CS/1094

LE CONSEIL DE SECURITE CREE UN MECANISME CHARGE D'EXAMINER LES PROPOSITIONS DU SECRETAIRE GENERAL RELATIVES A LA PROTECTION DES CIVILS DANS LES CONFLITS ARMES

17 septembre 1999


Communiqué de Presse
CS/1094


LE CONSEIL DE SECURITE CREE UN MECANISME CHARGE D'EXAMINER LES PROPOSITIONS DU SECRETAIRE GENERAL RELATIVES A LA PROTECTION DES CIVILS DANS LES CONFLITS ARMES

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Il est prêt à réagir, selon les dispositions de la Charte, lorsque les civils sont pris pour cible ou en cas d’entrave à l'acheminement de l'aide humanitaire

Poursuivant aujourd'hui son débat public, entamé hier, sur le renforcement de la protection des civils dans les conflits armés le Conseil de sécurité a décidé, aux termes de la résolution 1265 (1999), adoptée à l'unanimité, de créer immédiatement un mécanisme chargé d'examiner plus avant les recommandations formulées dans le rapport du Secrétaire général sur la question et d'envisager des mesures appropriées d'ici au mois d'avril 2000. Condamnant vigoureusement le fait de prendre pour cible les civils et gravement préoccupé par les effets néfastes des conflits sur les enfants, le Conseil se déclare disposé à réagir face aux situations de conflit armé dans lesquelles les civils sont pris pour cible ou dans lesquelles l'acheminement de l'assistance humanitaire destinée aux civils est délibérément entravé, en examinant notamment les mesures appropriées que lui permet de prendre la Charte des Nations Unies. Il prend note à cet égard des recommandations pertinentes du Secrétaire général. Disposé également à étudier comment les mandats dans le domaine du maintien de la paix pourraient mieux contribuer à atténuer les incidences néfastes des conflits armés sur les civils, le Conseil se déclare favorable à l'inscription, le cas échéant, dans les accords de paix et les mandats des missions des Nations Unies, de mesures spécifiques pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des anciens combattants, notamment les enfants soldats, ainsi que pour la destruction des armes et munitions en excédent.

Par ce texte, le Conseil réaffirme en outre qu'il est prêt, chaque fois que des mesures sont adoptées en application de l'Article 41 de la Charte relatif aux sanctions, à prendre en considération l'effet qu'elles peuvent avoir sur la population civile, afin d'envisager, le cas échéant, des exemptions d'ordre humanitaire. Le Conseil souligne également qu'il incombe aux Etats de mettre fin à l'impunité et de poursuivre les personnes responsables de génocide, de crimes contre l'humanité et de violations graves du droit international humanitaire. Ce faisant, il affirme la possibilité de recourir à la Commission internationale d'établissement des faits, et réaffirme l'importance des travaux des tribunaux internationaux, avec lesquels tous les Etats ont l'obligation de coopérer, ainsi que l'importance historique de l'adoption du Statut de la Cour pénale internationale.

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De manière plus générale, le Conseil demande instamment à toutes les parties concernées de s'acquitter strictement des obligations contractées en vertu du droit international humanitaire et des droits de l'homme et des réfugiés. Il demande aux Etats qui ne l'ont pas encore fait d'envisager de ratifier les principaux instruments touchant ces droits. Enfin, le Conseil souligne qu'il importe de prévenir les conflits et à cet effet, il souligne l'importance que revêt l'application de mesures préventives appropriées, notamment le recours aux mécanismes de règlement des conflits et au déploiement préventif de militaires et de civils.

De même que les représentants intervenus hier, les participants au débat d’aujourd’hui ont apporté leur appui aux recommandations du Secrétaire général. Ils ont particulièrement insisté sur la nécessité d'instaurer une véritable culture et éthique du respect des instruments internationaux relatifs au droit humanitaire ainsi qu’aux des droits de l'homme et des réfugiés. Toutefois, le représentant de l'Egypte a estimé que le rapport du Secrétaire général envisage pour le Conseil de sécurité une position qui le placerait au-dessus des Etats Membres, allant jusqu'à remettre certaines prérogatives de l'Organisation entre ses mains seules, alors que le droit international place les Etats sur un pied d'égalité. Reprenant de manière critique plusieurs propositions du Secrétaire général, le représentant de l'Inde a, pour sa part, affirmé que certaines des recommandations vont non seulement au-delà des prérogatives du Conseil, mais présentent un certain nombre d'imprécisions, voire d'inexactitudes. M. Sharma a ainsi fait observer que le concept de "droit d'intervention humanitaire" n'a aucun fondement en droit international. Il a exprimé son inquiétude face à la recommandation contenue dans le rapport aux termes de laquelle le Conseil de sécurité pourrait recourir à des actions coercitives pour faire respecter les ordres et les requêtes des tribunaux. Selon lui, les recommandations du Secrétaire général nécessitent une plus ample réflexion, qui doit être faite dans plusieurs instances, y compris le Conseil et l'Assemblée générale.

Le Conseil a entendu les représentants des pays suivants : Afrique du Sud, Japon, Finlande (au nom de l'Union européenne et des Etats associés), Mongolie, Norvège, ex-République yougoslave de Macédoine, République de Corée, Ukraine, Egypte, Slovaquie, Rwanda, Inde, Iraq, Botswana, Israël et Pakistan. Les Observateurs de la Suisse et de la Palestine, ainsi que la représentante du Comité international de la Croix-Rouge et le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d'urgence des Nations Unies sont également intervenus. Le représentant des Pays-Bas, présidant le Conseil pour le mois de septembre, a fait une déclaration, en conclusion du débat.

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PROTECTION DES CIVILS TOUCHES PAR LES CONFLITS ARMES

Déclarations (suite)

M. DUMISANI S. KUMALO (Afrique du Sud) a déclaré qu'il aurait été plus agréable de célébrer par la présente réunion les idéaux et les ambitions si nobles des Conventions de Genève adoptées il y a 50 ans. La dure réalité est en vérité que la communauté internationale n'a jamais été en mesure de faire pleinement respecter les normes établies dans ces textes pour la conduite de toutes les nations en période de conflit. Or, a-t-il observé, avec ironie, le fait que depuis la réunion du Conseil le 12 février sur ce même sujet, la communauté internationale a pu constater, grâce aux faits relatés par les médias, que les populations civiles sont devenues les victimes horrifiées de plus de 30 conflits de part le monde entier. "Mais avec le temps, on entend de moins en moins parler des conflits, notamment ceux qui sévissent sur le continent africain, et les meurtres continuent d'être commis par des personnes qui croient, de manière erronée, qu'elles peuvent faire comme bon leur semble". Heureusement, le rapport du Secrétaire général vient apporter un démenti à la "soi-disant" indifférence de la communauté internationale, ce dont l'Afrique du Sud se félicite énormément. Le représentant a ensuite évoqué la Douzième Conférence des pays du Mouvement des non alignés, tenue l'an passé à Durban (Afrique du Sud), où les chefs d'Etat et de gouvernement présents ont lancé un appel au reste de la communauté internationale afin qu’il réaffirme sa volonté de préserver les valeurs essentielles fondées sur le respect des droits de l'homme. Ils étaient en effet convaincus que la connaissance et le respect des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et le droit humanitaire peuvent fournir une protection efficace et atténuer les souffrances des victimes des conflits. Toujours dans cette perspective, l'Afrique du Sud se réjouit de l'adoption du Statut du Tribunal pénal international et espère que sa mise en place constituera une avancée majeure vers l'imposition de sanctions pénales contre ceux qui violent le droit international tout en dissuadant les éventuels agresseurs.

