9632e séance – matin & après-midi
CS/15702

Protection des civils: le Conseil de sécurité débat de l’érosion du droit international humanitaire dans le contexte des conflits en cours

Le Conseil de sécurité a tenu, aujourd’hui, son débat public annuel sur la protection des civils en période de conflit armé, l’occasion pour plus d’une soixantaine de délégations de constater l’érosion alarmante du droit international humanitaire (DIH), et de réaffirmer la nécessité de son applicabilité, aujourd’hui mise à mal par l’évolution rapide des méthodes de guerre, du Soudan à l’Ukraine en passant par la bande de Gaza.   

Événement phare de la présidence mozambicaine, ce débat visait à rappeler l’importance de jalons tels que les Conventions de Genève de 1949, pierre angulaire du DIH et à marquer le vingt-cinquième anniversaire de la résolution 1265 (1999) du Conseil, la première à avoir fait de la protection des civils un élément crucial de la paix et la sécurité internationales, tout en soulignant le besoin pressant de renforcer l’engagement des États Membres en faveur du DIH et du droit international des droits de l’homme. 

Ces anniversaires symboliques sont le moment propice à une telle réflexion, a appuyé la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, notant que 2023 a été une année « désastreuse » pour la protection de civils, avec notamment l’attaque perpétrée par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens en Israël et la réponse militaire israélienne contre la bande de Gaza, qui a entraîné morts, destructions et souffrances « à un rythme et à une échelle sans précédent dans un passé récent ». 

Dans son état des lieux, Mme Joyce Msuya a aussi cité le conflit au Soudan et ses dizaines de milliers de civils tués, ainsi que d’autres conflits qui continuent d’avoir un grave impact sur les populations civiles, en République démocratique du Congo (RDC), au Myanmar, au Nigéria, au Sahel, en Somalie, en Syrie et en Ukraine.  Au total, a-t-elle précisé, l’ONU a enregistré plus de 33 000 civils tués dans des conflits armés l’an dernier, soit une augmentation « effroyable » de 72% en un an, tandis que l’on comptait 110 millions de personnes déplacées dans le monde pour cause de guerre, de persécutions et de violations des droits humains. 

Face à ces chiffres terribles, qui témoignent du fait que les résolutions sur la protection des civils « sont restées largement lettre morte », Mme Msuya a appelé à renforcer le respect des obligations faites aux belligérants et à obliger les auteurs de violations à rendre des comptes, ce qui, selon elle, suppose une Cour pénale internationale (CPI) indépendante et impartiale. 

Elle a été rejointe par la Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la prévention du génocide, qui a mis en garde contre un possible génocide au Soudan, où le conflit entre les Forcées armées soudanaises et les Forces d’appui rapide est marqué par des attaques et des discours de haine contre des populations civiles, sur la base de l’identité et de l’origine ethnique.  Alertant sur la situation des 800 000 personnes présentes à El-Fasher, ville du nord du Darfour encerclée par les Forces d’appui rapide, Mme Alice Wairimu Nderitu a demandé que tout soit mis en œuvre pour éviter que les violations des droits humains ne débouchent sur des crimes plus graves encore. 

Dénonçant pour sa part l’« élasticité croissante » avec laquelle est interprété le DIH, en particulier ses principes de distinction, de proportionnalité et de précaution, la Présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a rappelé que la responsabilité de protéger les civils, y compris les prisonniers, en temps de conflit incombe aux dirigeants politiques et à leurs conseillers militaires « parce qu’ils ont le pouvoir de décider de la trajectoire d’une guerre ».  Mme Mirjana Spoljaric Egger a également noté que l’empêchement de l’aide humanitaire caractérise de plus en plus de conflits, des fournisseurs impartiaux comme le CICR faisant l’objet de pressions régulières en vue d’atteindre des objectifs politiques et militaires. 

En 2023, 264 personnels humanitaires ont perdu la vie en cherchant à protéger les civils pris au piège dans les conflits, a renchéri le Directeur exécutif de l’ONG Center for Civils in Conflit (CIVIC).  En conséquence, les civils se retrouvent privés d’accès aux services les plus élémentaires, à savoir la nourriture, la santé et l’eau, a expliqué M. Hichem Khadhraoui, avant de s’émouvoir de l’utilisation accrue d’armes explosives dans des zones densément peuplées, de la tendance à la « privatisation de la guerre » et de l’explosion des dépenses militaires mondiales.  Selon lui, les États devraient cesser toute fourniture d’armes à des partenaires lorsqu’il existe un risque de violation du DIH. 

Dans leur majorité, les membres du Conseil se sont alarmés de la multiplication des conflits armés dans le monde et des nombreuses violations du DIH que cela entraîne, comme à Gaza, au Soudan, en Ukraine ou encore au Myanmar.  La Suisse, qui prépare un projet de résolution sur la protection des personnels humanitaires, y a vu la conséquence d’un manque de volonté politique, le Guyana le résultat d’« interprétations subjectives du DIH », la Slovénie et Malte regrettant quant à elles le non-respect des résolutions du Conseil.  La Chine a exhorté celui-ci à faire respecter la mise en œuvre du DIH « sans application sélective », tandis que la République de Corée l’invitait à renforcer la responsabilité des auteurs de crimes contre les civils en saisissant la CPI.  La lutte contre l’impunité doit rester une priorité absolue, a abondé la France. 

Si les États-Unis et le Royaume-Uni ont souligné le rôle de fer de lance joué par les opérations de maintien de la paix de l’ONU dans les efforts visant à protéger les civils dans les zones de conflit, la Sierra Leone a relayé les réticences des pays qui accueillent des missions avec mandat de protection des civils, appelant à davantage de concertation pour assurer un transfert de responsabilités en cas de demande de retrait. 

De son côté, la Fédération de Russie s’est étonnée que le rapport annuel du Secrétaire général sur la protection des civils en période de conflit armé ne fasse mention ni de la « stratégie d’affamement » poursuivie par Israël à Gaza, « avec l’appui de certains membres du Conseil », ni du fait que le potentiel militaire de l’OTAN est utilisé contre des cibles civiles, notamment à Donetsk et à Belgorod.  Elle a réclamé l’ouverture d’enquêtes sur les crimes commis par le « régime de Kiev » avec le soutien de l’Occident.

