9651e SÉANCE - MATIN
CS/15724

Conseil de sécurité: la Présidente du mécanisme héritier des tribunaux ad hoc appelle les États à soutenir les fonctions résiduelles de l’institution

Confirmant l’achèvement des dernières procédures dans les affaires relatives à des crimes principaux, la Présidente du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (MIFRTP) pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda a sollicité, ce matin devant le Conseil de sécurité, l’appui des États Membres dans la nouvelle phase du fonctionnement de l’institution, centrée sur l’application des peines prononcées, la gestion des archives et la réponse aux demandes d’assistance.  Un appel appuyé par le Procureur du mécanisme, qui, après s’être félicité de l’arrestation de l’ensemble des fugitifs mis en accusation par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), a appelé à la poursuite de ce travail de justice. 

À l’entame de son exposé, Mme Graciela Gatti Santana a indiqué que le mécanisme créé en 2010 par le Conseil de sécurité pour continuer à exercer les fonctions essentielles du TPIR et du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), fermés en 2015 et 2017 respectivement, a maintenant terminé sa phase de transition en devenant une « institution véritablement résiduelle ».  Elle a notamment fait état d’une réduction de 25% des besoins budgétaires de l’institution, dont la structure organisationnelle sera encore réduite en septembre avec la fermeture de l’antenne de Kigali.  D’ici à décembre, le Mécanisme aura également supprimé presque la moitié de tous ses postes par rapport aux effectifs dont il disposait deux ans auparavant, a-t-elle ajouté, précisant que de nombreuses fonctions administratives sont désormais confiées à d’autres entités de l’ONU.   

Dans la nouvelle phase qui s’ouvre, a-t-elle expliqué, le Mécanisme reste chargé du contrôle de l’exécution des peines, 41 personnes condamnées purgeant actuellement leur peine dans 12 États, et 7 autres personnes demeurant sous son contrôle.  Prévenant qu’à court terme, les activités liées à cette fonction devraient augmenter, à mesure que davantage de prisonniers rempliront les conditions requises pour prétendre à une libération anticipée, Mme Gatti Santana a appelé à prévoir un appui suffisant pour le Mécanisme, d’autant plus qu’il doit gérer et conserver ses archives et celles des tribunaux ad hoc, en faciliter l’accès et répondre aux demandes d’assistance émanant des autorités nationales. 

Soulignant que la capacité du Mécanisme à rendre la justice dépend en grande partie de la coopération des États, la Présidente a regretté le refus continu de la Serbie d’apporter sa coopération dans le cadre de l’affaire d’outrage concernant Petar Jojić et Vjerica Radeta.  Elle a d’autre part constaté que la situation des personnes acquittées ou libérées réinstallées au Niger est dans une impasse et constitue un rappel des obstacles qui subsistent en matière de coopération.  Le Mécanisme continue de faire tout ce qui est en son pouvoir, mais cette situation ne peut être réglée que par des efforts déployés conjointement avec la communauté internationale, a-t-elle plaidé, avertissant que, sans ce soutien, la crédibilité de la justice internationale dans son ensemble est en péril. 

Le Procureur du Mécanisme a pour sa part salué la bonne coopération des États concernés, qui a permis à son Bureau de mener à bien sa mission de retrouver tous les fugitifs mis en accusation par le TPIR.  M. Serge Brammertz a confirmé le décès des deux derniers fugitifs, Ryandikayo et Charles Sikubwabo, avant d’indiquer que son équipe a également procédé à l’arrestation de Félicien Kabuga à Paris en mai 2020 et de Fulgence Kayishema à Paarl, en Afrique du Sud, en mai 2023, ce dernier devant être remis à la garde du Mécanisme pendant la période à venir.  Il a également confirmé le décès de six autres accusés, ce qui signifie que les 253 personnes mises en accusation par le TPIR et le TPIY pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide ont désormais toutes été trouvées. 