De l'avis de l'Afrique du Sud, le Conseil de sécurité devrait également mettre l'accent sur le renforcement des mesures de prévention des conflits, qui comprendraient notamment la mise en place de systèmes de détection permettant d’alerter le Conseil de sécurité au sujet des conflits en gestation. Une autre question très importante est l'accès des secours humanitaires aux personnes dans le besoin. Le droit de passage pour l'aide humanitaire aux civils doit donc absolument être garanti. Compte tenu du fléau que représentent les mines antipersonnel, particulièrement sur le continent africain, le Conseil devrait envisager d'inclure les activités de déminage dans les missions de maintien de la paix. Ces missions pourraient aussi comprendre, en cas de nécessité, la collecte et la destruction des armes légères et de petit calibre dont la recrudescence du trafic est un véritable fléau et une menace contre les civils si les combattants bien que démobilisés demeurent armés. Pour l'Afrique du Sud, deux questions fondamentales subsistent par ailleurs qui méritent l'attention continue du Conseil, à savoir le sort des personnes déplacées à l'intérieur d'un pays et celui des enfants qui sont enlevés de force pour combattre. Il n'est pas de solution facile à ces problèmes, a reconnu M. Kumalo, avant de former le vœu que les membres du Conseil trouvent dans les recommandations du Secrétaire général une source d'information vaste.

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Pour sa part, l'Afrique du Sud se félicite tout particulièrement de la décision, contenue dans la résolution soumise au Conseil, d'établir un mécanisme chargé d'examiner plus avant les propositions de M. Annan et d'envisager d'ici au mois d'avril 2000 les mesures appropriées.

M. RYUICHIRO YAMAZAKI (Japon) a déclaré que les récents exemples du Kosovo et du Timor oriental témoignent de l’importance de la question de la protection des civils dans les conflits armés, non seulement pour des raisons humanitaires, mais parce qu’il s’agit aussi d’un aspect important de la résolution des conflits et de la réalisation d’une paix et d’une réconciliation durables. Le Japon a participé activement à un certain nombre d’initiatives en faveur de la protection des civils dans les zones de conflit et est tout à fait disposé à continuer d’assumer sa part de responsabilité dans les efforts déployés par la communauté internationale à cet égard. Le Japon a joué un rôle significatif dans les efforts communs en vue de restreindre l’utilisation des armes de petit calibre et de créer un Tribunal pénal international, a déclaré le représentant. Parmi les recommandations contenues dans le rapport présenté aujourd’hui par le Secrétaire général, le Japon estime que celles préconisant le déploiement rapide d’un plus grand nombre de personnels de police civile, d’experts administratifs et de personnel humanitaire, méritent attention, afin que puisse se renforcer la présence de l’ONU dans la protection des civils. Concernant la question des sanctions, le Japon est d’avis qu’elles ne devraient pas punir d’innocents civils, mais devraient plutôt être imposées d’une manière qui leur permette d’atteindre efficacement des objectifs spécifiques. Nous pensons que des règles et des normes devraient être établies en vue d’en minimiser les impacts humains négatifs. Enfin, le Japon soutient sans réserve la recommandation selon laquelle des embargos sur les armes devraient être imposés dans les situations où les civils sont pris pour cibles par les parties en conflit. Les Etats exportateurs d’armes devraient se sentir particulièrement concernés par ce fait.

Le Japon estime qu’une paix durable peut et doit être établie qu’elle qu’en soit la difficulté. Comme ce fut le cas en Bosnie, une présence internationale peut graduellement mener d’un état de paix fragile à une situation plus stable. Notre engagement en faveur de la paix peut se traduire par deux exemples : nous avons pris l’engagement d’une contribution de 220 millions de dollars pour les secours humanitaires et la reconstruction du Kosovo et des pays voisins, et hier, notre Gouvernement a annoncé le versement de 2 millions de dollars au profit de l’aide humanitaire d’urgence au Timor oriental, qui seront suivis d’une assistance plus substantielle et de contributions financières au Fonds des Nations Unies pour soutenir financièrement la force multinationale établie par le Conseil de sécurité.

M. JENÖ C.A. STAEHELIN (Suisse)a déclaré que les récentes crises et atteintes à la vie et aux droits des populations civiles sont venues nous rappeler l’urgence et la gravité du thème examiné. Les recommandations que contient le rapport du Secrétaire général méritent par conséquent d’être soutenues. Pour ce faire, il est nécessaire de s’interroger sur les mécanismes qui président à la détermination par les opinions publiques, les parlements et les gouvernements de ce qui est tolérable et de ce qui ne l’est pas.

