9621e séance – après-midi     
CS/15688

La stabilité de la Bosnie-Herzégovine en question au Conseil de sécurité

Un projet de résolution de l’Assemblée générale sur Srebrenica a mobilisé l’attention de plusieurs délégations venues participer, cet après-midi, à une réunion du Conseil de sécurité sur la Bosnie-Herzégovine convoquée à la demande de la Fédération de Russie.  Selon elle, le pays serait en proie à l’instabilité, une idée réfutée par une majorité d’intervenants.  La récente ouverture des négociations pour l’accession de la Bosnie-Herzégovine à l’Union européenne et les visées de la Republika Srpska ont également été au cœur des discussions.

Les modalités de la réunion d’aujourd’hui sont très irrégulières, a d’emblée déclaré la représentante de la France.  « La Russie convoque aujourd’hui une réunion en urgence et nous dépeint une Bosnie-Herzégovine au bord de l’effondrement. »  La déléguée a déclaré que la France ne partage pas cette appréciation dramatique de la situation, même si l’attitude des dirigeants de la Republika Srpska suscite son inquiétude. 

Même son de cloche du côté de la Suisse, de la Slovénie et de la République de Corée, qui a noté que le Conseil doit se réunir dans deux semaines pour débattre de la situation en Bosnie-Herzégovine.  « Le Conseil ne doit pas servir de support pour un récit alternatif biaisé de nature à saper l’Accord de paix de Dayton », a appuyé le délégué de la Slovénie, en indiquant que la situation dans le pays est sûre. 

Une position aux antipodes de celle de la Fédération de Russie qui a rappelé que Mme Željka Cvijanović, deuxième membre serbe de la présidence de Bosnie-Herzégovine, a adressé une lettre aux membres du Conseil leur demandant de convoquer une réunion d’urgence en raison des événements qui pourraient compromettre la stabilité du pays.  Tout en reconnaissant que cette lettre était inhabituelle, Mme Cvijanović n’étant plus Cheffe de l’État, le représentant de la Russie a appelé à ne pas rester sourd à cet appel à l’aide de la population serbe. 

Intervenant à titre personnel, Mme Cvijanović a dénoncé les ingérences étrangères, accusant le Haut-Représentant pour la Bosnie-Herzégovine d’avoir modifié la structure constitutionnelle du pays établie en vertu de l’Accord de paix de Dayton et de s’être immiscé dans les processus démocratiques internes. M. Christian Schmidt, a-t-elle poursuivi, se présente comme un gouverneur colonial et un despote qui détruit les processus démocratiques. 

« La lettre de Mme Željka Cvijanović n’est pas fidèle aux faits », a répondu le Haut-Représentant qui a rappelé que la Republika Srpska fait partie intégrante de la Bosnie-Herzégovine.  La séparation d’avec la Bosnie-Herzégovine serait une sécession, a-t-il tranché.  Le Sous-Secrétaire général de l’ONU pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, M. Miroslav Jenča, s’est également inquiété des menaces sécessionnistes et de la propagation des discours de haine, tandis que les États-Unis ont indiqué que des sanctions seront prises contre tous ceux qui agissent contrairement à l’Accord de paix de Dayton. 

La circulation d’un projet de résolution de l’Assemblée générale visant à consacrer une journée du souvenir de Srebrenica a plus particulièrement retenu l’attention de la Fédération de Russie selon qui ce « texte partial » ne viserait en rien à commémorer les victimes mais à entériner une version des événements correspondant aux intérêts de ses auteurs. Ce document ne contribuera en rien à promouvoir la réconciliation, a averti la délégation, un point de vue partagé par l’Envoyé spécial du Président de la République de Serbie qui a alerté que les tensions ethniques sont de nouveau vives dans le pays en raison de la résolution proposée et de l’absence d’un processus de rédaction transparent et inclusif.  Selon lui, le texte aurait été préparé en secret, sans consulter l’entité serbe au sein de la Bosnie-Herzégovine et sans obtenir le consentement légalement requis de la présidence tripartite de la Bosnie-Herzégovine.  M. Marko Durić a également pointé les propos du Ministre des affaires étrangères de la Bosnie-Herzégovine, M. Elemedin Konaković, qui aurait indiqué que son « régime ethnonationaliste » avait l’intention de rouvrir les procédures judiciaires contre Belgrade. 

« Le seul objectif de cette réunion est de faire pression sur les coauteurs du projet de résolution pour qu’ils retirent le texte », a rétorqué le représentant de la Bosnie-Herzégovine qui a souligné que le génocide de Srebrenica est un « fait historique et judiciaire » confirmé par la Cour internationale de Justice (CIJ) et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).  Opposé à toute culture du déni, il a souligné en outre que le projet ne constitue pas une menace pour le peuple serbe.  « Protéger la vérité contre les négationnistes et rendre justice aux victimes du génocide de Srebrenica est notre meilleur atout pour empêcher que des génocides ne se reproduisent », a-t-il affirmé. 