PROTECTION DES CIVILS EN PÉRIODE DE CONFLIT ARMÉ

Vingt-cinquième anniversaire de la résolution 1265 (1999) du Conseil de sécurité (S/2024/359S/2024/385)

Déclarations

Intervenant en vidéoconférence, Mme ALICE WAIRIMU NDERITU, Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la prévention du génocide, a rappelé qu’en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, il convient de réprimer ce crime, « le plus grave des crimes », au titre du droit international.  À cet égard, elle a alerté le Conseil de sécurité sur le fait que la situation au Soudan « revêt tous les traits d’un génocide », la population étant la cible d’attaques et de discours haineux en lien avec l’identité, l’origine ethnique et la couleur de peau.  Elle a indiqué que, dans le cadre de son mandat, elle a informé à de nombreuses reprises le Conseil sur les violences au Darfour, notamment celles menées contre la communauté massalit.  En décembre dernier, elle a lancé une alerte concernant les attaques de civils dans différentes régions du Soudan, faisant état de destructions massives, de privations de conditions de vie, de bombardements d’installations médicales et d’entraves à l’eau.  Après avoir visité des camps de réfugiés soudanais au Tchad, la haute fonctionnaire a pu constater que les violences sexuelles et fondées sur le genre font partie des violences infligées aux civils au Soudan.  Elle a également relevé que, dans ces camps, les adolescents sont en nombre inférieur par rapport aux autres groupes de population, ce qui tend à prouver que ce segment est particulièrement ciblé par les groupes armés.  Outre les réfugiés eux-mêmes, des témoins et des professionnels ont attesté de ces violences perpétrées notamment par les Forces d’appui rapide et les groupes armés qui leurs sont affiliés, a souligné la Conseillère spéciale, selon laquelle des charniers ont aussi été découverts au Soudan.  « La recherche d’une victoire militaire l’emporte sur la protection des civils, ce qui va à l’encontre de la Déclaration de Djedda », a-t-elle déploré. 

Alors que le pays connaît la pire crise de déplacement au monde et qu’il a été mis fin au mandat de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS), le Coordonnateur résident au Soudan a mis en garde contre les conséquences catastrophiques du siège d’El-Fasher, dans le nord du Darfour, pour les quelques 800 000 personnes qui s’y trouvent encore, a poursuivi Mme Nderitu.  Évoquant des violences sexuelles à grande échelle, des destructions de cultures et de bétail, ainsi que des perceptions arbitraires de taxes dans cette région, elle a averti que le conflit au Soudan risque de perpétuer les attaques à motivation raciale.  Elle s’est, en outre, alarmée de tentatives visant à détruire des groupes protégés, ce qui peut être constitutif du crime de génocide.  Aujourd’hui, a-t-elle constaté, « tous les progrès consentis au niveau collectif semblent réduits à néant sur l’ensemble du territoire soudanais ».  Dans l’immédiat, il importe selon elle de garantir un passage pour les personnes voulant fuir El-Fasher et de veiller à ce que les violations des droits humains ne débouchent pas sur de nouveaux crimes contre les civils.  Notant que « les crimes commis il y a 20 ans contribuent aux horreurs actuelles », elle a appelé à tenir pour responsables les auteurs de ces violences afin de briser le cycle de l’impunité.  Elle a également souhaité que les faits soient répertoriés et que la communauté internationale, en particulier le Conseil de sécurité de l’ONU et l’Union africaine, continuent d’examiner tous les outils à leur disposition pour protéger les civils et créer un environnement propice au règlement du conflit.  Soixante-quinze ans après l’adoption de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, a-t-elle conclu, « la catastrophe au Soudan est une tâche noire sur notre conscience collective » car le « risque de génocide y est réel et va croissant ». 

Mme JOYCE MSUYA, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a rappelé que cette année marque le vingt-cinquième anniversaire de la première résolution de ce Conseil relative à la protection des civils et le soixante-quinzième anniversaire des Conventions de Genève de 1949, pierre angulaire du droit international humanitaire visant à protéger les victimes des conflits armés.  Elle a donc jugé ce moment important pour réfléchir à l’état de la protection des civils dans les conflits armés et aux mesures nécessaires pour garantir le respect du droit international humanitaire et des décisions de ce Conseil.  D’autant plus que la situation des civils dans les conflits armés en 2023 a été désastreuse, s’est désolée la haute responsable en citant les horreurs de l’attaque du 7 octobre par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens contre Israël, ainsi que la réponse militaire israélienne intense à Gaza, qui a entraîné la mort, la destruction et la souffrance à un rythme et à une échelle sans précédent dans un passé récent.  Environ 75% de la population de Gaza a été déplacée de force, a-t-elle mis en avant en s’inquiétant d’une famine « provoquée par l’homme » imminente.  Des milliers d’enfants ont été tués et blessés dans ce que l’UNICEF a appelé une « guerre contre les enfants » et on estime que 130 personnes sont toujours prises en otage, leur traitement inhumain suscitant toujours des inquiétudes, a-t-elle rappelé.

Dans son état des lieux, la Sous-Secrétaire générale a également cité le conflit qui a éclaté au Soudan en avril 2023 et ses dizaines de milliers de civils tués, ainsi que d’autres conflits qui ont continué à avoir un impact grave et durable sur les civils, notamment en République démocratique du Congo (RDC), au Myanmar, au Nigéria, au Sahel, en Somalie, en Syrie et en Ukraine. Au total, l’ONU a enregistré plus de 33 000 civils tués dans les conflits armés l’année dernière, « un chiffre stupéfiant, surtout si l’on considère que les chiffres réels sont probablement plus élevés », ce qui correspond à une augmentation « effroyable » de 72% en un an.

