Conseil de sécurité: la paix au Yémen a une valeur intrinsèque pour le pays comme pour la région, avertit l’Envoyé spécial en évoquant les crises du Moyen-Orient
Au lendemain d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité sur les tirs iraniens contre Israël, la situation au Yémen a été analysée ce matin dans le contexte des tensions croissantes dans tout le Moyen-Orient et en examinant de près la situation écologique et économique du pays. « Nous ne pouvons pas risquer que la chance de paix au Yémen devienne un dommage collatéral », a déclaré l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen en évoquant les principaux défis à la paix dans le pays, y compris les défis humanitaires, économiques et la question des changements climatiques qui mérite une plus grande attention selon plusieurs délégations.
La paix au Yémen a une valeur intrinsèque, a déclaré M. Hans Grundberg qui a prédit qu’un Yémen en paix avec lui-même et avec ses voisins aura un impact positif sur la situation régionale. Il a donc appelé les parties à s’abstenir de toute décision unilatérale et de mesures d’escalade, les exhortant à s’engager dans un dialogue de bonne foi sous les auspices des Nations Unies. Au niveau régional, il a appelé de ses vœux une désescalade, regrettant d’ailleurs que la période du ramadan n’ait pas conduit à des « gestes de désescalade » comme cela fut le cas les deux dernières années quand des détenus avaient été libérés pour leur permettre passer l’Aïd avec leurs proches.
Sur le terrain, les routes que nous espérions voir ouvertes restent fermées, s’est-il aussi désolé en citant de plus le meurtre et les blessures tragiques infligés à 16 civils lorsqu’une résidence a été démolie par des houthistes dans la province de Beïda. L’Envoyé spécial s’est également dit troublé par l’apparente divergence croissante entre les parties qui se manifeste notamment sur le plan économique. Il a d’ailleurs déploré, comme plusieurs délégations, la désintégration de la monnaie en circulation dans les zones contrôlées par les houthistes. Globalement, même si la situation militaire reste contenue par rapport à celle d’avant avril 2022, il a noté l’escalade récente des hostilités sur plusieurs lignes de front, notamment à Dalea et Lahj.
M. Grundberg a indiqué que les Yéménites ont besoin d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale, une amélioration des conditions de vie et la reprise d’un processus politique inclusif qui inclue de manière significative une grande variété de voix, notamment celles des femmes, des jeunes, de la société civile et des groupes marginalisés. En décembre dernier, a-t-il rappelé, les parties ont franchi une étape importante en exprimant leur volonté de concrétiser un ensemble d’engagements à travers une feuille de route des Nations Unies. Malheureusement, l’élan vers un accord a été bloqué par les événements régionaux qui ont considérablement compliqué la médiation.
À ce propos, ce qui se passe en mer Rouge, dans le golfe d’Aden et à Gaza a été soulevé par nombre d’orateurs qui ont notamment appelé à un cessez-le-feu immédiat et permanent dans la bande de Gaza. Le groupe des A3+1 (Algérie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone) et d’autres ont demandé également la cessation d’attaques houthistes contre les navires naviguant dans ces eaux. Le Japon a exigé que les houthistes se conforment aux avertissements répétés du Conseil et libèrent le navire battant pavillon nippon Galaxy Leader et son équipage. Le Royaume-Uni a craint que ces attaques entraînent une nouvelle escalade au Moyen-Orient. La France s’est d’ailleurs montrée choquée des informations indiquant que les houthistes avaient participé à la récente attaque menée par l’Iran contre Israël, rappelant que son pays agit dans le cadre de l’opération européenne ASPIDES pour assurer la sûreté maritime et la liberté de navigation.
Le représentant du Yémen a accusé « les milices terroristes houthistes » soutenues par l’Iran de poursuivre leurs violations odieuses et leurs crimes contre les Yéménites, s’étonnant que ce groupe prétende soutenir le peuple palestinien à Gaza alors qu’il commet quotidiennement des actes de terrorisme et des meurtres. Pour éviter ces crimes, les États-Unis ont exhorté l’Iran à mettre un terme aux transferts d’armes illégaux aux houthistes. La délégation américaine a aussi renouvelé sa demande d’inclure des informations sur l’origine et les types d’armes utilisées pour chaque incident dans les rapports mensuels du Secrétaire général au titre de la résolution 2722 (2024).
