9605e séance – matin
CS/15666

Conseil de sécurité: impasse politique totale en Libye, selon le Représentant spécial, qui reproche aux parties prenantes de s’accrocher au statu quo

Lors de sa toute dernière intervention au Conseil de sécurité en qualité de Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, M. Abdoulaye Bathily a dressé un constat d’échec, celui de ses tentatives infructueuses pour dénouer l’impasse politique dans laquelle s’enlise ce pays, en raison de la « résistance obstinée », des « attentes déraisonnables » et de l’« indifférence » manifestée à l’égard des intérêts du peuple libyen par ses dirigeants, plus que jamais divisés sur la marche à suivre. 

M. Bathily, qui dirigeait aussi la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) depuis septembre 2022, a en effet annoncé sa démission aux médias à l’issue de cette réunion du Conseil.  Il est décourageant, s’est-il justifié plus tôt devant ses membres, de voir la « détermination égoïste » des cinq principales parties prenantes libyennes à maintenir le statu quo par des manœuvres dilatoires au lieu d’œuvrer à un règlement politique de la crise sur la base de négociations et de compromis. 

Le haut fonctionnaire a décrit une situation particulièrement complexe, où chacun campe sur ses positions.  S’ils ont désigné leurs représentants pour le dialogue proposé par M. Bathily, le Président du Haut Conseil d’État, Mohammed Takala, et le Premier Ministre intérimaire de la Libye, Abdulhamid Dbeibah, ont posé des conditions préalables, exigeant le réexamen des lois électorales approuvées par consensus après huit mois de négociations par le Comité  « 6+6 », formé de membres de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’État.  En outre, les deux hommes exigent également l’adoption d’une nouvelle constitution préalablement au processus électoral. 

De son côté, M. Aguila Saleh continue de faire de la formation d’un nouveau gouvernement par la Chambre des députés, qu’il préside, sa priorité, arguant que celle-ci est le seul organe législatif légitime en Libye, un point de vue loin d’être partagé par ses adversaires.  Quant au général Khalifa Haftar, il conditionne sa participation soit à l’invitation du Gouvernement soutenu par la Chambre des députés et dirigé par Ossama Hammad, soit à la désinvitation d’Abdulhamid Dbeibah, qui est aussi le Chef du Gouvernement d’unité nationale de transition, basé à Tripoli (ouest) – « c’est-à-dire à l’exclusion des deux gouvernements ». 

Pour M. Bathily, les difficultés ont été exacerbées par un accord manifeste entre le Président du Conseil présidentiel,  M. Mohamed al-Menfi, le Président Saleh, et le Président du Haut Conseil d’État, M. Takala, à l’issue d’une réunion trilatérale le 10 mars au Caire, réunion à laquelle la MANUL n’a pas été conviée.  Les initiatives « unilatérales, parallèles et non coordonnées » contribuent à des complications inutiles et à la cristallisation du statu quo, a mis en garde le Représentant spécial, pour qui les préconditions posées par les dirigeants libyens contredisent leur intention affichée de trouver une solution au conflit qui déchire leur pays. Ce à quoi le délégué libyen a rétorqué que les efforts de l’ONU ont débouché sur la mise en place de « structures parallèles » qui ne sont pas parvenues à travailler ensemble parce que la réconciliation nationale fait défaut. 

Cette impasse politique ne fait qu’amplifier la crise économique, alors que la Banque centrale libyenne ne cesse de mettre en garde contre une crise de liquidités imminente, s’est alarmé M. Bathily.  La surtaxe temporaire, allant jusqu’à 27%, applicable aux taux de change officiels depuis le 14 mars dernier, suscite un tollé parmi l’opinion publique, en raison de l’inflation qu’elle provoque.  Aussi le haut fonctionnaire a-t-il exhorté les autorités libyennes à s’entendre d’urgence sur un budget national et à remédier à la gabegie au bénéfice de tous les Libyens, y compris les populations des zones marginalisées du sud. 

Tous les membres du Conseil se sont désolés de cette impasse politique, à commencer par le Royaume-Uni, la délégation porte-plume sur les questions libyennes, pour qui elle expose la Libye à l’influence d’acteurs extérieurs cherchant à contrôler la sécurité et l’économie du pays, avec pour corollaire une aggravation de l’instabilité, au Sahel et au-delà.  Pour la France, la seule solution est de former un nouveau gouvernement unifié capable de mener le pays aux élections, la tenue simultanée des scrutins présidentiels et législatifs « sur l’ensemble du territoire libyen » étant préférable selon la Fédération de Russie. 

