9633e séance – matin & après-midi     
CS/15706

Le Conseil de sécurité débat des moyens de « libérer la puissance de paix » de l’Afrique en lui ouvrant les portes de la gouvernance mondiale

À l’initiative du Mozambique, qui préside ses travaux ce mois-ci, le Conseil de sécurité a organisé aujourd’hui un débat public sur le renforcement du rôle des États africains face aux problèmes de sécurité et de développement dans le monde, au cours duquel une cinquantaine d’orateurs ont pris la parole.  « Libérer la puissance de paix » de l’Afrique, a résumé le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, en expliquant que cela passe à la fois par la résolution des crises qu’elle traverse dans le respect de l’appropriation nationale, mais aussi par l’élargissement de la participation et du leadership africains dans toute l’architecture de paix et de sécurité mondiale.

Dans la déclaration présidentielle adoptée lors de cette séance, le Conseil, qui reconnaît les liens insécables entre développement, paix et sécurité, juge nécessaire d’adopter une approche globale et intégrée de la pérennisation de la paix en Afrique, pour lui permettre de jouer pleinement son rôle sur la scène internationale.  Une partition que le continent ne pourra tenir qu’à condition que la communauté internationale, précise la déclaration, honore les engagements qu’elle a pris en ce qui concerne le financement du développement et œuvre au renforcement des capacités des États africains. 

En effet, leurs voix ne pourront se faire entendre que s’ils ont la possibilité de participer aux structures de gouvernance mondiale sur un pied d’égalité avec le reste du monde, ce qui implique notamment de remédier à l’absence de représentation permanente de l’Afrique au sein du Conseil de sécurité, a fait observer le Secrétaire général, suivi sur ce point par la plupart des membres du Conseil.  « Et cela implique aussi de réformer l’architecture financière mondiale, en particulier la gestion de la dette, afin que les pays africains puissent gravir les échelons du développement », a préconisé le Chef de l’Organisation, pour qui le Sommet de l’avenir en septembre sera l’occasion de faire avancer tous ces enjeux.

M. Bankole Adeoye, le Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l’Union africaine (UA), a plaidé en ce sens, prônant un Conseil de sécurité « rénové, élargi, démocratique, inclusif, légitime, équitable et pro-africain », alors que les structures de gouvernance mondiale, créées après la Seconde Guerre mondiale, « laissent apparaître des signes de tension et de division », comme l’indique la note de cadrage partagée par la présidence mozambicaine.  Après s’être félicité de la décision historique prise en 2023 d’inclure l’Union africaine au sein du G20, le haut fonctionnaire a souligné la nécessité d’un financement flexible, prévisible et durable des opérations de paix continentales et régionales, par le biais du budget ordinaire de l’ONU.

Citée par la déclaration présidentielle, la résolution 1719 (2023), adoptée par le Conseil en décembre dernier, a été considérée comme un pas dans la bonne direction.  Ce texte, rédigé par le groupe A3, soit les trois membres africains du Conseil, avait été entériné après l’adoption d’un amendement américain, qui prévoit qu’au titre du partage des responsabilités, la contribution de l’ONU à ces opérations ne pourra excéder 75% de leur budget annuel.  La déclaration présidentielle d’aujourd’hui demande au Secrétaire général et au Président de la Commission de l’Union africaine d’accélérer « l’établissement des documents de planification commune régissant en détail la façon dont cette résolution s’appliquera aux opérations de soutien à la paix conduites par l’UA ». L’Algérie, la Fédération de Russie, la Slovénie ou encore l’Équateur ont souhaité la pleine mise en œuvre de cette résolution, comme du reste le Président de la Commission de consolidation de la paix (CCP), M. Sérgio França Danese (Brésil).

Resituant les enjeux du débat, le Mozambique a souligné l’importance de la représentation de l’Afrique au sein des enceintes multilatérales, « la visibilité devant être un moyen de parvenir à une fin et non pas un but en soi ».  Ce à quoi l’Afrique aspire, c’est d’être en mesure d’exercer une influence et de fixer l’ordre du jour de manière à refléter ses propres perspectives, a souligné cette délégation.  Raison de plus pour que soit réparée « l’injustice historique » (une expression revenue dans plusieurs déclarations) faite au continent africain au Conseil de sécurité.  « La légitimité représentationnelle est une condition nécessaire à une bonne performance institutionnelle », a résumé le représentant, en apportant son soutien à la position africaine sur le sujet, définie par le consensus d’Ezulwini et la Déclaration de Syrte.

Même son de cloche du côté du Japon, du Royaume-Uni, de la Russie et de la France, cette dernière se disant favorable à un Conseil élargi dans ses deux catégories de membres, autour de 25, avec une présence renforcée de l’Afrique, y compris parmi les permanents.  Une dynamique qui devrait s’étendre pour la délégation française aux enceintes de gouvernance économique.  « C’est dans cet esprit que nous avons organisé en juin dernier le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, au terme duquel a été adopté le Pacte de Paris pour les peuples et la planète, aujourd’hui soutenu par 54 États », pour qu’aucun n’ait à choisir entre la lutte contre la pauvreté et la lutte pour la planète, a expliqué le représentant français. 

Pour les États-Unis, qui ont fait valoir leurs programmes bilatéraux d’aide avec des pays comme le Botswana, le Ghana et la Zambie, ce sont la mauvaise gouvernance, la corruption et les atteintes aux droits fondamentaux qui permettent aux terroristes et à d’autres acteurs de prospérer et d’affaiblir la confiance dans les institutions, une inquiétude également exprimée par Malte.  Aussi la Sierra Leone a-t-elle appelé à un Conseil de sécurité « élargi » qui soutienne les efforts de l’UA pour s’attaquer aux causes sous-jacentes des « changements anticonstitutionnels de gouvernement ».

Le Conseil doit être un partenaire clef dans la poursuite de ces objectifs, a confirmé le Guyana tout en lui rappelant le principe des « solutions africaines aux problèmes africains ». Dénonçant à ce propos les ingérences d’acteurs extérieurs, la délégation guyanaise a demandé au Conseil d’adopter une position ferme contre ce phénomène « qui en soi peut être considéré comme une nouvelle forme de colonialisme ».  La Chine a abondé en conseillant à la communauté internationale d’accepter le rôle de fer de lance que jouent les pays africains sur leur continent, et ce, sans ingérence des anciennes puissances coloniales, ni sanctions ni pressions.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Renforcer le rôle des États d’Afrique face aux problèmes de sécurité et de développement dans le monde(S/2024/327/Rev.1)

Déclaration du Président du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité rappelle qu’en vertu de la Charte il a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et redit que la coopération avec les organisations régionales et sous-régionales sur les questions concernant le maintien de la paix et de la sécurité internationales, menée conformément aux dispositions du Chapitre VIII de la Charte, peut améliorer la sécurité collective.

