Le Conseil de sécurité proroge d’un an les autorisations données aux États d’inspecter des navires au large de la Libye, dans le cadre de l’embargo sur les armes
Cet après-midi, le Conseil de sécurité a décidé de prolonger pour une nouvelle période de 12 mois les autorisations accordées depuis 2016 aux États Membres, agissant au niveau national ou par l’intermédiaire d’organisations régionales, d’inspecter les navires en haute mer au large des côtes libyennes, à destination ou en provenance de la Libye, dont ils ont des motifs raisonnables de croire qu’ils violent l’embargo sur les armes imposé à ce pays en 2011.
Présentée par Malte et la France, la résolution 2733 (2024) a été adoptée par 9 voix pour et 6 abstentions (Algérie, Chine, Fédération de Russie, Guyana, Mozambique, Sierra Leone), en raison notamment de réserves sur l’opération militaire de l’Union européenne en Méditerranée (opération EUNAVFOR MED IRINI).
Renforçant le rôle du Comité des sanctions créé par la résolution 1970 (2011), ce texte apporte des modifications au dispositif de la résolution 2684 (2023): il « autorise tous les États Membres, agissant individuellement ou dans le cadre d’organismes régionaux, et décide qu’ils sont habilités, s’ils découvrent des articles interdits » au titre des résolutions précédentes, « à saisir et à éliminer lesdits articles (en les détruisant ou en les mettant hors d’usage) ou, sous réserve de l’approbation du Comité dans un délai de 90 jours suivant une demande, à les éliminer (en les stockant ou en les transférant à un État autre que l’État d’origine ou de destination en vue de leur élimination), sans porter atteinte au droit qu’ont les États Membres, agissant individuellement ou dans le cadre d’organismes régionaux, de garder lesdits articles en toute sécurité dans une zone d’attente avant leur élimination ».
En l’absence d’approbation par le Comité dans un délai de 90 jours, sous réserve d’une prorogation de ce délai décidée par le Comité, le Conseil décide ensuite que toute demande est présumée rejetée, et que, dans un tel cas, l’État concerné, agissant individuellement ou dans le cadre d’un organisme régional, peut soumettre au Comité une nouvelle demande d’approbation.
Ce sont « des éléments flous qui rendent possibles des interprétations contradictoires » et « d’éventuels abus », a critiqué la Fédération de Russie. Elle a notamment fustigé la décision de l’Union européenne de permettre l’utilisation ultérieure de biens saisis à un pays tiers, un précédent dangereux qui ouvrirait la porte à des abus dans d’autres contextes régionaux. En attendant, selon elle, l’opération navale IRINI est « tout simplement inefficace ».
Un point de vue réfuté par Malte, pour qui l’opération de l’Union européenne est la preuve de son engagement et a contribué au rétablissement de la paix et à la stabilité en Libye. Depuis sa création, l’opération a pu inspecter 27 navires, réaliser plus de 14 000 interpellations et présenter quelque 50 rapports spéciaux au Groupe d’experts des Nations Unies, a-t-elle précisé.
Sa présence en Méditerranée dissuade les trafiquants d’armes potentiels, ont appuyé les États-Unis. Elle joue également un rôle essentiel de partage de l’information avec le groupe d’experts sur la Libye, ont-ils fait valoir.
Une affirmation loin de faire l’unanimité auprès des A3+ (Algérie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone) qui veulent, tout comme la Russie, consolider le rôle du Comité dans le processus décisionnel sur la liquidation des biens saisis. Cet élément n’a pas été pris en compte, ont regretté les délégations qui se sont abstenues. Tout en reconnaissant les améliorations apportées au texte, la Chine a pointé à son tour ses faiblesses, la liquidation arbitraire des biens saisis pouvant, selon elle, nuire à l’autorité du mécanisme de supervision et aller à l’encontre des aspirations du pays hôte et des appels lancés par les pays africains.
