le risque d’une imminente et totale régionalisation du conflit, a-t-il dit avant d’exhorter le M23 à se retirer complètement des zones occupées et de dénoncer les interventions militaires étrangères en RDC.  Le Conseil doit rester vigilant sur cette question, a poursuivi le représentant qui a plaidé pour un retrait graduel et responsable de la MONUSCO et pris note des propositions du Secrétaire général pour un soutien onusien aux forces régionales en RDC.  L’appui de l’ONU à de telles forces devra être apporté dans le respect des droits humains et du droit international humanitaire, a conclu le représentant en insistant sur un accès humanitaire sans entrave.

Pour la représentante du Japon, il est essentiel de préserver la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriales de la RDC.  Elle a dit soutenir les initiatives nationales et régionales en cours visant à surmonter les différends, apaiser les tensions entre les parties prenantes et rechercher des solutions durables grâce à un dialogue inclusif.  Le processus de Luanda doit être respecté de bonne foi par toutes les parties, a-t-elle plaidé, avant d’appeler à éviter toute action susceptible de le faire dérailler. Toute aide de l’ONU à la force régionale SAMIDRC doit être fournie dans le strict respect des droits humains, a-t-elle dit.  Elle a également appelé à un désengagement responsable et à un retrait durable de la MONUSCO, avec notamment un déploiement synchronisé des forces de sécurité nationales pour assurer la protection des civils.

Pour la représentante de la Suisse, seule une solution politique, fondée sur le dialogue et le respect mutuel, peut conduire à une paix et une sécurité durables dans la région.  Face à l’intensification des tensions entre la RDC et le Rwanda, elle a salué les initiatives politiques en cours, avant d’encourager les Présidents Tshisekedi et Kagame à se réunir au plus vite pour engager un dialogue sincère et constructif. Il est crucial que tous les États de la région respectent leurs engagements, a-t-elle argué en condamnant la progression continue des forces de défense rwandaises et du M23 dans l’est de la RDC.  La déléguée a exigé que le Rwanda cesse tout soutien au M23 et se retire du territoire congolais.  Elle a également appelé les Forces armées de la RDC à ne plus soutenir les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).  Aucun dialogue de paix durable ne pourra aboutir si les parties continuent à violer le droit international, a-t-elle ajouté, exprimant sa préoccupation face à l’augmentation des attaques contre les civils, des recrutements d’enfants et des violences sexuelles liées au conflit. 

Alors que la MONUSCO a achevé son retrait du Sud-Kivu, la représentante a constaté que les défis sécuritaires perdurent après le désengagement.  Elle a encouragé la RDC à prendre le relais et à veiller à ce que les vides sécuritaires soient comblés, notamment par le déploiement des forces de sécurité.  Tout soutien de la MONUSCO aux forces régionales doit être entrepris en gardant à l’esprit que la paix et la sécurité ne peuvent être atteintes que par des solutions politiques durables, a-t-elle souligné, plaidant pour une application robuste du principe de diligence voulue en matière de droits de l’homme et une adhésion au cadre de conformité de l’Union africaine.  D’un point de vue opérationnel, a poursuivi la déléguée, tout soutien doit s’accompagner d’une approche centrée sur la protection des civils et d’une coordination et d’un partage d’informations solides. 

La représentante de la Fédération de Russie a déploré l’escalade de la situation dans l’est de la RDC.  La poursuite du conflit militaire est la principale cause de la détérioration de la situation humanitaire, a dit la déléguée, avant de plaider pour une solution durable tenant compte des intérêts de tous les acteurs.  Elle a appelé à la cessation des hostilités et à l’application du processus de Luanda.  La RDC doit cesser de coopérer avec les groupes armés illicites, a-t-elle lancé. Déplorant que les efforts diplomatiques n’aient donné que des résultats limités, elle a exhorté tous les pays ayant de l’influence à faire primer les intérêts de la population congolaise.  La déléguée a appelé à tirer en toute impartialité les leçons des succès et échecs de la MONUSCO, avant de prendre note de son retrait du Sud-Kivu.  Un vide sécuritaire ne saurait s’instaurer en RDC, a déclaré la déléguée.  Enfin, elle a appelé à appuyer la mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en République démocratique du Congo.

