Haïti: le déploiement d’un premier contingent de la Mission multinationale d’appui à la sécurité salué au Conseil de sécurité
« Des changements majeurs sont en cours en Haïti », a déclaré ce matin, la Représentante spéciale du Secrétaire général dans ce pays et Cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH). Venue faire le point sur la situation au Conseil de sécurité, Mme María Isabel Salvador a évoqué le déploiement d’un premier contingent de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) ainsi que l’investiture, le 12 juin, d’un nouveau gouvernement de transition engagé à conduire le pays vers la restauration des institutions étatiques par la tenue d’élections crédibles qui mèneront à l’installation des autorités élues au plus tard en février 2026.
Assurant que la durée et la mission de la transition se veulent « très limitées », le nouveau Premier Ministre haïtien a expliqué que ces élections seront précédées de réformes constitutionnelles, d’une révision du cadre légal sur le fonctionnement et le financement des structures politiques, d’un appui à la bonne gouvernance et d’un renforcement des mécanismes de lutte contre la corruption et l’impunité. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons transformer efficacement les fonds et les ressources en résultats tangibles et durables pour le peuple haïtien, a argué M. Garry Conille, la Représentante spéciale appelant pour sa part à renforcer l’expertise électorale du BINUH.
Le Chef du Gouvernement a également plaidé pour une aide massive au développement, assortie d’investissements majeurs dans des secteurs clefs de l’économie, reconnaissant toutefois qu’à ce « tournant décisif », tout chantier économique ou politique implique de solutionner la question sécuritaire. Aussi a-t-il salué la mise en œuvre des engagements pris à travers la résolution 2699 (2023) relative à la MMAS, assurant que le déploiement, le 25 juin, du premier contingent de policiers kényans aux côtés des forces de l’ordre haïtiennes contribuera à mettre un frein au « barbarisme » des groupes criminels.
« L’arrivée du premier contingent de la MMAS marque le début d’une ère nouvelle pour Haïti », s’est félicité M. Conille qui a promis de reprendre le contrôle du territoire haïtien « maison par maison, quartier par quartier, ville par ville », grâce à des forces armées et une Police nationale d’Haïti « mieux équipées et plus motivées que jamais ».
Les membres du Conseil ont placé beaucoup d’espoirs dans la MMAS, une mission « indispensable », selon la France, pour prêter assistance à la Police nationale d’Haïti, rétablir la sécurité en Haïti et créer les conditions sécuritaires propices à la tenue des élections et à la restauration des institutions démocratiques du pays. Pour les États-Unis, plus grand bailleur de fonds de cette mission avec une contribution de 309 millions de dollars, « la MMAS doit réussir et avoir en son cœur le respect des droits humains afin de gagner la confiance de la population ».
Faisant écho à l’appel de la Représentante spéciale et de la Communauté de Caraïbes, entre autres, le Kenya a souligné que ce déploiement initial doit renforcer la confiance et se traduire par un soutien accru à la MMAS, rappelant la nécessité d’augmenter le niveau des forces afin d’obtenir l’impact souhaité.
Les progrès constatés aujourd’hui sur le terrain sont le fruit de la coopération multilatérale et un démenti fort des critiques entendues à l’égard d’Haïti, a déclaré le Ministre des affaires étrangères de la République dominicaine, M. Roberto Álvarez Gil.
De son côté, l’Équateur a souligné que durant cette période de transition, le régime de sanctions joue également un rôle central pour empêcher les chefs de gangs et ceux qui les financent d’agir en toute impunité. Le délégué a ainsi jugé nécessaire de consolider les mécanismes d’échange d’informations et la coopération régionale et sous-régionale, notamment dans le domaine des armes légères.
Notant que les gangs contrôlent toujours 80% de Port-au-Prince et que la plupart de leurs armes viennent de Floride, la Fédération de Russie s’est interrogée sur les critères retenus par le Comité des sanctions pour élaborer sa liste. Les chefs de gangs haïtiens qui y figurent n’ont pas l’intention de voyager, contrairement aux trafiquants d’armes américains qui les fournissent, a constaté la délégation.
LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI (S/2024/508)
Déclarations
Mme MARÍA ISABEL SALVADOR, Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti et Cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), a fait état de changements majeurs en Haïti depuis sa dernière présentation au Conseil. Le pays progresse vers la restauration des institutions démocratiques grâce à une sécurité accrue et à des élections crédibles, s’est-elle félicitée, en citant l’installation du Conseil présidentiel de transition en avril et la désignation d’un premier ministre et d’un nouveau gouvernement. Les travaux se sont poursuivis à l’aéroport de Port-au-Prince, où les vols ont repris, et la construction de la base qui accueillera la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) a été achevée. Un premier groupe de policiers kényans pour la MMAS est arrivé le 25 juin, a-t-elle signalé, précisant que ce premier déploiement constitue une étape importante dans la mise en œuvre de la résolution 2699 (2024) du Conseil de sécurité.
Le 28 mai, M. Garry Conille, a été choisi comme Premier Ministre par le Conseil présidentiel de transition. Le 12 juin, un nouveau gouvernement de transition a été investi, composé de 14 ministres à la tête de 18 ministères. Avec l’installation de ce gouvernement, l’exécutif bicéphale s’est engagé à conduire Haïti vers la restauration des institutions étatiques par la tenue d’élections crédibles, inclusives et participatives qui mènera à l’installation des autorités élues au plus tard en février 2026. La Représentante spéciale a salué les efforts des autorités de transition pour accroître la participation des femmes et d’autres minorités à des postes clefs au sein du gouvernement. En effet, 6 des 18 ministères sont conduits par des femmes, soit 33% de l’ensemble des ministères. Mme Salvador a salué en outre l’engagement du Premier Ministre et de son gouvernement dans la lutte contre la corruption et en faveur des droits humains et de la justice.
De son côté, le BINUH a renouvelé et réorienté son engagement stratégique de soutien au processus politique. Accroître systématiquement la participation des femmes et des jeunes à ce processus est un pilier fondamental de cette stratégie développée conjointement avec le Gouvernement, a souligné Mme Salvador. Sur le volet de la protection des droits humains, le BINUH met l’accent sur la lutte contre la corruption qui a un effet dévastateur sur les institutions publiques et sur la capacité de l’État à respecter, protéger et réaliser les droits humains, a-t-elle expliqué, en précisant que le Bureau a soutenu la formation de 61 magistrats de Port-au-Prince et Croix des Bouquets sur les techniques d’investigation en matière de violences sexuelles.
En matière de sécurité, bien que des progrès aient été accomplis, la Représentante spéciale a concédé être toujours préoccupée par les niveaux alarmants de la violence aveugle des gangs au-delà de la capitale. Les attaques répétées des gangs depuis le 29 février ont gravement entravé les efforts nationaux et internationaux visant à accélérer le processus de recrutement de nouveaux officiers de police alors que les taux d’attrition au sein de la Police nationale restent élevés, a-t-elle expliqué tout en saluant la désignation récente d’un nouveau directeur général de la Police nationale d’Haïti. Mme Salvador a également signalé des violations et abus alarmants des droits humains en faisant état d’incidents documentés de fusillades de masse et d’assassinats ciblés, de viols collectifs, d’enlèvements, d’incendies et de pillages de maisons et d’entreprises, et de la destruction intentionnelle d’hôpitaux et d’écoles.
Elle a expliqué que le BINUH réoriente et redéfinit ses priorités pour soutenir la nouvelle structure de gouvernance. Les élections étant au cœur des objectifs fixés par les nouvelles autorités de transition, la Représentante spéciale a appelé à renforcer l’expertise électorale du BINUH. La mise en place d’un mécanisme de coordination entre les autorités nationales, la MMAS, les Nations Unies en Haïti et d’autres partenaires sera également essentielle.
Passant à la situation humanitaire qui continue de se dégrader, Mme Salvador a déploré que le Plan d’intervention humanitaire de 2024 ne soit financé qu’à hauteur de 24,3% alors que le nombre de personnes déplacées a augmenté de 60% depuis mars 2024 et que seuls 20% des établissements de santé fonctionnent normalement. Elle a également regretté que la situation financière de l’ONU et le gel des recrutements entravent le renforcement de la composante policière et pénitentiaire du BINUH. Ce nouvel élan en Haïti doit être l’occasion de redynamiser le BINUH et de le repositionner dans le contexte actuel, a-t-elle plaidé, ajoutant que le Bureau est prêt à soutenir une visite du Conseil sur place quand cela sera jugé opportun.