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A ce titre il est également urgent de s’interroger sur les relations entre l’information de masse et les prises de décisions politiques. L’Organisation des Nations Unies et les Etats sont ici interpellés, a observé le Représentant. S’agissant des recommandations contenues dans le rapport du Secrétaire général, il a indiqué l’appui de sa délégation à son appel demandant à tous les Etats de ratifier les principaux instruments du droit international humanitaire. La Suisse invite par ailleurs les Etats à reconnaître la compétence de la Commission internationale humanitaire d’établissement des faits en faisant la déclaration prévue à l’article 90 du Protocole I additionnel aux Conventions de Genève. La Suisse tient également à saluer l’entrée en vigueur de la circulaire du Secrétaire général sur le respect du droit international humanitaire par les forces des Nations Unies. M. Staehelin a également mis l’accent sur le soutien qu’apporte son pays aux travaux des Tribunaux pénaux internationaux sur l’ex-Yougoslavie et le Rwanda et a souhaité qu’entre rapidement en fonction de la Cour pénale internationale. En matière de maintien de la paix, le Représentant a estimé nécessaire l’approche globale et intégrée préconisée par le Secrétaire général et a rappelé que son pays met à la disposition des Nations Unies et des autres organisations engagées dans les Balkans du personnel militaire non armé, des policiers civils, des observateurs des droits de l’homme et des experts en administration civile. Dans le domaine des armes légères, la Suisse, a-t-il déclaré, estime qu’il est urgent d’établir un contrôle plus étroit sur leur transfert et leur présence dans la société. Il a exprimé l’espoir qu’un plan d’action musclé pourra être élaboré et adopté dans le contexte de la conférence prévue en 2001 que la Suisse souhaite accueillir. Enfin, concernant la protection des enfants affectés par les conflits, le Représentant a souligné la nécessité d’élever à dix-huit ans la limite pour l’âge de recrutement, volontaire ou involontaire dans les forces armées régulières ou dans les groupes d’opposition armés. Le représentant s’est par ailleurs félicité des réflexions faites, dans le cadre du processus d’Interlaken, au sujet des sanctions financières ciblées et a conclu que seule une mise en œuvre systématique des mesures énoncées dans les recommandations du Secrétaire général est susceptible de marquer une véritable avancée dans la lutte contre les violations faites aux populations civiles touchées par les conflits armés. Le combat n’est pas gagné d’avance mais il doit être mené, a conclu le représentant de la Suisse.

Mme MARJATTA RASI (Finlande), au nom de l'Union européenne et de la Bulgarie, la République tchèque, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, Chypre, Malte, l'Islande et le Liechtenstein) a déclaré que la question de la protection des civils est d'autant plus préoccupante que le fossé qui sépare les normes en vigueur de leur mise en œuvre ne cesse de se creuser. Dans les conflits, les distinctions entre combattants et civils deviennent floues. Les recommandations du Secrétaire général visant à remédier au non respect des règles d'une part, et à combler l'absence d'imposition de sanctions d'autre part, vont dans la bonne direction. Notre principal objectif est de faire respecter les droits de l'homme et le droit humanitaire, sachant que cette tâche incombe en premier lieu aux Etats eux-mêmes, a rappelé la représentante. Toutefois, le Conseil de sécurité peut attirer l'attention des Etats sur l'importance de ratifier certains instruments et de s'assurer de leur application et de leur prise de conscience dans la société.

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Il est également essentiel que les violations des règles internationales de conduite concernant la protection des civils fassent l'objet d'une procédure judiciaire adéquate, aux niveaux national ou international. Les tribunaux pénaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda représentent un pas important dans la lutte contre l'impunité. L'Union européenne souligne également l'importance de la création de la Cour pénale internationale et estime que cette instance aura un rôle primordial pour ce qui est de prévenir les graves violations des droits de l'homme et de traduire en justice les responsables d'atrocités.

De même que le fait le rapport du Secrétaire général, l'Union européenne reconnaît l'importance du travail des Nations Unies pour venir en aide aux personnes déplacées à l'intérieur d'un même pays, tout en faisant remarquer que l'assistance à ces personnes incombe en premier lieu aux gouvernements des pays concernés. L'Union soutient également les efforts du Secrétaire général en matière de prévention des conflits, qui passe par la promotion du développement social et économique, l'établissement et le renforcement de la démocratie, la bonne gouvernance et le respect des droits de l'homme. Une information publique efficace est également primordiale et il faut empêcher que les médias ne soient utilisés comme une arme. L'Union européenne approuve les propositions du Secrétaire général visant à mettre en place des missions préventives et à renforcer la capacité de réaction de l'Organisation. Une action rapide peut en effet souvent limiter ou même empêcher certains conflits. L'Union approuve les mesures prises en vue de créer un mécanisme chargé du déploiement rapide. Elle considère en outre, en accord avec le Secrétaire général, qu'il faut mettre en place des sanctions ciblées de façon à améliorer l'efficacité de ces sanctions tout en limitant leur impact humanitaire. Evoquant enfin la situation au Timor oriental, Mme Rasi a estimé que le Conseil de sécurité a démontré à l’occasion de cette crise sa capacité de réagir rapidement et efficacement, répondant ainsi aux recommandations du Secrétaire général. L'Union européenne se félicite de l'adoption de la résolution 1264 du Conseil autorisant l'envoi d'une force chargée de rétablir le droit et l'ordre au Timor Oriental.

M. JARGALSAIKHANY ENKHSAIKHAN (Mongolie) déclaré que sa délégation soutenait les recommandations faites par le Secrétaire général dans son rapport afin d’améliorer la protection des civils dans les conflits armés. Les statistiques concernant la souffrance humaine résultant, directement ou indirectement, des conflits armés, sont accablantes. Aujourd´hui, plus de 90% des conflits armés ont lieu à l’intérieur d’Etats plutôt qu’entre Etats. De ce fait, dans la plupart des cas, c’est la population civile qui est touché, notamment les personnes plus vulnérables comme les enfants, les femmes et les personnes âgées. Les différentes formes de violence, intimidation, torture, meurtre, mutilations, génocide, nettoyage ethnique – sont utilisées contre les civils. Le Conseil de sécurité, qui est responsable du maintien de la paix et de la sécurité dans le monde, s’est toujours attaché à examiner la question de la protection des civils. Cependant comme aucun conflit ou crise n’est semblable à une autre, la Mongolie estime qu’il faut une approche imaginative par rapport à chaque situation d’urgence. Un des exemples les plus récents où il y a eu une approche constructive et ferme a été le cas du Timor oriental.

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La Mongolie se félicite de la décision du Conseil d’envoyer une mission à Jakarta et à Dili et de créer une force multinationale pour restaurer la paix et la sécurité au Timor oriental, protéger la MINUTO et faciliter l’aide humanitaire. La Mongolie se félicite également de l’approche de coopération dont a fait preuve le Gouvernement de l’Indonésie par rapport à la création de la force multinationale. La Mongolie estime que la communauté internationale devrait s’efforcer de renforcer davantage les mécanismes juridiques internationaux. Elle se félicite de la création d’une Cour pénale internationale qui devra permettre de châtier les responsables de crimes contre l’humanité et d’empêcher que de tels crimes soient commis à l’avenir.