Les A3+, formés de l’Algérie, du Guyana, du Mozambique et de la Sierra Leone, se sont dits préoccupés par les tensions persistantes et les affrontements sporadiques entre groupes armés en Libye, même si l’accord de cessez-le-feu de 2020 tient toujours.  Le groupe des A3+, qui a dénoncé l’ingérence d’acteurs extérieurs qui acheminent dans le pays armes et argent, a sommé les forces et combattants étrangers et les mercenaires de quitter la Libye.  Les États-Unis, qui ont dit suivre de près les mouvements de troupes et les trafics d’armes au Niger, au Tchad et au Mali, ont renchéri, avant de dénoncer les activités du groupe Wagner soutenu par la Russie.  Réagissant aux « insinuations » de la délégation américaine, la Fédération de Russie a précisément reproché aux États-Unis de chercher à renforcer leur implantation dans ce pays.  Quelle est donc cette structure privée américaine sur le territoire libyen et la nature de ses activités au regard du régime de sanctions en vigueur et en particulier de l’embargo sur les armes? s’est ainsi demandé le représentant russe. 

Combien de temps cette situation va-t-elle encore durer? s’est de son côté lamenté son homologue libyen, qui a mis en cause les divisions au sein du Conseil de sécurité pour mettre fin aux ingérences étrangères dans son pays.  Aujourd’hui, la Libye est devenue exportatrice d’armes en raison de la contrebande, mais le Conseil ne fait rien alors qu’il sait exactement comment elles entrent dans le pays, en violation de l’embargo pourtant imposé par ses soins. Mettons fin aux sanctions et privilégions les initiatives nationales.  « Peut-être que nous pourrions alors trouver pour nous-mêmes et par nous-mêmes une issue à cette crise », a souhaité le délégué. 

Le Représentant spécial a également considéré que les membres du Conseil de sécurité doivent assumer leurs responsabilités « en paroles et en actes », « individuellement et collectivement », pour obliger les parties prenantes à soutenir les efforts de la MANUL en faveur d’un dialogue politique.  « Plus que jamais, un engagement renouvelé et coordonné entre les acteurs régionaux et internationaux est impératif », a-t-il souligné.  

LA SITUATION EN LIBYE - S/2024/301

Déclarations

M. ABOULAYE BATHILY, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, a déclaré s’être activement impliqué, au cours des trois derniers mois, auprès des cinq principales parties prenantes libyennes au dialogue visant à résoudre toutes les questions controversées relatives aux lois électorales et à la formation d’un gouvernement unifié. « Malheureusement, mes tentatives pour répondre à leurs préoccupations se sont heurtées à une résistance obstinée, à des attentes déraisonnables et à une indifférence à l’égard des intérêts du peuple libyen », a déploré le haut fonctionnaire. 

MM. Mohammed Takala et Abdulhamid Dbeibah ont désigné leurs représentants pour le dialogue proposé, mais tous deux ont posé des conditions préalables, exigeant le réexamen des lois électorales approuvées par consensus après huit mois de négociations par le Comité « 6+6 » et publiées au Journal officiel, a précisé le Représentant spécial.  Les deux hommes exigent également l’adoption d’une nouvelle constitution préalablement au processus électoral.  De son côté, M. Agila Saleh continue de faire de la formation d’un nouveau gouvernement par la Chambre des députés sa priorité, arguant que celle-ci est le principal organe législatif, dont la légitimité éclipse celle des autres institutions libyennes.  Ce n’est pas l’avis de certains, qui rappellent que la Chambre des députés a été élue en 2014 et que son mandat a donc expiré, comme celui des autres institutions intérimaires actuelles.  Quant au général Khalifa Haftar, il conditionne sa participation soit à l’invitation du Gouvernement soutenu par la Chambre des députés et dirigé par M. Ossama Hammad, soit à la désinvitation de M. Dbeibah, c’est-à-dire à l’exclusion des deux gouvernements. 