La représentante des États-Unis a indiqué que la situation reste très difficile en Haïti, en soulignant la nécessité d’un bon acheminement de l’aide humanitaire. Elle a relevé que les gangs ont commis des atrocités, occasionnant des déplacements de population. La déléguée a salué le déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) et précisé que son pays va contribuer à son financement à hauteur de 309 millions de dollars. « Cette mission doit réussir et avoir en son cœur le respect des droits humains afin de gagner la confiance de la population », a déclaré la représentante. Elle a estimé que le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) fonctionnera mieux avec le déploiement de la Mission, en appelant de ses vœux à une coopération étroite entre ces deux entités. Elle a invité le Conseil à frapper de sanctions les personnes et entités ayant porté atteinte à la paix en Haïti. Mon pays travaille à la pleine application de l’embargo sur les armes, a dit la déléguée avant de signaler que les États-Unis ont en outre signé un accord de coopération afin de faciliter les enquêtes transfrontalières.
Le représentant de l’Équateur a plaidé pour la restauration de l’ordre démocratique et de la gouvernance en Haïti afin de donner des garanties nécessaires de paix et de sécurité pour le futur processus électoral. Il a indiqué que l’accomplissement du mandat de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) et le renforcement de la Police nationale d’Haïti nécessitent une coordination entre tous les acteurs concernés, notamment entre les autorités haïtiennes, la MMAS et les Nations Unies. Il a souligné que la réhabilitation du système judiciaire et du système pénitentiaire devrait commencer le plus tôt possible, afin que les coupables de violations et d’abus des droits humains et d’autres crimes soient confrontés à toute la rigueur de la loi. Dans cette période de transition, le régime de sanctions joue également un rôle central pour empêcher les chefs de gangs et ceux qui les financent d’agir en toute impunité, a‑t‑il dit. Le délégué a ainsi jugé nécessaire de consolider les mécanismes d’échange d’informations et la coopération régionale et sous-régionale, notamment dans le domaine des armes légères. Alors que se déroule ce processus de transition historique, il a appelé à renforcer le mandat du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), afin qu’il puisse remplir le rôle fondamental que lui a assigné le Conseil de sécurité.
La représentante de la France a salué l’arrivée à Port-au-Prince du premier contingent de policiers kényans, étape initiale du déploiement de la MMAS en Haïti. Après avoir remercié le Kenya pour cette contribution, elle a indiqué que la France a contribué au fonds fiduciaire des Nations Unies à hauteur de 3 millions d’euros et versé en parallèle 850 000 euros à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) pour des formations linguistiques. Cette mission est indispensable pour prêter assistance à la Police nationale d’Haïti, rétablir la sécurité en Haïti et créer les conditions sécuritaires propices à la tenue des élections, a souligné la déléguée, pour qui il est plus qu’urgent de restaurer les institutions démocratiques du pays. De même, a-t-elle poursuivi, il est essentiel que le BINUH poursuive son soutien en matière de police et de justice, afin de permettre aux autorités haïtiennes d’apporter une réponse complète au défi posé par les gangs. À cette aune, elle a souhaité que le Conseil de sécurité renouvelle le mandat du BINUH ce mois-ci et continue d’ajouter à la liste des sanctions des individus qui soutiennent et financent les gangs.
« Nous devons continuer d’agir collectivement pour garantir la sécurité et l’état de droit dans le pays », a insisté la représentante, avant d’appeler le Conseil à exercer ses responsabilités en matière de lutte contre les violations des droits humains et leur impunité, notamment en recourant aux sanctions. Rappelant que Haïti a été ajouté à la liste des situations préoccupantes dans le rapport annuel du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés, elle a exigé que les violations contre les droits des enfants soient dénoncées et combattues. Elle a enfin demandé qu’un accès humanitaire soit garanti à toutes les populations dans le besoin, relevant que l’aide humanitaire fournie par la France s’élève à plus de 13 millions d’euros cette année.
La représentante de Guyana, qui s’exprimait au nom des A3+ (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana), a souligné l’importance d’un dialogue politique inclusif pour parvenir à un consensus sur les réformes sécuritaires et électorales. Il s’agit notamment d’autonomiser les femmes et les jeunes afin qu’ils puissent participer sur un pied d’égalité à la prise de décisions politiques. Sur le plan de la sécurité, la représentante a appelé à soutenir financièrement le fonds d’affectation spéciale de la MMAS. Elle a déploré le meurtre de 20 policiers par des gangs depuis janvier, insistant sur l’importance de fournir à la police une formation et des ressources pour lui permettre de reprendre l’autorité sur les quartiers contrôlés par les gangs. De même, les États Membres doivent appuyer la lutte contre les trafics et la prolifération des armes et les flux financiers illicites en Haïti.
