En cours au Siège de l'ONU

9585e séance – matin
CS/15638

Le Conseil de sécurité débat à nouveau des livraisons d’armes à l’Ukraine

Réuni pour la treizième fois à la demande de la Fédération de Russie sur ce thème depuis septembre 2022, le Conseil de sécurité a débattu, ce matin, des livraisons d’armes à l’Ukraine par les pays occidentaux, donnant lieu comme à l’accoutumée à des échanges très vifs entre ces pays, en particulier la France et la Fédération de Russie. 

La Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, Mme Izumi Nakamitsu, a ouvert la séance en rappelant l’ampleur « consternante » des dévastations en Ukraine depuis le début de l’invasion par la Russie en violation de la Charte des Nations Unies.  Elle a déclaré que la grande partie des informations sur les transferts d’armes et de munitions à l’Ukraine sont accessibles publiquement.

Mentionnant les livraisons d’armes à la Russie qui les utilise en Ukraine, elle a rappelé que tout transfert doit respecter le cadre international applicable, y compris les résolutions du Conseil de sécurité.  Les États importateurs et exportateurs doivent agir de manière responsable et empêcher les diversions et trafics illicites, a-t-elle dit, jugeant capitales les capacités de traçage.  Elle a enfin alerté sur les risques d’escalade découlant de ces livraisons d’armes.

« Celles utilisées en Ukraine conduisent à un possible point de non-retour apocalyptique », a, de son côté, déclaré M. Matthew Hoh, analyste politique indépendant.  Constatant l’échec de la stratégie économico-militaire des États-Unis et de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), il a regretté que la diplomatie n’ait jamais été considérée comme un volet nécessaire.  Simultanément, les décès, les destructions et les souffrances entrent dans leur vingt-sixième mois, a-t-il déploré, en soulignant le caractère « circulaire et linéaire » de l’escalade guerrière.

Le représentant de la Fédération de Russie a assuré qu’en dépit de l’assistance militaire, financière et politique fournie par les Occidentaux, « l’Ukraine s’oriente inévitablement vers une défaite militaire ».  Dans sa volonté de nous infliger une défaite stratégique, l’Occident parle maintenant avec force de sa volonté d’entamer une confrontation directe entre la Russie et l’OTAN, a-t-il poursuivi.  Dans ce contexte, la rhétorique militante antirusse du Président français Emmanuel Macron n’est même pas surprenante, même si elle est très alarmante, a relevé le représentant. 

Ces dernières semaines, M. Macron a fait des déclarations provocatrices sur l’absence de « lignes rouges » de la France concernant le conflit et sur sa volonté d’envoyer des troupes en Ukraine, a poursuivi le délégué russe: « Selon certains rapports, il pourrait s’agir d’un déploiement de 2 000 soldats, y compris dans les zones frontalières avec le Bélarus. »  Il convient ici de rappeler que Paris a été l’un des premiers à devenir complice des crimes du régime de Kiev en fournissant des chars, de l’artillerie et des missiles à longue portée, a assené le représentant.

« Il n’y a pas d’autre moyen d’amener la Russie à cesser sa guerre que d’aider l’Ukraine, au maximum », a rétorqué le délégué de la France.  Il a en effet estimé que la capitulation de l’Ukraine serait « notre défaite à tous ».  Nous poursuivrons la livraison de matériels pour permettre à l’Ukraine de résister, de renforcer sa défense antiaérienne et de reprendre les territoires perdus, a tranché le représentant français.  « C’est le sens de l’accord de coopération en matière de sécurité que nous avons signé avec l’Ukraine le 16 février. »

Même son de cloche du côté des États-Unis, du Royaume-Uni ou encore de la Slovénie.  « Les armes livrées à l’Ukraine le sont aux fins de légitime défense de ce pays contre un agresseur qui mène contre lui une guerre illicite et immorale », a tranché le délégué slovène.  Son homologue du Royaume-Uni a, lui, souligné le coût considérable pour le peuple russe de la « vanité néo-impériale » du Président Putin, « tout cela pour une guerre que la Russie ne peut pas gagner ». 

Les livraisons d’armes que nous devrions condamner sont celles entre la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et la Russie, en violation des résolutions de ce Conseil, a tranché Malte, appuyée notamment par la Suisse, les États-Unis, le Japon ou bien encore la République de Corée.  « Nous continuons de surveiller attentivement ce que la RPDC gagne en retour », a déclaré le Japon.  Le représentant de l’Ukraine a jugé cynique que la Russie dénonce les transferts d’armes occidentales alors qu’elle reçoit d’importantes livraisons de Pyongyang. 

« La solidarité avec l’Ukraine est essentielle car les appétits de l’agresseur ne se limitent pas à la seule Ukraine », a-t-il dit, en se félicitant que cette perception soit désormais partagée par l’Europe.  Le délégué ukrainien a enfin demandé au Conseil de mettre un terme à l’agression russe. « Plus tard dans la journée, vous voterez sur la prolongation du mandat du Groupe d’experts sur la RPDC, prouvez que l’ordre mondial peut fonctionner », a-t-il exhorté.