L’Armée nationale libyenne (ANL) est incontestablement l’autorité décisionnelle sur les questions politiques, militaires et sécuritaires dans l’est et le sud de la Libye et le Gouvernement Hammad son aile exécutive, a reconnu M. Bathily.  Alors que la MANUL et les agences, fonds et programmes des Nations Unies interagissent avec le Gouvernement soutenu par la Chambre des députés, en particulier sur les questions liées à l’aide humanitaire et à la reconstruction de Derna, l’administration n’est pas, à elle seule, l’une des institutions clefs dont l’adhésion est nécessaire à un règlement politique en vue de permettre la tenue d’élections, a-t-il expliqué.  « Accorder un siège distinct à la table des négociations au Gouvernement soutenu par la Chambre des députés aurait pour effet d’officialiser les divisions en Libye », en a déduit le haut fonctionnaire. 

Quant au Gouvernement d’unité nationale, formé à la suite d’un processus facilité par la MANUL, il s’est imposé comme un acteur majeur en Occident, même s’il est de plus en plus contesté par des forces rivales croissantes. L’extension de son rôle au-delà de la tenue des élections révèle ses limites et incite ses opposants à remettre en question sa légitimité.  « Néanmoins, il reste le Gouvernement internationalement reconnu de la Libye dans la phase intérimaire actuelle », a affirmé le Représentant spécial. 

Pour M. Bathily, la rivalité entre les cinq parties prenantes est au cœur du problème.  Et les difficultés ont été exacerbées par un accord apparent entre le Président du Conseil présidentiel, M. Mohamed al-Menfi, le Président Saleh, et le Président du Haut Conseil d’État, M. Takala, à l’issue d’une réunion trilatérale le 10 mars au Caire, à laquelle la MANUL n’était pas associée.  Les initiatives « unilatérales, parallèles et non coordonnées » contribuent à des complications inutiles et à la cristallisation du statu quo, a mis en garde le Représentant spécial, pour qui les conditions préalables avancées par les dirigeants libyens contredisent leur intention affichée de trouver une solution au conflit. 

Parallèlement à cette impasse politique, la situation économique en Libye est extrêmement tendue, alors que la Banque centrale libyenne ne cesse de mettre en garde contre une crise de liquidités imminente, a poursuivi M. Bathily. La surtaxe temporaire, allant jusqu’à 27%, sur les taux de change officiels, approuvée par le Président Saleh le 14 mars, associée à la baisse de la valeur du dinar libyen sur le marché parallèle national et à un accès restreint aux devises étrangères, suscite la colère de l’opinion publique, en raison de l’inflation qui en résulte.  Aussi le haut fonctionnaire a-t-il exhorté les autorités libyennes à se mettre rapidement d’accord sur un budget national et à remédier aux lacunes importantes en matière de gestion transparente, équitable et responsable des ressources de l’État pour le bénéfice de tous les Libyens, y compris ceux des zones marginalisées du sud. 

En outre, la présence d’acteurs armés et d’armes lourdes à Tripoli est très préoccupante, car elle constitue une menace importante pour la sécurité de la population civile, s’est-il alarmé.  De même, la militarisation continue des acteurs armés dans les trois régions et les manœuvres militaires des forces armées libyennes près de la ligne de cessez-le-feu à l’est de Syrte posent un risque pour l’accord de cessez-le-feu.  « Toute escalade en Libye exacerberait l’instabilité non seulement au Tchad, au Niger et au Soudan, mais aussi dans l’ensemble du Sahel », a averti le Représentant spécial. 

Si aucune violation de l’accord de cessez-le-feu n’a été enregistrée au cours de la période à l’examen, reste que les progrès dans la mise en œuvre de ses dispositions sont en suspens, en particulier sur le retrait des combattants étrangers, des forces étrangères et des mercenaires, entravé par l’impasse politique et l’instabilité dans les pays voisins du sud de la Libye, d’où sont originaires nombre de ces combattants et mercenaires étrangers, a expliqué le Chef de la MANUL. 

Profondément préoccupé par la situation désastreuse des migrants et des réfugiés en Libye, il a déploré la découverte, le 22 mars, dans le sud-ouest de la Libye, d’un charnier contenant les corps de 65 migrants. Il a aussi fait état d’informations selon lesquelles un traitement « choquant » aurait été infligé aux migrants en détention arbitraire. 