La Fédération de Russie a, elle, dénoncé le transfert par les États-Unis d’armes et munitions capturées dans le golfe d’Oman vers la zone de conflit en Ukraine. Analysant la situation sécuritaire en mer Rouge, la Russie a estimé que le calme dans cette région ne tient qu’à la fin de la violence dans le conflit palestino-israélien. Elle a aussi accusé la « coalition autoproclamée » contre les houthistes dirigée par les États-Unis et le Royaume-Uni de faire monter la tension.
La séance a été l’occasion d’exprimer à nouveau des inquiétudes sur le plan humanitaire, puisque le personnel continue d’opérer dans un environnement très difficile, comme l’a rappelé la Directrice des opérations et du plaidoyer du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Mme Edem Wosornu a également fait part d’ingérence dans les programmes humanitaires et de restrictions de mouvement dans les zones contrôlées par les houthistes, en particulier pour les travailleuses humanitaires yéménites. Elle a aussi appelé à financer le plan de réponse humanitaire 2024, qui ne l’est qu’à hauteur de 10%.
Enfin, les défis écologiques qui entravent l’essor du Yémen ont été mis en avant par Malte qui a exhorté la communauté internationale à appuyer le Yémen dans l’atténuation des conséquences de la crise climatique, notamment en lui facilitant l’accès au financement climatique. La Suisse a indiqué que les catastrophes naturelles ont poussé plus de 700 000 Yéménites à se déplacer depuis 2008, ce qui n’a fait qu’augmenter les tensions autour de l’eau, de la nourriture ou des services de base. La Présidente de la Fondation Itar pour le développement social, Mme Wameedh Shaskir, a détaillé dans son exposé l’étendue du problème en citant l’irrégularité des précipitations, la hausse des températures et la baisse du niveau des eaux souterraines qui menacent la sécurité alimentaire de millions de personnes. S’inquiétant que les autorités ne considèrent pas les changements climatiques comme une priorité, elle a recommandé que les politiques et projets visant à lutter contre ces phénomènes reflètent les besoins, l’expertise et les aspirations des femmes et des filles.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Déclarations
L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, M. HANS GRUNDBERG, a fait remarquer que cette réunion a lieu à un moment particulièrement dangereux au Moyen-Orient. Il a souligné la nécessité d’une désescalade régionale plus large, tout en plaidant pour des efforts soutenus et durables vers la promotion de relations pacifiques et stables, pour le bien-être des populations du Moyen-Orient. Il a regretté le fait que la période du ramadan n’ait pas conduit à des gestes de désescalade comme cela fut le cas les deux dernières années. Les détenus auraient pu être libérés, par exemple, pour leur permettre de passer l’Aïd avec leurs proches. Les routes que nous espérions voir ouvertes restent fermées, s’est-il aussi désolé en citant aussi le meurtre et les blessures tragiques de 16 civils, dont des femmes et des enfants, lorsqu’une résidence a été démolie par des houthistes dans la province de Beïda.
L’Envoyé spécial s’est ensuite dit troublé par l’apparente divergence croissante entre les parties. Sur le plan économique, les parties s’engagent dans des actions unilatérales qui risquent d’aggraver la crise économique, a-t-il craint, soulignant la désintégration de la monnaie en circulation dans les zones contrôlées par les houthistes. Selon lui, les défis auxquels sont confrontés les Yéménites sur le plan économique nécessitent plutôt une réponse stratégique et coordonnée, conforme aux objectifs du règlement à long terme du conflit. Même si la situation militaire à l’échelle du pays reste contenue par rapport à celle d’avant avril 2022, il a noté l’escalade récente des hostilités sur plusieurs lignes de front, notamment à Dalea et Lahj. Il a également relevé que des combats intermittents et des échanges de tirs ont eu lieu dans certaines provinces.
M. Grundberg a indiqué que les Yéménites ont besoin d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale, une amélioration des conditions de vie et la reprise d’un processus politique inclusif qui engage de manière significative une grande variété de voix, notamment celles des femmes, des jeunes, de la société civile et les groupes marginalisés. Il a rappelé qu’en décembre dernier, les partis ont franchi une étape importante en exprimant leur volonté de concrétiser un ensemble d’engagements à travers une feuille de route des Nations Unies. Malheureusement, l’élan vers un accord a été bloqué par les événements régionaux qui ont considérablement compliqué la médiation. Il a évoqué l’escalade dans la mer Rouge et le golfe d’Aden, entrée dans son sixième mois, avec les houthistes ciblant les navires commerciaux et militaires, et avec les États-Unis et le Royaume-Uni menant des attaques contre des cibles militaires à Hodeïda, Hajjaj, Sanaa et Taëz.
