Conseil de sécurité: la Représentante spéciale adjointe prône « une action résolue et unifiée » pour faire avancer un processus politique en faveur des Libyens
De nombreux Libyens continuent d’exprimer de profondes inquiétudes quant à la division de facto du pays et aux institutions gouvernementales parallèles, a relevé ce matin devant le Conseil de sécurité la Représentante spéciale adjointe pour les affaires politiques à la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL). Devant des délégations inquiètes du statu quo et impatientes de voir nommer un nouveau représentant spécial, Mme Stephanie Koury a relevé que les Libyens ordinaires aspirent à la paix, à la stabilité, à la prospérité et à la réconciliation. C’est forte de ce constat qu’elle a recommandé une action résolue et unifiée pour faire avancer un processus politique en faveur des Libyens, avec le soutien de la communauté internationale.
Ces constats découlent de ses activités sur le terrain, notamment des réunions tenues dans l’est et l’ouest de la Libye, ainsi que des échanges avec des dirigeants et responsables politiques, des universitaires, des membres de la société civile, des groupes de femmes et des chefs militaires. Dans leur grande majorité, les citoyens ont souligné la nécessité d’un accord politique afin que des élections nationales crédibles puissent être organisées pour restaurer la légitimité de toutes les institutions. À cet égard, le 9 juin, la Haute Commission électorale nationale a ouvert les inscriptions sur les listes électorales pour les élections dans 60 municipalités à travers la Libye. Mme Koury a estimé qu’il s’agit d’une étape importante, même si l’inscription des femmes reste assez faible.
Sur le plan sécuritaire, face au risque d’une nouvelle escalade de la violence dans la capitale, Tripoli, les dirigeants des groupes armés ont engagé avec succès un dialogue visant à désamorcer la situation, a-t-elle relaté. Au vu des risques d’escalade malgré un calme apparent, la Représentante spéciale adjointe a rappelé la fragilité du paysage sécuritaire libyen, d’où l’importance d’un secteur de la sécurité unifié et réformé. Or les progrès dans le retrait des forces étrangères et des mercenaires restent au point mort, s’est-elle désolée. Elle a aussi déploré le fait que les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile continuent de subir d’horribles violations. Pour sa part, la MANUL continue de soutenir les efforts libyens pour une meilleure autonomisation des jeunes, a-t-elle noté.
La délégation des États-Unis, assurant vouloir continuer d’appuyer les efforts de la MANUL pour engager un processus politique sur le long terme, a estimé que la démission du dernier représentant spécial pour la Libye, en avril dernier, montre combien il est difficile de trouver une solution de compromis qui réponde aux aspirations du peuple libyen. Après s’être félicitée de l’indentification d’entités et d’individus qui participent à ces violations, la délégation a noté avec inquiétude le signalement de navires russes qui auraient déchargé du matériel militaire en Libye.
La Fédération de Russie a repris la parole en fin de séance pour souligner que la coopération amicale avec la Libye se fait dans le strict respect des normes internationales et ne contredit pas les résolutions du Conseil de sécurité. De plus, a-t-elle ajouté, personne ne peut rivaliser avec les États-Unis et les pays européens quant à l’influence néfaste qu’ils ont eue sur la Libye. Les États-Unis savent ce que fait la Russie et continueront de le dénoncer, a précisé la délégation américaine.
En sa qualité de Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011), le Japon a dit sa détermination à faire avancer les discussions sur les mesures de sanction, notamment le gel des avoirs. Le délégué libyen a, lui, exprimé l’impatience des Libyens qui en ont assez de l’incapacité du Conseil de sécurité à mettre en œuvre ses résolutions et à demander des comptes à ceux qui sapent le processus politique en cours. « Laissez-nous choisir notre avenir et tracer la route vers la Libye que nous voulons », a-t-il lancé.
Sur la question des droits humains, le Royaume-Uni s’est alarmé des cas de disparition forcée, de torture et d’emprisonnement illégal, exhortant les autorités libyennes à faire respecter l’état de droit et à empêcher que des violations soient commises en toute impunité. Une inquiétude partagée par la France qui a, en plus, constaté que la situation des migrants et demandeurs d’asile est « alarmante ». La délégation a invité les autorités libyennes à œuvrer à la régularisation des travailleurs migrants et à coopérer avec l’ONU et les organisations internationales, notamment en facilitant l’accès aux centres de détention. Les mêmes autorités ont été appelées à envisager des alternatives à la détention des migrants et à fournir une meilleure protection de ces derniers sur conseil des A3+ (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana).
Le représentant libyen a expliqué que les problèmes liés à l’économie ou à la migration ne pourront être réglés tant que des solutions n’auront pas été trouvées aux problèmes politiques. Face à ce « cercle vicieux constant », il a souhaité que les prochaines réunions sur la situation en Libye soient plus constructives et permettent de faire cesser les ingérences politiques dont souffre son pays. Selon les A3+, la situation est aggravée par les diverses influences exercées par une myriade d’acteurs régionaux et externes, chacun façonnant le climat politique par rapport à ses intérêts. Ils ont noté que la Libye court un grand risque de se transformer en refuge pour différents groupes armés non étatiques affiliés à des groupes terroristes qui opèrent dans la région voisine du Sahel.