Mme Msuya a fait remarquer que l’utilisation d’armes explosives dans des zones peuplées a eu des effets dévastateurs sur les civils dans de nombreux conflits comme au Soudan et en Ukraine, où c’était la principale cause de pertes civiles.  Des millions de civils ont également été gravement affectés par les dommages et les destructions considérables subis par les infrastructures essentielles, du fait des perturbations de l’approvisionnement en électricité, en eau et en soins de santé. La haute fonctionnaire a dénombré, dans 21 conflits, plus de 2 300 incidents de violence et autres formes d’ingérence contre le personnel médical, les installations, le matériel, les transports et les patients.  Par ailleurs, les déplacements forcés sont restés une caractéristique essentielle des conflits armés, a constaté Mme Msuya en précisant qu’en milieu d’année, un nombre record de 110 millions de personnes dans le monde se trouvaient en situation de déplacement en raison de conflits, de persécutions, de violences et de violations ou d’atteintes aux droits humains, dont 60% à l’intérieur de leur propre pays.  Elle a également signalé que les conflits sont le principal facteur de la faim, qui a atteint des niveaux « stupéfiants » dans 19 pays ou territoires touchés par des conflits où117 millions de personnes ont connu des niveaux de crise d’insécurité alimentaire graves. 

Dans ce contexte difficile, les efforts de la communauté humanitaire ont été gravement compromis par les nombreuses contraintes d’accès, a-t-elle décrit en citant non seulement les hostilités actives et les défis logistiques, mais aussi les obstacles bureaucratiques et « un nombre inadmissible d’attaques contre les travailleurs humanitaires ».  Rien qu’à Gaza, l’UNRWA a perdu 142 membres de son personnel dans les violences survenues entre octobre et décembre.  Le PNUD et l’OMS ont perdu chacun un membre de leur personnel. 

Mme Msuya n’a pas hésité à dire que les dommages et les souffrances causés aux civils en 2023 témoignent d’un manque alarmant de respect du droit international humanitaire et du droit international des droits humains.  Cela indique également que les résolutions sur la protection des civils sont restées largement lettre morte, a-t-elle ajouté en appelant à redoubler d’efforts pour renforcer le respect de ces obligations par les parties au conflit et renforcer l’obligation de rendre des comptes pour ces violations.  Cela suppose l’indépendance et l’impartialité de la Cour pénale internationale (CPI), a rappelé la Sous-Secrétaire générale en faisant remarquer que les dommages civils se produisent souvent alors même que les parties au conflit prétendent agir dans le respect du droit.

Mme Msuya a donc recommandé d’adopter une approche plus globale, qui prenne en compte le point de vue des civils et la nature complexe, cumulative et à long terme de l’ensemble des dommages causés aux civils dans les conflits.  Elle a cité la déclaration politique sur les armes explosives dans les zones peuplées et la déclaration de 2015 sur la sécurité dans les écoles comme exemples de cette voie à suivre, exhortant tous les États à approuver ces instruments et à les mettre en œuvre dans leur intégralité. Il faut également suivre les mesures prises par certaines autorités nationales et régionales en élaborant et en adoptant des politiques, des processus et des outils proactifs de protection des civils, a-t-elle ajouté.  Enfin, elle a appelé les États, les parties aux conflits, les acteurs onusiens, les organisations internationales et les organisations de la société civile à réfléchir à la manière de développer et mettre en œuvre l’approche de la protection totale des civils pour renforcer le cadre mis en place au cours de 25 dernières années.

Mme MIRJANA SPOLJARIC EGGER, Présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a indiqué qu’il y avait 20 conflits actifs enregistrés par son organisation en 1999.  « Aujourd’hui, il y en a 120. »  Elle a ajouté que l’empêchement de l’aide humanitaire caractérise de plus en plus de conflits.  Des fournisseurs d’aide humanitaire impartiaux comme le CICR font l’objet de pressions régulières en vue d’atteindre des objectifs politiques et militaires.  Elle a exploré quelques pistes pour contrecarrer ces tendances dévastatrices, en rappelant que les Conventions de Genève de 1949 représentent le consensus universel le plus fort en vue de protéger l’humanité pendant la guerre.  « Elles sont un dénominateur commun. »

Elle a appelé les États à prendre des mesures concrètes pour protéger toutes les personnes touchées par un conflit.  Grâce à un dialogue confidentiel bilatéral avec les autorités de détention, le CICR peut apporter une protection cruciale aux personnes emprisonnées, a-t-elle dit.  « Néanmoins, nous restons très préoccupés par la manière dont la déshumanisation des personnes privées de détention continue de prévaloir. »  Elle a donc appelé les parties à respecter le droit international humanitaire (DIH) et à traiter toutes les personnes détenues avec humanité.  Elle a ensuite abordé la question des personnes disparues, en exhortant le Conseil à rappeler aux parties qu’elles doivent clarifier leur sort.

La Présidente a demandé aux États d’appliquer le DIH d’une manière telle qu’elle renforce véritablement la protection des civils sur le terrain.  Le DIH est en effet interprété avec une « élasticité croissante », en particulier les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution qui régissent la conduite des hostilités, a-t-elle constaté. « Le DIH n’est pas un instrument de justification de la mort, de souffrances sans fin et de dévastations, son but essentiel est de protéger la vie et la santé et de s’assurer que le respect de l’humain est garanti même en temps de guerre. »  La protection des civils en temps de conflit est d’abord et avant tout une question de respect du droit, a-t-elle tranché.  « Cette responsabilité est entre les mains des dirigeants politiques et de leurs conseillers militaires parce qu’ils ont le pouvoir de décider de la trajectoire d’une guerre. »

M. HICHEM KHADHRAOUI, Directeur exécutif du Center for Civils in Conflit (CIVIC), a observé que, 25 ans après être devenu un outil prometteur du système international pour réduire les souffrances causées par les conflits armés, la protection des civils est mise à mal par la multiplication des risques auxquels ils sont exposés.  Les acteurs étatiques et non étatiques prennent pour cible les civils, violant le droit international humanitaire, avec des conséquences dévastatrices, leurs victimes étant parfois qualifiées de « dommages collatéraux acceptables », a-t-il expliqué, avant de signaler plusieurs tendances.  En 2023, 264 personnels humanitaires ont perdu la vie en cherchant à protéger les civils pris au piège dans les conflits.  En conséquence, les civils se voient refuser l’accès aux services les plus élémentaires, à savoir l’accès à la nourriture, à la santé et à l’eau. M. Khadhraoui a ensuite dénoncé l’utilisation d’armes explosives dans des zones densément peuplées, les décès de civils causés par les armes explosives ayant augmenté de 122% l’an dernier. Et les écoles, les hôpitaux, ainsi que les infrastructures d’approvisionnement en eau continuent d’être pris pour cibles, rendant inhabitables des zones entières et provoquant des déplacements, s’est encore alarmé le Directeur exécutif. 

