En cours au Siège de l'ONU

9643e séance – matin   
CS/15715

Le Conseil de sécurité divisé dans sa réaction au nouveau lancement utilisant la technologie des missiles balistiques opéré cette semaine par la RPDC

À la demande des États-Unis, de la France, de Malte, de la République de Corée et du Royaume-Uni, le Conseil de sécurité s’est réuni, ce matin, pour une séance d’information sur la République populaire démocratique de Corée (RPDC), après l’échec du lancement d’un satellite de reconnaissance militaire par ce pays en début de semaine.  Face aux condamnations d’une majorité de membres, inquiets des menaces que l’utilisation par la RPDC de la technologie des missiles balistiques fait peser sur le régime de non-prolifération et sur la paix et la sécurité internationales, la Chine et la Fédération de Russie ont imputé cette montée des tensions aux exercices militaires menés dans la région par les États-Unis et leurs alliés. 

Dans son exposé aux membres du Conseil, le Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, M. Mohamed Khaled Khiari, a indiqué que, le 27 mai à 22h44, heure locale, la RPDC a procédé à ce qu’elle a décrit comme « le lancement du satellite de reconnaissance Malligyong-1-1 à bord de la fusée porteuse de nouveau type » depuis la station de lancement de satellite de Sohae.  Selon la RPDC, le lancement a échoué « à cause d’un souffle d’air de la fusée porte-satellite de nouveau type lors de la première étape du vol », en raison d’un problème de fonctionnement du nouveau moteur à oxygène liquide et à pétrole. 

Le haut fonctionnaire a relevé que ce tir faisait suite au lancement réussi d’un satellite, le 21 novembre 2023, et qu’en décembre 2023, la RPDC avait annoncé qu’elle lancerait trois satellites militaires supplémentaires en 2024. Cette fois, a-t-il ajouté, bien que la RPDC ait averti préalablement les garde-côtes japonais, elle n’a pas émis de notifications relatives à l’espace aérien ou à la sécurité maritime à l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) ou à l’Union internationale des télécommunications (UIT).  Si les États souverains ont le droit de mener des activités spatiales pacifiques, les résolutions du Conseil interdisent expressément à la RPDC de procéder à tout lancement utilisant la technologie des missiles balistiques, a-t-il fait valoir, rappelant la condamnation exprimée par le Secrétaire général dès le lendemain de ce nouveau tir. 

Pour M. Khiari, la poursuite par la RPDC de ses programmes d’armes nucléaires et de missiles balistiques, en violation des résolutions pertinentes du Conseil, continue de saper le régime mondial de désarmement nucléaire et de non-prolifération, ainsi que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) qui le sous-tend.  Préoccupé par les tensions croissantes dans la péninsule coréenne, le Sous-Secrétaire général a appelé le Conseil à l’unité sur cette question et encouragé toutes les parties à créer un environnement propice au dialogue et à la coopération. Il a été rejoint dans cet appel par la plupart des membres de l’organe, notamment l’Algérie, l’Équateur, le Guyana, le Mozambique et la Suisse. 

Tout en prônant elle aussi le dialogue, la Chine a dénoncé les manœuvres navales de simulation d’attaque nucléaire projetées par les États-Unis et ses alliés dans la région, ainsi que le déploiement de missiles à portée intermédiaire américains aux Philippines.  Accusant les États-Unis d’inciter à la confrontation militaire au service de leurs propres desseins, elle a invité ce pays à « méditer sur les leçons du passé » et à s’acquitter de ses obligations, non sans rappeler le projet de résolution qu’elle parraine avec la Fédération de Russie pour rétablir la confiance entre les parties. 

Sur la même ligne que la Chine, la Fédération de Russie a commencé par regretter que le Secrétariat de l’ONU ne parle que des conséquences de l’escalade dans la région, « en fermant les yeux sur ses causes profondes », à savoir en premier lieu « l’intensification de l’activité militaire des États-Unis et de leurs alliés ».  Selon elle, Washington continue de suivre la voie de la confrontation plutôt que celle du dialogue et fait de ses soutiens dans la région « les otages de sa politique anti-Pyongyang ».  Appelant à des « mesures sincères et concrètes » qui démontrent que les « priorités légitimes de sécurité » de la RPDC sont prises en compte, la délégation a exigé des États-Unis qu’ils dévoilent leurs intentions quant à un éventuel déploiement d’armes nucléaires sur le territoire de leurs alliés. 