M. NASSER AL-KIDWA (Observateur de la Palestine) a estimé que le rapport du Secrétaire général sur les moyens d'améliorer la protection des civils présente une analyse des menaces et des violences qui pèsent sur les civils, du rôle du Conseil de sécurité et une série de recommandations très utiles. La Palestine souscrit à la majorité des propositions, en particulier la responsabilisation des coupables. Un aspect clef pour le Conseil de sécurité est de prendre des mesures pour promouvoir un "climat de respect" des textes internationaux, a ajouté l'Observateur, car garantir le respect est une condition préalable pour maintenir la crédibilité du Conseil et prévenir l'émergence d'une attitude de deux poids deux mesures. A cet égard, M. Al-Kidwa a fait part de sa perplexité quant au fait que le rapport ne fasse aucune mention de l'occupation israélienne en Palestine et des nombreuses violations du droit humanitaire international qui l'accompagnent. Avec plus de 3,5 millions de réfugiés le problème palestinien est le plus ancien et le plus important du genre auquel les Nations Unies sont confrontées. Pour sa part, Israël continue de violer les dispositions de la Quatrième Convention de Genève, son Premier Protocole facultatif ainsi que les Conventions de La Haye, établissant une véritable situation d'occupation et d'annexion des territoires palestiniens, y compris Jérusalem, tout à fait unique en cette fin de XXème siècle. Bien que le Conseil de sécurité ait répondu à cet état de fait par 24 résolutions qui réaffirment la validité de la Quatrième Convention de Genève, Israël continue de ne pas respecter, ni même accepter, ces décisions, même lorsque la communauté internationale durcit sa position. Ainsi et pour la première fois dans l'histoire de la Quatrième Convention de Genève, le 15 juillet dernier, une Conférence visant à examiner cette situation particulière a été organisée. "De notre avis, il s'agit d'une avancée capitale non seulement pour ce qui est des territoires palestiniens occupés, mais aussi pour l'ensemble du droit international humanitaire et des efforts visant à garantir son respect", a expliqué l'Observateur. Même si elle met aujourd'hui l'accent sur sa situation particulière, la Palestine est parfaitement consciente des nombreux autres exemples requérant d'importants efforts de la communauté internationale, afin de mettre un terme notamment aux souffrances de femmes et d’enfants. Elle estime que la résolution soumise à l'adoption du Conseil aujourd'hui permettra de faire un pas important dans ce sens.

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M. JOSTEIN LEIRO (Norvège) a rappelé que les réalités auxquelles doivent faire face les civils dans les situations de conflit armé représentent des défis majeurs pour la communauté internationale. Demandant instamment aux Etats de ratifier les principaux instruments concernant le droit international humanitaire, les droits de l’homme et les droits des réfugiés ainsi que d’en assurer leur pleine application, le représentant de la Norvège a mis l’accent sur la nécessité de voir entrer en vigueur le Statut de Rome de la Cour internationale de Justice. Les femmes et les enfants, a-t-il poursuivi, sont plus particulièrement pris pour cibles en période de conflit armé, les femmes faisant dans certains cas l’objet de violences sexospécifiques et les enfants étant enrôlés en tant que «soldats efficaces». Par ailleurs, la disponibilité des armes de petit calibre rend difficile le rétablissement de la situation après les conflits. Rappelant le rôle principal du Conseil de sécurité en matière du maintien de la paix et de la sécurité internationales, le représentant de la Norvège a conclu en soulignant que les recommandations concrètes formulées par le Secrétaire général sont opportunes et méritent par conséquent d’être étudiées de près. La Norvège demande ainsi au Conseil d’élaborer un mécanisme qui permette de garantir que ces recommandations soient suivies d’actions.

M. NASTE CALOVSKI (Ex-République yougoslave de Macédoine) a estimé qu’au vingt-et-unième siècle on assistera à la disparition de la distinction entre les conflits internes et internationaux. La communauté internationale et le Conseil de sécurité en particulier, doivent se préparer à faire face à cette évolution. La décision du Secrétaire général de confier au personnel de maintien de la paix le soin de vérifier le respect du droit humanitaire international constitue à cet égard une bonne initiative. Il faut toutefois se demander pourquoi les Nations Unies n'ont pas été jusqu'ici impliquées dans le respect de la Convention de Genève de 1949 et du droit humanitaire. Le premier soucis du Secrétaire général et du Conseil de sécurité doit être de faire respecter les droits de l'homme, de protéger le bien-être et la dignité des civils en danger, tout en respectant les principes de souveraineté des Etats et de non-ingérence dans leurs affaires intérieures. Il faut aussi se demander dans quelle mesure l’action du Conseil de sécurité pourrait faire, dans le respect6 du droit international, compte tenu de la célérité qu’il doit assumer son action pour mettre un terme à un conflit.

Au chapitre des solutions à envisager, il faudrait tout d'abord renforcer la législation existante en matière de droit humanitaire et de droit des réfugiés, et ce, en adoptant de nouveaux protocoles et des amendements aux Conventions de Genève. Il faudrait également s'engager dans un processus de d’élaboration de nouveaux instruments et de nouvelles Conventions de Genève. Cette deuxième alternative est la plus difficile mais aussi la plus encourageante. Pour ce qui est du rôle du Conseil de sécurité, le représentant a estimé qu'il est temps de faire jouer au Conseil un rôle central en matière de respect du droit humanitaire international.

M. LEE SEN-YOUNG (République de Corée) a regretté que les parties aux conflits armés prennent de plus en plus fréquemment pour cible des populations civiles innocentes. Il s’agit d’un phénomène d’autant plus consternant que nous avons célébré, au mois d’août, le cinquantième anniversaire de l’entrée en vigueur des Conventions de Genève, a-t-il souligné.

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Le représentant a espéré que l’adoption par le Conseil de sécurité du projet de résolution concernant la protection des civils dans les conflits armés représentera un progrès dans la lutte contre la «culture d’impunité» et favorisera l’établissement d’un «climat de respect des règles».

Il a appelé à une ratification rapide de la Convention de 1994 sur la sécurité du personnel des Nations Unies et des organismes associés. En ce qui concerne les sanctions et les embargos concernant les armes, le représentant a estimé qu’ils devraient être imposés chaque fois que des populations civiles sont prises pour cibles. Les opérations de déminage des mines terrestres antipersonnel requièrent une action globale, a-t-il dit. Le représentant a souligné l’importance de maintenir le caractère civil et humanitaire des camps de réfugiés. Des observateurs militaires internationaux devraient être déployés dans les zones de conflit et les camps placés à l’écart des zones de conflit, a-t-il ajouté.