En l’absence d’un cessez-le-feu à Gaza et d’un arrêt complet des attaques dans la mer Rouge et le golfe d’Aden, la menace d’une nouvelle escalade persiste au Yémen, a-t-il averti en ajoutant que les récents développements impliquant l’Iran et Israël soulignent l’urgence de cette question. La région doit, avec le soutien de la communauté internationale, chercher des voies de coexistence fondées sur l’instauration de la confiance, la sécurité mutuelle et l’abandon de la mentalité du jeu à somme nulle, a-t-il recommandé. « Nous ne pouvons pas risquer que la chance de paix du Yémen devienne un dommage collatéral. » La paix au Yémen a une valeur intrinsèque, a-t-il déclaré en prédisant qu’un Yémen en paix avec lui-même et avec ses voisins aura un impact positif sur la situation régionale. Il a donc appelé les parties à s’abstenir de toute décision unilatérale et de mesures d’escalade, les exhortant à s’engager dans un dialogue de bonne foi sous les auspices des Nations Unies.
Mme EDEM WOSORNU, Directrice des opérations et du plaidoyer au sein du Bureau de la coordination des affaires humanitaires(OCHA), a rappelé qu’avril 2024 marque le deuxième anniversaire de l’annonce de la trêve négociée par l’ONU au Yémen, laquelle a permis d’y atténuer la crise humanitaire et de faire baisser le nombre de victimes civiles, d’assouplir les restrictions commerciales, d’augmenter les importations d’articles de première nécessité, d’élargir les liaisons routières et aériennes, et de permettre à certaines personnes déplacées de regagner leurs foyers. Les principales causes des besoins considérables au Yémen –en particulier la détérioration de l’économie, les dysfonctionnements des services publics et les déplacements prolongés provoqués par le conflit– n’ont pas encore été résolues, a reconnu la haute fonctionnaire, qui a également fait état d’une dégradation des services publics et des indicateurs économiques. La réémergence du choléra et les niveaux croissants de malnutrition sévère sont des indicateurs de l’affaiblissement des services sociaux, dans un contexte où près d’un enfant âgé de moins de cinq ans sur deux souffre d’un retard de croissance – soit plus du double de la moyenne mondiale (49% contre 21,3%).
Les personnes les plus vulnérables, notamment les femmes et les filles, les groupes marginalisés tels que les Muhamasheen, les personnes déplacées, les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés, ainsi que les personnes handicapées, dépendent toujours de l’aide humanitaire pour survivre, a expliqué Mme Wosornu. Or, les personnels humanitaires continuent d’opérer dans un environnement très difficile, a-t-elle rappelé, faisant part d’ingérence dans les programmes humanitaires et de restrictions de mouvement dans les zones contrôlées par les houthistes – en particulier pour les travailleuses humanitaires yéménites.
Par ailleurs, l’ONU continue de se heurter à un déficit de financement préoccupant s’agissant du plan de réponse humanitaire 2024, qui n’est financé qu’à hauteur de 10% à ce jour. Face à cette insuffisance de fonds comme à l’évolution de la situation sur le terrain, nous essayons d’adapter notre réponse locale et de fournir des solutions plus durables pour la population du Yémen, en étroite coopération avec nos partenaires de développement et les communautés affectées, a déclaré la Directrice des opérations de l’OCHA. Ainsi, face à la résurgence alarmante du choléra à travers le pays dans les zones placées sous le contrôle des houthistes, les stocks d’urgence d’articles de première nécessité sont presque épuisés, a-t-elle mis en garde, soulignant aussi la défaillance des systèmes d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène, qui doivent être renforcés de toute urgence.
Aussi la haute fonctionnaire a-t-elle appelé la communauté internationale à combler ces lacunes urgentes, notamment en matière de financement. Elle a averti que la sécurité alimentaire et nutritionnelle allait se détériorer encore davantage dans les semaines à venir avec l’arrivée de la période de soudure. Le Yémen a besoin selon elle de trois choses aujourd’hui. Tout d’abord, gardant à l’esprit combien, en dépit des progrès réalisés, il reste encore à faire dans un environnement opérationnel complexe, elle a exhorté le Conseil de sécurité à redoubler d’efforts pour garantir une paix et une stabilité durables au Yémen. En outre, elle a invité les membres du Conseil à apporter un soutien à la communauté humanitaire pour qu’elle soit en mesure d’agir rapidement pour minimiser les souffrances et empêcher une nouvelle détérioration des conditions de vie dans le pays. Enfin, Mme Wosornu a exhorté les membres du Conseil à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que soit fourni le financement dont le Yémen a un besoin urgent.