Il a ensuite évoqué la tendance à la « privatisation de la guerre », avec des États qui externalisent les tâches sécuritaires à des sociétés privées, leur permettant de se soustraire dans certains cas à toute responsabilité pour les dommages et violences causés aux civils.  Un nombre croissant de recherches relient certains de ces acteurs à la commission d’atrocités, de violences sexuelles liées aux conflits et à la traite des êtres humains, ces violations étant souvent perpétrées avec l’acceptation tacite des États.  Enfin, M. Khadhraoui a attiré l’attention sur le transfert d’armes et de dépenses militaires mondiales, qui a dépassé les 2 400 milliards de dollars en 2023. « Les États exportent dans le monde entier, et ne veillent pas à ce que ces armes ne soient pas utilisées là où il existe un risque majeur de violations des droits internationaux et droit international humanitaire », a-t-il constaté. 

Face à ces tendances, le Directeur exécutif a recommandé trois actions concrètes pour promouvoir la protection des civils.  Tout d’abord, chaque État Membre de l’ONU doit approuver et mettre pleinement en œuvre la déclaration politique sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires découlant de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées, adoptée en 2022 par 83 pays.  Par ailleurs, ils doivent immédiatement mettre fin à la fourniture d’armes à leurs partenaires lorsqu’il existe un risque majeur de faciliter les violations du droit international humanitaire.  Enfin, chaque État doit élaborer une politique nationale de protection des civils, en coopération avec la société civile et les communautés concernées.  Quant au Conseil de sécurité de l’ONU, il doit prendre l’initiative de garantir l’établissement des responsabilités, de lutter contre l’impunité et d’éviter le deux poids, deux mesures.  « Inverser la vague de dégâts causés aux civils dans les conflits armés n’est pas seulement une responsabilité juridique et morale, mais également une condition de la paix et de la sécurité internationales et du renforcement de l’économie mondiale », a assuré en conclusion M. Khadhraoui.

M. THOMAS GÜRBER, Secrétaire d’État adjoint de la Suisse, a déclaré que 75 ans après leur adoption, les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels restent plus pertinentes que jamais.  Il s’est inquiété du fait que la multiplication des conflits armés dans le monde s’est accompagnée de nombreuses violations du droit international humanitaire comme à Gaza, au Soudan, en Ukraine et au Myanmar. Ces exemples sont des conséquences évitables dues à un manque de volonté politique de respecter le droit international humanitaire, a-t-il regretté.  « Protégeons les civils! » s’est écrié le Secrétaire d’État adjoint appelant les parties aux conflits à respecter strictement le droit international humanitaire, partout et en toutes circonstances, et ceci même en l’absence de réciprocité. 

Le Secrétaire d’État ajdoint a également exigé un accès rapide, sûr et sans entrave à l’assistance humanitaire.  Il faut aussi ratifier et mettre en œuvre les conventions pertinentes, notamment les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949; reconnaître et soutenir la Cour pénale internationale; et utiliser plus systématiquement les instruments d’alerte précoce, par exemple en lien avec la famine. 

Le représentant de la Fédération de Russie a déclaré que les Conventions de Genève de 1949, pierre angulaire du droit international humanitaire, ont été écrites avec le sang des peuples soviétiques au sortir de la Seconde Guerre mondiale.  Il a dénoncé la stratégie d’affamement poursuivie par Israël à Gaza, avec l’appui de certains pays au sein du Conseil.  Il s’est étonné que cette situation ne fasse l’objet que d’un paragraphe dans le rapport du Secrétaire général.  De même, le délégué a déploré que le rapport ne mentionne pas l’occupation de certaines zones de la Syrie par les États-Unis.  Les passages relatifs à l’Ukraine illustrent ce deux poids, deux mesures.  L’opération militaire spéciale russe a en effet été décidée en réaction aux bombardements dans le Donbass, a dit le délégué, en regrettant que cela ne soit pas mentionné dans ledit rapport.  Affirmant que le potentiel militaire de l’OTAN est utilisé contre des cibles civiles, notamment à Donetsk et à Belgorod, il a demandé que les crimes commis par le « régime de Kiev », avec l’appui des pays occidentaux, fassent l’objet d’enquêtes.  Enfin, il a accusé la France d’alimenter le terrorisme dans certains pays d’Afrique aux fins de prolongement des conflits.

Le représentant du Royaume-Uni a mis l’accent sur plusieurs faits alarmants, en particulier l’escalade de la violence à El-Fasher, au Soudan, la mort de civils en Israël et à Gaza, la multiplication par 10 du nombre de personnes handicapées en Ukraine en raison de la guerre, et les niveaux choquants de violences sexuelles liées aux conflits au Sahel central et en République démocratique du Congo (RDC).  Pour inverser ces tendances, il a plaidé pour l’adoption d’une approche globale de la protection.  Dans ce cadre, a-t-il dit, les parties belligérantes doivent pleinement se conformer au droit international humanitaire et respecter leurs obligations de protéger les civils, notamment en respectant les droits spéciaux, les besoins et les vulnérabilités des enfants touchés par les conflits.  Appelant les États à protéger leurs populations contre le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le nettoyage ethnique, il a indiqué que son pays s’emploie à surveiller la commission d’atrocités et la diffusion de discours de haine au Soudan. 