C’est fort de ce constat que moult orateurs ont décrié la présence d’éléments armés étrangers en Libye, appelant à leur retrait. Certaines délégations ont en outre plaidé pour la protection et le rapatriement des avoirs libyens gelés à l’étranger. Enfin, une autre inquiétude a été exprimée par les A3+ quant aux obstacles que les membres élus du Conseil rencontrent pour l’accès à la documentation. Ils ont exhorté les membres du Conseil à discuter de cette question pour garantir que tous les membres aient un accès complet et inconditionnel à la documentation du Conseil, sans aucune exception ni retard. Autrement, la transparence et la crédibilité du Conseil de sécurité seront mises à mal, ont-ils mis en garde.
(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)
LA SITUATION EN LIBYE
Exposé
La Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général chargée des affaires politiques à la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), Mme STEPHANIE KOURY, a fait part de ses activités sur le terrain, notamment des réunions tenues dans l’est et l’ouest de la Libye ainsi que des échanges avec des dirigeants et responsables politiques, universitaires, membres de la société civile, groupes de femmes et chefs militaires. Dans leur grande majorité, les citoyens ont souligné la nécessité d’un accord politique afin que des élections nationales crédibles puissent être organisées pour restaurer la légitimité de toutes les institutions. De nombreux Libyens continuent d’exprimer de profondes inquiétudes quant à la situation de division de facto du pays et des institutions gouvernementales parallèles, a-t-elle noté. Outre une solution politique nationale, de nombreux Libyens ont également souligné la nécessité d’élections locales, une étape importante pour garantir une prestation responsable de services et la restauration de la légitimité d’un segment des institutions libyennes. Le 9 juin, la Haute Commission électorale nationale a ouvert les inscriptions sur les listes électorales pour les élections dans 60 municipalités à travers la Libye. Elle a indiqué qu’à ce jour, plus de 30 000 personnes se sont inscrites, soit en se rendant dans les centres d’inscription soit en utilisant la voie électronique. Elle a estimé qu’il s’agit d’une étape importante, même si l’inscription des femmes reste assez faible.
Sur le plan sécuritaire, face au risque d’une nouvelle escalade de la violence dans la capitale, Tripoli, les dirigeants des groupes armés ont engagé avec succès un dialogue visant à désamorcer la situation, a-t-elle relaté. Elle a indiqué qu’au mois de mai, des affrontements sporadiques entre groupes armés ont eu lieu à al-Jmail et al-Zawiya, tandis qu’un attentat à la voiture piégée a eu lieu à Tripoli la semaine dernière. Ces données, en plus d’informations faisant état d’une accumulation continue d’armes dans le pays, sont également un rappel brutal de la fragilité du paysage sécuritaire libyen, a-t-elle dit. Et cette dynamique souligne l’importance d’un secteur de la sécurité unifié et réformé. Même si aucune violation de l’accord de cessez-le-feu n’a été enregistrée pendant la période considérée, des progrès dans le retrait des forces étrangères et des mercenaires restent au point mort, s’est-elle désolée. Elle a expliqué que la situation sécuritaire dans plusieurs pays voisins a perturbé les contacts initiés par la Commission militaire conjointe 5+5 avec les comités de liaison mis en place par ces nations. À son avis, des efforts plus importants sont également nécessaires de la part des autorités libyennes pour répondre à la présence de mines terrestres et de restes explosifs de guerre.
Pour de nombreux Libyens, la situation économique devient de plus en plus difficile, a constaté Mme Koury. Des familles et des petites entreprises sont confrontées à l’inflation et à la baisse du pouvoir d’achat, en ayant un accès limité aux liquidités. Concernant les droits humains, la Représentante spéciale adjointe a dit être préoccupée par des informations faisant état de violations à travers le pays, en particulier le schéma répétitif d’enlèvements ou d’arrestations et détentions arbitraires de Libyens. Par exemple, le 17 mai, le député Ibrahim al-Darsi a disparu à Benghazi. Par ailleurs, les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile continuent de subir d’horribles violations. Selon Mme Koury, un cadre juridique et politique global est nécessaire pour faire face à la situation.
Mme Koury a jugé essentiel de faire progresser la réconciliation nationale et la justice transitionnelle. La MANUL continue de soutenir les efforts libyens pour une meilleure autonomisation des jeunes. La Mission a lancé en mai une nouvelle stratégie d’engagement des jeunes qui se concentre sur la formation, le plaidoyer et le réseautage pour mieux les responsabiliser. Alors que les divisions institutionnelles et politiques ne cessent de s’approfondir, les Libyens ordinaires aspirent à la paix, à la stabilité, à la prospérité et à la réconciliation, a-t-elle conclu, prônant une action résolue et unifiée pour faire avancer un processus politique en faveur des Libyens, avec le soutien de la communauté internationale.