L’avenir européen de la Bosnie-Herzégovine a, en tout état de cause, été loué par la grande majorité des intervenants, à l’instar de la Croatie selon qui les progrès dans ce processus d’intégration démontrent clairement comment le pays avance quand il peut compter sur la bonne volonté politique et la coopération.  « Le projet européen est une chance unique pour le continent de mettre fin à ses divisions », a résumé M. Jenča.  Le Haut-Représentant a cependant averti que l’intégration européenne ne pourra aboutir si les termes de l’Accord de paix de Dayton, « fondement d’un avenir pacifique », sont foulés au pied.

LA SITUATION EN BOSNIE-HERZÉGOVINE

Déclarations

M. MIROSLAV JENČA, Sous-Secrétaire général de l’ONU pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, a fait part de développements tout à la fois positifs et préoccupants pour le pays.  Il a salué la décision du Conseil européen d’ouvrir les négociations d’adhésion avec la Bosnie-Herzégovine.  Il a fait savoir qu’un consensus existe parmi les acteurs bosniens que l’intégration européenne est le meilleur chemin vers la stabilité et la prospérité.  Le projet européen, a-t-il ajouté, est une chance unique pour le continent de mettre fin à ses divisions.  Il s’est en revanche inquiété des menaces sécessionnistes, de la propagation des discours de haine et de la glorification de criminels de guerre, évoquant les préoccupations de la Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la prévention du génocide.  Il a estimé qu’une paix durable passe par une bonne compréhension du passé par le biais de l’établissement de la vérité et des responsabilités.  La justice internationale a indiqué que des actes de génocide ont été commis contre des musulmans de Bosnie-Herzégovine à Srebrenica en juillet 1995, a-t-il notamment rappelé.  Il a noté la responsabilité qui incombe aux autorités et responsables, à tous les niveaux, d’accompagner la société dans son rapport au passé.  Enfin, il a rappelé que l’ONU n’est pas signataire de l’Accord de paix de Dayton.  « L’ONU s’engage à appuyer le pays dans la voie de la réconciliation, du maintien de la paix et du développement durable. » 

Mme ŽELJKA CVIJANOVIĆ, intervenant en sa capacité personnelle, a souligné que la Republika Srpska ne viole ni l’Accord de paix de Dayton, ni le droit international, ni l’état de droit.  Elle a dénoncé le projet de résolution soumis à l’Assemblée générale visant à proclamer une « Journée du souvenir de Srebrenica », sans consultation ni approbation de l’entité serbe de Bosnie-Herzégovine qui ne porte en aucun cas atteinte à la démocratie et qui est résolument engagée en faveur de la paix, de la stabilité et du dialogue sur des solutions équilibrées et constitutionnelles pour tous les Bosniens.

Pour Mme Cvijanović, ce sont les interventions étrangères, les ingérences dans les affaires intérieures et les processus démocratiques, les menaces de recourir à la force ou à la violence, le mépris de l’état de droit et les violations du droit international ainsi que les implications dans les élections et la privation du droit de vote de certains électeurs qui menacent la Constitution et empêchent la réconciliation entre les peuples.  Elle a accusé les Bosniaques, soutenus par des acteurs étrangers, de vouloir un État unitaire et centralisé. 

Le Haut-Représentant, a-t-elle accusé, a modifié la structure constitutionnelle de la Bosnie-Herzégovine établie en vertu de l’Accord de paix de Dayton. Elle a accusé ce dernier de s’être immiscé dans les processus démocratiques internes. M. Christian Schmidt, a-t-elle poursuivi, se présente comme un gouverneur colonial et un despote qui détruit les processus démocratiques.  Il a sapé les progrès sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne.  La représentante a en outre dénoncé les menaces des ambassadeurs occidentaux à Sarajevo qui cherchent à faire peur aux Serbes et celles des responsables bosniaques qui disent ouvertement qu’ils vont recourir à la violence voire déclencher la guerre.  Or, ces déclarations ne sont jamais condamnées par M. Schmidt ou par les ambassadeurs étrangers. 

L’intervenante a aussi attiré l’attention sur le danger lié aux groupes terroristes islamiques radicaux en Bosnie-Herzégovine.  Le pays compte désormais le plus grand nombre de citoyens partis faire le djihad en Syrie et en Iraq.  Elle a conclu en dénonçant les sanctions unilatérales des États-Unis et du Royaume-Uni comme contraires à l’état de droit, à la paix et à la gouvernance démocratique. 