Le délégué a ensuite exhorté tous les États à prendre des mesures pratiques pour améliorer la mise en œuvre du droit international humanitaire, ce qui tendra à améliorer la protection.  Il a d’autre part estimé que la protection des civils doit rester une priorité des missions de maintien de la paix.  À ce sujet, il a indiqué que le Royaume-Uni forme les soldats de la paix à la prévention des violences sexuelles liées aux conflits, œuvre à l’augmentation de la participation des femmes en uniforme et contribue à lutter contre la désinformation sur les missions.  Il a enfin appelé la communauté internationale à investir dans l’anticipation des risques, en travaillant en partenariat avec les gouvernements nationaux et les organisations locales pour s’attaquer aux causes sous-jacentes des conflits. 

La représentante de la France a noté que les constats du rapport annuel du Secrétaire général sur la protection des civils sont plus alarmants que jamais.  Plus de 33 000 civils, dont une majorité de femmes et d’enfants, ont perdu la vie dans des zones de conflit en 2023, soit une hausse de 72% par rapport à l’année précédente, a-t-elle constaté et les dommages civils se sont étendus à plusieurs régions du globe, notamment en Israël et en Palestine, où 70% des victimes ont été recensées. 

Également alarmée par les attaques sans précédent contre le personnel humanitaire, elle a soutenu en ce sens le projet de résolution présenté par la Suisse visant à renforcer leur protection.  Appelant au respect du droit international humanitaire, et des principes de précaution et proportionnalité dans l’usage de la force, la déléguée a souligné que les parties au conflit doivent se concentrer sur la recherche de solutions politiques justes et durables pour mettre fin aux crises et à leurs conséquences catastrophiques pour les populations civiles.  La lutte contre l’impunité doit rester une priorité absolue, a insisté la représentant avant d’inviter tous les États Membres à rejoindre l’Appel à l’action humanitaire lancé par la France et l’Allemagne en 2019.  Celui-ci a déjà été endossé par 53 États signataires, a-t-elle précisé, mais il est crucial d’élargir cette coalition pour renforcer notre action commune en faveur de la protection des civils. 

Le représentant de la Sierra Leone a noté les réticences des pays accueillant des opérations de paix avec mandat de protection des civils.  Il a appelé à des efforts concertés afin d’assurer un transfert de responsabilités grâce à des désengagements progressifs et responsables, chaque fois qu’il y a une demande de retrait desdites opérations. Les opérations de paix doivent être établies sur la base d’analyses rigoureuses de la situation sur le terrain et être dotées des ressources nécessaires, a-t-il ajouté.  Évoquant l’expérience de son pays, il a plaidé pour un engagement précoce des acteurs clefs, notamment les pays hôtes, lors de chaque phase de préparation et de déploiement des missions.  En conclusion, le délégué a appelé à l’élaboration d’une approche holistique en matière de protection des civils.

Le représentant de la Slovénie a considéré que le Conseil de sécurité devrait accorder davantage d’attention à la pleine mise en œuvre de ses résolutions pertinentes, complétée par des efforts régionaux et nationaux.  L’impact des conflits armés sur l’eau douce, les installations liées à l’eau et les services d’eau et d’assainissement laisse des millions de civils sans eau potable, posant de graves défis humanitaires, de développement et environnementaux.  Une sensibilisation accrue est nécessaire et la Slovénie a l’intention de se joindre à d’autres États pour lancer une alliance mondiale pour économiser l’eau dans les conflits armés plus tard cette semaine, a annoncé son représentant.  Pour lui, le soixante-quinzième anniversaire de l’adoption des Conventions de Genève de 1949 est une nouvelle occasion de renouveler l’engagement en faveur du plein respect du droit international humanitaire.  « Cependant notre engagement ne doit pas être abstrait: nous devons rejeter toutes les attaques contre les infrastructures civiles et les attaques contre les travailleurs humanitaires.  Et nous devons exiger des comptes », a déclaré le délégué.

Le représentant du Japon a déclaré qu’il était affligeant que l’application des Conventions de Genève de 1949 ne s’accompagne pas d’une augmentation de la protection de la vie des civils innocents dans le monde.  Le dernier rapport du Secrétaire général dresse un sombre tableau des victimes civiles dans les conflits armés, a noté l’intervenant se disant découragé par l’érosion des principes du droit international humanitaire.  Le délégué a demandé à tous les États de respecter et de protéger le personnel humanitaire et le personnel des Nations Unies.  Il a salué le leadership de la Suisse dans l’élaboration de la résolution sur la protection de ces personnels.  Le respect du droit international humanitaire est une obligation pour toutes les parties aux conflits, a-t-il martelé en rejetant toute excuse pour les États qui ignorent ces principes.

Le droit international humanitaire a été créé afin de préserver la dignité des personnes et des combattants, a rappelé le délégué en assurant que le Japon est déterminé à garantir la dignité des civils, en particulier les femmes et les filles, dans les conflits armés.  Il a donné un exemple de son appui: l’aide du Japon à la lutte antimines.  En 2023, le Japon a fourni environ 67 millions de dollars d’aide à la lutte antimines dans 20 pays par l’intermédiaire du CICR, du Service de la lutte antimines de l’ONU et d’autres ONG.  Enfin, le représentant a souligné l’importance de protéger le personnel médical et les installations sanitaires et d’assurer leur passage en toute sécurité dans les zones de conflit, dénonçant les 2 370 incidents de violence et d’ingérence ayant touché ces travailleurs et ces établissements dans le monde entier l’année dernière.

La représentante de Malte a souligné l’importance de la résolution 1265 (1999) pour l’engagement collectif en faveur de la protection des civils dans les conflits armés, tout en constatant un affaiblissement de cet engagement ces 25 dernières années.  Les nombreux instruments créés par le système multilatéral ont rarement été utilisés de manière opportune et efficace, a-t-elle déploré, évoquant les situations en Afghanistan, en RDC, en Iraq, au Myanmar, en Haïti, en Syrie, en Ukraine et au Yémen, sans oublier Gaza, où « une population entière est confrontée à une famine provoquée par l’homme ».  Au Soudan, théâtre de la plus grande crise de réfugiés et de déplacés internes au monde, la peur des nettoyages ethniques qui ont eu lieu en 2005 semble réapparaître, tandis que la faim provoquée par le conflit affecte 18 millions de personnes, a ajouté la déléguée, avant d’appeler à éviter un massacre à El-Fasher, ville du Darfour encerclée par les Forces d’appui rapide. 