M. Bathily a ensuite regretté que la conférence de réconciliation nationale qui devait se tenir sous l’égide de l’Union africaine à Syrte le 28 avril a été reportée, en raison là encore des divisions entre dirigeants libyens. Il est décourageant, a-t-il dit, de voir des individus en position de pouvoir placer leurs intérêts personnels avant ceux de leur pays.  Leur détermination égoïste à maintenir le statu quo par des manœuvres dilatoires doit laisser place à un règlement politique basé sur des négociations et des compromis.  Les membres du Conseil de sécurité doivent donc assumer leurs responsabilités « en paroles et en actes », « individuellement et collectivement », pour obliger les parties prenantes à soutenir les efforts de la MANUL visant à restaurer l’unité et la légitimité des institutions libyennes au travers d’un dialogue politique.  « Plus que jamais, un engagement renouvelé et coordonné entre les acteurs régionaux et internationaux est impératif. » 

En tant que Président du Comité 1970 (2011) du Conseil de sécurité, le représentant du Japon a présenté le rapport d’activités du Comité pour la période du 16 février au 15 avril 2024.  Pendant cette période, le Comité a publié un communiqué de presse sur les consultations informelles tenues le 2 février.  En ce qui concerne la mise en œuvre des mesures d’embargo sur les armes, le Comité a reçu deux nouveaux rapports, dont l’un porte sur les inspections de navires.  Le Comité a également poursuivi son examen du rapport d’une inspection de navire réalisée en octobre 2022.  Les membres du Comité ont exprimé des opinions différentes sur la question. Dans la même période, le Comité a reçu deux demandes de dérogation à l’embargo sur les armes et une demande de clarification d’une exemption préalablement approuvée.  Le Comité a reçu des lettres du Groupe d’experts avec leurs contributions techniques sur deux de ces demandes. 

En outre, le Comité a pris note de la communication de la Libye transmettant la liste mise à jour des signataires autorisés pour les certificats d’utilisateur final et le spécimen de copie de leurs signatures.  Concernant le gel des avoirs, le Comité a reçu cinq lettres et aucune réponse négative n’a été produite en rapport avec les cinq notifications reçues.  Le Groupe d’experts a également apporté sa contribution technique sur cette question. Par ailleurs, le Comité a reçu quatre lettres de la Libye concernant certains aspects du gel des avoirs, dont l’une contenait une mise à jour de la transformation stratégique de la Libyen Investment Authority (LIA).  Les autres lettres concernaient la gestion de certains actifs de la LIA. 

Pour la représentante du Royaume-Uni, la seule voie durable pour améliorer la situation sécuritaire en Libye passe par un processus politique facilité par les Nations Unies et un règlement politique inclusif.  Elle a appelé les dirigeants libyens à travailler avec le Représentant spécial du Secrétaire général de manière constructive et sans conditions préalables afin de résoudre les questions en suspens qui retardent les élections.  L’organisation d’élections municipales constituerait un pas important dans la bonne direction, a estimé la déléguée qui a exhorté les dirigeants libyens à fournir à la Haute Commission électorale nationale les fonds et les garanties de sécurité nécessaires pour organiser leur tenue dès que possible. 

Elle a indiqué que l’impasse politique laisse la Libye vulnérable à l’influence d’acteurs extérieurs cherchant à contrôler la sécurité et l’économie du pays, ce qui risque d’aggraver l’instabilité, y compris au-delà du Sahel.  Cette situation pose également des défis pour la société civile, la liberté d’expression et les droits humains et met à mal les valeurs démocratiques, a-t-elle ajouté. La représentante est ensuite revenue sur les inondations de septembre dernier, regrettant que les efforts de redressement et de reconstruction à Derna et dans les autres zones touchées restent politisés.  Les institutions internationales sont bloquées et l’accès est limité, a-t-elle regretté avant d’exhorter les autorités libyennes à convenir d’un modèle transparent pour assurer le redressement et la reconstruction et en leur recommandant d’utiliser l’expertise technique offerte par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). 

Le représentant de la Slovénie a regretté le peu de progrès réalisés sur le plan politique depuis la dernière réunion au Conseil sur la Libye. Préoccupé par la persistance des divisions et de l’instabilité dans ce pays, il a souligné que le peuple libyen doit pouvoir choisir ses dirigeants dans le cadre d’un processus démocratique. Il a appelé les acteurs libyens à s’engager de bonne foi et sans conditions préalables dans les efforts de l’ONU, les exhortant à désigner sans plus tarder leurs représentants pour participer aux réunions préparatoires du Représentant spécial.  Un élément essentiel du processus démocratique en Libye sera la tenue d’élections au niveau local, a poursuivi le délégué. Les obstacles à leur tenue doivent être écartés et les autorités libyennes doivent débloquer le financement électoral nécessaire. 