La représentante a également appelé à soutenir la réforme de la justice ainsi que les efforts de protection des droits humains et des enfants et de prévention des abus sexuels. Préoccupée par les déplacements internes, l’insécurité alimentaire et les infections par le choléra, elle a noté que des mécanismes de coordination efficaces sont essentiels pour garantir que l’aide parvienne à ceux qui en ont le plus besoin.
La représentante de la Suisse s’est dite encouragée par le déploiement des premiers membres de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMAS) sous la direction du Kenya. Elle a également salué la formation d’un nouveau gouvernement, qui doit ouvrir la voie à la tenue d’élections libres, équitables et sûres, tout en rappelant l’importance de la mise en œuvre du minimum constitutionnel de 30% de quotas pour les femmes dans la fonction publique. Elle a demandé un accès humanitaire complet, sûr, rapide et sans entrave à toutes les personnes dans le besoin. Préoccupée par l’évolution inquiétante de l’ouragan Beryl, elle a notamment appelé à investir dans le renforcement de la résilience, notamment par des mesures de préparation aux catastrophes et de réduction des risques.
Les crimes liés à la violence des gangs, en particulier envers les femmes et les filles, ne doivent pas rester impunis, a poursuivi la déléguée. Pour ce faire, la Police nationale d’Haïti et les systèmes judiciaire et pénitentiaire continuent d’avoir besoin du soutien de la communauté internationale et ceci de manière durable. En outre, le flux d’armes et de munitions continue d’alimenter la violence, y compris les violences sexuelles et basées sur le genre qui sont endémiques, a‑t‑elle constaté, avant d’appeler à redoubler d’efforts afin de mettre en œuvre l’embargo sur les armes et de mettre fin à la prolifération d’armes en Haïti.
De même, le recrutement croissant d’enfants par les gangs –l’UNICEF estime que 30 à 50% de leurs membres sont des enfants– nécessitera davantage d’efforts pour permettre leur désengagement et leur réintégration conformément aux normes internationales. Les enfants affiliés à des gangs doivent être traités avant tout comme des victimes, a–t–elle souligné, avant de demander à la MMAS de faire des droits et de la sécurité des enfants l’une de ses priorités.
Le représentant de la Chine a souligné l’amélioration de la situation en Haïti, même si celle-ci reste difficile. Il a appelé les acteurs politiques haïtiens à donner la priorité aux besoins de la population et à en œuvrer à un consensus. Il a plaidé pour des efforts renforcés afin d’éradiquer la violence due aux armes à feu, avant de saluer le déploiement de la MMAS. Rappelant que la Police nationale d’Haïti a intercepté un navire transportant des armes en provenance des États-Unis, le délégué a invité ce pays à renforcer son contrôle sur ces livraisons d’armes. Il a insisté sur la nécessité de répondre aux besoins du pays sur le long terme via le développement socioéconomique du pays. La solution ne peut venir que de l’intérieur, avec l’accompagnement de la communauté internationale, a conclu le délégué, en mettant en garde contre toute solution imposée.
Le représentant de Malte a indiqué qu’une transition politique dirigée et contrôlée par les Haïtiens doit inclure la participation pleine, égale et significative des femmes. Il a salué l’arrivée du premier contingent de la MMAS le 25 juin, y voyant une étape clef pour soutenir la Police nationale d’Haïti afin qu’elle puisse rétablir la sécurité à Port-au-Prince et dans tout le pays. Le délégué a souligné que, selon des rapports, les enfants constituent jusqu’à 50% des membres des gangs, ce qui souligne l’importance primordiale de la protection de l’enfance dans toute la planification et la conduite des opérations de la Mission. Il a aussi misé sur une coordination étroite entre la Mission, le BINUH et d’autres partenaires de l’ONU.
Compte tenu de l’activité criminelle croissante et de l’insécurité en Haïti, Malte soutient fermement le recours à des sanctions ciblées, a indiqué le délégué en appelant le Conseil de sécurité à mettre à jour la liste des personnes et entités désignées. La pleine application de l’embargo sur les armes pour endiguer les flux illicites d’armes est également essentielle, a‑t‑il argué. Il a condamné avec la plus grande fermeté les violences extrêmes perpétrées par des gangs contre la population et il a appelé la communauté internationale à soutenir l’action humanitaire en Haïti qui reste gravement sous-financée.