Le Conseil salue la contribution apportée par les États d’Afrique, l’Union africaine et les organisations sous-régionales à la recherche de solutions aux problèmes complexes qui se posent en Afrique et ailleurs dans le domaine de la sécurité, conformément à la Charte des Nations Unies, à l’Acte constitutif de l’Union africaine et aux textes constitutifs des organisations régionales et sous-régionales.

Le Conseil salue les efforts déployés et les progrès accomplis dans la prévention et le règlement des conflits sur le continent, ainsi que dans la prévention et la répression du terrorisme et de l’extrémisme violent conduisant au terrorisme, conformément au droit international.

Le Conseil se félicite que la Commission de consolidation de la paix soit disposée à mettre son expertise au service de la préparation des transitions post-conflits et de l’élaboration de solutions durables de façon à aider les pays d’Afrique.  Il souligne également qu’il importe de mettre l’accent sur les dispositifs d’alerte rapide, de renforcer le rôle des femmes dans la paix et la sécurité, de promouvoir la bonne gouvernance et de s’attaquer aux causes profondes comme la pauvreté et les inégalités.

Le Conseil est conscient du rôle crucial que les jeunes peuvent jouer dans l’édification d’un avenir meilleur pour le continent et encourage toutes les parties prenantes à agir en faveur de leur inclusion et de leur autonomisation. Il note qu’en investissant dans l’éducation, le développement des compétences, le développement socioéconomique, l’emploi, l’innovation technologique et les initiatives émanant de jeunes, l’on peut donner à la génération présente les moyens de participer activement aux efforts de consolidation de la paix et de contribuer utilement à une Afrique plus sûre et plus prospère.

Le Conseil soutient les progrès en faveur du renforcement du rôle et de la représentation des États d’Afrique dans les mécanismes mondiaux de gouvernance et de décision.

Le Conseil redit son appui aux objectifs énoncés dans l’Agenda 2063 de l’Union africaine et souhaite que des partenariats mondiaux soient noués pour en accélérer la mise en œuvre et celle du Programme des Nations Unies pour le développement durable à l’horizon 2030, ainsi que celle de l’initiative phare de l’Union africaine intitulée « Faire taire les armes en Afrique » et de la Zone de libre-échange continentale africaine.

Le Conseil redit que le développement, la paix et la sécurité sont liés et se renforcent mutuellement et souligne le lien qui existe entre la réalisation des objectifs de développement durable et la mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, considérant qu’il est nécessaire d’adopter une approche globale et intégrée de la pérennisation de la paix. 

Le Conseil souligne qu’il est indispensable de soutenir le développement socioéconomique pour pérenniser la paix en Afrique, grâce au développement économique, ce qui passe notamment par le développement des infrastructures transnationales et transrégionales, l’industrialisation, l’élimination de la pauvreté, la création d’emplois, la modernisation de l’agriculture et la promotion de l’esprit d’entreprise, et souligne qu’il faut continuer d’aider les pays d’Afrique en tenant compte de leurs priorités et besoins.  À cet égard, il souligne également l’importance de l’état de droit à l’appui du développement socioéconomique.  Il note que la Politique de l’Union Africaine pour la reconstruction et le développement post-conflit met en relief la nécessité de renforcer les institutions à tous les niveaux afin d’améliorer la gouvernance économique, notamment par l’assainissement des institutions chargées de la gestion fiscale et financière, qui collecteront ainsi plus efficacement les recettes, la mise en place de mécanismes de suivi et d’évaluation et la création de structures de lutte contre la corruption pour garantir le respect du principe de responsabilité et la transparence.

Le Conseil redit l’importance que revêtent la participation pleine, égale, sûre et véritable des femmes et l’inclusion des jeunes dans la prévention et le règlement des conflits et la consolidation de la paix.

Le Conseil se félicite de la célébration du vingtième anniversaire du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et salue la contribution qu’apporte celui-ci au maintien de la paix et de la sécurité internationales sur le continent et à l’instauration d’une gouvernance mondiale efficace grâce à la mise en œuvre de l’Architecture africaine de paix et de sécurité et de l’Architecture africaine de gouvernance, fondée sur le principe que les activités dans les domaines du politique, de la sécurité, du développement, de l’action humanitaire, des droits de l’homme et de l’état de droit sont imbriquées. 

Le Conseil réitère son appui au rôle que jouent l’Union africaine et les organisations sous-régionales dans la promotion de la paix et de la sécurité sur le continent et redit qu’il est prêt à envisager d’apporter, au cas par cas, un appui approprié, y compris aux opérations de soutien à la paix conduites par l’Union africaine dans le cadre de l’application de la résolution 2719 (2023).

Le Conseil se déclare prêt à renforcer sa coopération avec l’Union africaine, en particulier avec son Conseil de paix et de sécurité, et demande au Secrétaire général et au Président de la Commission de l’Union africaine d’accélérer l’établissement des documents de planification commune régissant en détail la façon dont la résolution 2719 (2023) s’appliquera aux opérations de soutien à la paix conduites par l’Union africaine, afin qu’ils soient examinés par les organes compétents de l’Union africaine et de l’Organisation des Nations Unies.

Le Conseil rappelle qu’il a prié le Secrétaire général de lui présenter chaque année, comme prévu dans la résolution 2719 (2023), un rapport rendant compte des progrès en cours et recommande que ce rapport lui soit remis avant la réunion consultative annuelle conjointe, parallèlement aux autres rapports devant être présentés conformément à cette résolution-cadre.

Le Conseil demande à la communauté internationale d’honorer les engagements qu’elle a pris en ce qui concerne le financement du développement et d’œuvrer au renforcement des capacités des États d’Afrique afin que ces derniers puissent saisir les occasions qui leur sont offertes de collaborer activement avec le reste du monde et que les Africains s’approprient les activités internationales menées en faveur de la paix, de la sécurité et du développement.