S’agissant du travail accompli par son Bureau pour aider les autorités nationales à poursuivre le processus d’établissement des responsabilités des auteurs des crimes commis au Rwanda et en ex-Yougoslavie, le Procureur a affirmé avoir reçu 629 demandes d’assistance ces deux dernières années. 

Si les procès internationaux concernant les crimes commis au Rwanda et en ex-Yougoslavie sont aujourd’hui terminés, les parquets nationaux poursuivent notre travail dans leurs tribunaux, a-t-il rappelé, estimant que les stratégies d’achèvement des travaux ne peuvent réussir que si le soutien apporté par son Bureau aux États Membres se poursuit. 

Sur ce point, le Rwanda s’est félicité de l’attention constante que porte le Mécanisme à l’accélération des procès et à la fourniture d’une assistance aux juridictions nationales poursuivant les crimes internationaux commis sur son sol.  Alors que le mandat du Mécanisme approche de son terme, il a souhaité que ce dernier transfère son expertise et ses archives pour soutenir le pouvoir judiciaire rwandais dans sa traque des plus de 1 200 fugitifs toujours en fuite. 

Tout en saluant les réalisations du Mécanisme, notamment ces six derniers mois, des délégations comme celles de l’Équateur, des États-Unis, de la France et du Japon ont constaté qu’avec la conclusion de toutes les procédures judiciaires et l’annonce de la mort des deux derniers fugitifs accusés par le TPIR, l’héritier des tribunaux ad hoc est véritablement entré dans sa phase résiduelle.  À l’instar de Malte et du Mozambique, de nombreux pays ont prié le Mécanisme de continuer de veiller à l’exécution des peines, à la protection des témoins et au suivi des dossiers, l’Algérie et la Chine insistant plutôt sur la réduction des fonctions et de la taille de cette institution temporaire. 

Si ce processus de réduction progressive doit être mené avec efficacité, il importe aussi d’assurer des fonctions telles que l’assistance aux juridictions nationales, a fait valoir la République de Corée, pour qui toute tentative de diminuer l’autorité ou le pouvoir du Mécanisme doit être considérée comme une tentative de saper ou d’affaiblir l’administration de la justice pénale.  Pour ce qui est de la gestion des archives du Mécanisme et de ses prédécesseurs, la Slovénie a préconisé un système centralisé sous l’égide de l’ONU, afin de protéger cet héritage crucial pour la lutte contre le négationnisme et la glorification des criminels de guerre.  Un avis partagé par la Suisse, selon laquelle poursuivre efficacement les crimes internationaux nécessite une coopération soutenue et renforcée. 

La Fédération de Russie a toutefois fait entendre une voix dissonante.  Elle a ainsi jugé « peu claires » les perspectives du Mécanisme, qui continue à employer 301 personnes, avec un budget deux fois plus élevé que celui de la Cour internationale de Justice (CIJ). Depuis la création du Mécanisme, chaque affaire aura coûté 20 millions de dollars à la communauté internationale, a-t-elle observé, avant de s’étonner que l’on parle désormais d’une fermeture de cette entité « en l’an 2052 », alors que toutes les affaires sont closes. Dénonçant le fait que l’on prolonge artificiellement l’existence du Mécanisme au motif de tâches « sans importance » comme la gestion des archives, elle s’est cependant déclarée prête à lui accorder « exceptionnellement » deux années de plus afin de pouvoir en « faire le bilan ». 

La délégation russe a également qualifié d’absurdes les appels lancés par certains États en faveur de la conservation de l’héritage des Tribunaux pénaux et du Mécanisme.  « Même le Tribunal de Nuremberg n’a pas de gardien de son héritage », a-t-elle avancé, avant de plaider à son tour pour un transfert des archives à l’ONU, à condition que les pays affectés puissent y avoir accès.  Quant aux plaintes du Procureur sur la non-reconnaissance des décisions du TPIY et du Mécanisme, elle y a vu le résultat du « discours politique » de ces institutions qui ont imputé, selon elle, toutes les responsabilités des crimes commis en ex-Yougoslavie aux Serbes.  « Le TPIY ne s’est intéressé qu’aux seuls Serbes, qui ont représentés 80% des condamnés, avec une durée cumulée de leurs peines de détention dépassant les 1 000 ans. » 