M. CHRISTIAN SCHMIDT, Haut-Représentant pour la Bosnie-Herzégovine, a estimé que la lettre de Mme Željka Cvijanović n’est pas fidèle aux faits et a dit ne pas vouloir répondre à ses propos insultants.  Il a rappelé que la Republika Srpska fait partie intégrante de la Bosnie-Herzégovine et a indiqué que toute séparation d’avec le pays serait une sécession.  Il a évoqué les tensions dues aux discours des représentants de certaines entités, « comme le Conseil a pu le constater en début de séance ».  Il s’est également inquiété des violences dans certains sites, avertissant que la Bosnie-Herzégovine peut plonger dans l’instabilité politique.  On peut l’éviter en respectant l’Accord de paix de Dayton et si le pays prend le chemin européen, a-t-il avancé. 

Le Haut-Représentant a par ailleurs dénoncé la glorification des criminels de guerre et les appels à la dissolution de la Bosnie-Herzégovine, ce qui crée un environnement délétère.  Aucun criminel de guerre ne devrait être candidat à un poste de responsabilité, a-t-il indiqué.  Il a averti que l’intégration européenne ne pourra aboutir si les termes de l’Accord de paix de Dayton sont foulés au pied.  La route que nous empruntons risque d’être longue et semée d’embuches, mais l’Accord de paix de Dayton est le fondement d’un avenir pacifique en Bosnie-Herzégovine, a-t-il déclaré.  Il a fait ses preuves et il faut y consacrer toute notre énergie et le préserver, a-t-il conclu. 

Le représentant de la Fédération de Russie a rappelé que Mme Željka Cvijanović, deuxième membre serbe du Présidium de Bosnie-Herzégovine, a adressé une lettre aux membres du Conseil de sécurité leur demandant de convoquer une réunion d’urgence en raison des événements qui pourraient compromettre le fonctionnement et la stabilité du pays.  Tout en reconnaissant que cette lettre était inhabituelle, Mme Cvijanović n’étant plus Chef de l’État, il a appelé à ne pas rester sourd à cet appel à l’aide de la population serbe.

Il a ensuite déclaré que les événements des derniers mois témoignent d’une violation systématique de l’accord de paix, et que la Bosnie-Herzégovine est privée de son statut d’état souverain et indépendant.  Il a jugé incompréhensible qu’un citoyen allemand « se faisant passer pour un haut représentant » ait le dernier mot sur ce qui se passe dans le pays en agissant au nom d’un petit groupe de pays étranger.  Ce dernier peut abroger ou rendre contraignante n’importe quelle loi et a réussi à diviser le pays comme jamais auparavant, s’est inquiété le représentant qui a regretté que les États-Unis et le Royaume-Uni aient exigé la présence de cet « autocrate » à la séance.  Le représentant a également fustigé la nomination arbitraire de juges étrangers à la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, rappelant que sa charte, modifiée en 2023, exigeait la participation au processus décisionnel d’au moins un juge de chacun des trois entités formant le pays.  Désormais, ses six juges ne comptent aucun serbe et un seul croate.  Imposer une telle tutelle externe sur un État souverain relève des pires pratiques coloniales, a-t-il dénoncé.

Le délégué russe a ensuite déploré la circulation d’un projet de résolution de l’Assemblée générale sur Srebrenica, notant que ce texte a été initié sans le consentement du Présidium de Bosnie-Herzégovine.  Il a rappelé qu’en vertu de la Constitution bosnienne, les questions de politique étrangère doivent être résolues par consensus des trois membres du Présidium.  Il est scandaleux et inacceptable que deux membres du Présidium, ainsi que le Ministre des affaires étrangères et le Représentant permanent auprès de l’ONU à New York, aient soudainement « oublié » la nécessité d’obtenir le consentement des trois peuples lorsqu’ils ont commencé à promouvoir cette initiative plus que provocatrice, a-t-il dénoncé, affirmant que près d’un tiers de la population de Bosnie-Herzégovine s’y oppose catégoriquement.  Le projet de résolution sur Srebrenica est un texte partial qui ne vise en rien à commémorer les victimes mais à entériner une version des événements historiques qui correspond aux intérêts de ses auteurs.  Ce document ne contribuera en rien à promouvoir la réconciliation, a-t-il averti, appelant à parvenir à un consensus sur l’histoire du pays.