M. VOLODYMYR YEL'CHENKO (Ukraine) a estimé que c'est avec raison que le rapport du Secrétaire général place l'accent sur la nécessité croissante, ressentie au sein de la communauté internationale, de mettre effectivement en application les normes du droit humanitaire international. Pour l'Ukraine, la promotion de la règle du droit constitue un élément clef en ce qui concerne la protection des civils dans les conflits armés. C'est pourquoi, elle appuie les recommandations du Secrétaire général. Le représentant a rappelé que cette année a vu l'entrée en vigueur, le 15 janvier dernier, de la Convention sur la sécurité du personnel de l'ONU et du personnel associé, dont son pays est fier d'être l'une des 25 parties. Il a déclaré que cet instrument a amorcé une nouvelle étape dans la conduite des opérations de maintien de la paix de l'ONU et présente de plus l'avantage de fournir au Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale un mécanisme encourageant tous les Etats, membres ou non de l'Organisation, à respecter le statut du personnel de l'ONU ainsi que des organisations humanitaires internationales. L'Ukraine estime que la proposition du Secrétaire général visant à étendre, dans le cadre d'un protocole à la Convention de 1994, le champ juridique de protection à tout le personnel des Nations Unies et au personnel associé mérite de plus amples discussions, si possible dans l'enceinte de l'Assemblée générale.

M. Yel'Chenko a indiqué qu'il avait pris bonne note des remarques du Secrétaire général sur les effets humanitaires des sanctions, et tout particulièrement sur les sanctions ciblées. Selon lui, le Conseil devrait envisager les moyens pratiques d'éviter ou du moins de minimiser les effets négatifs des sanctions sur la population civile, ainsi que sur les pays tiers. Cet examen devrait avoir lieu avant même la prise de sanctions, a ajouté le représentant, et si cela n'a pas été possible des exemptions devraient être envisagées. Faisant observer qu'il existe un manque de mécanismes efficaces permettant d'assurer l'application des principaux instruments du droit international, il a également reconnu que le moyen le plus efficace de prévenir les souffrances de la population civile est tout simplement d'éliminer ou d'empêcher l'émergence des conflits. A cet égard, il a réaffirmé que le rôle du Conseil de sécurité est de guider et de coordonner les efforts internationaux.

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C'est pourquoi, le Conseil devrait faire écho à nombre des idées et propositions concrètes contenues dans le rapport du Secrétaire général par une réponse appropriée. L'Ukraine espère que les dispositions de la résolution à adopter ne resteront pas lettre morte et seront effectivement mises en œuvre.

M. AHMED ABOUL GHEIT (Egypte) a déclaré que la question qu’aborde le rapport du Secrétaire général est l'une des plus importantes actuellement. Nous approuvons la disposition visant à réagir face aux situations où les civils sont pris pour cibles et où le travail de l'assistance humanitaire est empêché, a assuré le représentant. La protection de l'être humain, de son droit de vivre en paix et en sécurité est l'objectif à poursuivre, et c'est l'Etat qui est chargé de la protection de ses citoyens. Il ne faut toutefois pas s'attacher à un seul critère. Le droit des sociétés à protéger leur avenir doit être respecté, et les actions internationales ne doivent pas causer des dommages à l'entité chargée de la protection des citoyens, à savoir l'Etat. Les transgresseurs du droit doivent être poursuivis en justice, conformément aux règlements internationaux.

Evoquant la question du mandat du Conseil, à la lumière de la Charte des Nations Unies, le représentant a rappelé que, selon l'article 24 de la Charte, le Conseil a pour responsabilité le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il peut également agir dans le cadre de l'article 7 s'il estime que la paix est menacée. L'Assemblée générale a, quant à elle, un rôle législatif, et est chargée du suivi et de l'évaluation de la situation internationale. Il a émis le souhait de voir le Conseil traiter du sujet en respectant les équilibres délicats entre les différents organes des Nations Unies et les organismes gouvernementaux ou non. Evoquant la philosophie sous- tendant le rapport du Secrétaire général, le représentant a rappelé que le droit international place les Etats sur un même pied d'égalité. Or, a-t-il fait remarquer, le rapport confère au Conseil de sécurité une place qui le met au-dessus des Etats membres, et va jusqu'à mettre certaines prérogatives de l'Organisation entre les mains du Conseil de sécurité. Cela mérite d'être examiné très attentivement, afin d'évaluer la compatibilité de la mise en œuvre du droit humanitaire avec la mise en œuvre des dispositions de la Charte. Il ne faut pas oublier non plus qu'il est important de consulter les Etats en vue d'aboutir à un accord avec eux. La modification des dispositions de la Charte doit se faire par les voies légales, a observé le représentant, ajoutant que dans son ensemble, le rapport consacre l'idée d'intervention humanitaire, qui ne trouve écho ni dans le droit ni dans les accords et résolutions des organisations internationales.

M. PETER TOMKA (Slovaquie) a fait observer que les souffrances qu’endurent les populations civiles lors des conflits armés ont toujours représenté, pour la communauté internationale, un grave sujet de préoccupation. Toutefois, a-t-il ajouté, cette situation est rendue aujourd’hui plus compliquée, du fait de la nature des conflits actuels qui se déroulent souvent au sein d’un même Etat, se fondent sur des clivages ethniques et sont, dans la plupart des cas, marqués par la disparition des institutions étatiques et de l’ordre. De plus, ces conflits sont généralement menés non par des armées régulières mais par des groupes armés qui ignorent le droit international et utilisent les civils et les travailleurs humanitaires comme des instruments dans leur stratégie de combat.

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M. Tomka a estimé que face à de telles violations le problème a souvent été l’incapacité des Etats de juger et de punir ces crimes. Or, l’existence d’instruments juridiques de textes légaux et de traités internationaux, tels que la Convention de Genève, ne peut être utile que s’il existe des moyens efficaces, permettant de les faire respecter. Malheureusement les principaux traités internationaux n’ont pas encore été ratifiés par tous les Etats. Le représentant a donc convié le Conseil sécurité à inciter les Etats membres à ratifier les traités internationaux, de même qu’à forcer les acteurs «non- étatiques» à respecter les normes internationales, et cela, en vertu du principe de responsabilité pénale individuelle. Selon le représentant, le Conseil de Sécurité devrait plus souvent chercher à prévenir ces conflits, en se fondant sur les rapports de différents organismes gouvernementaux et non- gouvernementaux. Enfin, il a suggéré que le personnel participant aux opérations de maintien de la paix reçoive une formation particulière, adaptée à sa future mission et qu’un plus grand nombre de femmes y figure.