Après avoir appelé au départ des combattants, mercenaires et forces étrangères de Libye, le représentant a déploré la découverte d’une fosse commune contenant les corps de 65 migrants dans le sud-ouest de la Libye le mois dernier. Les autorités libyennes doivent enquêter sur cet horrible incident et les responsables doivent rendre des comptes. Des enquêtes doivent également être menées sur toutes les violations des droits humains des migrants, y compris ceux qui sont détenus dans des centres de détention auxquels la MANUL doit avoir accès. 

Le représentant des États-Unis a estimé que la dévaluation du dinar libyen et les autres problèmes économiques approfondissent les divisions dans le pays. Pour que les Libyens bénéficient d’un système transparent de répartition des recettes, il importe que l’État libyen ait un budget unifié et stabilise sa monnaie, a-t-il affirmé, avant d’évoquer la situation sécuritaire.  Saluant le travail de la Commission militaire conjointe 5+5, il a exhorté les acteurs libyens à réduire la criminalité dans le sud du pays et à stabiliser les frontières.  À ses yeux, les progrès sur la voie d’une unification militaire sont essentiels pour permettre à la Libye de réaffirmer sa souveraineté et de ne pas se retrouver empêtrée dans des conflits régionaux.  À cet égard, le délégué a indiqué que les États-Unis suivent de près la situation au Niger, au Tchad et au Mali, notamment les déplacements de combattants et les trafics d’armes.  Après avoir appelé au retrait de toutes les forces étrangères présentes en Libye, il s’est dit préoccupé par les activités du groupe Wagner soutenu par la Russie et la consolidation de sa présence en Libye. 

S’agissant du processus politique, le représentant a souhaité qu’il conduise à des élections.  La MANUL doit tout faire pour les acteurs libyens s’assoient à la même table et participent aux pourparlers facilités par l’ONU, a-t-il préconisé, déplorant les retards enregistrés dans ce processus.  Pour ce qui est des sanctions, il s’est déclaré inquiet des violations de l’embargo sur les armes et des exportations illicites de pétrole, en dépit des efforts de surveillance et d’interception déployés par l’Union européenne dans le cadre de l’opération IRINI.  Jugeant que cette opération demeure pertinente et nécessaire, il a indiqué que les États-Unis soutiendront la France et Malte pour renouveler l’autorisation d’inspection des navires faisant route au large des côtes libyennes. Il s’est enfin félicité de l’ouverture d’une enquête pour faire la lumière sur les violations des sanctions, lesquelles, a-t-il rappelé, visent à assurer la paix et la stabilité en Libye. 

Le représentant de la Fédération de Russie a constaté que dans un contexte de pouvoir bicéphale en Libye, on ne voit pas de perspectives de progrès, jugeant donc nécessaire de redoubler d’efforts pour résoudre les problèmes en suspens.  Le processus doit être mené par les Libyens eux-mêmes et placé sous l’égide des Nations Unies, en s’abstenant d’imposer des cadres ou des recettes venues de l’extérieur, a préconisé le délégué.  Il a appelé les acteurs régionaux et internationaux à appuyer la MANUL, qui contribue à son tour à un processus politique interne pour qu’un gouvernement unifié voie le jour afin d’organiser des élections présidentielle et législatives simultanées sur l’ensemble du territoire libyen. 

Préoccupé par les tensions sécuritaires, le délégué a exhorté les factions militaires et groupes étrangers à retirer leurs forces du territoire libyen. Il a ensuite estimé que l’opération IRINI, dirigée par l’Union européenne, pose des problèmes de reddition des comptes, sans compter son « incompatibilité » avec la résolution 2292 (2016) du Conseil de sécurité.  Enfin, le délégué a réagi aux « insinuations » de son collègue américain s’agissant de la supposée présence russe en Libye, alors que les États-Unis cherchent précisément, selon lui, à renforcer leur implantation dans ce pays.  Quelle est donc cette structure privée américaine sur le territoire libyen et la nature de ses activités au regard du régime de sanctions en vigueur et en particulier de l’embargo sur les armes? a demandé le représentant. 