Pour la représentante, les « dures leçons » tirées des génocides passés soulignent le rôle vital de la responsabilité.  « Sans cela, nos résolutions ne sont que des mots », a-t-elle souligné, jugeant impératif que le Conseil utilise tous les outils à sa disposition pour garantir le respect du droit international conçu pour protéger les civils. Dans le même temps, les solutions humanitaires ne supplanteront pas le besoin crucial d’une véritable diplomatie et d’une prise de décisions politiques courageuses, a soutenu la représentante, pour qui il importe de lutter contre la « loi du plus fort » et de réaffirmer notre attachement aux principes consacrés dans la résolution 1265. Avant de conclure, elle a appuyé la préparation par la Suisse d’un projet de résolution sur la protection des civils et de ceux qui les assistent dans les conflits, espérant voir ce texte adopté par consensus dans les prochains jours.

La représentante du Guyana a estimé que la mise en œuvre de la résolution 1265 (1999) a été semée d’embûches, expliquant cela notamment par la montée en puissance des acteurs non étatiques, la désinformation comme outil de guerre et le recours à des tactiques de guerre asymétriques.  Cette situation a fait des millions de morts parmi les civils, tout en détruisant des infrastructures essentielles.  La déléguée a aussi dénoncé les déplacements de population et le manque d’accès à des services vitaux et essentiels qui en résultent.  Selon elle, l’absence de mise en œuvre de cette résolution est due également à la relativité de plus en plus grande avec laquelle certains acteurs interprètent le droit international humanitaire, qui a pourtant été conçu pour préserver le caractère sacré de la vie et cadrer la conduite de la guerre.  Elle a dénoncé cette « application subjective du droit international humanitaire » en martelant que tous les êtres humains sont nés égaux et doivent être traités de la même manière.

Lorsque l’on permet dans certaines situations l’usage aveugle de la force, le ciblage de non-combattants et la destruction d’infrastructures essentielles, grâce à l’impunité, alors que la responsabilité est exigée dans d’autres, c’est un affront à la dignité de l’être humain et une perpétuation de l’idée dangereuse que tous les humains ne sont pas créés égaux, a-t-elle argué.  Elle a donc jugé essentiel que l’interprétation et l’application du droit international humanitaire et des principes qui y sont consacrés donnent la priorité à la sécurité et à la dignité de tous les civils.  La représentante a soutenu l’initiative actuellement menée par la Suisse en vue d’élaborer une résolution du Conseil de sécurité sur la protection du personnel humanitaire, espérant que ce texte soit adopté par consensus.  « S’il est vrai que la protection des civils est une obligation légale, il s’agit également d’un impératif moral. »

Le représentant de l’Équateur a dit que la protection des civils est une priorité de son pays.  Il a estimé que le cadre juridique international en la matière est robuste, avant d’accueillir favorablement la proposition de la Suisse visant à renforcer la protection du personnel humanitaire.  L’année 2023 est la plus meurtrière de ces 30 dernières années. Face à cette situation, il a appelé à des mesures concrètes, en exhortant notamment les parties à respecter le droit international humanitaire.  Les auteurs de crimes contre les civils doivent être traduits en justice, a-t-il insisté.  Le Conseil doit éviter toute fragmentation des mandats de protection des civils des opérations de paix, a conclu le délégué, en demandant que ces opérations soient dotées des ressources nécessaires.

Le représentant de la République de Corée a estimé qu’au cours des 25 dernières années, le Conseil de sécurité a élaboré un cadre complet pour les normes de protection des civils sur le terrain en incorporant des éléments dans les mandats de maintien de la paix en vertu du Chapitre VII de la Charte. Alors que nous célébrons le vingt-cinquième anniversaire de la résolution 1265 et les 75 ans des Conventions de Genève de 1949, nous devons combler le fossé entre les idéaux et la réalité et revitaliser la stratégie de protection des civils pour les 25 prochaines années, a-t-il recommandé.  Aussi le délégué a-t-il demandé aux États d’assumer leur responsabilité première de cette protection, et au Conseil de promouvoir des mécanismes, des politiques et des institutions nationales de responsabilisation.  Le Conseil doit aussi aider les systèmes judiciaires nationaux à tenir les auteurs responsables de leurs actes grâce à des initiatives de renforcement des capacités, a-t-il préconisé. 

Par ailleurs, de l’avis du délégué, le Conseil doit renforcer la responsabilité des auteurs de crimes contre les civils en se servant de ses régimes de sanctions et en saisissant la CPI.  Il devrait en outre privilégier une approche stratégique plus équilibrée concernant les mandats de protection des civils, souvent jugés « trop ambitieux et irréalistes » au regard des ressources limitées dont disposent les opérations de paix.  Cette nouvelle approche devrait également répondre aux défis émergents, tels que les cyberattaques contre les infrastructures critiques et la désinformation. Enfin, lors de la clôture et du retrait des missions, il faut privilégier la protection des civils pendant et après les transitions, a encore recommandé le représentant coréen. 

Le représentant des États-Unis a indiqué que ces dernières années, de nombreuses opérations de maintien de la paix de l’ONU ont été le fer de lance des efforts visant à protéger les civils dans les zones de conflit où elles sont déployées, évoquant notamment les mandats de la MINUSCA, de la MONUSCO et de la MINUSS.  Il a également rappelé que face à la violence des gangs en Haïti, le Conseil de sécurité a autorisé la Mission multinationale de soutien à la sécurité, qui, sous la direction du Kenya, pourrait bientôt se déployer.  En outre, au Darfour et ailleurs au Soudan, les populations sont confrontées à d’horribles violences qui exigent que la communauté internationale réfléchisse aux outils à mettre en œuvre pour garantir la protection des civils. Le délégué a ensuite exhorté le Conseil à appeler toutes les parties à remplir leurs obligations juridiques internationales liées à la protection des civils, ainsi que les principes du droit international humanitaire.