La Ministre de la justice de la Serbie lui a emboîté le pas en estimant que le Mécanisme devrait être dissous dès que possible, toutes les affaires sous sa juridiction étant conclues.  Appelant à nouveau au transfert en Serbie de l’ancien dirigeant des Serbes de Bosnie Radovan Karadžić, qui purge sa peine au Royaume-Uni, elle a reproché au Mécanisme d’avoir rejeté ses demandes répétées sur la base de constatations infondées.  « La Serbie peut fournir des garanties robustes en matière de justice pénale et de gestion des cas dans le respect des droits des accusés et des témoins », a-t-elle assuré, avant d’appeler le Mécanisme à prendre des mesures pour offrir des soins médicaux et un transfert vers la Serbie au général Ratko Mladić, ex-chef militaire des Serbes de Bosnie, actuellement détenu à La Haye.

Rappelant d’autre part que son pays s’est opposé avec force à l’adoption par l’Assemblée générale d’une résolution sur la commémoration du génocide de Srebrenica, la Ministre a dénoncé le fait que les représentants du Mécanisme aient laissé entendre que les travaux de cette entité et de son prédécesseur avaient permis de faire progresser le droit pénal international et d’établir des réalités historiques irréfutables.  Finalement, moins des deux tiers des États Membres ont voté pour cette résolution, ce qui démontre selon elle le « rôle politique » que joue le Mécanisme.  À ses yeux, le déni par le Mécanisme des crimes commis contre les Serbes est flagrant et s’apparente à une « politique de révisionnisme et de glorification des criminels de guerre ». 

Pour la Bosnie-Herzégovine, tout au contraire, l’étape cruciale franchie à l’Assemblée générale sur la commémoration des événements de Srebrenica a été atteinte grâce au travail du TPIY contre l’impunité et pour la responsabilisation des auteurs du génocide.  Ainsi, a-t-elle souligné, la proclamation du 11 juillet comme Journée de commémoration dudit génocide est une reconnaissance de la souffrance des survivants et de leurs familles, qui font face au quotidien au révisionnisme et au déni. Dans ce contexte, la délégation a insisté sur l’importance de conserver les archives des procès et les preuves pour des besoins didactiques.  Déplorant l’absence de coopération des autorités serbes, elle a été rejointe sur ce constat par la Croatie, qui a regretté que la Serbie ne fasse rien pour interpeller les fugitifs réclamés par le Mécanisme.  À ce sujet, la Royaume-Uni a enjoint à Belgrade d’arrêter et de transférer Petar Jojić et Vjerica Radeta au Mécanisme après des années de demandes. 

MÉCANISME INTERNATIONAL APPELÉ À EXERCER LES FONCTIONS RÉSIDUELLES DES TRIBUNAUX PÉNAUX

Déclarations liminaires

Mme GRACIELA GATTI SANTANA, Présidente du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, a rappelé que le Conseil de sécurité a joué un rôle de premier plan dans le processus de justice en faveur du Rwanda et de l’ex-Yougoslavie en créant des Tribunaux pénaux internationaux spécialement chargés de répondre aux atrocités commises dans ces régions.  Grâce au soutien indéfectible du Conseil, ces tribunaux ad hoc ont veillé à ce que les principaux responsables du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis au Rwanda et en ex-Yougoslavie rendent compte de leurs actes, dans le cadre de procès en première instance et en appel menées dans le respect des normes les plus strictes en matière d’équité.  Le processus de justice ne prenant pas fin avec le prononcé du jugement définitif, le Conseil de sécurité a créé le Mécanisme pour qu’il continue d’exercer le mandat des tribunaux ad hoc et, surtout, pour qu’il mène à bonne fin les fonctions résiduelles qui font nécessairement suite à la clôture des procédures en première instance et en appel, a expliqué Mme Gatti Santana, avant de préciser que les procédures encore en cours dans les dernières affaires relatives aux crimes principaux se sont achevées et que le Mécanisme a terminé sa phase de transition en devenant une institution véritablement résiduelle.  De plus, une autre fonction a été menée à bien, le Procureur ayant confirmé que tous les fugitifs mis en accusation par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) avaient été retrouvés. 