M. JOSEPH W. MUTABOBA (Rwanda) a fait remarquer que, dans son pays, des civils ont été les victimes innocentes de conflits armés depuis les années 60 et encore récemment. Ils ont été pris pour cible par des politiciens, leurs soldats et leurs milices, en raison de leur origine ethnique ou de leur lieu de naissance, et même utilisés comme boucliers humains durant la guerre de libération entre 1990 et 1994. Quand nos troupes ont mis fin au génocide en juillet 1994, a poursuivi le représentant, les auteurs des crimes se sont enfuis au Zaïre et en Tanzanie. Les efforts déployés pour parvenir à une réconciliation et fournir une protection aux réfugiés et aux personnes déplacées ont mis en exergue la nécessité d'agir avec neutralité tout en respectant l'opinion locale et de mettre en place des politiques capables de faire face à des défis sans précédents. L'expérience du Rwanda a démontré qu'avec une véritable volonté politique, il est possible de faire la distinction entre les combattants et ceux qui méritent vraiment le statut de réfugié, a estimé le représentant. Nous ne pouvons pas laisser des civils innocents livrés à eux-mêmes, en l'absence de mesures politiques claires et volontaristes, a-t-il ajouté. Le problème des réfugiés dans la région des Grands Lacs et la crise actuelle en République démocratique du Congo sont dus à une mauvaise gouvernance, à l'immobilisme et à l'absence de lutte contre la culture de l'impunité. La paix reste très fragile et il faut s'assurer que nous ne revivrons pas le passé, a conclu le représentant.

M. KAMALESH SHARMA (Inde) s'est félicité que le rapport du Secrétaire général sur la protection des civils dans les conflits armés reprenne certains des différents points de vue exprimés par les uns et les autres à de précédentes occasions. Reprenant point par point les propositions du Secrétaire général, il en a fait une analyse critique et a appelé à une réflexion plus approfondie sur certaines. Il a ainsi, entre autres, regretté que le rapport ait passé sous silence la distinction entre les instruments relatifs aux droits de l'homme et les dispositions du droit humanitaire, qui, a-t-il insisté, trouvent leur application dans des contextes très différents.

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Il a déclaré que la première recommandation du Secrétaire général, qui suggère au Conseil d'appeler les Etats Membres à ratifier les principaux instruments du droit international, ne revient en fait nullement au Conseil mais est du ressort de l'Assemblée générale. Il a estimé que la question de la protection du personnel des Nations Unies et du personnel associé relève également de l'Assemblée et non du Conseil.

M. Sharma a, en outre, relevé un certain manque de précision dans les propositions du Secrétaire général, notamment pour ce qui est des mesures à prendre concernant les violations commises par des parties non étatiques. "La recommandation du Secrétaire général laisse tout simplement sans réponse la manière dont le Conseil se propose d'imposer ses vues aux acteurs non étatiques", a-t-il observé.

M. Sharma a fait part de sa préoccupation quant au fait que plusieurs recommandations, notamment la numéro 3, étendent les compétences du Conseil de sécurité bien au-delà de celles inscrites au Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Il s'est dit notamment inquiet de constater que le rapport recommande au Conseil de recourir à des actions coercitives pour faire respecter les ordres et les requêtes des tribunaux. Le représentant a également fait part de son scepticisme quant à la capacité des groupes de travail du Conseil d'améliorer la compréhension des problèmes et surtout de prévenir l'éruption des conflits, étant donné «le manque de volonté politique d'agir qui règne au sein du Conseil». S'agissant du «droit d'ingérence humanitaire», évoqué dans la recommandation 18, M. Sharma a rappelé une récente résolution de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme, qui souligne que le devoir et le droit d'intervention humanitaire n'ont aucun fondement juridique en droit international. De manière générale, il a indiqué que le Conseil de sécurité est certes habilité à mandater des opérations de maintien de la paix, mais n'a pas, selon la Charte, la responsabilité de renforcer les capacités de l'Organisation, en aucun domaine. Le représentant a expliqué qu'aussi longtemps que le concept de guerre totale sera intégré dans les stratégies des Etats les plus puissants sur le plan militaire, les civils continueront de faire l'objet de menaces dans les conflits armés. Aussi, a-t-il demandé que ce problème fondamental soit abordé. Il a réaffirmé en conclusion que les recommandations du Secrétaire général nécessitent une plus ample réflexion, qui doit être faite dans plusieurs instances, en particulier le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale.

TEBELELO A. BOANG (Bostwana) a observé qu’en dépit des interdictions posées par de nombreux instruments internationaux, les civils, particulièrement les femmes et les enfants, constituent des cibles privilégiées dans les conflits armés. Partant, il a appelé de ses vœux à un réexamen de la question en vue de renforcer l’efficacité des moyens et des institutions permettant de punir les auteurs de telles atrocités. Dans ce contexte, et souhaitant que des leçons soient tirées des expériences du Rwanda et du Timor oriental, le représentant a souligné l’utilité de la diplomatie préventive.

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Le recours, en temps opportun aux bons offices du Secrétaire général et à la coopération des organisations régionales concernées devrait être pleinement envisagé. Tout en reconnaissant l’absence d’une définition générale de la diplomatie préventive, le représentant a réitéré qu’aucun effort ne devrait être épargné pour déployer des opérations de maintien de la paix, ou pour favoriser la médiation et la négociation lorsque la situation l’exige.

Le représentant a invité le Conseil de sécurité, dans les cas où les conflits sont amorcés, à prendre l’habitude d’informer systématiquement les parties de leurs obligations envers les civils concernés, ainsi que des conséquences des manquements à ces obligations. Il importe, a-t-il ajouté, que le Conseil de sécurité fasse bon usage de ses menaces. Ainsi, il ne devrait pas hésiter à imposer un embargo sur les armes dès lors que les parties au conflit prennent pour cible des civils de façon délibérée.

M. DORE GOLD (Israël) a rappelé que son pays a un intérêt évident et historique, en tant que nation ayant perdu un tiers de ses membres lors d'un génocide, dans le respect des instruments juridiques internationaux et notamment les Conventions de Genève. Israël est par conséquent tout à fait disposé à promouvoir leur respect. Le représentant a relevé le paradoxe de constater qu’alors que les Conventions font l'unanimité au sein de la communauté internationale elles sont rarement observées dans la pratique. Et pourtant le respect des clauses de ces Conventions est possible si les mesures envisagées reflétaient des réalités historiques et non des faits déformés, a-t-il estimé. Dans le cas d'Israël, la communauté internationale considère la situation au Moyen-Orient comme une guerre de légitime défense, ne tenant compte que de la guerre des 6 jours et non de tous les conflits qui sont intervenus depuis 1949. Or, en signant l'Accord d'Oslo en septembre 1993, Israël a administré la preuve qu'il n'entend dominer aucun peuple. Aujourd'hui, 80% de la population palestinienne de Cisjordanie n'est plus sous l'autorité israélienne mais sous celle de l'Autorité palestinienne autonome. Israël a aujourd'hui l'espoir de mener à bonne fin les négociations sur le statut final. Le problème cependant reste qu’en dépit des engagements de l'OLP, la population civile israélienne demeure victime d'attentats. Dans ce cas, les civils ne sont pas des victimes accidentelles, mais des cibles délibérées. C'est pourquoi il faut impérativement que l'OLP démantèle les installations terroristes, comme elle s'y est engagée. Le moyen le plus direct pour protéger les civils dans les conflits armés est de combattre toutes les formes de terrorismes et de n'autoriser aucune excuse que ce soit. «Il s'agit là de valeurs essentielles pour les Nations Unies qui demandent une intervention déterminée et le recours aux instruments internationaux dans une approche équilibrée». M. Gold a expliqué qu'il fallait en effet faire en sorte que le siècle prochain marque un tournant par rapport aux atrocités qui ont sévi tout au long du XXème siècle.