La représentante du Japon a rappelé qu’en 1995, la Bosnie-Herzégovine est passée d’un conflit brutal à la paix.  À ses yeux, le maintien de la paix et de la stabilité est une condition sine qua non du développement et de la prospérité du pays, mais aussi des Balkans occidentaux et au-delà.  Le Japon, en tant que membre du Comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix, soutient fermement la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’unité nationale de la Bosnie-Herzégovine, indépendamment de l’appartenance ethnique, de la religion ou de l’affiliation politique, a-t-elle affirmé, avant de réitérer le soutien de son pays aux efforts d’édification de la nation et de réconciliation nationale.  À cette aune, la déléguée s’est déclarée préoccupée par l’évolution récente des tensions en Bosnie-Herzégovine, appelant à éviter toute mesure susceptible de saper l’Accord de paix de Dayton.  Saluant le rôle joué par le Haut-Représentant dans ce contexte, elle a exhorté toutes les parties à poursuivre le dialogue de manière pacifique et constructive.  Elle a enfin réaffirmé le soutien du Japon à l’adhésion des Balkans occidentaux à l’Union européenne, y voyant un facteur de stabilité pour la Bosnie-Herzégovine et la région dans son ensemble.

Le représentant de l’Équateur a relevé les divergences entre les composantes tripartites de la présidence de la Bosnie-Herzégovine, ainsi que les tensions qui mettent en péril la coexistence pacifique et multiethnique du pays. Il a recommandé à tous les dirigeants de s’engager de bonne foi dans un dialogue constructif, basé sur le respect mutuel, la coopération et la recherche de consensus.  Il a joint sa voix à celle de la communauté internationale pour demander que tous les acteurs concernés abordent les désaccords politiques de façon constructive, en évitant un langage risquant d’enflammer le débat sur des questions ethniques ou religieuses.  Le délégué a appelé à renforcer la mise en œuvre de l’Accord de Dayton et a demandé à toutes les parties d’éviter de prendre des mesures susceptibles d’affecter l’ordre constitutionnel, juridique et institutionnel établi par ledit accord.  Il les a aussi appelées à coopérer avec le Bureau du Haut-Représentant, avant d’assurer de ses efforts pour appuyer la stabilité, la paix et le développement durable de la Bosnie-Herzégovine et de la région.

Le représentant de l’Algérie a rappelé que l’Accord de paix de Dayton a posé les bases d’une Bosnie-Herzégovine démocratique où les Bosniaques, les Croates et les Serbes peuvent vivre côte à côte, en harmonie et sous la houlette d’institutions souveraines.  Depuis, le pays a entamé son long voyage sur le chemin de la stabilité et du développement, a-t-il noté en exprimant son attachement au respect de la souveraineté et de l’intégrité du territoire de la Bosnie-Herzégovine, en ligne avec la Charte des Nations Unies et le droit international.  L’Algérie a toujours encouragé les solutions nationales à des questions relatives à la souveraineté des pays, a-t-il rappelé. Il a recommandé le respect de l’Accord de paix de Dayton par toutes les parties et le respect de la gouvernance et des mécanismes existants pour les prises de décision, en invitant les parties et les électeurs à éviter les rivalités et à donner la priorité au dialogue, aux négociations.

La représentante de la Suisse a jugé important de s’abstenir de toute action ou menace sécessionniste.  Les défis à l’intégrité du pays doivent cesser immédiatement.  La sécurité, la stabilité et la prospérité de la Bosnie-Herzégovine ne peuvent être atteintes que si son intégrité territoriale est garantie, a tranché la déléguée qui a souligné que les accords de Dayton doivent être respectés dans leur intégralité.  Elle a appelé à la sauvegarde des droits de l’homme, qui englobe la liberté d’expression et des médias, ainsi que le droit de réunion, d’association, et la prévention des restrictions de l’espace civil. « Toute régression en matière de droits de l’homme, de démocratie et d’état de droit doit être inversé. » Enfin, elle a appelé à donner la priorité à la réduction des tensions et au dialogue.

Le représentant des États-Unis a indiqué que la Fédération de Russie utilise le Conseil de sécurité pour promouvoir la position de certaines parties et miner les possibilités de paix et d’harmonie en Bosnie-Herzégovine. Souhaitant au pays un avenir prospère, il a dénoncé les actes de certains responsables politiques comme contraires à cet objectif.  Srebrenica n’a pas seulement été une erreur.  C’était un génocide indéniable dont les tribunaux internationaux ont établi la véracité, a-t-il rappelé.  Ceux qui s’obstinent à prononcer des discours clivants le font pour servir leurs propres intérêts politiques.  Les États-Unis ont sanctionné M. Milorad Dodik, président de la Republika Srpska, a souligné le délégué, avertissant que des mesures similaires seront prises contre tous ceux qui agissent contrairement à l’Accord de paix de Dayton. Il a enfin salué le travail du Haut-Représentant dont le bureau joue un rôle charnière pour la mise en œuvre de cet accord qu’il a décrit comme le socle de la paix.