En sa capacité nationale, le représentant du Japon a appelé à remédier à l’impasse politique persistante, d’autant plus que le manque de progrès du processus politique affecte négativement la situation économique, la situation sociale et le secteur sécuritaire, ainsi que la stabilité régionale. L’inclusion est également essentielle dans le processus de réconciliation, a poursuivi le délégué qui a expliqué que les progrès dans le processus de réconciliation contribueront également à accompagner les efforts sur le plan politique.  Il a aussi jugé impératif l’unification des institutions sécuritaires et militaires de l’est et l’ouest de la Lybie, ainsi que le retrait des forces étrangères et des combattants étrangers et autres mercenaires. Il a évoqué les risques sérieux que représentent la traite des êtres humains et les réseaux criminels exploitant les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile. 

Pour la représentante de la France, la priorité collective doit être à la relance du processus politique en Libye.  Elle a soutenu les efforts en ce sens du Représentant spécial du Secrétaire général dont la médiation est essentielle pour faire avancer le pays sur la voie d’élections présidentielle et législatives libres, transparentes et inclusives sur l’ensemble du territoire libyen.  Elle a encouragé tous les acteurs libyens à s’engager de bonne foi dans le dialogue sous l’égide de l’ONU avant d’encourager également l’organisation d’élections municipales en 2024.  Tous ces efforts doivent mener, selon elle, à la restauration de l’unité de la Libye.  Arguant que le statu quo n’est plus acceptable pour le peuple libyen, elle a insisté sur la nécessité de relancer le processus politique pour un nouveau gouvernement unifié capable de mener le pays aux élections, ce qui nécessite un budget unifié et une gestion transparente des ressources nationales.

Sur le plan sécuritaire, la France reste mobilisée pour soutenir les efforts des acteurs libyens en vue de parvenir à la réunification de l’armée, a-t-elle indiqué.  La déléguée a ensuite fait part de ses préoccupations face aux violations des droits humains en Libye, qu’il s’agisse de disparitions forcées, d’arrestations arbitraires ou autres, exigeant que les responsables rendent des comptes.  Elle s’est également inquiétée de la situation des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile en Libye, encourageant les autorités libyennes à pleinement coopérer avec les agences onusiennes et l’UE sur ce dossier.  Enfin, elle a appelé au retrait de l’ensemble des combattants étrangers et mercenaires de la Libye, indiquant soutenir le renouvellement de l’opération IRINI en juin prochain.

Le représentant de la Sierra Leone qui s’exprimait au nom des A3+ (Algérie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone), a dit être préoccupé par l’impasse politique après 13 ans de crise en Libye.  L’absence de nouvelles dates pour les élections législatives et présidentielle ne fera qu’accroître l’instabilité politique et compromettre davantage la capacité de l’État à reconstruire ses institutions. Il a appelé les parties prenantes à soutenir les efforts de médiation de M. Abdoulaye Bathily et à parvenir à un consensus sur les lois électorales.  Les élections doivent être organisées afin de rétablir la stabilité politique, sécuritaire et économique du pays, a-t-il insisté.  Prenant note de la réunion du 10 mars organisée par le Secrétaire général de la Ligue des États arabes, il a souligné la nécessité de faire converger les efforts des organisations internationales et régionales pour éviter la duplication des médiations. 

S’agissant de la situation sécuritaire, le représentant a dit être préoccupé par les tensions persistantes et les affrontements sporadiques entre les groupes armés en Libye, malgré le maintien de l’accord de cessez-le-feu de 2020. Il a dénoncé les acteurs extérieurs qui déstabilisent le pays en y acheminant de l’argent et des armes, plaçant leurs intérêts personnels au-dessus du bien-être de la population libyenne.  Les forces étrangères, les combattants étrangers et les mercenaires doivent quitter la Libye afin de créer un environnement favorable au processus politique, à la sécurité, la stabilité et à la préservation de l’unité, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale du pays.  Il a également exhorté les Libyens à participer au processus de réconciliation nationale. 

Sur le plan humanitaire, le représentant a demandé à faciliter l’accès à l’aide.  Il a également appelé les dirigeants à reconstruire Derna et les autres zones touchées par les inondations.  Préoccupé par la situation des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile, il a exhorté les autorités libyennes à améliorer leur sort et à envisager des alternatives à la détention.  Les auteurs des abus doivent rendre des comptes.  S’agissant des sanctions, il a demandé la restitution des avoirs gelés de la Libye. 