M. INAM-UL-HAQUE (Pakistan) a déclaré qu’il est extrêmement préoccupant que 80% du nombre total des victimes occasionnées par les conflits armés soient des civils. Ceci en dépit de l’existence de nombreux instruments de droit international destinés à les protéger. Il est par conséquent de la responsabilité de la communauté internationale d’assurer une adhésion effective à ces textes.

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Tout en reconnaissant l’urgente nécessité de se saisir de la question de la protection des civils dans les conflits armés, le représentant a néanmoins convié le Conseil de sécurité à traiter également des causes mêmes des conflits.

Reprenant certaines des recommandations contenues dans le rapport du Secrétaire général, le représentant a insisté sur l’intérêt qu’il y aurait, en vue d’assurer la protection des civils, de déployer des opérations de maintien de la paix et d’imposer de véritables embargos sur les armes. Il a donné au Conseil des assurances que ces recommandations feraient l’objet d’un examen attentif de la part de son Gouvernement.

Le représentant a suggéré que le rapport du Secrétaire général ne se limite pas au rôle du Conseil de sécurité mais définisse, de manière plus générale, le rôle qui pourrait être joué par l’ensemble des organes et institutions concernées par la protection des civils. Il a également insisté sur l’utilité d’ouvrir le débat à l’intégralité des membres des Nations Unies et à cet égard, il a suggéré au Conseil de demander à l’Assemblée générale l’organisation d’un échange des vues de l’ensemble des Etats membres.

Mme SYLVIE JUNOD (Comité international de la Croix-Rouge, CICR) s’est félicitée de l’initiative du Conseil d’engager un débat ouvert sur le sujet important que représente la protection des populations civiles touchées par les conflits armés, cependant elle s’est déclarée déçue devant le fait que ce débat essentiel ait lieu au moment même où force est de déplorer l’impuissance de la communauté internationale à assurer la protection des civils dans diverses parties du monde. La représentante du CICR a cité à cet égard deux situations où le CICR est présent depuis quelques 25 ans : l’Angola et le Timor oriental, en espérant que, dans ce dernier cas, le déploiement imminent d’une force internationale permettra de limiter les terribles souffrances infligées à la population. Pour éviter de telles situations, le CICR préconise que les acteurs politiques et humanitaires unissent leurs forces et leurs efforts. Elle a noté avec satisfaction que les recommandations du Secrétaire général visant notamment à accorder une attention accrue à la prévention des conflits semblent aller dans ce sens. Le CICR se félicite en particulier de constater que, lorsqu’il décide des interventions fondées sur le Chapitre VII de la Charte, le Conseil ne se limite plus à des considérations d’ordre politique ou militaire et tient désormais compte des conséquences humanitaires des conflits armés sur les civils. Le CICR avait déjà mis l’accent sur la menace que représente la disponibilité incontrôlée des armes et rappelle à ce titre l’étude qu’elle avait réalisée en 1995 sur «La disponibilité des armes et la situation des civils dans les conflits armés». Bien que l’on continue de constater des atteintes aux normes de conduite minimales du droit international humanitaire, le CICR note néanmoins une note d’espoir : en effet, les résultats de la consultation «Les voix de la guerre», récemment conduite à travers le monde par le CICR démontrent que les normes consacrées par le droit humanitaire sont toujours extrêmement pertinentes.

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Rappelant que la mission du CICR qui est de protéger les civils dans les conflits armés en intervenant directement auprès de toutes les parties, y compris les acteurs non étatiques, quelle que soit la cause qu’ils affirment défendre, la Représentante a demandé que les organisations humanitaires ne soient pas critiquées, comme c’est parfois le cas, d’entretenir avec des groupes armés d’opposition une indispensable relation de travail. Elles devraient bien plutôt, a affirmé la Représentante, être encouragées à maintenir un dialogue avec tous ceux qui ont une influence sur le sort des victimes qu’elles cherchent à atteindre. Concernant la protection juridique des civils, le CICR réaffirme que ses Services consultatifs en droit international humanitaire restent à la disposition des États pour les aider à adopter, à l’échelon national, des mesures concrètes en vue de mettre en œuvre ce droit. Enfin, le CICR rappelle qu’en sa qualité de «gardien du droit humanitaire», il est en train de finaliser une étude à l’échelle universelle à paraître l’an prochain qui vise à déterminer le contenu des règles coutumières et à définir plus clairement les obligations de toutes les parties à un conflit armé. La représentante a rappelé que la protection des civils dans les conflits armés sera au cœur du débat qui se tiendra à Genève au début du mois de novembre à l’occasion de la XXVIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge.

M. SAEED HASAN (Iraq) a souhaité que le Conseil de sécurité tienne davantage compte des avis des Etats non membres car c’est en leur nom à tous que le Conseil devrait prendre ses décisions. Le représentant a également estimé que le Conseil doit prévenir les conflits en faisant de l'ONU un centre de diplomatie préventive. Il a fait observer que l’environnement économique déséquilibré qui prévaut est l’une des sources de nombreux conflits et l'on constate que les hommes politiques sont plus enclins à céder au conflit en période de récession qu'en période de croissance. Le représentant a par conséquent préconisé l’adoption de moyens supplémentaires en vue du développement économique. Il a lancé un appel particulier en ce sens aux pays du Nord. Des erreurs, des mauvais calculs et un abus du mandat du Conseil de sécurité peuvent entraîner des catastrophes, a-t-il ajouté, citant en exemple le Rwanda où un génocide s'est produit en 1994 sans que le Conseil n’intervienne. Un autre génocide se poursuit à l'heure actuelle en Iraq, à qui des sanctions économiques ont été imposées. Un million et demi de civils iraquiens subissent ces sanctions, en particulier les femmes et les enfants. Manifestement, le Secrétaire général a voulu tenir compte des souffrances du peuple iraquien en rédigeant son rapport, même s'il ne le dit pas de façon explicite.