Le représentant de la République démocratique du Congo a remercié la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) pour le déploiement d’une mission en soutien aux forces armées congolaises et à la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), avant de saluer l’initiative des États-Unis qui ont mené à une trêve humanitaire offrant un répit aux populations civiles touchées de plein fouet par l’agression rwandaise.  Le délégué a d’emblée réitéré sa demande de soutien à la Mission de la SADC en RDC, formulée dans une lettre datée du 13 avril 2024.  Ce soutien inclut des moyens aériens, de transports terrestres, d’infrastructures ainsi que la remise des installations de la MONUSCO lors de son retrait, des ressources financières pour compléter le budget de la Mission de la SADC en RDC pour l’achat de drones et de transport aérien stratégique, et des plateformes de collecte d’informations et de renseignements. 

S’agissant de la proposition du Secrétaire général avançant trois options d’appui à la Mission de la SADC en RDC, celle-ci souscrit en faveur de l’option 2, a dit le délégué.  Il s’agit d’une utilisation limitée des moyens logistiques et des capacités militaires de la MONUSCO, a-t-il rappelé en espérant que ce dispositif permettra à la Mission de la SADC en RDC de couvrir les besoins de son mandat logistique et opérationnel.  Le Conseil doit faire preuve de réalisme et tenir compte des « statistiques écœurantes » de la crise se déroulant dans l’est du pays, qui dure depuis bientôt trois décennies, a plaidé le représentant en mettant en exergue le bilan humain de plusieurs millions de morts et une situation humanitaire catastrophique de plus de 7,2 millions de personnes déplacées.

En ce qui concerne le désengagement de la MONUSCO, le représentant a demandé un retrait accéléré, progressif, ordonné et responsable de la Mission saluant l’achèvement de la première phase le 25 juin 2024 dernier.  La priorité du Gouvernement est de consolider et renforcer l’autorité de l’État dans le Sud-Kivu pour prévenir tout vide sécuritaire, a-t-il assuré.  « L’heure est donc à la transition », a-t-il avancé en déclarant que le Gouvernement assumera pleinement les activités autrefois exercées par la MONUSCO avec l’appui des agences, fonds et programmes des Nations Unies. Toutefois, en raison de l’agression continue du Rwanda dans le Nord-Kivu, la phase de retrait suivante (phase 2) sera abordée lorsque les conditions le permettront, après des évaluations conjointes continues, a-t-il déclaré.

Le délégué a aussi dénoncé la poursuite par le M23 d’attaques visant les camps des personnes déplacées et son expansion territoriale, militaire, agressive et continue.  Ces attaques ont été suffisamment documentées et portées à la connaissance du Conseil de sécurité a maintes reprises, a-t-il rappelé avant d’appeler celui-ci à prendre pleinement conscience du danger que représente le comportement actuel des autorités rwandaises et à assumer sa responsabilité en adoptant toutes les mesures préventives nécessaires pour mettre fin à une détérioration continue de cette situation, qui menace toute la sous-région. 

Enfin, le représentant a formulé plusieurs demandes, notamment au Secrétaire général et à la MONUSCO pour qu’ils accordent un soutien logistique et opérationnel substantiel à la Mission de la SADC en RDC afin de lui permettre de s’acquitter de son mandat.  Il a souligné la nécessité de contribuer à une solution durable de la crise sécuritaire dans l’est de la RDC par la voie diplomatique et de favoriser la paix et la stabilité dans la région des Grands Lacs.