Le représentant de la République de Corée a regretté le retard pris dans l’organisation des élections présidentielle et parlementaires en Libye, alors que les citoyens sont confrontés à des défis socioéconomiques de plus en plus graves causés par la lenteur du processus politique et l’absence de gouvernance nationale unifiée.  Les affrontements récents impliquant des groupes armés locaux démontrent la fragilité de la situation sécuritaire, a-t-il ajouté.  Face à cette impasse, il a exhorté les acteurs libyens à appuyer les efforts que déploie le Représentant spécial pour faire avancer le processus politique, notamment les questions en suspens sur les projets de loi électorale.  Il les a également appelés à soutenir la Haute Commission électorale nationale pour que des élections locales soient organisées cette année, comme annoncé en janvier, avant d’exprimer son soutien à la convocation d’une conférence de réconciliation nationale soutenue par l’Union africaine.

Le délégué a par ailleurs invité les autorités libyennes à poursuivre les réformes économiques et fiscales pour parvenir à une gestion responsable des ressources de l’État.  Notant que les récentes protestations de la population libyenne sont largement motivées par la dégradation du niveau de vie, encore aggravée par la récente dépréciation du dinar libyen, il a également constaté que les ressources nationales pour la reconstruction de l’est de la Libye touché par les inondations de septembre 2023 ne sont pas distribuées de manière équitable et transparente.  S’agissant de la mise en œuvre du régime de sanctions, il a déploré les violations de l’embargo sur les armes qui menacent la stabilité régionale déjà précaire et a réaffirmé le soutien de son pays à l’opération IRINI de l’Union européenne au large des côtes libyennes.  Enfin, après avoir appelé à des efforts internationaux cohérents pour protéger les droits humains des migrants et des réfugiés en Libye, il a demandé aux autorités libyennes de coopérer avec les agences onusiennes pour traduire en justice les responsables de violations dans les centres de détention et de permettre un accès humanitaire sans restriction à ces installations. 

La représentante de la Suisse a appelé les acteurs libyens à trouver un compromis afin de permettre l’organisation d’élections libres, équitables, transparentes et inclusives.  Faute d’un tel compromis, sous l’égide des bons offices de l’ONU, l’aspiration légitime des Libyens aux élections et à la paix sera entravée, a-t-elle averti, estimant que le succès de ce processus politique dépend de la création d’un environnement propice.  Cela inclut notamment le respect des droits humains et un arrêt immédiat de la répression à l’encontre des défenseurs de ces droits, a précisé la représentante, avant de dénoncer les graves atteintes à la liberté d’expression et le rétrécissement continu de l’espace civique en Libye.  Elle a ajouté que la Suisse soutient activement des initiatives visant à promouvoir la réconciliation, comme la tenue de la conférence sur la justice transitionnelle du 26 février dernier, organisée par le Conseil présidentiel libyen et la MANUL. 

Abordant ensuite la situation migratoire,  la représentante s’est déclarée alarmée par la découverte d’au moins 65 corps de migrants dans une fosse commune dans le sud-ouest de la Libye. Condamnant ces crimes, elle a appelé à ce que les auteurs soient tenus responsables et a souligné l’urgente nécessité d’une réponse coordonnée au trafic illicite de migrants et à la traite des personnes en Libye.  Avant de conclure, elle a estimé que, face au risque d’escalade, la Libye doit impérativement s’engager dans un processus politique, soutenu par la communauté internationale et par une véritable justice transitionnelle. 

Le représentant de l’Équateur a regretté la stagnation politique en Libye, dont les dirigeants doivent renouveler leur engagement à participer, sans conditions préalables, à un accord politique qui ouvrira la voie à la tenue d’élections présidentielle et législatives.  Dans ce contexte, son pays considère avec intérêt l’initiative de la Ligue des États arabes visant à faciliter le dialogue et à résoudre les problèmes liés à la tenue d’élections, qui, selon lui, devrait être complémentaire au processus promu par le Représentant spécial.  Par ailleurs, le délégué a jugé indispensable la mise en place d’un gouvernement unifié pour la paix et la stabilité futures de la Libye, ainsi que pour relever les défis économiques, notamment la reconstruction des zones touchées par la tempête Daniel et la gestion de ses ressources naturelles. 