Déclarations

Le Secrétaire général de l’ONU, M. ANTÓNIO GUTERRES, a commencé par rappeler que la voix de l’Afrique a un poids important dans la défense du bien commun et qu’elle foisonne d’exemples d’unité et de solidarité dans un monde fracturé. Elle se traduit dans l’action menée pour bâtir collectivement, à l’échelle du continent, une économie moderne, diversifiée, innovante et puissante, en faveur de tous les Africains et de toutes les Africaines, comme en témoignent l’Agenda 2063 de l’Union africaine et la Zone de libre-échange continentale africaine.  Pour que ces efforts portent leurs fruits, il faut toutefois que la paix règne en Afrique et ailleurs, a relevé M. Guterres.  Outre les morts, la famine, les maladies et les déplacements de population provoqués par les conflits, de nombreux pays d’Afrique pâtissant encore des conséquences de la pandémie, notamment d’une hausse des taux d’endettement, ce qui limite leur capacité à lutter contre la pauvreté et la faim, a-t-il encore pointé.  Parallèlement, les effets des changements climatiques s’intensifient, et dans certains pays, nous observons de graves violations des droits humains et atteintes à ces droits, une épidémie de violences sexuelles et fondées sur le genre, un mépris du droit international et, de manière générale, un climat d’impunité, s’est désolé le Secrétaire général. 

Pour lui, le moment est donc venu de « libérer la puissance de paix » de l’Afrique.  « Notre partenariat avec le continent repose sur l’idée claire que notre collaboration avec l’Union africaine doit adhérer au principe suivant: ce sont les Africains eux-mêmes qui doivent piloter les solutions aux problèmes rencontrés en Afrique. »  C’est ce que fait l’ONU, a assuré le Secrétaire général, notamment en appuyant pleinement la recherche de la paix par l’initiative phare de l’Union africaine (UA) « Faire taire les armes ».  Il a ensuite recommandé d’intégrer la participation et le leadership de l’Afrique dans toute l’architecture de paix et de sécurité mondiale.  En effet, la voix de l’Afrique ne peut se faire entendre que si les pays africains ont la possibilité de participer aux structures de gouvernance mondiale sur un pied d’égalité, ce qui implique de remédier à l’absence de représentation permanente de l’Afrique au sein du Conseil de sécurité.  « Et cela implique de réformer l’architecture financière mondiale, en particulier la gestion de la dette, afin que les pays africains bénéficient du soutien dont ils ont besoin pour gravir les échelons du développement », a préconisé le Secrétaire général, pour qui le Sommet de l’avenir en septembre sera l’occasion de faire avancer tous ces enjeux.  La paix dépend donc du leadership africain, a-t-il ajouté.

M. BANKOLE ADEOYE, Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l’Union africaine, a fait remarquer que les institutions africaines sont aujourd’hui mises au défi par les changements climatiques ainsi que par les conséquences de la pandémie qui se font encore sentir.  Il a demandé une reconfiguration de l’architecture internationale de sécurité avec un Conseil de sécurité rénové, élargi, démocratique, inclusif, légitime, équitable et pro-africain.  Le Commissaire a également réclamé une représentation juste de l’Afrique au sein du G20.  À ce titre, il a salué la décision historique prise en 2023 afin d’inclure l’Union africaine au sein du G20.  Il a ensuite souligné la nécessité d’un financement flexible, prévisible et durable des opérations de paix continentales et régionales.  Il a demandé un accès inconditionnel et sans entrave aux contributions onusiennes pour les activités de paix en Afrique.  « La résolution 2719 (2023) constitue un pas dans la bonne direction », a-t-il dit, en demandant sa bonne mise en œuvre.

M. Adeoye a rappelé la primauté des efforts politiques pour régler un conflit, comme l’a récemment montré le processus de paix au Tigré conduit par l’UA sous le contrôle de l’Éthiopie.  La réforme de la gouvernance économique mondiale est une autre priorité, a-t-il ajouté. Il a demandé à cet égard un allègement de la dette, un accès amélioré aux droits de tirage spéciaux (DTS), ainsi qu’un meilleur lien entre la rentabilité du secteur privé et le développement durable.  Il faut aussi aborder la question de l’intégrité financière, a-t-il ajouté avant de parler de l’architecture fiscale mondiale qui doit être équitable et inclusive, en particulier pour les femmes et les jeunes.  Le Commissaire a rappelé l’indivisibilité des droits humains, qu’il s’agisse des droits civiques et politiques et des droits économiques, sociaux et culturels.  En conclusion, il a redit la nécessité d’une participation adéquate et efficace de l’Afrique aux affaires du monde. 

En tant que Président de la Commission de consolidation de la paix (CCP), M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a rappelé que cet organe consultatif intergouvernemental de l’ONU collabore avec l’Afrique pour promouvoir une paix durable dans les pays qui sollicitent volontairement son aide.  Dans ce cadre, a-t-il expliqué, la CCP fournit une assistance impliquant tous les acteurs concernés dans des domaines tels que le renforcement des institutions, les processus électoraux, l’état de droit, la justice transitionnelle, les programmes pour les femmes et les jeunes, la paix et la sécurité, les programmes de DDR (désarmement, démobilisation et réintégration), ainsi que la réforme du secteur de la sécurité.  Ces activités, appuyées par le Fonds pour la consolidation de la paix, ne sont toutefois que des « points de départ » pour normaliser les États en transition et dans les situations postconflit, a indiqué le haut fonctionnaire en soulignant l’importance du développement durable pour la cohésion sociale et la stabilité à long terme.  « Il ne peut y avoir de développement durable sans paix et de paix sans développement durable », a-t-il résumé, avant de constater que la poussée démographique de l’Afrique offre à ce continent une multitude d’opportunités pour une croissance robuste, durable et inclusive. 

Saluant les progrès impressionnants réalisés par l’Afrique dans l’institutionnalisation de ses politiques régionales, à travers l’Union africaine (UA), les organisations sous-régionales et les communautés économiques régionales, le Président de la CCP a fait état de discussions entre celle-ci et le Conseil de paix et de sécurité de l’UA pour renforcer la coopération entre les deux organes en tenant compte de leurs avantages comparatifs et de leur complémentarité en matière de consolidation et de pérennisation de la paix.  Il en est ressorti qu’il importe de soutenir les efforts déployés par l’UA, notamment la mise en œuvre de la politique de l’UA pour la reconstruction et le développement postconflit, a-t-il précisé, jugeant essentiel de permettre aux pays africains de jeter les bases d’une paix durable en fonction de leurs besoins et priorités spécifiques, sur la base d’une appropriation nationale. 