La RPDC a, elle, jugé « honteux » que le Conseil continue de discuter de ce qui relève du « droit légitime et universel de tout État souverain ».  Selon elle, la priorité aurait pu être donnée au lancement de satellites de télécommunications ou d’observation météorologique plutôt que de reconnaissance, « si les États-Unis ne créaient pas un tel danger sécuritaire sur et autour de la péninsule coréenne en faisant planer la menace nucléaire ».  Réaffirmant que la possession de capacités de reconnaissance spatiale est un droit auquel, elle, la RPDC ne renoncera jamais, puisqu’il s’agit d’une « nécessité absolue » pour la défense de sa souveraineté, la délégation a assuré que son pays poursuivra « fièrement » ses lancements de satellites et continuera de s’acquitter pleinement de sa responsabilité en matière de paix et de sécurité dans la péninsule coréenne et la région « face aux menaces extérieures ».

Devant cette levée de boucliers, les États-Unis ont fait entendre une voix différente.  Après avoir fermement condamné les lancements effectués par la RPDC les 27 et 29 mai, et rappelé que ce pays a lancé plus de 100 missiles balistiques depuis le début de 2022, en violation directe des résolutions du Conseil, ils ont rejeté les « affirmations fallacieuses » de la RPDC et de ses « protecteurs », selon lesquelles ces tirs ne seraient qu’une réponse aux exercices militaires bilatéraux et trilatéraux menés dans la région. Il est temps selon eux d’exprimer une dénonciation « unie et claire » du comportement de la RPDC, d’appeler tous les États Membres de l’ONU à mettre en œuvre les résolutions du Conseil et de travailler ensemble pour empêcher les activités d’achat et les flux de revenus qui soutiennent les activités illégales d’armes de destruction massive et de programmes de missiles balistiques de Pyongyang. 

Des deux pays de la région représentés au Conseil, la République de Corée a été la plus virulente dans sa condamnation des agissements de la RPDC, signalant que le tir opéré le 27 mai a eu lieu quelques heures seulement après le sommet trilatéral République de Corée-Chine-Japon de Séoul, au cours duquel avait été lancé un appel à la dénucléarisation de la péninsule.  Dénonçant l’escalade à laquelle se livre la RPDC près de la Ligne de démarcation, comme en atteste ce lancement mais aussi le brouillage des systèmes GPS et l’envoi « absurde » de centaines de ballons remplis de déchets, la délégation sud-coréenne a constaté que « la rhétorique et la politique nucléaires de Pyongyang deviennent de plus en plus hostiles et agressives ». 

Dans ce contexte, le Japon et la République de Corée ont regretté -à l’instar des États-Unis, mais aussi de la France, de Malte, du Royaume-Uni et de la Slovénie- que le mandat du Groupe d’experts chargé d’assister le Comité des sanctions contre la RPDC n’ait pu être reconduit, en raison du veto de la Fédération de Russie.  « Imaginez un monde où il y aurait une collusion entre un membre permanent du Conseil doté du plus grand nombre d’armes nucléaires de la planète et un État paria qui dénonce les résolutions du Conseil comme étant sans fondement », a lancé la délégation sud-coréenne, tandis que son homologue japonaise faisait observer que la Fédération de Russie se procure des armes auprès de la RPDC pour mener son agression contre l’Ukraine. 

À ce sujet, les États-Unis ont jugé le veto russe du 28 mars « peu surprenant » dans la mesure où le Groupe d’experts du Comité 1718 a pu établir, après inspection en Ukraine des débris d’un missile tiré sur Kharkiv le 2 janvier dernier, qu’il s’agissait d’un Hwasong-11, acquis par la Fédération de Russie en violation de l’embargo sur les armes contre la RPDC, et qu’il avait été tiré depuis le territoire russe.  Ils ont ajouté qu’une analyse de la Defense Intelligence Agency publiée cette semaine apporte la preuve visuelle de l’utilisation par la Fédération de Russie de missiles de la RPDC contre l’Ukraine.

Quant aux sanctions en vigueur contre la RPDC, dont les délégations chinoise et russe ont réclamé la levée, les États-Unis ont réfuté l’argument selon lequel elles ne fonctionneraient pas et nuiraient à la population civile.  « La situation humanitaire désastreuse de la RPDC est la responsabilité du pays lui-même », ont-ils argué, estimant que le dirigeant Kim Jong-un « pourrait immédiatement soulager les souffrances de son peuple en autorisant les organisations humanitaires internationales à entrer dans le pays et en investissant dans le bien-être de la population plutôt que dans ses programmes d’armement illégaux ».  Notant en outre que les sanctions ont fait augmenter les coûts de ces programmes, la délégation américaine a estimé que, sans la pleine mise en œuvre de ces mesures, « nous ne serons pas en mesure de répondre aux actions continues de la RPDC en violation des résolutions du Conseil ». 

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