La Charte de l'ONU ne prévoit pas de rendre le Conseil responsable devant ses Etats membres pour ce qui est de la pertinence de ses décisions et de ses résolutions a remarqué le représentant. Or, le Conseil ne doit pas faire la politique de deux poids deux mesures, au risque de perdre sa crédibilité et de ne plus pouvoir jouer son rôle dans des conflits armés. Les Palestiniens et les Iraquiens subissent des injustices sans que pour autant le Conseil agisse pour leur venir en aide. Recourir sans cesse et de façon systématique à des mesures coercitives est une preuve d'impuissance et non le contraire, a conclu le représentant.

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M. Peter Van Walsum (Pays-Bas) a accueilli avec satisfaction le rapport du Secrétaire général et a souligné que son élaboration dans un délai d’à peine quelques mois relève d’un véritable tour de force. Il a souhaité que le Conseil de sécurité élabore des mesures d’action concrètes sur la base des recommandations formulées - la règle devant être que les civils ne devraient jamais être pris pour cibles dans les situations de conflit armé. Après avoir observé que la réalité ne cesse cependant de s’éloigner de cette règle, le représentant a noté que les civils sont en effet souvent les premières victimes dans les conflits internes, leur accès à l’aide alimentaire et aux soins médicaux est délibérément bloqué rendant plus indécise la distinction entre militaires et civils. Le représentant a cependant estimé que le Conseil peut contribuer à renverser la situation. Pour ce faire il lui faudrait faire un meilleur usage des instruments internationaux en vigueur sur le droit humanitaire international. Il conviendrait également que la Commission internationale d’enquête sur les violations du droit humanitaire international puisse mener ses enquêtes sans entrave. Enfin, les Pays-Bas proposent de transmettre le rapport du Secrétaire général à la Conférence de la Croix Rouge qui se tiendra à Genève au début du mois de novembre. Les Pays-Bas préconisent une approche cohérente et intégrée de la prévention et de la résolution des conflits qui tienne compte et dans leur intégralité les aspects diplomatiques, politiques, militaires, économiques et militaires, a conclu M. Van Walsum.

M. SERGIO VIEIRA DE MELLO, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d'urgence des Nations Unies, a estimé que la réception bienveillante que les Etats Membres viennent de réserver au rapport du Secrétaire général témoigne que la protection des civils relèvent effectivement du cœur même du mandat du Conseil de sécurité. M. de Mello s'est particulièrement réjoui du large soutien des délégations à la question de la culture d'impunité, et la responsabilisation pénale des coupables de violations du droit humanitaire international et des droits de l'homme. A cet égard, il a noté l'importance accordée par plusieurs intervenants au Cour pénale internationale, qui doit prendre le relais lorsque les «mécanismes»" nationaux sont incapables d’agir. Le Secrétaire général adjoint a rappelé que l'efficacité de la Cour pénale internationale dépend de l'appui que les Etats Membres lui fourniront. Il a mentionné la proposition formulée par un intervenant de voir le Conseil de sécurité examiner la question des Etats qui ne coopèrent pas avec les tribunaux internationaux. M. de Mello s'est félicité du soutien manifesté à la promotion du respect du droit international par les acteurs non-étatiques, des mesures coercitives, de l'élargissement du mandat des opérations de maintien de la paix, des mesures de prévention, du contrôle des flux d'armes légères et de petit calibre, de la Convention sur la protection du personnel des Nations Unies et du personnel associé, et l'examen de l'imposition de sanctions, ciblées notamment; initiatives préconisées dans le rapport du Secrétaire général.

Le sort des civils ne peut plus être ignoré à cause d'autres intérêts et les initiatives du Conseil en ce sens sont encourageantes. La meilleure façon de protéger les civils est de prévenir les conflits et à cet égard le développement et la lutte contre la pauvreté sont essentiels pour parvenir à la paix et à la stabilité durable dans les zones de conflits.

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En réponse aux préoccupations qui ont été soulevées par deux représentants au cours du débat, et notamment celle tenant aux prérogatives du Conseil, le Secrétaire général adjoint a indiqué que la Charte des Nations Unies n'est pas un instrument statique, ni sclérosé. D'ailleurs c'est le Conseil de sécurité qui a lui-même demandé au Secrétaire général de faire des propositions concrètes, a-t-il rappelé. "C'est ce qui a été fait dans un souci d'équilibre et l'on ne peut donc pas accuser le Secrétaire général d'avoir aussi pleinement répondu à sa demande".Ainsi que l'a reconnu un représentant, le Secrétaire général a maintenant effectué sa part de travail, il appartient désormais au Conseil de faire le sien, a conclu le Secrétaire général adjoint.

RECTIFICATIF

Dans notre communiqué de Presse CS/1093 du 16 septembre 1999, la déclaration de M. Charles Essonghé doit se lire comme suit :

M. CHARLES ESSONGHÉ (Gabon) a rappelé les appels antérieurs de sa délégation en direction des Etats Membres des Nations Unies en vue de signer et de ratifier les principaux instruments du droit humanitaire, du droit des réfugiés et de tous autres droits relatifs aux droits de l’homme. Dans ce domaine, il importe, a-t-il déclaré, que la coopération de tous soit de rigueur, notamment en ce qui concerne le refus d’héberger les responsables des violations de droit de l’homme et de les livrer aux instances juridictionnelles internationales établies. Se référant aux recommandations 12 à 15, le Représentant a approuvé les mesures visant à prévenir les conflits de façon efficace. Il importe à son avis d’établir des systèmes ou mécanismes d’alerte rapide car prévenir les conflits éviterait d’exposer les populations à des souffrances inutiles et aiderait à épargner d’importantes ressources pouvant être destinées au développement. Le Gabon approuve, également dans le cadre des recommandations 18 et 19, la négociation de couloirs humanitaires avec les parties en conflit afin de permettre l’accès à l’assistance humanitaire. M. Essonghé s'est félicité de l’existence des comités des sanctions du Conseil de sécurité (recommandations 22 à 25) et a indiqué à cet égard le soutien de son pays à l’initiative du Président du Comité des sanctions en ce qui concerne la situation en Angola, afin d’enquêter sur les violations des sanctions imposées à UNITA. Enfin, le Gabon approuve les embargos sur les armes et rappelle que les opérations de maintien de la paix devraient avoir une portée multidisciplinaire pour inclure les activités de la police civile, l’aide humanitaire, le désarmement, la lutte contre les mouvements illicites d’armes légères et de petit calibre et, bien entendu, les droits de l’homme. Afin d’adopter cette approche globale du maintien de la paix, le représentant du Gabon a estimé qu’il convient au préalable de définir de façon claire et sans ambiguïté les tâches assignées dans le mandat de toute opération de maintien de la paix.

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À l’intention des organes d’information. Document non officiel.