S’il faut « des solutions africaines aux problèmes africains », il faut aussi s’appuyer sur des partenariats, a poursuivi le Président de la CCP, pour qui les institutions financières devraient élargir leur coopération en matière de consolidation de la paix et de maintien de la paix en Afrique, notamment en matière de prévention des conflits.  La CCP espère y contribuer en reliant les pays ayant besoin d’un soutien financier aux institutions financières internationales et d’autres partenaires potentiels, a-t-il indiqué.  Soucieux par ailleurs que des efforts soient faits pour assurer la cohérence et la complémentarité entre les missions de consolidation de la paix, de maintien de la paix et les opérations de lutte contre le terrorisme, il a estimé que la résolution 2719 (2023) du Conseil de sécurité, qui vise à soutenir les opérations de paix dirigées par l’UA avec les contributions des États Membres de l’ONU, offre l’occasion de promouvoir une coopération plus étroite entre l’ONU et l’UA. À cet égard, il a réaffirmé l’importance du Cadre conjoint ONU-UA pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité, en particulier en ce qui concerne la prévention des conflits et le maintien de la paix. 

Le représentant du Mozambique a souligné que ce débat a lieu au mois de mai, « le mois de l’Afrique ».  Il coïncide avec la célébration de deux événements marquants: la fondation de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) devenue l’Union africaine (UA) il y a un peu plus de 60 ans, et le lancement il y a 20 ans du Conseil de paix et de sécurité de l’UA, qui est le pilier de l’Architecture africaine de paix et de sécurité.  Il y a 10 ans, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la création de l’OUA/UA, l’Agenda 2063 a été conçu, a-t-il rappelé, y voyant « le plan directeur de l’Afrique que nous voulons ».  Ce programme prévoit que l’objectif de l’Afrique est de devenir « un acteur et un partenaire mondial fort, uni, résilient, pacifique et influent, jouant un rôle significatif dans les affaires mondiales », a insisté le délégué ajoutant qu’il ne faut cependant pas attendre 2063 pour y œuvrer.  Décrivant l’Afrique comme une mosaïque de peuples, de tendances, de défis, d’opportunités et de récits qui sont profondément liés aux événements internes et mondiaux, qui les affectent et qui les influencent, il a plaidé pour le renforcement du rôle de l’Afrique sur la scène mondiale. 

Parmi les plus grands défis auxquels l’Afrique doit faire face, il a cité le taux de pauvreté élevé, l’africanisation rapide du terrorisme, l’instabilité politique et l’analphabétisme.  Or, selon le représentant, pour relever ces défis, il est essentiel que l’Afrique sorte de sa situation actuelle et devienne un acteur important sur la scène mondiale.  Il a ajouté que le rôle de l’Afrique dans la sécurité et le développement mondiaux repose sur une approche unifiée entre ses pays, arguant que lorsque les 55 pays africains forment un bloc puissant et unifié, cela sert les intérêts du Sud.

L’Afrique continuera de plaider en faveur de solutions aux déficiences structurelles du système multilatéral, a déclaré le représentant, citant en particulier la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU et des institutions financières internationales.  Il a souligné l’importance de la représentation et de la visibilité de l’Afrique dans les enceintes multilatérales, « la visibilité devant être un moyen de parvenir à une fin et non pas un but en soi ».  En guise de conclusion, il a déclaré que ce à quoi l’Afrique aspire, c’est d’être en mesure d’exercer une influence et de fixer l’ordre du jour de manière à refléter ses propres perspectives. 

Le représentant de la Sierra Leone a estimé que relever les défis multidimensionnels auxquels l’Afrique est confrontée nécessite une approche intégrée donnant la primauté aux « solutions africaines ».  Dans ce contexte, l’Agenda 2063 de l’UA reste le mécanisme le plus viable pour garantir l’appropriation et la participation des États africains à leur propre développement, a-t-il affirmé, appelant toutefois les bailleurs de fonds à recourir à des mécanismes de financement et d’investissement flexibles et pertinents.  Après avoir salué l’initiative Faire taire les armes, le délégué a considéré que la propagation du terrorisme, en particulier au Sahel et dans certaines parties de l’Afrique de l’Ouest, exige un partenariat tant au niveau régional entre pays africains qu’au niveau international.  « La récente fragmentation du G5 Sahel présente une lacune importante dans le cadre institutionnel des stratégies de sécurité et de lutte contre le terrorisme dans la région, que nous devons continuer à combler par le dialogue et la collaboration », a-t-il préconisé. 

La vague de changements anticonstitutionnels de gouvernements en Afrique est une preuve troublante de la résistance contre les cadres politiques établis sur le continent, dont l’Acte constitutif de l’Union africaine, a déploré le représentant.  Aussi a-t-il appelé le Conseil de sécurité à soutenir les efforts de l’UA pour s’attaquer aux causes sous-jacentes de ces changements anticonstitutionnels de gouvernement, ainsi qu’à prendre des mesures de prévention et de réponse réalistes et pratiques pour remédier aux déficits de gouvernance et à la manipulation des processus démocratiques, y compris la falsification de lois électorales, les dispositions constitutionnelles et la limitation des mandats.  En outre, pour sa délégation, l’élargissement du Conseil de sécurité pour réparer l’injustice « historique » contre l’Afrique est une priorité.  « La légitimité représentationnelle est une condition nécessaire à une bonne performance institutionnelle », a résumé le représentant, en apportant son soutien au consensus d’Ezulwini et à la Déclaration de Syrte.

La représentante du Guyana a constaté qu’un point commun à bon nombre des questions africaines dont le Conseil est saisi est la problématique de la pauvreté et du sous-développement.  Elle a donc invité le Conseil à adopter une approche globale des questions de paix et de sécurité en Afrique en y intégrant une dimension de développement.  Elle a également souhaité qu’il soit remédié à « l’injustice historique faite à l’Afrique » du fait de son exclusion du statut de membre permanent du Conseil, jugeant que corriger cette erreur contribuerait à la pleine participation de ce continent au régime mondial de paix et de sécurité.  À cette aune, la déléguée a demandé au Conseil de continuer à travailler en étroite collaboration avec les institutions régionales pour promouvoir la paix et la stabilité dans la région, notamment sur des initiatives visant à s’attaquer aux causes profondes des conflits en Afrique. À cet égard, elle a souligné le caractère central de l’Architecture africaine de paix et de sécurité, dont le système continental d’alerte précoce se révèle utile en matière de prévention des conflits, mais aussi de paix, de sécurité et de stabilité en Afrique. 