Mme WAMEEDH SHAKIR, Présidente de la Fondation Itar pour le développement social, organisation yéménite dédiée à la promotion des droits des femmes et des jeunes, a souligné l’impact sexospécifique de la crise humanitaire déclenchée par le conflit dans son pays. Alors que 17 millions de Yéménites souffrent d’insécurité alimentaire et que 6 millions d’entre eux sont au bord de la famine, les femmes et les enfants représentent près de 80% des personnes ayant besoin d’une aide humanitaire, a-t-elle expliqué, ajoutant que l’effondrement économique pèse de manière disproportionnée sur les femmes yéménites. La flambée des prix des denrées alimentaires et la diminution des ressources les obligent à sauter des repas ou à vendre leurs biens, et la malnutrition menace 2,7 millions de femmes enceintes et allaitantes. Du fait de cette crise, des millions de filles ont dû quitter les bancs de l’école pour travailler afin de nourrir leur famille. Sur les 10,7 millions d’enfants d’âge scolaire au Yémen, 4,5 millions ne sont pas scolarisés et 70% sont des filles, a précisé l’intervenante, avant de relever que le manque d’accès des filles à l’éducation a des implications sur les taux de mariage forcé des enfants, en particulier pour les filles déplacées. Environ une fille déplacée sur cinq âgée de 10 à 19 ans est mariée, ce qui est nettement plus élevé que le taux habituel dans les communautés d’accueil.
Mme Shakir a ensuite alerté sur les effets des changements climatiques, qui sont facteurs d’insécurité alimentaire, de pénurie d’eau et de déplacements au Yémen. L’irrégularité des précipitations, la hausse des températures et la baisse du niveau des eaux souterraines menacent la sécurité alimentaire de millions de personnes dont les moyens de subsistance dépendent de l’agriculture, a-t-elle indiqué, notant que cette situation touche de manière disproportionnée les femmes et les filles. Les changements climatiques exacerbent aussi les déplacements, obligeant des millions de personnes à fuir leurs foyers à la recherche d’eau, de nourriture et de sécurité. Selon les femmes déplacées internes avec lesquelles la Fondation Itar a récemment travaillé, les débordements d’eaux usées, les inondations et la pollution industrielle, en particulier celle provoquée par les compagnies pétrolières, sont des problèmes fréquents qui obligent les communautés affectées à adopter des « mécanismes d’adaptation négatifs », comme la réduction des dépenses consacrées aux besoins de santé, le déplacement forcé vers des endroits plus sûrs et le recours à l’emprunt. Malgré la gravité de la situation, les autorités ne considèrent pas les changements climatiques comme une priorité, a-t-elle déploré, jugeant impératif que les politiques, stratégies et projets visant à lutter contre ces phénomènes reflètent les besoins, l’expertise et les aspirations des femmes et des filles.
Dans ce contexte, la Présidente de la Fondation Itar a constaté que la représentation des femmes diminue à tous les niveaux au Yémen, notamment au niveau politique, et que leur participation au processus de paix reste négligeable. De plus, le leadership des femmes au sein des organisations de la société civile est faible et elles rencontrent des difficultés pour accéder au financement et au développement des capacités. Pourtant, a-t-elle affirmé, la société civile constitue l’épine dorsale des efforts humanitaires, de paix et de développement au Yémen. Pour inverser la tendance, Mme Shakir a exhorté le Conseil de sécurité à faire en sorte que tous les Yéménites, y compris les femmes et les jeunes, puissent participer à la prise de décisions en matière de paix et de sécurité à tous les niveaux. Elle lui a également demandé d’appeler les donateurs à financer de toute urgence et intégralement le plan de réponse humanitaire pour le Yémen, en prévoyant avec un financement direct, flexible et pluriannuel en faveur des droits des femmes et des organisations dirigées par des femmes. Enfin, après avoir plaidé pour une levée de toutes les restrictions sur la circulation des femmes yéménites et des travailleurs humanitaires, elle a souhaité que le Conseil exhorte toutes les parties au conflit à s’attaquer de manière concrète à la crise climatique.