La Présidente a indiqué qu’à la suite du dernier examen biennal de l’avancement de ses travaux, le Mécanisme s’est engagé à mettre en œuvre la demande formulée par le Conseil de sécurité dans la résolution 2637 (2022), à savoir de fournir des prévisions précises et ciblées pour l’achèvement de toutes ses activités et de présenter des solutions pour le transfert des activités qu’il lui faut encore exécuter.  Dans le droit fil de cette priorité, elle a dit avoir présenté en avril le Cadre d’action pour mener à bien les fonctions, document détaillé comprenant un plan de gestion prévisionnelle des besoins en personnel et fournissant des recommandations concernant le transfert potentiel des fonctions du Mécanisme.  Outre cette réalisation, le Bureau des services de contrôle interne a formulé une évaluation positive concernant la pertinence et la cohérence des activités résiduelles du Mécanisme au cours de la dernière période biennale, s’est-elle félicitée, assurant que l’institution qu’elle préside se conforme à la vision du Conseil de sécurité, à savoir qu’elle « devrait être une petite entité efficace à vocation temporaire, dont les fonctions et la taille iront diminuant, et dont le personnel peu nombreux sera à la mesure de ses fonctions restreintes ».  Conformément à cette vision, les besoins budgétaires du Mécanisme au cours des deux dernières années ont baissé de plus de 25%, a précisé Mme Gatti Santana, avant d’annoncer qu’en septembre prochain, la structure organisationnelle sera encore réduite avec la fermeture de l’antenne de Kigali. D’ici à décembre, le Mécanisme aura également supprimé presque la moitié de tous ses postes par rapport aux effectifs dont il disposait deux ans auparavant, a-t-elle relevé, faisant état de l’externalisation de nombreuses fonctions administratives qui sont confiées à d’autres entités permanentes de l’ONU. 

Dans cette nouvelle phase, véritablement résiduelle, le Mécanisme a encore un travail important à accomplir et a besoin de ressources suffisantes à cette fin, a souligné la Présidente, non sans rappeler que l’institution a hérité des responsabilités qui découlent de la mise en accusation de plus de 250 personnes.  Les affaires qui ont résulté de ces mises en accusation ont donné lieu au recueil de plus de 6 800 dépositions de témoins et ont produit des dossiers qui s’étalent déjà sur plus de 4 kilomètres et qui devraient atteindre les 9 kilomètres.  Dans ce contexte, le Mécanisme continue d’être chargé du contrôle de l’exécution des peines, 41 personnes condamnées purgeant actuellement leur peine dans 12 États, et 7 autres personnes demeurant sous son contrôle.  À court terme, les activités liées à cette fonction devraient augmenter, à mesure que davantage de prisonniers rempliront les conditions requises pour prétendre à une libération anticipée.  Un appui suffisant durant cette phase sera donc crucial, a-t-elle souligné.  Parallèlement, le Mécanisme demeure chargé de gérer et conserver ses archives et celles des tribunaux ad hoc, ainsi que d’en faciliter l’accès, a ajouté Mme Gatti Santana, rappelant que l’article 28 du Statut charge le Mécanisme de répondre aux demandes d’assistance émanant des autorités nationales. 