La représentante du Japon a salué l’entrée en fonctions du cabinet du Premier Ministre par intérim, M. Conille, soulignant sa ferme volonté politique de former un nouveau gouvernement élu dans un avenir proche, grâce à la nomination d’un nouveau conseil électoral provisoire. Elle a pris note avec satisfaction des efforts déployés jusqu’à présent par le Conseil présidentiel de transition, ainsi que de l’engagement régional de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), en plaidant pour que tous les Haïtiens soient inclus dans le processus de transition politique, « car ils sont les agents du rétablissement des institutions démocratiques et de l’état de droit ». Dans cet esprit, la représentante a appelé toutes les parties prenantes haïtiennes à se joindre au processus et à promouvoir un dialogue inclusif.
Après avoir condamné la violence des gangs en Haïti, la déléguée s’est félicitée de l’envoi du premier contingent de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), comme l’a demandé Haïti, en remerciant le Kenya et tous les pays contributeurs et en appelant la communauté internationale à redoubler son assistance à cette mission. La déléguée a dit que le Japon est favorable à l’extension du mandat du BINUH, qui a joué un rôle important en soutenant les efforts menés par les Haïtiens, assurant vouloir s’engager de manière constructive dans les négociations pour lui permettre de poursuivre son travail de manière efficace, y compris son rôle consultatif auprès du Gouvernement haïtien.
Le représentant de la Slovénie a noté que les progrès réalisés dans la formation du gouvernement de transition en Haïti donnent des raisons d’être prudemment optimiste. Il a déclaré soutenir le rétablissement des institutions démocratiques par des élections. Ces étapes positives doivent s’accompagner d’améliorations urgentes de la situation sécuritaire, a fait valoir le délégué en saluant à cet égard le déploiement du premier contingent de 200 policiers kényans pour appuyer la Police nationale d’Haïti dans ses actions de sécurisation des infrastructures essentielles et ses opérations antigangs. Dans le cadre du prochain renouvellement du mandat du BINUH, le représentant a dit appuyer les activités du Bureau dans le secteur de la justice pénale.
Tous ces efforts doivent être complétés par l’application effective de l’embargo sur les armes pour endiguer le flux d’armes et de munitions illicites vers Haïti, a insisté le délégué. Il a demandé d’étendre les sanctions aux individus qui financent les gangs et soutiennent leurs activités. Il a condamné les violences sexuelles et sexistes à l’égard des femmes et des filles, se disant alarmé par l’augmentation du recrutement forcé, de l’exploitation et de la traite des enfants par les gangs. La violence de ces gangs exacerbe la situation humanitaire désastreuse en Haïti, entraînant une détérioration de la sécurité alimentaire et des déplacements massifs de population, s’est-il inquiété. À cette fin, le représentant a appelé à faciliter l’accès humanitaire à tous ceux qui en ont besoin.
Le représentant du Royaume-Uni s’est félicité de l’arrivée récente du premier contingent de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMAS) en Haïti avant de rendre hommage au Kenya pour son rôle de chef de file de cette mission. La MMAS est essentielle pour soutenir les efforts déployés par Haïti pour résoudre l’instabilité, a-t-il argué, rappelant que le Royaume-Uni s’est engagé à lui verser plus de 6 millions de dollars. Le délégué a également souligné un développement important en parlant de la nomination du Premier Ministre Garry Conille et d’un cabinet chargé de diriger le gouvernement de transition. Il a exhorté la société politique et civile haïtienne à saisir cette occasion pour s’attaquer aux causes profondes de la crise sécuritaire et pour créer les conditions nécessaires à l’instauration d’un changement durable en Haïti. S’adressant au Premier Ministre présent dans la salle, il l’a assuré du soutien du Royaume-Uni dans cette tâche vitale. S’agissant du renouvellement du mandat du BINUH, le représentant a fait part du soutien total du Royaume-Uni à la Représentante spéciale et au Bureau. Arguant que le BINUH continuera à jouer un rôle important dans le soutien au gouvernement de transition, le délégué l’a encouragé à coordonner ses actions avec la MMAS.
Le représentant de la République de Corée a salué le déploiement de la MMAS et loué le leadership du Kenya. Il s’est félicité des progrès accomplis dans la recherche d’une solution politique haïtienne avec l’investiture du nouveau Premier Ministre. Il a exhorté tous les acteurs politiques à œuvrer pour que la prochaine élection présidentielle soit inclusive et transparente. Il a souligné le rôle central du BINUH et plaidé pour une meilleure coordination avec les autres entités onusiennes sur place. Enfin, le délégué a appuyé le régime des sanctions pour contrer les activités des gangs et remédier à la circulation illicite d’armes à feu.