La représentante du Royaume-Uni a réitéré son appel aux parties pour qu’elles facilitent l’accès sans entrave des travailleurs humanitaires aux personnes dans le besoin. Seul un règlement politique inclusif permettra d’assurer une paix durable et une stabilité à long terme au Yémen, tout en allégeant les souffrances humanitaires. La déléguée a condamné sans équivoque les frappes contre Israël menées par l’Iran, fustigeant le rôle « inacceptable » que joue ce pays dans la déstabilisation de la région. Elle a également dénoncé le soutien apporté par Téhéran aux houthistes, qui ont également participé à cette attaque.
La poursuite des attaques des houthistes contre les navires marchands en mer Rouge font courir le risque d’une nouvelle escalade au Moyen-Orient, a dénoncé la déléguée, en plus de menacer des vies innocentes et l’acheminement de l’aide humanitaire. En outre, la décision d’émettre de la fausse monnaie menace de déstabiliser le secteur bancaire yéménite ainsi que l’économie déjà fragile du pays. Dans ces conditions, la délégation britannique a appelé les houthistes à donner la priorité aux intérêts du peuple yéménite et à s’engager dans les efforts de l’ONU pour résoudre la fragmentation économique.
Le représentant de la Sierra Leone, au nom des A3+1 (Algérie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone) a appuyé la reprise d’un processus de paix emmené et contrôlé par les Yéménites. La conclusion d’un accord de cessez-le-feu à l’échelle nationale est capitale afin que le processus de paix puisse réussir, a-t-il fait valoir. Il a appelé les parties à faire en sorte que l’escalade de la situation en mer Rouge n’entrave pas une mise en œuvre efficace du processus de paix. « Nous exhortons les houthistes à participer de manière constructive aux efforts de l’Envoyé spécial et des acteurs régionaux et internationaux en vue d’une réussite du processus de paix », a plaidé le délégué. Il a ensuite insisté sur la gravité de la situation humanitaire au Yémen, 17 millions de personnes étant en insécurité alimentaire, demandant à cet effet un appui financier accru au Programme alimentaire mondial (PAM). Enfin, le délégué a demandé la cessation des attaques des houthistes contre les navires en mer Rouge et dans le golfe d’Aden, avant d’appeler à un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza.
La représentante de la Slovénie a appelé toutes les parties à s’engager de manière constructive avec l’Envoyé spécial et à prioriser la désescalade et le dialogue, dans un contexte très volatile pour le Yémen et la région, plongée « dans la tourmente à la suite de la catastrophe qui se déroule à Gaza ». Elle a également appelé « une fois de plus » à la cessation immédiate des attaques des houthistes qui se poursuivent en mer Rouge, avant de dénoncer les attaques signalées contre des bâtiments civils à Beïda. Répondre aux besoins humanitaires du Yémen est une première étape nécessaire qui doit être suivie par des solutions durables à long terme, enracinées dans une paix durable, a-t-elle ajouté. La déléguée a ensuite rappelé que l’Union européenne soutient les initiatives durables visant à améliorer l’accès à l’eau et à donner la priorité à la préparation et à la réponse aux situations d’urgence. Elle a appelé le Gouvernement yéménite à veiller à ce que ses politiques, y compris au niveau local, soient inclusives et sensibles à la gestion des ressources naturelles et aux nombreux défis liés au climat et à l’eau auxquels le pays est confronté.
Le représentant de la République de Corée a déploré le ralentissement des progrès vers une solution politique au Yémen, malgré les efforts déployés par l’Envoyé spécial. Il s’est particulièrement inquiété de la situation en mer Rouge, qui a des effets néfastes sur les approvisionnements du pays, et estimé que les houthistes sont largement responsables de la « grave » escalade dans la région. Il a appelé à la mise en œuvre complète de la résolution 2722 (2024) du Conseil de sécurité pour appuyer l’action de l’Envoyé spécial, ajoutant que le Comité des sanctions contre le Yémen continuera à suivre le régime appliqué à ce pays, en particulier l’embargo sur les armes au titre de la résolution 2216 (2015). Le représentant s’est alarmé de la dégradation de la situation humanitaire, notamment dans les zones sous contrôle des houthistes, estimant que ces problèmes sont intrinsèquement liés à la crise sécuritaire. Dénonçant le fait que les houthistes essaient de freiner la production de pétrole du Gouvernement yéménite, il a constaté que l’économie nationale en fait les frais, avec des effets délétères sur la population. Enfin, après avoir pris note des problèmes environnementaux auxquels le Yémen est confronté, il a jugé que l’exclusion de parties prenantes ne permettra pas de les régler et a salué le rôle que joue l’ONU pour y répondre.