En vertu de l’article 24 du Statut, le Mécanisme est également compétent pour réviser une déclaration de culpabilité si un fait nouveau permet d’établir que le jugement est devenu sujet à caution, a encore rappelé la Présidente.  Ainsi, dans l’affaire concernant Gérard Ntakirutimana, dont la Chambre d’appel est actuellement saisie, de nouvelles informations présentées indiquent qu’un témoin pourrait avoir fourni un faux témoignage qui a été essentiel à certaines déclarations de culpabilité prononcées contre l’accusé.  En conséquence, la Chambre d’appel a autorisé la tenue d’une procédure en révision restreinte visant à déterminer si une erreur judiciaire avait pu être commise.  Le Mécanisme continue en outre de fournir un soutien aux victimes et témoins protégés et reste compétent pour juger les comportements qui entravent le cours de la justice et les faux témoignages présentés devant lui ou devant les tribunaux ad hoc.  Il garde cependant à l’esprit l’obligation que lui fait le Statut d’envisager le renvoi de telles affaires aux juridictions nationales, avant de décider de la tenue d’un procès, comme le montrent le renvoi de l’affaire d’outrage Šešelj et consorts décidé récemment et l’examen auquel procède actuellement un juge unique pour déterminer si l’affaire François Ngirabatware devrait être renvoyée. 

Pour Mme Gatti Santana, la capacité du Mécanisme à rendre la justice dépend en grande partie de la coopération des États.  L’annonce récente du Procureur indiquant que les derniers fugitifs du TPIR ont tous été retrouvés atteste selon elle du succès de ces efforts. À l’inverse, le refus continu de la Serbie d’apporter sa coopération dans le cadre de l’affaire d’outrage concernant Petar Jojić et Vjerica Radeta constitue un obstacle persistant pour le Mécanisme, a-t-elle regretté, tout en remerciant les États qui apportent leur concours à l’exécution des peines.  Elle a néanmoins noté que des États doivent encore être désignés pour prendre en charge l’exécution de la peine de quelques personnes condamnées ainsi que la libération provisoire de Félicien Kabuga.  À cet égard, elle a constaté que la situation des personnes acquittées ou libérées réinstallées au Niger est dans une impasse et constitue un « triste rappel » des obstacles qui subsistent en matière de coopération. 

Elle a par conséquent demandé aux États Membres d’intervenir afin qu’une solution durable soit trouvée le plus rapidement possible.  Le Mécanisme continue de faire tout ce qui est en son pouvoir, mais cette situation ne peut être réglée que par des efforts déployés conjointement avec la communauté internationale, a-t-elle insisté, avertissant que, sans ce soutien, la crédibilité de la justice internationale dans son ensemble est en péril. 

M. SERGE BRAMMERTZ, Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, a affirmé que, conscient des attentes du Conseil à l’égard du Mécanisme en ce qui concerne l’achèvement efficace de ses fonctions, son Bureau a mené à bien l’importante mission qu’il avait de retrouver l’ensemble des fugitifs mis en accusation par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).  Rappelant avoir confirmé le 15 mai le décès des deux derniers fugitifs, Ryandikayo et Charles Sikubwabo, il a indiqué que les investigations menées par son équipe chargée de la recherche des fugitifs ont permis d’établir que ces deux fugitifs avaient fui le Rwanda en 1994 pour se rendre à ce qui était à l’époque le Zaïre.  Ils ont résidé au camp de Kashusha, comme de nombreux autres auteurs du génocide, jusqu’à la fin de l’année 1996.  Sikubwabo a ensuite pris la fuite en passant par la République démocratique du Congo, la République du Congo et la République centrafricaine, avant d’arriver au Tchad, où il est mort en 1998.  Ryandikayo s’est quant à lui rendu en République du Congo, où il a été recruté pour rejoindre les FDLR, puis à Kinshasa, où il est mort en 1998. M. Brammertz a ajouté que son équipe a également procédé à l’arrestation de deux fugitifs, Félicien Kabuga à Paris en mai 2020, et Fulgence Kayishema à Paarl, en Afrique du Sud, en mai 2023, ce dernier devant être remis à la garde du Mécanisme pendant la période à venir.  Le Bureau du Procureur a en outre confirmé le décès de six autres accusés, ce qui signifie que les 253 personnes mises en accusation par le TPIR et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide ont désormais toutes été trouvées. 