Le représentant de la Fédération de Russie a estimé que la priorité des autorités de transition doit être l’organisation de l’élection présidentielle et le retour de la paix dans le pays, sans ingérence étrangère. Il a souligné que les gangs contrôlent toujours 80% de Port-au-Prince en exhibant leurs armes dont la plupart viennent de Floride. Il a noté que le Comité des sanctions ne semble pas effectuer son travail et que la liste des sanctions ne tient pas compte de tous les acteurs. Il a ironisé sur le fait que les chefs de gangs haïtiens qui y figurent n’ont pas l’intention de voyager, ce qui n’est cependant pas le cas des trafiquants d’armes américains qui les fournissent en armes. Au sujet de la mission qui s’installe dans le pays, la MMAS, le délégué a demandé plus de détails sur les procédures relatives à l’usage de la force par ses membres. Il a aussi souhaité que les détails de son fonctionnement soient transmis au Conseil de sécurité.
M. GARRY CONILLE, Premier Ministre d’Haïti, a dit s’exprimer « avec un sentiment profond de lourdes responsabilités et un espoir renouvelé dans l’engagement d’Haïti à être acteur de son propre devenir ». Assurant que son pays est prêt à « tourner une page décisive de son histoire », il a souligné l’importance d’une coopération efficace entre les autorités nationales de la transition, la MMAS et le BINUH pour rétablir la sécurité et restaurer les institutions démocratiques. Haïti appelle à cette solidarité pour sortir de la crise qui le ronge depuis plusieurs décennies et réussir aussi sa transition dont la durée et la mission se veulent « très limitées », a-t-il déclaré, avant de remercier les partenaires techniques et financiers pour leur accompagnement. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, c’est une aide massive au développement, assortie d’investissements majeurs dans des secteurs clefs de l’économie, a précisé le nouveau Chef du Gouvernement haïtien, reconnaissant toutefois qu’à ce tournant décisif, tout chantier économique ou politique implique de solutionner la question sécuritaire. C’est pourquoi, a-t-il affirmé, le Gouvernement haïtien salue la mise en œuvre des engagements pris à travers la résolution 2699 (2023) relative à la MMAS. Le déploiement du premier contingent de policiers aux côtés des forces de l’ordre haïtiennes devra contribuer à mettre un frein au barbarisme des groupes criminels, a souligné M. Conille. Il a ajouté qu’en appui de cet effort, son gouvernement adoptera une approche sécuritaire holistique et de proximité, avec la Police nationale d’Haïti (PNH) comme élément central, l’objectif étant le redressement économique et l’accessibilité des services sociaux de base.
Avertissant que les forces de l’ordre haïtiennes et la MMAS ne pourront à elles seules garantir cette « paix définitive » à laquelle aspire le pays, le Premier Ministre a déclaré préparer un « plan global, intégré et réaliste » pour accompagner la population. Sur cette base, il a jugé opportun de « revisiter » l’accompagnement accordé à Haïti afin de « faire de l’accompagné un acteur apte à appréhender les défis et à décider de son destin ». M. Conille a cependant reconnu que les difficultés auxquelles est confronté Haïti sont énormes, avec un taux d’inflation supérieur à 27%, près de 50% d’emplois perdus rien que dans le secteur du textile, une insécurité alimentaire qui affecte 4,5 millions de personnes, 600 000 déplacés internes, 500 000 enfants déscolarisés et une violence qui paralysent le fonctionnement de dizaines d’hôpitaux et de centres de santé. De plus, des dizaines de commissariats et de prisons ont été endommagés ou détruits, et des milliers de prisonniers sont en cavale. Face à ces problèmes urgents, le nouveau Gouvernement s’est mis au travail en s’appuyant sur la feuille de route issue de l’accord du 3 avril dernier. Tout accompagnement international devra prendre en compte la vision de cette transition « pour que plus jamais Haïti ne replonge dans le chaos », a-t-il souhaité, non sans regretter qu’à ce jour, le Plan de réponse humanitaire de 2024 pour le pays ne soit financé qu’à moins de 30%.