Le représentant des États-Unis a déclaré que les attaques « insensées » menées par les houthistes en mer Rouge et la détérioration de la situation du peuple yéménite continuent de « nous détourner d’une perspective de paix » dans le pays. Outre leur impact délétère sur le commerce maritime international, ces attaques ont également pour effet d’entraver l’acheminement de l’aide humanitaire aux Yéménites qui en ont grand besoin. Ce groupe continue en outre d’assiéger la ville de Taëz ainsi que de mener des exactions contre la population civile, a noté le représentant qui a appelé l’Iran à mettre un terme à ses transferts d’armes illégaux aux houthistes. Il a renouvelé sa demande que les rapports mensuels du Secrétaire général au Conseil de sécurité au titre de la résolution 2722 (2024) incluent des informations sur les types d’armes utilisées dans chaque incident ainsi que leur origine probable.
Malgré la persistance de ces défis nationaux et régionaux, le représentant s’est dit convaincu que les négociations en vue de parvenir à un processus de paix véritablement yéménite, sous les auspices de l’ONU, restent la meilleure voie vers la stabilité. De telles mesures permettront selon lui de mettre fin au conflit et de répondre aux appels du peuple yéménite à la justice, à la responsabilité et aux réparations pour les abus commis lors du conflit.
La représentante de la Suisse a appelé les parties à s’abstenir de toutes actions pouvant mettre en péril la mise en œuvre de la feuille de route, y compris les mesures financières affectant la santé économique du pays, a dit la déléguée. Elle a réaffirmé, à cet égard, l’importance de l’exercice des droits et des libertés de navigation en mer Rouge. Toutes les attaques doivent cesser, tant en mer Rouge qu’au Yémen, a-t-elle tranché. Elle a relevé que l’environnement humanitaire au Yémen devient toujours plus complexe et dangereux, en s’inquiétant de la recrudescence des cas de choléra. Enfin, elle a noté que les changements climatiques aggravent les vulnérabilités sociales et politiques qui affectent déjà le Yémen. Les catastrophes naturelles ont poussé plus de 700 000 personnes à se déplacer depuis 2008, contribuant ainsi à augmenter les tensions autour de l’eau, la nourriture ou les services de bases dans les régions d’accueil, a-t-elle indiqué.
Le représentant de l’Équateur s’est inquiété des répercussions des attaques en mer Rouge sur la situation humanitaire au Yémen. Il a aussi souligné les conséquences négatives des changements climatiques. Le conflit en mer Rouge pourrait altérer la volonté des parties de progresser dans le processus de paix, a signalé le délégué, en pointant les risques d’escalade. Il a jugé nécessaire la mise en application de la résolution 2722 (2024) et appuyé les efforts de médiation de l’Envoyé spécial. Enfin, le représentant a insisté sur l’importance des efforts de déminage au Yémen.
La représentante du Japon a salué le communiqué publié le mois dernier par le Conseil de sécurité, dans lequel ses 15 membres ont déclaré d’une seule voix que les attaques des houthistes contre des navires étaient inacceptables. Or, ceux-ci poursuivent leurs activités militaires dangereuses, perturbent la navigation sûre du transport maritime international et l’économie mondiale, et détiennent toujours le Galaxy Leader, navire exploité par des Japonais. Le Japon exige que les houthistes se conforment aux avertissements répétés du Conseil, exprimés notamment dans la résolution 2722 (2024), et libèrent le Galaxy Leader et son équipage.
Poursuivant, la représentante a regretté l’intensification de la campagne militaire meurtrière des houthistes contre les forces yéménites. Les mesures économiques hostiles prises par les houthistes à l’encontre du Gouvernement du Yémen compromettent selon elle la mise en place d’un environnement propice aux pourparlers de paix. Qui plus est, a-t-elle ajouté, la situation humanitaire déjà désastreuse est aujourd’hui aggravée par les changements climatiques.