La représentante du Guyana a jugé impératif de poursuivre les efforts en vue de la pleine mise en œuvre de l’Accord de paix de Dayton, ce qui ne peut se faire que grâce à un dialogue interethnique constructif mené dans l’intérêt de tous les Bosniens.  Soulignant la nécessité de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine, elle a averti que le recours aux menaces de sécession comme instrument politique peut avoir des répercussions considérables et durables.  Cela peut exacerber les tensions et conduire à des conflits, à la fragmentation sociale, à l’instabilité politique et au désordre économique, renversant ainsi le développement national, a-t-elle insisté.

Elle a exhorté toutes les parties à garantir que ces effets soient atténués, que la diversité soit respectée et que l’édification de la nation soit une priorité. Face à l’accroissement des tensions, la déléguée a également invité les parties à redoubler d’efforts en faveur d’une véritable réconciliation et à dissuader toutes les actions susceptibles de conduire à l’instabilité et au conflit.  Selon elle, une plateforme de dialogue et de règlement pacifique des points de divergence est plus que jamais d’actualité. 

Le représentant du Mozambique a constaté que près de trois décennies après la guerre de Bosnie, le pays reste embourbé dans des tensions non résolues qui ont de graves conséquences sur la population.  Les violations des droits humains, les attaques contre les rapatriés et la discrimination continuent de jeter une ombre sur le développement du pays. S’appuyant sur l’expérience de son propre pays, le représentant a déclaré qu’il ne saurait y avoir de construction nationale sans une véritable réconciliation nationale, sans renforcement de la confiance et sans un plein engagement politique.  Or, l’incapacité de remédier à l’histoire douloureuse de la Bosnie-Herzégovine a créé un terrain fertile pour l’enracinement de la radicalisation et de l’extrémisme violent.  Le délégué s’est en outre inquiété des entraves persistantes à la liberté de réunion et d’association, pierres angulaires de la démocratie et de la réconciliation insuffisamment protégées par la législation actuelle.  À ses yeux, des mesures de justice transitionnelle, y compris des réformes juridiques substantielles, sont nécessaires pour prévenir une nouvelle détérioration de la situation et favoriser la stabilité.

Le représentant de la Slovénie a fermement appuyé la perspective européenne du pays.  Nous n’avons ménagé aucun effort en vue de l’adhésion du pays à l’Union européenne, qui permettra à tous les jeunes Bosniens de réaliser leurs rêves chez eux, a dit le délégué. 

Il a indiqué que l’Accord de paix de Dayton est la pierre de touche du cadre institutionnel du pays.  Il a invité le Conseil à ne pas servir de support pour un récit alternatif biaisé de nature à saper l’Accord précité et le travail du Haut-Représentant.  Il a pleinement appuyé le travail de ce dernier et dit croire l’évaluation de l’EUFOR, selon laquelle la situation est sûre. « Concentrons-nous sur le plus important, l’avenir européen de la Bosnie-Herzégovine. »

Le représentant de la République de Corée a douté de l’urgence à tenir une séance sur ce pays alors qu’un débat sur ce sujet est prévu dans deux semaines.  Il a exhorté les parties à redoubler d’efforts en vue de la pleine mise en œuvre de l’Accord de paix de Dayton.  Il a réitéré son appui à la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, avant de se dire préoccupé par l’augmentation des discours sécessionnistes qui ne font que saper l’accord précité.  « Pour ouvrir un nouveau chapitre et aller de l’avant, il incombe à tous les dirigeants politiques d’encourager la tolérance et l’harmonie interconfessionnelles », a-t-il conclu.

Le représentant de la Chine a constaté que le processus de nomination du Haut-Représentant en Bosnie-Herzégovine a créé des tensions au sein du Conseil de sécurité et sur le terrain.  Il a appelé la communauté internationale à faire preuve de prudence et à respecter l’avis des trois principales communautés de la Bosnie-Herzégovine.  Imposer des solutions de l’extérieur n’est pas judicieux, a-t-il prévenu.  Quant au massacre de Srebrenica, il a appelé les différents groupes ethniques à avancer vers la paix et la cohabitation, estimant aussi que les coauteurs du projet de résolution soumis à l’Assemblée générale sur une « Journée du souvenir de Srebrenica » doivent collaborer avec toutes les parties. Leur objectif, a-t-il en outre estimé, n’est pas conforme au but initial qui était d’exprimer la solidarité de la communauté internationale avec la Bosnie-Herzégovine.  Le délégué a conclu, en appelant toutes les communautés du pays à travailler à la réconciliation et au développement économique de leur pays. 