Il faut aussi, selon lui, définir un régime de sanctions applicables au Rwanda et à ses dirigeants, sanctionner l’État rwandais, ses dirigeants et toutes personnes morales ou physiques impliquées dans cette agression, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les violations graves des droits de l’homme commises par les Forces de défense rwandaises et le M23 sur le territoire congolais.  Le délégué a exigé officiellement le retrait sans conditions des troupes rwandaises de la RDC, sous peine de sanctions individuelles et collectives, et la suspension de toute participation de ces troupes aux opérations de paix des Nations Unies, avec un embargo sur les armes contre le Rwanda jusqu’à l’arrêt de son soutien au M23 et au retrait total de son armée du territoire de la RDC.  Le représentant a également demandé de dénoncer et sanctionner l’implication des autorités rwandaises dans l’exploitation illégale des ressources naturelles minières et agricoles de la RDC. 

Le représentant du Rwanda a estimé que, compte tenu du contexte historique de ce conflit et de ses racines, ni l’option militaire ni le fait de désigner le Rwanda comme bouc émissaire ne fournira une solution durable à la crise. Il a rappelé qu’en 2013, une tentative visant à mettre fin à ce conflit par les armes s’est soldée par un échec, « nous laissant face aux mêmes problèmes ».  On ne peut donc pas répéter la même chose et attendre des résultats différents, a-t-il argué, avant de constater que les échecs en matière de sécurité et de gouvernance en RDC ont conduit à la prolifération de groupes armés illégaux.  Il a ainsi dénombré plus de 250 groupes armés, le principal étant le FDLR.  À ses yeux, c’est le manque de volonté politique des autorités de la RDC pour résoudre les causes sous-jacentes du conflit qui a conduit à la situation sécuritaire et humanitaire actuelle. 

Le délégué a affirmé que le Rwanda ne s’est jamais opposé au déploiement d’une force multilatérale dans l’est de la RDC.  Notant que, dans le but de se doter d’une force plus offensive, la RDC a appelé les pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) à intervenir, il a accusé la Mission de la SADC en République démocratique du Congo de s’être alliée aux groupes armés illégaux à caractère ethnique, comme les FDLR qui agissent sous le couvert des Forces armées de la RDC (FARDC). Ce soutien aux FDLR constitue une grande menace pour la sécurité, la souveraineté et l’intégrité territoriale du Rwanda, a-t-il fait valoir, ajoutant que ce groupe constitue une menace pour son pays mais aussi pour la région des Grands Lacs dans son ensemble. Il a par conséquent appelé l’ONU à examiner minutieusement la Mission de la SADC en RDC et à vérifier sa conformité avec les principes des droits de l’homme de l’Organisation.  Pour le représentant, il est du devoir du Conseil de veiller à ce que les contributions des États Membres ne bénéficient pas à des groupes armés illégaux, « encore moins à un groupe terroriste sanctionné par l’ONU, comme c’est le cas du FDLR ». 

Dans une reprise de parole, le représentant de la République démocratique du Congo a dénoncé « les contrevérités » de son homologue du Rwanda.  L’argument tiré de la persécution de la population rwandophone en RDC est « fallacieux » selon lui.  Le délégué a fait valoir que les ressortissants des neuf pays limitrophes de la RDC vivent paisiblement dans son pays, demandant pourquoi la RDC ne s’en prendrait qu’aux populations rwandophones.  S’agissant de la cause profonde du conflit, il a rappelé que le génocide s’était déroulé entre les Rwandais.  Les Hutus ont été accueillis par la RDC à la suite d’une opération militaire autorisée par l’ONU, a-t-il ajouté en soulignant que la RDC avait accepté de mener des opérations avec l’armée rwandaise pour s’attaquer aux FDLR. Aujourd’hui les FDLR sont une force résiduelle, comme le Rwanda l’a reconnu devant le Conseil, a-t-il noté. Pour expliquer la demande de son pays de soutenir la Mission de la SADC en RDC, il dit que c’est pour permettre à la communauté internationale de repousser l’agression rwandaise. « Nous demandons au Rwanda de rentrer chez lui pour que nous restions des voisins et pour que nous puissions discuter.  Tant qu’ils sont sur le territoire congolais, la discussion sera difficile. » 

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