C’est pourquoi il a souligné l’importance des efforts du Conseil présidentiel pour faire progresser le processus de réconciliation nationale, avec le soutien de l’Union africaine.  Le délégué a en outre encouragé la MANUL à continuer de soutenir les efforts de la Commission militaire mixte 5+5 dans la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu de 2020.  Enfin, le représentant a réitéré son appel aux autorités libyennes pour que, en coopération avec la communauté internationale et les partenaires de la région, elles protègent les droits des migrants et démantèlent les réseaux de trafiquants opérant dans le pays.

Le représentant de la Chine a appelé la communauté internationale à écouter la voix des parties libyennes et à s’abstenir d’imposer toute solution de l’extérieur.  Il a aussi plaidé pour le retrait des mercenaires hors du pays.  La délégation a salué le rôle joué par la République du Congo dans le dossier libyen, rappelant son attachement au principe de « solutions africaines aux problèmes africains ».  Elle a marqué son inquiétude sur le plan sécuritaire et a appelé à une réunion du Comité militaire conjointe 5+5 pour tabler sur la question. Au sujet de la tragédie des migrants qui se poursuit en Libye, la Chine a appelé les pays européens concernés à soutenir la Libye pour appuyer la gestion de la crise des migrants et des réfugiés. 

La représentante de Malte a déclaré que pour sortir de l’impasse et organiser des élections libres, équitables, transparentes, inclusives et sûres, il faut pouvoir s’appuyer sur le compromis et sur un consensus politique. Elle a appelé les principales parties prenantes libyennes à s’engager de manière constructive dans cette initiative, demandant en outre aux autorités libyennes de soutenir la Haute Commission électorale nationale dans l’organisation des élections municipales cette année, en lui garantissant les fonds et ressources nécessaires en temps voulu. De même, la déléguée a plaidé pour la participation pleine, égale, significative et sûre des femmes en tant qu’électrices, candidates et observatrices, demandant en outre de faciliter la participation active, significative et inclusive des jeunes et de la société civile. 

La représentante a par ailleurs estimé que le retrait des combattants étrangers et de mercenaires doit être une priorité, s’inquiétant en outre de la prolifération d’armes sous le contrôle de divers acteurs étatiques et non étatiques. Cette situation illustre l’importance de la mise en œuvre de l’embargo sur les armes en Libye et le rôle crucial joué par l’opération IRINI à cet égard, a indiqué la représentante qui a espéré un renouvellement de ces autorisations d’ici à la fin du mois de mai.

Le représentant de la Libye a déclaré que le « génocide » dans la bande de Gaza « a fait tomber de nombreux masques », se demandant si « l’entité sioniste » sera placée sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies parce qu’elle n’a pas appliqué les résolutions du Conseil et continue de violer le droit international.  Certains continuent de prêcher et de critiquer la situation en Libye, tout en fermant les yeux sur les scènes de tueries à Gaza.  Pendant ce temps, les années passent depuis que la Libye a été placée sous le Chapitre VII, neuf représentants spéciaux se sont succédé et les Libyens se demandent combien de temps cela va durer encore.

Le délégué a regretté l’incapacité du Conseil de sécurité de mettre fin aux ingérences étrangères dans son pays, pointant les divisions qui persistent en son sein.  Combien de temps cette situation va-t-elle encore durer?  Aujourd’hui, la Libye est devenue exportatrice d’armes en raison de la contrebande, mais le Conseil ne fait rien alors qu’il sait exactement comment ces armes entrent dans le pays.  Il a appelé à mettre fin aux sanctions et à privilégier les initiatives nationales.  « Peut-être que nous pourrions alors trouver pour nous-mêmes et par nous-mêmes une issue à cette crise », a-t-il espéré.  Il a reconnu l’importance de l’organisation des élections, tout en notant que la réconciliation et le rétablissement de la confiance sont des préalables essentiels.  Toutes les solution politiques resteront fragiles en l’absence d’une véritable réconciliation, a-t-il insisté.

Il a indiqué que les efforts de l’ONU ont débouché sur la mise en place de structures parallèles qui ne sont pas parvenues à travailler ensemble parce que la réconciliation nationale fait défaut.  Il a appelé à établir un contrat social accepté par tous et à soutenir les efforts du Conseil présidentiel et de l’Union africaine.  Il faut tenir compte des positions divergentes des différentes parties libyennes pour que ces élections puissent avoir lieu, a défendu le représentant. 

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