Elle a d’autre part estimé que, dans l’engagement du Conseil auprès des pays africains, notamment par le biais de missions de maintien de la paix ou de missions politiques spéciales, la priorité doit continuer d’être accordée au renforcement de la gouvernance.  Dans ce cadre, le Conseil doit être un partenaire clef tout en adhérant au principe des « solutions africaines aux problèmes africains », a-t-elle préconisé, avant de dénoncer les ingérences d’acteurs extérieurs.  Le Conseil doit selon elle adopter une position ferme contre ce phénomène « qui en soi peut être considéré comme une nouvelle forme de colonialisme ».  Pour finir, la représentante a observé que, malgré son potentiel économique et son dynamisme démographique, l’Afrique reste sujette à la pauvreté et au sous-développement, une situation encore aggravée par le déséquilibre de l’architecture financière mondiale.  Appelant à une réforme de ce système, elle a aussi souligné l’importance d’encourager et de soutenir les efforts des pays africains visant à accroître la productivité, gage de développement, de stabilité et donc de paix. 

La représentante de Malte a constaté que, après avoir connu des périodes difficiles dans son développement au cours des décennies précédentes, l’Afrique connaît aujourd’hui une croissance rapide et recèle un immense potentiel.  Simultanément, les cas de terrorisme, d’extrémisme violent et la multiplication des changements anticonstitutionnels de gouvernement, en particulier en Afrique de l’Ouest, restent des sujets de préoccupation, a-t-elle regretté.  Elle a ensuite souligné que les partenariats ont le potentiel d’extraire des communautés entières de la pauvreté et de les réintégrer dans le processus de prise de décisions.  C’est la philosophie qui sous-tend la stratégie de Malte pour l’Afrique.  Lancée en 2020, elle a renforcé les contacts interentreprises en Afrique, tout en partageant les meilleures pratiques de développement et en poursuivant une stratégie diplomatique plus large, a expliqué la représentante, pour qui ces efforts complètent l’initiative Global Gateway de l’UE, qui prévoit au moins 150 milliards d’euros investis dans des secteurs clefs. 

La représentante de la Suisse a exhorté à mobiliser davantage le potentiel des États africains à partir de leurs expériences en matière de prévention pour mieux relever les défis globaux en termes de sécurité et développement.  Avec des stratégies nationales de prévention, les pays peuvent puiser dans la riche tradition africaine de résolution des conflits et de médiation, souvent ancrée au niveau local.  Un bon exemple, a-t-elle ajouté, est une initiative lancée au nord du Bénin avec le soutien de la Suisse, qui vise à prévenir la propagation des groupes extrémistes armés: en mettant en œuvre une approche holistique qui investit dans l’aménagement du territoire et crée des incitations économiques, elle empêche, de manière efficace, le recrutement de populations ciblées par les groupes armés. 

La représentante a ensuite souligné l’importance du traitement du passé.  Au niveau national, on trouve de nombreux exemples réussis de formats innovants pour rendre la justice, tels que le Tribunal spécial pour la Sierra Leone ou des moyens non judiciaires comme la Commission de la vérité en Afrique du Sud, a relevé la déléguée.  Ces mécanismes peuvent en même temps servir à assurer la non-répétition des atrocités, à rendre justice aux victimes et à favoriser la réconciliation des communautés.  Enfin, elle a fait valoir le pouvoir d’une étroite coordination régionale.  Le principe des « solutions africaines aux problèmes africains » ne dédouane pas la communauté internationale d’assumer ses responsabilités, a estimé la représentante.  Ceci, car les solutions contribuent souvent à un bien commun mondial tel que lutter contre les facteurs transfrontaliers d’instabilité et à créer des conditions favorables à la croissance, au développement durable et à l’intégration. 

La représentante de la Slovénie a mis l’accent sur le nécessaire renforcement de la résilience nationale en Afrique, qui passe par des institutions nationales fortes et efficaces.  Elle a ajouté que promouvoir la transparence, la responsabilité, l’inclusion, l’état de droit et le respect des droits humains contribue à la bonne gouvernance et à la confiance dans les institutions étatiques.  À ce propos, elle a salué la création au Libéria d’un tribunal pour les crimes de guerre chargé de rendre justice aux victimes des conflits civils, le programme mis en œuvre au Kenya pour prévenir la violence intertribale et l’accord de Maputo, au Mozambique, promouvant la réconciliation et la réintégration.  Le délégué a ensuite appelé à renforcer les cadres régionaux et à établir des partenariats, notant que l’UA et les communautés économiques régionales jouent un rôle essentiel dans la prévention et l’atténuation des conflits, l’intégration politique et économique et le développement durable en Afrique.  À ses yeux, le partenariat renouvelé UE-UA pour la paix, la sécurité et la gouvernance, et le cadre conjoint ONU-UA pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité offrent des opportunités pour mettre en commun les ressources, l’expertise et la volonté politique pour une réponse conjointe plus efficace aux défis complexes de l’Afrique. 

À l’échelle du Conseil, la représentante a noté que la configuration A3 (Algérie, Mozambique et Sierra Leone) a joué un rôle essentiel dans les réponses de l’organe aux menaces et aux violations de la paix et de la sécurité mondiales.  Sous l’impulsion du A3, le Conseil a notamment adopté la résolution 2719 (2023), élargissant la boîte à outils du maintien de la paix de l’ONU pour une réponse plus efficace à la nature changeante des conflits en Afrique, s’est-elle félicitée, saluant également le leadership africain dans les efforts de soutien à la sécurité en Haïti.  La déléguée a enfin souhaité que la contribution significative ainsi que les sacrifices consentis par les soldats de la paix des pays africains, qui ont servi dans de nombreuses opérations de maintien de la paix de l’ONU, de l’UA et d’autres opérations régionales, ne soient pas oubliés. 

Le représentant de l’Algérie a demandé l’application de la résolution 2719 (2023) en vue d’un financement prévisible, durable et flexible des opérations de paix emmenées par l’UA.  Il a rappelé la contribution de son pays aux progrès du continent, en rappelant que l’Algérie a annulé 900 millions de dollars de dette de 14 pays africains.  En vue du renforcement de la coopération entre l’Algérie, la Tunisie et la Libye, un mécanisme consultatif a été mis en place pour assurer la sécurité des frontières, a également signalé le délégué. En conclusion, il a plaidé pour la correction d’une injustice historique en ce qui concerne la représentation de l’Afrique au sein de ce Conseil.

Le représentant de la France a déclaré que le renforcement des capacités, des institutions et de la participation des États africains face aux défis multilatéraux est indispensable.  Les opérations de paix doivent l’intégrer dans leur mandat comme dans leur stratégie de sortie, a-t-elle dit, notamment s’agissant de l’appui à la réforme du secteur de la sécurité.  Pour sa part, la France contribue à ce renforcement au travers de coopérations bilatérales ainsi qu’au niveau européen, comme le montre son partenariat avec les pays du golfe de Guinée contre la menace terroriste mais aussi en matière de sécurité maritime. 