Le représentant de la Chine a exhorté les parties au conflit à lever les entraves au dialogue et la communauté internationale à apaiser les tensions et à créer un environnement propice à l’avènement d’un processus politique. Il a rappelé aux houthistes la nécessité de respecter la liberté de navigation en mer Rouge et à cesser leurs attaques. Ces tensions, a observé le délégué, sont une manifestation visible de la contagion régionale du conflit en cours à Gaza, malgré l’adoption de la résolution 2728 (2024) du Conseil de sécurité, qui appelait à un cessez-le-feu immédiat de la guerre entre Israël et le Hamas pendant le mois de ramadan. Israël, a-t-il ajouté, doit donc s’acquitter de ses obligations internationales et faire cesser ses attaques contre Gaza et la punition collective imposée aux populations palestiniennes.
Le représentant de la Fédération de Russie a indiqué que son pays soutient les efforts de l’Envoyé spécial visant à établir un cessez-le-feu durable au Yémen et à lancer un dialogue national inclusif sous les auspices de l’ONU. Il a cependant souligné la nécessité d’actualiser le cadre juridique international du règlement yéménite, qui est selon lui « dépassé » et ne reflète pas les réalités du terrain. Il s’est également inquiété de la détérioration de la situation humanitaire dans le pays, soulignant qu’elle touche près de la moitié de la population et s’inquiétant de l’épidémie de choléra en cours. Le délégué a par ailleurs exprimé sa préoccupation quant à la situation dans les eaux adjacentes au Yémen, notamment en mer Rouge. Appelant à garantir une navigation sûre et libre dans cette zone maritime, il a condamné les attaques perpétrées contre des navires pacifiques et exhorté les houthistes à y mettre immédiatement fin.
Le représentant a cependant estimé que cette situation est une conséquence de la poursuite par Israël de l’effusion de sang dans la bande de Gaza, en violation de la résolution 2728 (2024) du Conseil de sécurité. « La clef du calme en mer Rouge est la fin de la violence dans le conflit palestino-israélien », a-t-il affirmé, jugeant également alarmant que la « coalition autoproclamée » dirigée par les États-Unis et le Royaume-Uni continue de faire monter la tension. Selon lui, les attaques aériennes menées par cette coalition occidentale sur le territoire du Yémen sont inacceptables, tout comme les tentatives visant à justifier l’agression en invoquant la résolution 2722 (2024) ou le droit à la légitime défense, consacré par l’Article 51 de la Charte des Nations Unies. De telles actions nuisent au règlement interne au Yémen, sapant les efforts des médiateurs internationaux et régionaux, a-t-il dit, avant de mettre en garde contre une nouvelle vague de violences dans le pays. Dans ce contexte, il a rappelé que la Russie plaide depuis le début du conflit en faveur d’une action politique et diplomatique, impliquant tous les acteurs yéménites, y compris Ansar Allah, la branche politique des houthistes.
Par ailleurs, après avoir dénoncé le transfert par les États-Unis des armes et munitions capturées dans le golfe d’Oman vers la zone de conflit en Ukraine, le représentant a rappelé que, dans le contexte yéménite, il n’existe pas de régime spécial pour l’inspection des navires dans les eaux internationales et que de telles actions ne sont pas prévues par la résolution 2216 (2015). Condamnant l’interprétation qui est faite des résolutions pertinentes du Conseil sur le Yémen, il a déclaré que son pays considère le régime de sanctions comme un « mécanisme auxiliaire de règlement politique » et non comme un « moyen de punition ». À cet égard, il s’est élevé contre le « comportement irresponsable » des États-Unis.
La représentante de la France a condamné avec la plus grande fermeté l’attaque sans précédent menée par l’Iran et les groupes qui lui sont liés contre Israël. Estimant que cette attaque constitue une menace sérieuse à la stabilité et la sécurité de la région, la représentante a exprimé son attachement à la sécurité d’Israël et à la stabilité régionale. Les houthistes, a-t-elle constaté, poursuivent leurs attaques en mer Rouge et dans le golfe d’Aden en dépit des mises en garde du Conseil, affectant les droits de navigation et déstabilisant le pays et la région. La déléguée a appelé les houthistes à libérer immédiatement le Galaxy Leader et son équipage. Elle s’est également préoccupée des informations indiquant que les houthistes ont participé à la récente attaque menée par l’Iran contre Israël.