Le représentant de la Chine a constaté qu’en dépit des orientations essentielles contenues dans la résolution 1265 (1999), les civils restent la cible de violences dans les situations de conflit.  Face à ces violences, qui ont enregistré une hausse considérable depuis l’an dernier, il a appelé à redoubler d’efforts « avec un sentiment d’urgence ».  Si l’élimination des conflits est évidemment la meilleure manière de protéger les civils, il importe de ne pas en attendre la fin avant d’agir, a-t-il plaidé, avant d’appeler à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza, et notamment à Rafah où une large part de la population de l’enclave s’est réfugiée pour éviter la mort.  Selon lui, le Conseil de sécurité doit inciter Israël à cesser ses opérations militaires et le « châtiment collectif » imposé aux Gazaouites.  

Pour assurer la protection des civils dans ce type de situation, le droit international humanitaire doit être respecté par tous, a insisté le représentant, pour qui il est impératif de garantir un accès humanitaire sûr et sans entrave, tout en veillant à ce que l’assistance ne soit pas politisée et que les biens essentiels ne soient pas utilisés comme armes.  « Au XXIe siècle, ces normes fondamentales ont été violées à de nombreuses reprises », a-t-il dénoncé, exhortant le Conseil à faire respecter la mise en œuvre du droit international humanitaire, « sans application sélective ».  Il a également appelé à lutter contre la prolifération des armes légères et de petit calibre et le développement de systèmes autonomes létaux utilisant l’intelligence artificielle.  Enfin, le délégué a estimé que la protection de civils passe aussi par l’amélioration des capacités de gouvernance des pays touchés par des conflits.  La communauté internationale doit selon lui aider ces pays à renforcer leur système de défense et leurs moyens de lutte contre le terrorisme, mais aussi contribuer à leur développement, à la réduction de la pauvreté et à la recherche des causes profondes des conflits.  

Le représentant de l’Algérie a pris note de la réalité alarmante des civils dans les conflits armés, et de l’augmentation « stupéfiante » de 72% du nombre de victimes civiles par rapport à l’année 2022.  Citant le cadre juridique existant et universellement reconnu (la résolution 1265 (1999) et les Conventions de Genève de 1949), il a dit que le monde est témoin de la manière dont la Puissance occupante des territoires palestiniens occupés le contourne et le bafoue en toute impunité.  Les forces d’occupation israéliennes ont délibérément pris pour cible des civils et des infrastructure civiles, a-t-il souligné faisant état de 35 303 morts, dont 32% sont des enfants, et notant que 171 installations de l’UNRWA ont été prises pour cible, pendant que 493 travailleurs de la santé ont été tués, de même que 193 membres du personnel de l’ONU et 147 journalistes et professionnels des médias.  Cette politique constitue « un crime de guerre et une punition collective », a tranché le représentant arguant qu’affamer des civils innocents ou les cibler directement est explicitement interdit par le droit international humanitaire. 

La situation à Gaza soulève la question fondamentale de la raison d’être de l’état de droit s’il ne peut pas protéger les valeurs les plus sacrées, a analysé le représentant en soulevant un problème plus large: comment s’assurer que toutes les parties à un conflit respectent les normes internationales humanitaires et de sécurité en l’absence d’un mécanisme de dissuasion?  À cette fin, le délégué a proposé la création d’un tel mécanisme permettant au Conseil de sécurité d’être automatiquement notifié de toute violation flagrante et documenté du droit international et du droit international humanitaire.  Le délégué a également insisté sur l’obligation de rendre des comptes pour tous ceux qui ont violé ce droit, souhaitant que le système multilatéral soit habilité à mettre fin à l’impunité.  Il a prôné une approche globale garantissant que tous les efforts, à tous les niveaux, œuvrent à la mise en œuvre du droit international humanitaire.  Il a cependant fait valoir que toutes les propositions concernant la protection des civils dans les zones de conflit et la facilitation de l’accès humanitaire restent des solutions partielles si l’on ne s’attaque pas aux causes profondes et que l’on ne trouve pas de solutions durables aux conflits.

Le représentant du Mozambique a noté la choquante augmentation de 72% des pertes civiles en 2023 par rapport à l’année précédente.  « Les dévastations à Gaza, en Israël, au Soudan, en RDC, au Myanmar, au Nigéria, en Somalie, en Syrie, en Ukraine et dans d’autres régions ont été particulièrement graves. »  Il a appelé les membres du Conseil à adopter rapidement la résolution en cours de négociation parrainée par la Suisse.  Le meilleur moyen de protéger les civils par temps de conflit est de mettre fin aux conflits, a tranché le délégué.  Enfin, il a rappelé les mesures prises, notamment l’établissement d’une force locale, pour protéger les civils des attaques terroristes perpétrées depuis octobre 2017 au Mozambique.

Comme les membres du Conseil, beaucoup de délégations qui ont participé au débat ont rappelé que la clef pour prévenir les souffrances des civils, c’est de prévenir les conflits.  Pour le Rwanda par exemple, ne pas tenir compte de cette réalité serait traiter des symptômes et non des causes.  Ce pays, qui a proposé en 2015 les Principes de Kigali sur la protection des civils dans le cadre des opérations de maintien de la paix, a estimé que la protection des civils doit rester l’objectif central de ces opérations.  En tant que plus grand contributeur des troupes à ces opérations, le Népal a confirmé déployer des soldats de la paix « professionnels ».  De plus, des mesures punitives sont infligées aux Casques bleus reconnus coupables de violations des droits humains ou impliqués dans les cas d’exploitation et d’atteintes sexuelles, a assuré la délégation.

Qu’avons-nous accompli depuis l’adoption de la résolution sur la protection des civils il y a un quart de siècle?  En posant cette question, l’Afrique du Sud a constaté que l’application sélective du droit international, l’hypocrisie et la politique du « deux poids, deux mesures » affichées par certains États Membres ont abouti à la malheureuse situation de conflits actuels et à la souffrance des civils.  C’est fort du constat de la crise à Rafah que l’Afrique du Sud a dit avoir de nouveau saisi la Cour internationale de Justice (CIJ), le 16 mai 2024, au milieu de l’offensive intensifiée et d’une crise humanitaire aigüe.