Notant que le renforcement du rôle des États africains passe aussi par une représentation accrue au sein de la gouvernance internationale, il s’est dit favorable à un Conseil de sécurité élargi dans ses deux catégories de membres, comptant autour de 25 membres, avec une présence renforcée de l’Afrique, y compris parmi les permanents.  Cette dynamique, a-t-il ajouté, s’étend aussi aux enceintes de gouvernance économiques. C’est dans cet esprit que Paris a organisé en juin dernier le Sommet pour un nouveau Pacte financier mondial. Le pacte de Paris pour les peuples et la planète qui en découle est aujourd’hui soutenu par 54 États et pose plusieurs principes cardinaux afin qu’aucun n’ait à choisir entre la lutte contre la pauvreté et la lutte pour la planète, a expliqué le représentant. 

Le représentant du Japon a estimé que la paix et la stabilité en Afrique requièrent une approche non pas universelle mais « à long terme, sur mesure et globale », garantissant le lien entre l’humanitaire, le développement et la paix.  Une telle approche globale permettrait aux États africains de construire des sociétés résilientes et inclusives, équipées pour détecter les alertes précoces et faire face aux défis internes et externes, et ainsi mieux prévenir les conflits, a-t-il fait valoir.  Mais il faut également que les aspirations des États africains soient correctement représentées dans le multilatéralisme et les partenariats mondiaux, a ajouté le délégué, non sans rappeler que la majorité des débats au Conseil de sécurité sont consacrés à l’Afrique. 

Tout en saluant l’apport des pays du A3 en termes d’expérience directe du terrain, il a jugé qu’il est possible d’améliorer encore la représentation du continent au sein de l’organe de l’ONU en charge de la paix et de la sécurité internationales. « Un Conseil élargi dans les catégories permanentes et non permanentes est absolument nécessaire pour mieux refléter les réalités contemporaines », a-t-il plaidé, précisant que le Japon, en tant que membre du Groupe des Quatre (G4), soutient pleinement la Position africaine commune.  Enfin, après avoir appelé le Conseil à davantage utiliser la Commission de consolidation de la paix (CCP) pour partager les expériences et les bonnes pratiques de l’Afrique, il s’est prononcé en faveur d’une plus forte appropriation des solutions africaines et d’un renforcement des synergies avec le soutien de l’ONU afin de relever les défis auxquels sont confrontés les États africains. 

Le représentant du Royaume-Uni a appelé à amplifier la voix de l’Afrique sur la scène internationale.  « Nous avons fortement appuyé le fait que l’UA devienne membre du G20. »  Mais nous devons aller plus loin, a dit le délégué, en demandant le renforcement de la représentation de l’Afrique au sein du Conseil de sécurité.  « Mon pays est en faveur d’une représentation africaine permanente. »  Le délégué a également réclamé une réforme du système financier international afin de le rendre plus équitable.  Enfin, il a plaidé pour une coopération renforcée entre l’UA et l’ONU.

Le représentant de la Fédération de Russie a salué le développement du partenariat constant entre ce Conseil et le Conseil de paix et de sécurité de l’UA. Il a souhaité néanmoins que leur dialogue soit plus ciblé.  Il a rappelé l’importance de la résolution 2719 (2023) en vue d’un financement prévisible, durable et flexible des opérations de paix africaines.  Il a appelé à corriger l’injustice historique faite à l’Afrique s’agissant de sa représentation au sein du Conseil de sécurité. Les pays occidentaux y sont surreprésentés, a-t-il tranché.  Le délégué a demandé de mettre en route la réforme de l’architecture financière internationale, avant de saluer le fait que l’UA soit devenue membre du G20.  Il a estimé par ailleurs qu’il n’y a pas nécessairement de lien direct entre développement et sécurité.  Analysant le système actuel, il a constaté que l’argent fuit les pays qui en ont le plus besoin, pointant l’importance des flux illicites internationaux.  Enfin, il a fait remarquer que la nette hausse de l’aide pour la militarisation de l’Ukraine se fait au détriment des pays en développement.

Le représentant des États-Unis a réaffirmé l’engagement de son pays à renforcer ses partenariats avec les pays africains pour relever les défis communs. Il a rappelé que les États-Unis ont appuyé l’adoption de la résolution 2719 (2023) du Conseil, qui promeut la collaboration et le partage durable du fardeau des responsabilités entre l’UA et l’ONU pour relever les défis de paix et sécurité en Afrique.  Ils ont aussi soutenu l’adoption en décembre dernier de la résolution 78/257 de l’Assemblée générale, qui prévoit 58 millions de dollars de mises en contribution pour le Fonds de consolidation de la paix.  Nous continuerons à accorder la priorité aux efforts de l’ONU visant à prévenir les conflits en Afrique, a-t-il affirmé, avant d’évoquer la « tragédie » en cours au Soudan, où le conflit a provoqué la pire crise humanitaire au monde.  Les États-Unis entendent poursuivre leurs efforts humanitaires pour ce pays mais il faut pour cela que les parties au conflit laissent passer l’aide, a-t-il plaidé. Exprimant sa vive inquiétude quant au sort de la population d’El-Fasher, au Darfour, il a réitéré l’appui de son pays aux efforts de l’UA et de l’envoyé personnel du Secrétaire général destinés à faciliter un règlement politique avant que ce conflit ne s’étende à toute la région. 

Soulignant l’importance du commerce et du développement pour garantir la sécurité, le délégué a rappelé que les États-Unis financent des programmes de soutien économique dans des pays comme le Botswana, le Ghana et la Zambie.  Selon lui, le développement et le respect de la démocratie, des droits humains et de l’état de droit doivent aller de pair pour promouvoir la sécurité en Afrique.  À l’inverse, la mauvaise gouvernance, la corruption et les atteintes aux droits fondamentaux permettent aux terroristes et à d’autres acteurs de prospérer et d’affaiblir la confiance dans les institutions, a-t-il souligné, estimant que la gouvernance démocratique est essentielle pour créer des opportunités pour tous et garantir la pluralité des points de vue.  Dans ce contexte, a poursuivi le représentant, les États-Unis sont fiers d’approfondir leur partenariat avec des pays comme le Kenya, dont le Président est aujourd’hui à Washington.  Il a salué la contribution du Kenya à la paix et à la sécurité en Éthiopie, en RDC et maintenant en Haïti.  Enfin, en réponse à la Fédération de Russie, le délégué a fait observer que l’aide apportée par de nombreux pays à l’Ukraine pour se défendre n’aurait pas été nécessaire si les forces russes n’avaient lancé leur invasion.  Il a par ailleurs insisté sur le fait que les États-Unis ont été l’un des principaux fournisseurs d’aide à l’Afrique au cours des 60 dernières années. « Je ne pense pas du tout que la Russie appartienne à cette catégorie », a-t-il conclu.