Face à ce comportement « irresponsable », la France poursuit son engagement dans le cadre de l’opération européenne ASPIDES afin d’assurer la sûreté maritime et la liberté de navigation, conformément au droit international. À cet égard, la représentante a noté que la résolution 2722 (2024) rappelle que l’exercice des droits de navigation doit être respecté et que les États ont le droit de défendre leurs navires contre les attaques. Sur le plan sécuritaire, la représentante a souligné l’importance de transformer la trêve de facto en une cessation durable des hostilités. L’insécurité en mer Rouge et dans le golfe d’Aden a également des conséquences sur le coût des opérations humanitaires et les approvisionnements. Il est donc essentiel que les houthistes cessent de déstabiliser l’économie du Yémen et de mener une guerre économique contre le Gouvernement du pays, y compris l’émission de fausse monnaie, a-t-elle recommandé.
La représentante de Malte a demandé un appui accru au plan de réponse humanitaire pour le Yémen, ce plan étant gravement sous-financé. Elle a appelé les autorités à lever les restrictions qui entravent la liberté de mouvement des femmes au Yémen. Elle s’est inquiétée de la recrudescence des cas de choléra et appelé à une réponse internationale robuste. Elle a ensuite appelé les houthistes à cesser immédiatement leurs attaques en mer Rouge et à s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international. Elle a déploré la décision des houthistes de battre leur propre monnaie. Elle a rappelé que le Yémen est le troisième pays au monde le plus vulnérable aux changements climatiques et l’un des moins préparés à y faire face. La déléguée a donc exhorté la communauté internationale à appuyer le Yémen dans l’atténuation des conséquences de la crise climatique, y compris par un accès adéquat au financement climatique.
Le représentant du Yémen a souligné qu’une paix juste et durable est et restera l’objectif principal du Conseil présidentiel et du Gouvernement yéménites, le but suprême et ultime étant de parvenir à un règlement politique sans discrimination ni exclusion et à établir un avenir meilleur pour tous les Yéménites. Le Gouvernement est sur le point de signer la feuille de route, a-t-il assuré tout en signalant que les milices terroristes houthistes ont décidé, « comme à leur habitude », de se soustraire à leurs obligations, notamment en intensifiant leurs actions en mer Rouge sous prétexte de soutenir Gaza. Il a salué le rôle de l’Arabie saoudite pour faire face à la crise yéménite, y compris pour soulager les souffrances humaines du peuple yéménite.
Le délégué a accusé les milices terroristes houthistes de poursuivre leurs violations odieuses et leurs crimes contre les Yéménites, dont le dernier en date est une attaque brutale commise dans la ville de Daraa. Il a dénoncé ce groupe, soutenu par l’Iran, qui prétend soutenir le peuple palestinien à Gaza alors qu’il commet quotidiennement des actes de terrorisme et des meurtres. Le délégué a assuré que ces crimes et violations des houthistes ne seront pas prescrits. Selon le représentant, les milices terroristes houthistes ont ciblé à plusieurs reprises les pétroliers et les navires commerciaux en mer Rouge. Concernant le naufrage du navire Rubymar et ses conséquences, il a appelé à fournir le soutien nécessaire de diverses manières pour y faire face. Il a aussi souligné l’importance d’efforts régionaux et internationaux concertés pour faire face aux défis environnementaux qui menacent le Yémen et la mer Rouge.
Le Gouvernement yéménite met à nouveau en garde contre le flux continu d’armes iraniennes vers les milices terroristes houthistes, a poursuivi le délégué, avertissant contre le risque de prolonger le conflit au Yémen et d’exacerber la crise humanitaire. Il a évoqué avec inquiétude la crise humanitaire catastrophique, la politique de famine et la guerre économique systématique menée par les milices terroristes houthistes contre le peuple yéménite. Le Gouvernement yéménite appelle une fois de plus la communauté internationale à le soutenir face à ces défis et à trouver les moyens de l’aider à réexporter du pétrole pour lui permettre de remplir ses obligations et devoirs, a plaidé le délégué. Il a salué le soutien fraternel apporté par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis qui ont contribué de manière significative à faire face au déficit du budget national et à surmonter de nombreuses difficultés financières et liées à la fourniture de services. Il a aussi réitéré l’importance de décaisser les fonds d’aide humanitaire par le biais de la Banque centrale du Yémen, espérant que cela soutienne grandement les efforts visant à relancer l’économie nationale et à maintenir et améliorer la valeur de la monnaie. Le représentant a enfin dit attendre avec impatience la conférence des donateurs pour la mobilisation des fonds en vue de financer correctement le plan de réponse humanitaire de 2024.