La Grèce s’est montrée soucieuse également de l’application du droit lorsque les efforts collectifs de maintien de la paix échouent.  Le respect total du droit international humanitaire et des droits humains reste essentiel.  D’où les appels lancés aux parties à un conflit armé pour qu’elles respectent les principes humanitaires.  Un appel valant également pour les acteurs non étatiques.  De nombreuses délégations ont d’ailleurs rappelé l’importance des Conventions de Genève de 1949 dont le soixante-quinzième anniversaire est commémoré cette année.  La Jordanie s’est indignée devant des tentatives de rendre obsolètes ces conventions.  La délégation a insisté pour le respect du droit international humanitaire et la protection des civils à Gaza, point névralgique du principe de la protection des civils en ce moment et exemple revenant dans la plupart des interventions, à côté d’autres zones de conflits du globe citées également à maintes reprises, comme l’Ukraine, le Yémen, la République démocratique du Congo (RDC), le Myanmar, le Soudan ou encore la Syrie.

Le débat s’est aussi appuyé sur la résolution 1265 (1999) du Conseil de sécurité, relative à la protection des civils, adopté il y a déjà un quart de siècle. Malgré ce cadre juridique, la Norvège a relevé que sur tous les continents, nous assistons à des conflits armés avec des meurtres et des mutilations de civils à une échelle alarmante. S’exprimant au des 27 pays membres du Groupe des Amis pour la protection des civils en période de conflit armé, la délégation a insisté sur le respect du droit international humanitaire, qui est un cadre juridique fondamental pour protéger les civils des horreurs de la guerre.  Le Groupe s’est aussi dit choqué par les nombreux meurtres de personnels humanitaires et médicaux.

La situation à Gaza est revenue dans de nombreux discours, l’Égypte notamment a évoqué les civils sans défense et la destruction des sites civils, même des centres de soins.  Devant l’ampleur de la crise à Gaza, certains États, tels que Cuba, ont proposé l’envoi urgent d’une mission de protection internationale, autorisée par l’Assemblée générale, avec pour mandat de contribuer à la sécurité et la protection de la population civile et la facilitation de la livraison de l’aide humanitaire d’urgence.  La Türkiye a aussi appelé l’acheminement sûr des secours dans l’enclave palestinienne, avant de rappeler qu’elle continue d’apporter assistance aux civils syriens, y compris par le biais de l’aide transfrontière.  En plus de cibler Gaza, le Liban a indiqué qu’Israël cible son territoire depuis le 8 octobre.  Une agression qui vise les civils et les infrastructures civiles.  Le pays a présenté un bilan de 80 civils tués, dont 26 femmes, 14 enfants, 3 journalistes et 18 agents de santé. 

Le Costa Rica a souligné le grand risque que courent les civils en cas de présence de mines et autres engins explosifs, même des décennies après la fin des conflits.  C’est pourquoi il faudrait inclure la lutte contre les mines et autres explosifs dans les mandats des opérations de maintien de la paix, a prôné la délégation. De même, le Saint-Siège a estimé que l’arrêt de la production, du stockage et de l’utilisation d’armes telles que les mines terrestres, les armes à sous-munitions et des explosifs dans les zones peuplées serait une mesure cruciale pour assurer la protection des civils dans les conflits armés. 

Le Liechtenstein comme d’autres pays a constaté des tendances inquiétantes comme l’utilisation de l’intelligence artificielle, des armes létales autonomes et la cyberguerre.  Des défis nouveaux qui nécessitent l’élaboration et l’application minutieuses des principes et normes juridiques.  Le Liechtenstein a dit avoir contribué à cet effort, notamment en publiant un rapport sur l’application du Statut de Rome de la Cour pénale internationale à la cyberguerre. Parmi les nouveaux risques, l’Union européenne a constaté que les changements climatiques peuvent provoquer des déplacements et une insécurité alimentaire qui exacerbent les conflits. C’est pourquoi elle s’engage à assurer la protection des civils à travers le renforcement de la résilience. Cela inclut l’investissement dans la réduction des risques de catastrophe et dans des systèmes d’alerte précoce.

Le Chili, en accord avec la déclaration du Groupe des Amis de la responsabilité de protéger, a rappelé la résolution 2664 (2022) qui voulait éviter que les sanctions de l’ONU nuisent à la population civile et fassent obstruction à l’action humanitaire.  Le Chili a invité tous les États à appliquer ses dispositions, dont celles sur les exemptions humanitaires des régimes de sanctions.  La Grèce a insisté sur la protection des journalistes.  En 2006, elle avait proposé l’adoption de la résolution 1738 à ce sujet et elle facilite chaque année celle de l’Assemblée générale sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité.

Il ne suffit pas de dénoncer les violations de crimes graves commis contre la population civile en situation de conflits armés, a-t-on aussi entendu.  Lorsqu’il s’agit de crimes de guerre et contre l’humanité, il est impératif que ces actes ne restent pas impunis, a tranché le Mexique.  Au nom des pays nordiques (Finlande, Islande, Norvège, Suède et Danemark), le Danemark a déclaré que le droit international humanitaire et les droits humains s’appliquent à tous et partout, que ce soit dans les rues du Soudan ou de Gaza ou encore dans la banlieue de Kharkiv ou dans le cyberespace.  En outre, le Luxembourg a condamné toute menace ou acte d’intimidation à l’endroit du Procureur de la CPI ou de son personnel. 

La Croatie a conseillé d’utiliser le concept de la responsabilité de protéger de manière plus efficace et non controversée.  Elle a vu quelques opportunités très concrètes à saisir, comme les discussions sur le pacte pour l’avenir qui devraient aboutir à un document accordant une grande importance à la prévention et à la protection.  L’Allemagne, qui cofacilite le Sommet de l’avenir, a confirmé que le principe de protection des civils sera ancré dans le Pacte. 

 

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

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