Le représentant de l’Équateur a noté les difficultés considérables rencontrées par les pays africains en proie à un conflit, avant d’insister sur l’importance de la prévention desdits conflits.  Il a exhorté les pays développés à s’acquitter de leurs engagements pris au titre de l’aide publique de développement, avant de plaider pour des solutions africaines aux défis africains.  Il a souligné l’importance de la résolution 2719 (2023) en vue d’un financement prévisible, durable et flexible des opérations de paix africaines. Le délégué a rappelé qu’elle a été adoptée durant la présidence équatorienne du Conseil de sécurité.

Le représentant de la Chine a tout d’abord adressé les félicitations de son pays à ses « frères africains » à l’approche de la Journée de l’Afrique, qui reflète « la lutte du peuple africain pour son indépendance ».  Alors que l’Afrique est aujourd’hui devenue une « force considérable » dans le monde, il convient de contribuer au règlement de ses problèmes de sécurité pour favoriser son développement, a-t-il plaidé, tout en faisant remarquer que « nul ne connaît mieux l’Afrique que les Africains eux-mêmes ».  De fait, la communauté internationale doit accepter le rôle de fer de lance que jouent les pays africains sur leur continent, et ce, sans ingérence des anciennes puissances coloniales, ni sanctions ni pressions, a souligné le délégué.  Adopter une mentalité relevant de la guerre froide n’aura qu’une influence négative en Afrique, a-t-il insisté, ajoutant que le continent africain ne doit pas être le terrain sur lequel d’autres pays se font la guerre.  À cette aune, il a réaffirmé le soutien de la Chine à la résolution 2719 (2023) et a appelé à sa mise en œuvre rapide afin que les opérations de paix de l’UA puissent être financées de manière durable et prévisible. 

Favorable au développement de l’Afrique, la Chine souhaite que le continent soit un moteur de la croissance mondiale grâce à ses ressources naturelles et humaines, a poursuivi le représentant, pour qui ce développement accéléré profitera à tous les pays du monde et donnera un nouvel élan aux efforts de relance économique. Pour cela, il faut aider les États africains à utiliser leurs propres forces, à se financer et à lutter contre le poids de la dette.  À cet égard, le délégué a encouragé les institutions financières internationales à répondre de manières positives aux demandes de l’Afrique.  Il a également exhorté la communauté internationale, en particulier les pays développés, à accroître le partage des technologies et des connaissances pour combler le fossé entre le Nord et le Sud et ainsi permettre à l’Afrique de s’intégrer et de profiter des fruits de la mondialisation.  Il a enfin souhaité que « l’injustice historique » faite à l’Afrique en matière de représentativité dans les instances mondiales soit corrigée, notamment au Conseil de sécurité.  « Dans un monde multipolaire, l’Afrique constitue un pôle et est une source d’inspiration pour régler les problèmes de l’humanité », a-t-il affirmé. 

Le représentant de la République de Corée a estimé que le vaste potentiel de croissance de l’Afrique, ses ressources abondantes, son émergence comme l’un des plus grands marchés mondiaux et son influence diplomatique illustrent son rôle croissant sur la scène internationale.  « L’adhésion de l’UA au G20 l’an dernier est un exemple notable d’une telle reconnaissance », a-t-il dit.  Il a souligné que l’appropriation africaine est centrale pour résoudre les problèmes africains, à condition de bénéficier d’un soutien international pour une Architecture africaine de paix et de sécurité efficace.  Dans ce cadre, un partenariat renforcé entre le Conseil de sécurité et le Conseil de paix et de sécurité de l’UA sera crucial, a relevé le délégué. 

Il a également plaidé pour une coordination et une complémentarité améliorées entre la Commission de consolidation de la paix (CCP) et le Conseil de sécurité pour favoriser l’appropriation nationale, l’inclusion et le renforcement des institutions dans les pays africains, en particulier pendant les transitions des missions de maintien de la paix et des missions politiques spéciales.  Enfin, s’attaquer aux causes profondes et aux moteurs des conflits est essentiel pour une Afrique résiliente, a encore recommandé le représentant qui a par ailleurs souligné que le développement est étroitement lié à la paix, à la sécurité et à la démocratie.

Après les 15 membres du Conseil, une trentaine de délégations ont contribué à ce débat en confirmant la nécessité de réformer le système de gouvernance internationale dans un monde marqué par « un maximum de danger et un minimum d’accord », en particulier en incluant davantage les organisations africaines et les pays du continent. 

Si tout le monde voit une étape positive dans cette direction avec la récente décision du G20 d’accorder le statut de membre permanent à l’UA et de créer une vingt-cinquième chaire pour l’Afrique subsaharienne au Conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI), comme l’a souligné le Portugal, il reste à renforcer la représentation africaine au sein des conseils d’administration des organisations internationales en vue de mieux faire entendre la voix du continent.  Abondant en ce sens, la Thaïlande a argué qu’à mesure que nous renforçons le multilatéralisme, la gouvernance mondiale doit intégrer une plus grande représentation des pays africains, ainsi que d’autres pays en développement.  Elle a souligné que l’UA s’est révélée être « un exemple majeur du régionalisme dont le monde a besoin »: un régionalisme qui renforce le multilatéralisme, en prenant position en faveur du droit international, de la Charte des Nations Unies et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité; un régionalisme qui soutient la paix et la sécurité pan-régionales, grâce au dialogue interrégional, à l’ouverture et à l’inclusion; et un régionalisme qui assume de plus grandes responsabilités pour le bien commun et adopte une approche holistique de la paix et de la sécurité, en intégrant le développement durable et la sécurité humaine comme fondements d’une paix durable.

C’est aussi parce qu’il faut « des solutions africaines aux problèmes africains » qu’une plus grande représentation des pays africains au sein du Conseil de sécurité est importante, car ce Conseil doit savoir comment soutenir les processus dirigés et contrôlés par les Africains, ont fait valoir le Nigéria et l’Espagne, entre autres, pendant que le Brésil a revendiqué deux sièges permanents pour l’Afrique.  Dans la même logique, ils ont estimé que la gouvernance des institutions financières internationales devrait également intégrer les voix de l’Afrique et d’autres pays en développement afin de rester en phase avec la réalité économique mondiale actuelle.  Concrètement, il faut renforcer la voix de l’Afrique dans tous les forums multilatéraux pertinents, a plaidé l’Allemagne qui a activement soutenu l’adhésion de l’UA au G20. « Maintenant que nous y sommes parvenus, nous devons obtenir des résultats tangibles pour les pays africains, notamment en améliorant et en mettant en œuvre le cadre commun du G20 pour le traitement de la dette, un outil important pour la restructuration de la dette ».  Le Kenya a suggéré de mettre à profit le Sommet de l’avenir pour accélérer la réforme de l’architecture mondiale de paix et de sécurité et celle de l’architecture économique et financière mondiale en faisant de l’Afrique un cas particulier. 