LA SITUATION EN LIBYE
Texte du projet de résolution (S/2024/421)
Le Conseil de sécurité,
Rappelant sa résolution 1970 (2011) imposant l’embargo sur les armes à la Libye et toutes ses résolutions ultérieures sur la question,
Rappelant également ses résolutions 2292 (2016), 2357 (2017), 2420 (2018), 2473 (2019), 2526 (2020), 2578 (2021), 2635 (2022) et 2684 (2023) concernant le strict respect de l’embargo sur les armes en haute mer au large des côtes libyennes,
Réaffirmant sa résolution 2702 (2023),
Sachant le rôle moteur que joue le Comité créé par la résolution 1970 (2011) (« le Comité ») dans le suivi de l’application des mesures de sanctions, conformément au mandat qui lui a été confié au paragraphe 24 de ladite résolution,
Rappelant que les États Membres, agissant à titre national ou dans le cadre d’organisations régionales en vertu des autorisations données dans la résolution 2292 (2016), ont l’obligation de respecter strictement toutes les dispositions de ladite résolution,
Sachant le rôle important que jouent les pays voisins et les organisations régionales,
Conscient que la Charte des Nations Unies lui confie la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales,
Réaffirmant que le terrorisme, sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, constitue l’une des menaces les plus graves contre la paix et la sécurité,
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
1. Décide de prolonger les autorisations visées dans la résolution 2684 (2023) pour une nouvelle période de douze mois à compter de la date de la présente résolution;
2. Décide également de remplacer le paragraphe 5 de la résolution 2292 (2016) par ce qui suit: « Autorise tous les États Membres, agissant individuellement ou dans le cadre d’organismes régionaux, et décide qu’ils sont habilités, s’ils découvrent des articles interdits au titre des paragraphes 9 et 10 de la résolution 1970 (2011), tels que modifiés par le paragraphe 13 de la résolution 2009 (2011), les paragraphes 9 et 10 de la résolution 2095 (2013) et le paragraphe 8 de la résolution 2174 (2014), à saisir et à éliminer lesdits articles (en les détruisant ou en les mettant hors d’usage) ou, sous réserve de l’approbation du Comité dans un délai de 90 jours suivant une demande, à les éliminer (en les stockant ou en les transférant à un État autre que l’État d’origine ou de destination en vue de leur élimination), sans porter atteinte au droit qu’ont les États Membres, agissant individuellement ou dans le cadre d’organismes régionaux, de garder lesdits articles en toute sécurité dans une zone d’attente avant leur élimination, réaffirme de nouveau sa décision selon laquelle tous les États Membres sont tenus de coopérer à ces efforts, autorise les États Membres, agissant à titre national ou dans le cadre d’organismes régionaux, à recueillir au cours de leurs inspections des éléments de preuve ayant directement trait au transport desdits articles, et prie instamment les États Membres, agissant individuellement ou dans le cadre d’organismes régionaux, d’éviter de causer des dommages au milieu marin ou de nuire à la sécurité de la navigation; »
3. Décide qu’au titre du paragraphe 5 de la résolution 2292 (2016), tel que modifié par le paragraphe 2 de la présente résolution, l’État Membre qui, agissant individuellement ou dans le cadre d’organismes régionaux, saisit et élimine des articles interdits (en les détruisant ou en les mettant hors d’usage) en donne notification au Comité dans un délai de 30 jours en communiquant une liste détaillée de tous les articles éliminés et de leur mode d’élimination;
4. Décide également qu’au titre du paragraphe 5 de la résolution 2292 (2016), tel que modifié par le paragraphe 2 de la présente résolution, en l’absence d’approbation par le Comité dans un délai de 90 jours, sous réserve d’une prorogation de ce délai décidée par le Comité, toute demande est présumée rejetée, et que, dans un tel cas, l’État concerné, agissant individuellement ou dans le cadre d’un organisme régional, peut soumettre au Comité une nouvelle demande d’approbation;
5. Prie le Secrétaire général de lui faire rapport six et onze mois après l’adoption de la présente résolution, sur l’application de celle-ci;
6. Décide de rester saisi de la question.