À cet égard, M. Conille a déploré l’insuffisance des diverses formes d’assistance internationale accordées à Haïti au fil des années. Soucieux de rassurer les partenaires de son pays, il a indiqué que son gouvernement, composé à 30% de femmes, s’engage à organiser des élections transparentes et participatives en vue du renouvellement du personnel politique et d’un suivi efficace des dynamiques enclenchées. Ces élections, a-t-il précisé, seront précédées de réformes constitutionnelles, d’une révision du cadre légal sur le fonctionnement et le financement des structures politiques, d’un appui à la bonne gouvernance et d’un renforcement des mécanismes de lutte contre la corruption et l’impunité. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons transformer efficacement les fonds et les ressources en résultats tangibles et durables pour le peuple haïtien, a expliqué le Premier Ministre. À ses yeux, il importe néanmoins de reconnaître que la responsabilité de cette situation « complexe et souvent tragique » est partagée « en raison de l’implication historique et continue de la communauté internationale dans nos affaires nationales ».
Après avoir rappelé les « expériences contrastées » des interventions étrangères dans son pays, M. Conille a estimé que l’arrivée du premier contingent de la MMAS marque le début d’une ère nouvelle pour Haïti. Cette mission, conduite avec le soutien du Kenya, est un témoignage vibrant de solidarité internationale et un pas concret vers la stabilisation de notre pays, a-t-il salué, promettant de reprendre le contrôle du territoire haïtien « maison par maison, quartier par quartier, ville par ville », grâce à des forces armées et une PNH « mieux équipées et plus motivées que jamais ». Cette stratégie, basée sur une coordination de toutes les parties prenantes, tant nationales qu’internationales, est en cours d’élaboration avec le Conseil présidentiel de transition, a-t-il indiqué, invitant la communauté internationale à soutenir ces efforts pour transformer Haïti en un « exemple de résilience et de renaissance ».
M. ROBERTO ÁLVAREZ GIL, Ministre des affaires étrangères de la République dominicaine, a souligné la mission très importante dont sont investis le Premier Ministre et le Gouvernement haïtiens sur le chemin de la paix et de la prospérité, leur conseillant de déployer tous leurs efforts pour instaurer des institutions démocratiques. L’appui de la communauté internationale est fondamental dans ce contexte, a observé le Ministre en saluant le soutien financier des États-Unis à la MMAS et le leadership du Gouvernement kényan qui est à la tête de ladite mission. M. Álvarez Gil a aussi mis en exergue la médiation de la CARICOM et a salué le Canada pour avoir équipé et entraîné les membres de la nouvelle mission. Les progrès constatés aujourd’hui sur le terrain sont le fruit de la coopération multilatérale et un démenti fort des critiques entendues à l’égard d’Haïti, a estimé le Ministre. « Nous sommes sur le bon chemin et sur la bonne trajectoire. » Il a informé pour sa part que son gouvernement apportera une aide médicale au personnel de la Mission, avant d’insister sur l’importance d’un soutien financier à celle-ci, pour garantir son succès. Il est important d’agir avec célérité étant donné la conjoncture haïtienne, a-t-il ajouté.
S’agissant de l’embargo sur les armes et le régime des sanctions, le Ministre a demandé la mise en œuvre effective des résolutions 2653 (2023) et 2699 (2023). Il a plaidé pour un soutien fort au BINUH qui a enregistré des avancées significatives dans la réforme de la justice, la formation de fonctionnaires et la coopération avec la Police nationale d’Haïti afin de lutter contre la criminalité, promouvoir les droits humains et appuyer des projets communautaires, sans oublier la gestion des catastrophes et la coopération avec les ONG. Le BINUH, qui joue un rôle de premier plan pour la stabilité en Haïti, agit comme « un phare et un signe d’espoir » pour le peuple haïtien, a analysé le Ministre en soulignant le rôle vital du Bureau dans la coordination du processus électoral. Le Ministre a donc exhorté le Conseil à renouveler le mandat du BINUH afin d’assurer la paix, la stabilité et le développement en Haïti. « Le chemin vers la paix et le développement en Haïti est semé d’embûches mais ensemble nous pouvons faire la différence avec le peuple haïtien et ses dirigeants. » En concluant son intervention, le Ministre a invité à donner au peuple haïtien la possibilité d’imaginer un avenir prospère et pacifique. « Notre devoir est d’être à la hauteur de cet immense défi et de manifester notre solidarité et la compassion. »
Le représentant du Canada, au nom du Groupe consultatif ad hoc sur Haïti du Conseil économique et social (ECOSOC), a précisé que ce groupe compte 24 États Membres qui se sont engagés à accompagner Haïti dans son développement socioéconomique. Il a salué les premières mesures positives prises par les acteurs haïtiens pour établir un gouvernement de transition inclusif. Nous devons aider Haïti afin de répondre aux besoins humanitaires pressants dans le pays, a dit le délégué, en rappelant que le Plan de réponse humanitaire de 2024 n’est financé qu’à hauteur de 23%. Il a salué le déploiement de la MMAS et encouragé tous les États Membres à faire en sorte qu’elle soit un succès. Il a souligné la nécessité de remédier aux causes profondes de l’instabilité en Haïti, telles que l’extrême pauvreté, la corruption ou encore l’impunité. Enfin, le délégué à appeler à renouveler le mandat du BINUH et à faire en sorte qu’il soit doté des ressources nécessaires.