L’appel lancé par la résolution 2719 (2023) en faveur du renforcement du rôle de l’Union africaine dans la sécurité régionale a été très largement soutenu et les appels se sont multipliés pour que les partenaires de l’Afrique poursuivent leur engagement auprès de l’UA afin de développer ses capacités de maintien de la paix par différents moyens: exercices de formation conjoints, soutien logistique, partage des connaissances ainsi qu’une aide financière directe.  L’Union européenne s’est alarmée, devant la forte augmentation des conflits, de voir que le financement de la consolidation de la paix s’est effondré.  À l’aune du prochain Sommet pour l’avenir et dans le cadre du Pacte pour l’avenir, l’UE a donc fermement soutenu l’appel du Secrétaire général à développer des stratégies nationales de prévention sur une base volontaire et avec le soutien de l’ONU. Pour l’UE et le Groupe des pays nordiques, la Commission de consolidation de la paix devrait jouer un rôle significatif à cet égard en fournissant une plateforme pour les efforts nationaux de prévention et le renforcement de la coopération avec les organisations régionales et sous-régionales. 

Soucieuse elle aussi de la mise en œuvre des dispositions de la résolution 2719 (2023), l’Afrique du Sud a encouragé l’ONU et l’UA à accélérer ce processus afin de pouvoir rétablir efficacement la paix et la stabilité chaque fois que le besoin s’en fait sentir.  Elle a ainsi recommandé que les capacités du Bureau des Nations Unies auprès de l’Union africaine et de la Mission permanente d’observation de l’Union africaine auprès des Nations Unies soient renforcées en conséquence.  Le Kenya est allé plus loin que la résolution 2719 (2023) en suggérant au Conseil de sécurité de porter à 100% le financement par l’ONU des opérations de paix menées par l’UA. 

Les causes profondes des conflits en Afrique, en particulier le siphonnage de ses ressources par un système commercial international inéquitable, ont préoccupé notamment le Nigéria et le Saint-Siège qui ont appelé le Conseil à se pencher sur ces questions, dont la corruption.  « On assiste actuellement à une nouvelle vague de colonialisme qui ne respecte pas la dignité humaine inhérente à chacun, qui compromet le bien commun et qui menace les efforts d’éradication de la pauvreté », n’a pas hésité à dire le Saint-Siège.  C’est plus de 1,4 milliard d’habitants du continent qui subissent les entraves à sa contribution potentielle à la stabilité et au développement dans le monde, s’est désolé le Ghana en faisant pourtant observer que l’économie combinée de l’Afrique atteint plus de 3,5 milliards de dollars.  Il en a conclu que l’économie africaine travaille pour « le monde riche » plutôt que pour ses propres habitants.

Une vingtaine de démocraties africaines se rendent aux urnes cette année, ont fait remarquer plusieurs délégations en insistant sur les efforts de renforcement de la gouvernance qui permettront à la communauté internationale de s’appuyer davantage sur ces pays.  Le Rwanda a précisé qu’en 2024, plus de 37% des pays africains s’engageront dans le processus démocratique d’élection de dirigeants, ce qui met en évidence selon lui la volonté des Africains, en particulier des jeunes, de défendre les aspirations de leurs pays par l’intermédiaire de leurs dirigeants.  Il a toutefois attiré l’attention sur les questions de sécurité qui affectent les pays fragiles.  L’Afrique attend donc de ses partenaires internationaux un soutien à la démocratisation, a-t-il rappelé en prônant des programmes conjoints de renforcement des capacités dans les domaines de l’éducation, des soins de santé et de la protection sociale.  Cela permet notamment de renforcer la résilience et de lutter contre la désinformation. 

Ce soutien passe par un appui tangible à la jeunesse africaine « dynamique », a complété l’UE en espérant que les prochaines générations soient pleinement responsabilisées et intégrées, afin de pleinement réaliser leur meilleur potentiel.  Dès lors, la délégation européenne a appelé les gouvernements et la communauté internationale à travailler en ce sens en investissant dans des nouveaux domaines comme les secteurs du numérique, du climat et de l’énergie, qui offrent de nouvelles opportunités de travail.  À titre d’exemple, elle a expliqué qu’au Sahel, l’UE soutient la Grande Muraille verte avec plus de 700 millions d’euros par an, alors que l’Autriche a proposé de partager son expérience dans le domaine des énergies renouvelables avec ses partenaires africains.

Sur cette question de renforcement des capacités et de la gouvernance, le Brésil a estimé que la contribution la plus efficace que la communauté internationale puisse apporter à l’Afrique est le transfert de connaissances et la formation.  Les pays africains connaissent leurs défis mieux que quiconque, a expliqué son représentant, en expliquant l’intérêt de forger des partenariats pour renforcer leur capacité à résoudre leurs problèmes.  Il en a profité pour souligner les mérites de la coopération Sud-Sud et de la coopération triangulaire.

Sur une note positive, le Saint-Siège et l’Afrique du Sud ont pointé les progrès significatifs réalisés par les États africains dans le renforcement de leur collaboration pour relever certains des défis les plus pressants du continent.  Que ce soit par le biais de l’initiative Faire taire les armes, de l’Agenda 2063 ou de l’Architecture africaine de paix et de sécurité, le fait est qu’aujourd’hui l’Afrique est plus pacifique qu’elle ne l’était il y a 20 ans.  Un Agenda 2063 que le Maroc a jugé en harmonie avec les objectifs du développement durable (ODD) de l’ONU, avec son deuxième plan décennal 2024-2033 élaboré pour continuer la marche du continent africain sur cette voie. C’est en adoptant cette approche holistique de paix et sécurité que le Maroc et les autres pays africains ont lancé les processus de Tanger au Maroc, de Luanda, d’Assouan, de Dakar et de Lomé, en collaboration avec les partenaires internationaux.  Ces plateformes constituent un cadre de consultation politique permettant au leadership africain de concevoir des réponses durables au « triptyque » paix, sécurité et développement, a fait valoir la délégation. 

 

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