Abordant le travail accompli par son Bureau pour aider les autorités nationales à poursuivre le processus d’établissement des responsabilités des auteurs des crimes commis au Rwanda et en ex-Yougoslavie, le Procureur a fait état de 629 demandes d’assistance ces deux dernières années.  En répondant à ces demandes, le Bureau a apporté un soutien dans 219 dossiers concernant des affaires traitées sur le plan national. En ce qui concerne le Rwanda, a précisé M. Brammertz, nous avons prêté assistance à 10 États Membres différents, communiqué plus de 5 000 documents, facilité la participation de 69 témoins dans des procédures devant les juridictions nationales, fourni des plans d’enquête et partagé des informations sur le lieu où se cachaient les fugitifs. 

S’agissant de l’ex-Yougoslavie, nous avons apporté un soutien à sept États Membres ainsi qu’à quatre organisations internationales.  Dans ce cadre, le Bureau a communiqué plus de 17 000 documents et préparé des dossiers d’enquête, des rapports sur les faits incriminés et des rapports analytiques.  En moyenne, chaque jour, une nouvelle demande d’assistance est adressée à mon bureau, a-t-il expliqué, ajoutant que, si ses principaux partenaires sont le Rwanda et les pays de l’ex-Yougoslavie, il a aussi rencontré des procureurs de pays africains comme l’Afrique du Sud, l’Eswatini et le Mozambique, ainsi que des procureurs de Belgique, du Canada, des États-Unis, de France, du Royaume-Uni et d’ailleurs.  « Nos collègues au sein des juridictions nationales savent que certains génocidaires vivent dans leur pays en toute impunité, pour certains au vu et au su de tous. Et ils savent que, dans chaque affaire, des victimes et des rescapés attendent toujours que justice soit rendue. » 

Après s’être félicité que le rapport du Bureau des services de contrôle interne (BSCI) évaluant le travail de son Bureau ait conclu qu’il s’était acquitté de son mandat durant la période considérée, M. Brammertz a jugé cette confirmation importante, compte tenu de ce que les partenaires nationaux doivent encore accomplir.  Le TPIR et le TPIY ont mis en accusation 253 personnes, mais on sait depuis toujours que des milliers d’autres auteurs de crimes doivent être traduits en justice, a-t-il rappelé, précisant que, dans le cadre de la stratégie d’achèvement des travaux approuvée par le Conseil, cette tâche incombe désormais aux États Membres et à leurs juridictions nationales.  Si ces derniers ont déjà obtenu de très bons résultats, il demeure urgent de juger un plus grand nombre d’auteurs de crimes.  Le Procureur a ainsi relevé que les autorités rwandaises s’emploient toujours à traduire en justice plus de 1 000 génocidaires en fuite.  De même, les parquets de la région de l’ex-Yougoslavie doivent encore mener des enquêtes et des poursuites visant des milliers de criminels de guerre présumés, tandis que les autorités nationales dans les États Membres tiers, en particulier en Europe et en Amérique du Nord, traitent également ces dossiers dans le cadre de politiques de « refus de refuge ».  Il est essentiel de poursuivre ce travail, a-t-il souligné, estimant qu’in fine, ces travaux réalisent l’ambition qu’avait le Conseil de lutter contre l’impunité des personnes responsables de violations graves du droit international humanitaire. 

Avant de conclure, M. Brammertz a fait observer que son Bureau a aujourd’hui mené à bien deux de ses trois fonctions résiduelles principales.  L’an dernier, il a achevé les derniers procès en première instance et en appel hérités du TPIY et du TPIR.  Le mois dernier, il a retrouvé les derniers fugitifs du TPIR, mettant fin à ce travail de recherche.  Cela étant, si les procès internationaux concernant les crimes commis au Rwanda et en ex-Yougoslavie sont aujourd’hui terminés, les parquets nationaux poursuivent notre travail dans leurs tribunaux, a-t-il rappelé, jugeant que les stratégies d’achèvement des travaux ne peuvent réussir que si le soutien apporté par son Bureau aux États Membres se poursuit. 

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.

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