La représentante du Royaume-Uni a jugé que la situation actuelle ne justifie pas une discussion urgente, notant que le Conseil doit débattre de la Bosnie-Herzégovine dans deux semaines.  Elle a estimé que la décision prise en mars par le Conseil européen d’accorder à la Bosnie-Herzégovine le statut d’adhésion à l’UE reflète l’importance de l’action du Gouvernement pour renforcer la démocratie, les droits humains et l’état de droit.  Elle a encouragé les autorités de Bosnie-Herzégovine à travailler ensemble sur les mesures nécessaires pour permettre l’adoption du cadre de négociation. De même, elle a appelé les dirigeants de la Republika Srpska à mettre un terme à leur rhétorique et à leurs actions sécessionnistes, qui, a-t-elle affirmé, accroissent les tensions entre les communautés, sapent les institutions de l’État et vont à l’encontre de l’Accord de paix de Dayton.

La déléguée a ensuite dit être profondément préoccupée par la montée du déni du génocide et de la glorification des criminels de guerre, notant qu’une véritable réconciliation ne peut pas se construire sur une réticence à accepter les actions du passé.  Elle a rappelé que la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a conclu à l’unanimité dans son jugement d’avril 2004 qu’un génocide avait été commis à Srebrenica.  Ce n’est pas une déclaration politique.  C’est le jugement d’un tribunal international.  Et les juges des tribunaux internationaux ont clairement indiqué qu’il ne s’agissait pas d’un jugement collectif à l’encontre du peuple serbe, a-t-elle appuyé.

La représentante de la France a noté que les modalités de la réunion d’aujourd’hui sont très irrégulières.  « La pratique établie de ce Conseil veut que la Bosnie-Herzégovine soit représentée par une personne nommée par le président de la présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine. »  La Russie convoque aujourd’hui une réunion en urgence et nous dépeint une Bosnie-Herzégovine au bord de l’effondrement, a dit la déléguée.  « La France ne partage pas cette appréciation dramatique de la situation, même si l’attitude des dirigeants de la Republika Srpska suscite notre inquiétude. »  La déléguée a rappelé que le mois dernier, la décision du Conseil européen d’ouvrir les négociations d’adhésion avec la Bosnie-Herzégovine a envoyé un signal clair: l’avenir de la Bosnie-Herzégovine, comme de l’ensemble des Balkans occidentaux, est dans l’Union européenne.

« La France regrette que cette décision ait été suivie de graves menaces de la part du président de l’entité de Republika Srpska, M. Milorad Dodik, à l’encontre de l’unité du pays », a poursuivi la déléguée. Elle a condamné l’adoption par l’Assemblée nationale de la Republika Srpska, le 19 avril dernier, des projets de loi sur les élections, sur les référendums et sur l’immunité, ainsi que le projet de loi sur les « agents étrangers ».  Ces mesures constituent selon elle une atteinte à l’ordre constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine.  À son avis, le projet de loi sur les agents de l’étranger nuit à la préservation d’un environnement favorable à la société civile, aux médias et à la liberté d’expression.  « La France appelle les dirigeants de la Republika Srpska à mettre fin à ces initiatives, qui contreviennent à la perspective d’adhésion du pays à l’Union européenne. »  Les menaces de sécession portées par le président de l’entité de Republika Srpska mettent en danger la stabilité du pays et de la région, a-t-elle conclu.

Le représentant de la Sierra Leone a tenu à exprimer l’attachement de son pays à l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine, ajoutant que la création des entités n’a jamais eu pour objectif de perpétuer les divisions politiques et ethniques.  Il est important, a-t-il insisté, de respecter le patrimoine culturel, ethnique et religieux, très diversifié du pays.  Soulignant les progrès enregistrés, le représentant a souligné l’importance qu’il y a à ce que le Conseil de sécurité travaille avec toutes les parties pour mettre en œuvre le programme « 5 plus 2 ».  Il a conclu, en appelant tous les États Membres, les acteurs régionaux et les entités bosniennes à mettre au cœur de leur volonté et de leurs efforts la promesse collective de « plus jamais ça ».

La représentante de Malte s’est dite préoccupée par certains reculs qui risquent de compromettre les progrès enregistrés jusqu’ici.  Elle a appelé le leadership bosnien à éviter les discours incendiaires et les divisions.  Réaffirmant l’attachement de son pays à l’Accord de paix de Dayton, elle a douté de la pertinence de cette réunion du Conseil de sécurité pour atténuer les tensions, d’autant qu’elle n’a été ni demandée ni appuyée par la Bosnie-Herzégovine.  La représentante a pris note des réserves d’une entité bosnienne sur le travail du Haut-Représentant et a souligné que toutes les préoccupations doivent être exprimées conjointement, dans un esprit de coopération. 