La représentante de Saint-Kitts-et-Nevis, qui a pris la parole au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a relevé que lutter contre la violence des gangs est l’une des priorités les plus urgentes pour parvenir à la stabilité en Haïti. Sans cette stabilité, il sera pratiquement impossible de progresser dans d’autres domaines clefs, a‑t‑elle noté, s’inquiétant notamment de l’incidence de la violence sexuelle contre les femmes et filles et du recrutement d’enfants. Les démolitions de trois commissariats de police et trois prisons par des gangs doivent être considérées comme des actions stratégiques visant à maintenir le pays dans un état d’anarchie, a‑t‑elle constaté. Elle a salué le déploiement du premier contingent de policiers kényans en Haïti le 25 juin 2024. Alors que plusieurs des membres de la CARICOM continuent de finaliser leurs arrangements internes pour leurs propres déploiements d’agents de sécurité en Haïti et pour d’autres formes de soutien à la Mission, la déléguée a imploré vivement les autres États de renforcer également leur soutien. Des efforts supplémentaires sont notamment nécessaires pour subvenir aux besoins budgétaires et opérationnels de la MMAS et assurer son déploiement durant toute la durée de la transition politique d’Haïti.
Également préoccupée par le sous-financement du Plan de réponse humanitaire de 2024, elle a appelé à une augmentation de l’aide humanitaire et au soutien de la communauté internationale pour permettre au pays d’atteindre ses objectifs de sécurité alimentaire. Notre action collective est primordiale afin d’aider Haïti à surmonter les défis multiformes auxquels Haïti est confronté, a‑t‑elle souligné.
La représentante du Kenya a confirmé au Conseil que, le 25 juin dernier, le premier contingent de police du Kenya (KENPOL-1) de la MMAS, composé de 200 unités de police constituées, est arrivé à Port-au-Prince, où il a été chaleureusement accueilli. Depuis son déploiement, a-t-elle précisé, le contingent a tenu des réunions opérationnelles avec la Police nationale d’Haïti (PNH) et a lancé des opérations conjointes. Faisant état d’un dialogue entre l’équipe de hauts responsables kényans accompagnant le contingent et les principaux acteurs haïtiens, dont le Premier Ministre et le Ministre de la justice, elle a affirmé que ces derniers ont exprimé leur optimisme quant à l’action de la MMAS, en soutien de la PNH, dans la lutte visant à éradiquer les gangs, à restaurer la sûreté et la sécurité publiques, à construire des quartiers plus sûrs et à mettre en place un nouveau système politique par le biais d’élections libres, équitables et crédibles.
Après avoir remercié les États Membres dont la contribution a permis ce premier déploiement, la représentante a exprimé une gratitude particulière aux États-Unis, pour leur appui à la planification et leur fourniture d’équipements et de soutien logistique. Ce déploiement initial doit renforcer la confiance et se traduire par un soutien accru à la MMAS, a-t-elle plaidé, rappelant la nécessité d’augmenter le niveau des forces afin d’obtenir l’impact souhaité. « Nous appelons donc à la conversion des promesses en soutien concret et appelons tous les Membres des Nations Unies à intensifier leur soutien à la MMAS et au peuple haïtien face aux besoins humanitaires actuels. »
Ce déploiement offre également l’opportunité de renforcer la coordination avec le BINUH sur le terrain pour garantir une interopérabilité transparente dans la fourniture de services tels que l’accès humanitaire et le renforcement des capacités du secteur de la sécurité, a ajouté la déléguée, réitérant l’engagement du Kenya à continuer de diriger cette mission en coordination avec d’autres États Membres pour en faire un « succès ».