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a indiqué que l’ampleur des dévastations en Ukraine est consternante.  « Cibler les infrastructures énergétiques fournissant des services publics essentiels est tout simplement inacceptable. »  Elle a rappelé que les parties belligérantes ont l’obligation de protéger les civils et de respecter le droit international humanitaire.  Les livraisons d’armes et de munitions aux forces ukrainiennes se poursuivent depuis l’invasion à grande échelle lancée par la Russie en violation de la Charte des Nations Unies, a-t-elle dit.  Elle a déclaré que la grande partie des informations sur les transferts d’armes à l’Ukraine sont publiques.  Parmi ces transferts, il y a des tanks, des véhicules blindés, des avions de combat, des systèmes d’artillerie, des missiles ainsi que des armes légères et des munitions.  Elle a aussi mentionné les informations faisant état de livraisons d’armes, telles que des missiles balistiques, à la Russie afin d’être utilisées en Ukraine. « Je rappelle que tout transfert d’armes doit respecter le cadre international applicable, y compris les résolutions de ce Conseil. »

Elle a déclaré que les livraisons d’armes en temps de conflit alimentent les risques d’escalade et que les États importateurs et exportateurs doivent agir de manière responsable et empêcher les diversions et trafics illicites d’armes.  La représentante a jugé à cet égard capitales les capacités de traçage, cependant que les instruments internationaux, tels que le Traité sur le commerce des armes, doivent être respectés.  La haute fonctionnaire a également exhorté les États concernés à considérer le risque que les armes qu’ils livrent soient utilisées pour faciliter les violences en fonction du genre.  Elle a également exhorté les États à éviter toute utilisation d’explosifs dans les zones densément peuplées.  Enfin, dénonçant à nouveau les pertes et destructions depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, Mme Nakamitsu a appelé à un nouvel engagement en faveur de la Charte et du droit international.

M. MATTHEW HOH, analyste politique indépendant, a rappelé la « quasi-guerre nucléaire », bien documentée selon lui, qu’ont failli se livrer les États-Unis et l’Union soviétique en 1983.  D’après cet expert, si la fin de la guerre froide, consécutive à la chute de l’URSS, a ensuite permis au monde de ne plus être divisé en deux camps opposés dotés de l’arme nucléaire, cette réalité a été de courte durée et, aujourd’hui, « nous sommes sans doute exposés à un plus grand risque de guerre nucléaire qu’en 1983 ».  En effet, a-t-il développé, au cours des 30 dernières années, le nombre de pays dotés de l’arme nucléaire a augmenté. Dans le même temps, des traités sur les armes ont été rompus, notamment « de manière unilatérale et sans fondement » par les États-Unis, tandis que la modernisation des forces nucléaires par toutes les parties augmentait considérablement la capacité destructrice des flottes de missiles et de bombardiers. 

Aujourd’hui, a-t-il poursuivi, ce sont les armes utilisées en Ukraine qui conduisent à ce possible « point de non-retour apocalyptique ».  Constatant l’échec de la stratégie économico-militaire des États-Unis et de l’OTAN pour la guerre en Ukraine, il a regretté que la diplomatie n’ait jamais été considérée comme un volet nécessaire.  Pendant ce temps, les décès, les destructions et les souffrances entrent dans leur vingt-sixième mois, a-t-il déploré, avant de souligner le caractère « circulaire et linéaire » de l’escalade guerrière. « Attaquez le pont de Kertch ou faites exploser le gazoduc Nord Stream, et la Russie attaquera les infrastructures énergétiques et les installations portuaires ukrainiennes. Envoyez des roquettes HIMARS et des missiles Storm Shadow en Ukraine, et la Russie introduira des bombes planantes et des armes hypersoniques. »  L’expert a ainsi rappelé que, lundi, le Président Putin a annoncé la création de zones tampons en Ukraine en réponse à l’envoi prochain de munitions à longue portée et de chasseurs F16 à l’Ukraine.  Il a ajouté que, ces dernières semaines, plusieurs chefs d’État de l’OTAN et leurs généraux, notamment des Français, ont appelé au déploiement d’unités de combat en Ukraine, ce à quoi la Russie a répondu en rappelant ses capacités nucléaires. 

Affirmant ne pas soutenir l’invasion de l’Ukraine, qu’il considère comme une violation du droit international doublée d’une erreur stratégique, il a toutefois noté que la Russie a tenté des négociations en 2021, 2022 et 2023, efforts qui selon lui auraient pu empêcher, conclure ou geler cette guerre.  Le résultat est une guerre « brutale et impossible à gagner », avec des centaines de milliers de victimes, 10 millions de réfugiés, des dommages environnementaux et infrastructurels incalculables et un territoire dépeuplé, dévasté et saturé de mines et de munitions non explosées, s’est-il désolé.  Pour l’intervenant, l’ONU doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher toute nouvelle escalade, imposer un cessez-le-feu et engager un processus politique pour une paix durable.  « Si une interdiction du transfert d’armes et de munitions dans cette guerre est nécessaire pour imposer un cessez-le-feu et des négociations, alors il doit en être ainsi. »  Appelant le Conseil de sécurité à agir pour mettre fin à ce « péril existentiel », il a aussi plaidé pour l’abolition du droit de veto dans cette enceinte, estimant que le génocide en cours à Gaza a annulé à jamais les arguments pour son maintien.  « Plus jamais une nation ne devrait être capable de protéger l’occupation, l’oppression, l’apartheid et le génocide », a-t-il conclu, évoquant le soutien « illimité » offert à Israël par son pays. 

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