Les négociations sur l’accession à l’Union européenne étant ouvertes, elle a appelé la Bosnie-Herzégovine à entamer les réformes nécessaires et à renforcer ses cadres constitutionnel, électoral et judiciaire.  Ces réformes doivent être fondées sur l’état de droit, une bonne représentation des femmes dans les institutions publiques et une administration inclusive.  La représentante s’est dite vivement préoccupée par les dernières initiatives législatives qui sont contraires à l’ordre constitutionnel et à la voie vers l’Union européenne.  En tant que Présidente cette année de l’Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE), Malte, a conclu la représentante, encourage la Bosnie-Herzégovine à exploiter les structures de l’Organisation, y compris sa boîte à outils pour la promotion du dialogue et l’atténuation des tensions.

Reprenant la parole, le représentant de la Fédération de Russie a affirmé que les membres permanents occidentaux du Conseil de sécurité ne contribuent pas à stabiliser la situation en Bosnie-Herzégovine lorsqu’ils pointent du doigt un de ses gouvernements constitutifs, sa réputation et son histoire tout en fermant les yeux sur les violations de l’Accord de paix de Dayton. Ces violations commises par le Haut-Représentant et les deux autres entités constitutives devraient faire réagir la délégation de la Bosnie-Herzégovine.  En outre, Washington et Bruxelles sont incapables d’imaginer les conséquences d’une situation explosive pour la Bosnie-Herzégovine et pour la région.  Il faut revenir en arrière et appliquer l’Accord de paix de Dayton.  Plus tôt ils le feront, plus on aura de chance d’inverser cette tendance dangereuse.   

Le représentant de la Bosnie-Herzégovine s’est inquiété de « l’instrumentalisation » du Conseil afin de perpétuer un discours « unilatéral et dangereux ».  Il a affirmé que la circulation de la lettre de la Republika Srpska représente une violation de l’Accord de paix de Dayton.  Il a souligné que la Bosnie-Herzégovine est composée de deux entités, la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la Republika Srpska, qui ne sont pas souveraines.  Par conséquent, le fait d’exprimer les points de vue d’une unité administrative et territoriale de Bosnie-Herzégovine au lieu des positions officielles de l’État n’a aucun fondement juridique.  En définitive, a-t-il noté, seul l’État souverain de Bosnie-Herzégovine est soumis au droit international, et sa politique étrangère ne relève pas de la compétence des entités qui la composent. 

Le représentant a blâmé le Gouvernement de la Republika Srpska pour les défis auxquels a été confrontée la Bosnie-Herzégovine au cours des dernières années.  Les autorités de la Republika Srpska n’ont cessé selon lui de prendre des mesures qui sapent l’ordre constitutionnel et les institutions de l’État tout en aggravant les tensions interethniques par le biais d’une rhétorique incendiaire.  Pour le représentant, la coalition au pouvoir dans cette entité a commencé à mettre en œuvre des mesures créant les conditions préalables à une éventuelle sécession de la Bosnie-Herzégovine, mesures qui ont été décrites dans une déclaration conjointe des partis au pouvoir en Republika Srpska le 24 avril 2023.  Après l’adoption de la proposition de loi électorale de la Republika Srpska, celle-ci attaque aujourd’hui deux institutions civiles de la Bosnie-Herzégovine définies par l’Accord de paix de Dayton, soit le Bureau du Haut-Représentant et la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine.  Le délégué a notamment fustigé les efforts déployés par la Republika Srpska pour limiter la compétence de la Cour constitutionnelle à une seule partie du pays.  Après de nombreuses années passées à nier les verdicts des tribunaux de l’ONU sur le génocide commis contre les Bosniaques et à glorifier les criminels de guerre, les autorités de la Republika Srpska appliquent selon lui des méthodes utilisées par ces mêmes criminels pour démolir l’ordre constitutionnel. 

Poursuivant, le délégué a considéré que le seul objectif de cette réunion est de faire pression sur les coauteurs de la résolution sur la Journée internationale de réflexion et de commémoration du génocide de 1995 à Srebrenica pour qu’ils retirent le texte, comme l’a demandé la Serbie hier.  « La culture de la mémoire des victimes du génocide de Srebrenica n’est pas et ne doit pas être une culture du déni », a-t-il insisté, le génocide étant un « fait historique et judiciaire » confirmé par la Cour internationale de Justice (CIJ) et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).  Le représentant a dénoncé les politiciens et personnalités publiques de Bosnie-Herzégovine et de Serbie qui « attisent les flammes du nationalisme et sèment délibérément les graines de la haine ».  Or, a-t-il précisé, la résolution sur le génocide de Srebrenica ne constitue pas une menace pour le peuple serbe.  « Protéger la vérité contre les négationnistes et rendre justice aux victimes du génocide de Srebrenica est notre meilleur atout pour empêcher que des génocides ne se reproduisent », a-t-il conclu. 

M. MARKO DURIĆ, Envoyé spécial du Président de la République de Serbie, a déclaré vouloir protéger la mémoire et la dignité de plus de 100 000 victimes de la sanglante guerre civile en Bosnie-Herzégovine, ajoutant que toutes ces victimes, quelles que soient leur nationalité, race ou religion, méritent l’égalité de justice et le respect de la communauté internationale. Il a appelé ceux qui ont proposé le projet de résolution sur le génocide de Srebrenica, « cette mesure inopportune », à réfléchir une fois de plus sur leur initiative qui divise.  La guerre en Bosnie-Herzégovine a pris fin il y a 29 ans, mais les tensions ethniques sont de nouveau vives dans le pays en raison de la résolution proposée et de l’absence d’un processus de rédaction transparent et inclusif, a-t-il expliqué.  Il a indiqué que le texte sur Srebrenica a été rédigé, proposé et coparrainé par le Représentant permanent de la Bosnie-Herzégovine, sans le consentement légalement requis de la présidence tripartite de la Bosnie-Herzégovine.  Il a été préparé en secret, sans consulter l’entité serbe au sein de la Bosnie-Herzégovine ou ses élus.  Le représentant a aussi relevé qu’en vertu de l’Article 12 de la Charte des Nations Unies, une question discutée au sein du Conseil de sécurité ne devrait pas faire l’objet de délibérations de l’Assemblée générale. 

M. Durić a déclaré que la Serbie a continuellement et constamment condamné tous les crimes de ce conflit tragique, et en particulier le massacre de Srebrenica.  D’ailleurs, en 2010, l’Assemblée nationale de la République de Serbie a adopté une déclaration condamnant le crime de Srebrenica, et de hauts responsables de la Serbie, dont deux présidents, ont rendu hommage aux victimes au centre commémoratif de Potočari à plusieurs reprises. 

Il a ensuite affirmé que la véritable raison de ce projet de résolution « dangereux » a été révélée par le Ministre des affaires étrangères de la Bosnie-Herzégovine, M. Elemedin Konaković, qui a déclaré publiquement il y a quelques jours que la Serbie ne mérite rien d’autre que d’être méprisée et fait savoir que son « régime ethnonationaliste » avait l’intention de rouvrir les procédures judiciaires contre Belgrade.  Ni la réconciliation, ni les relations de bon voisinage figurent à son ordre du jour, a déploré l’Envoyé spécial.  Il a appelé à proposer une nouvelle résolution à l’Assemblée générale, un texte capable de susciter le consensus en Bosnie-Herzégovine et dans la région et de mener vers la réconciliation.

Le représentant de la Croatie a commencé par féliciter la Bosnie-Herzégovine pour l’ouverture des négociations sur son accession à l’Union européenne.  Les progrès dans ce processus d’intégration démontrent clairement comment le pays avance quand il peut compter sur la bonne volonté politique et la coopération.  Ces progrès montrent que le cadre constitutionnel et politique actuel du pays lui permet d’aller de l’avant si le dialogue prévaut, la coopération remplace la division et le compromis n’est pas vu comme un échec mais comme un succès collectif.  Le représentant a encouragé la Bosnie-Herzégovine à se concentrer sur l’intégration européenne et les réformes qui y sont associées, dont la réforme électorale pour une véritable égalité entre Croates, Bosniaques et Serbes et pour la garantie des droits fondamentaux comme pilier de la stabilité politique.

Reprenant la parole, Mme ŽELJKA CVIJANOVIĆ a indiqué qu’elle est intervenue à titre personnel à cette réunion et non en tant que membre serbe de la présidence de Bosnie-Herzégovine.  Il en est de même pour M. Christian Schmidt, a-t-elle affirmé.  Elle a fait part de sa surprise que personne n’ait réagi à ses avertissements concernant les menaces à la paix et les risques de guerre. Les annonces concernant le déploiement des forces de réserve en Republika Srpska ne sont pas légales et ont été faites sans consultations préalables.  Les déclarations du Président français sur la présence de djihadistes et le non-respect de la Constitution devraient elles aussi susciter des réactions, a estimé Mme Cvijanović. 

À son tour, le représentant des États-Unis a souligné que M. Christian Schmidt a participé à cette réunion en tant que Haut-Représentant pour la Bosnie-Herzégovine.   

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