En cours au Siège de l'ONU

9574e séance (reprise) – après-midi
CS/15633

Conseil de sécurité: invoquée comme un impératif moral et politique, la prévention des conflits doit aussi s’appuyer sur le développement économique

Cet après-midi, le Conseil de sécurité a conclu son débat public consacré à la promotion de la prévention des conflits afin de donner à tous des moyens d’agir, entamé le 13 mars, sur des appels à s’attaquer à leurs causes profondes et à faire en sorte que cet organe ainsi que les organisations régionales et internationales, intensifient leurs interventions en amont de leur déclenchement. 

Aujourd’hui même, un quart de l’humanité, soit 2 milliards de personnes, vit dans des zones touchées par des conflits, tandis que 300 millions ont besoin d’une aide humanitaire.  Face à ce constat, l’Irlande a fait valoir, outre l’argument moral et politique justifiant la prévention, qu’il est également moins coûteux de prévenir le déclenchement des guerres que d’y mettre un terme.  Cela signifie s’attaquer à leurs causes profondes, telles que la pauvreté et les inégalités, mais aussi de faire en sorte que le Conseil ait le « courage » d’agir dès l’apparition des premiers signes de conflit, en collaboration avec des entités onusiennes telles que la Commission de consolidation de la paix. 

Une stratégie de consolidation de la paix axée sur le lien entre développement durable et paix favorise justement une telle approche, a fait remarquer le Viet Nam, en brisant le cercle vicieux du sous-développement et de la violence.  Pour y parvenir, le Conseil de sécurité doit adopter une approche globale et cohérente de la prévention des conflits, en resserrant sa coordination avec les organisations internationales et régionales concernées, telles que l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). 

Tout retard dans la résolution des causes profondes des conflits ne fait qu’en exacerber les conséquences, aggravant la faim, la pauvreté et la probabilité d’une escalade, a déploré Sri Lanka.  Donner la priorité à la prévention, en revanche, répond non seulement à des impératifs moraux, politiques et financiers, mais constitue également un moyen crucial de sauver des vies et de préserver les ressources.  Il incombe en outre aux pays développés de montrer l’exemple en construisant un système international plus juste et plus équilibré, a noté le Chili en faisant référence notamment à la gouvernance économique et financière internationale. 

La prévention des conflits passe aussi par la bonne gestion des transitions postconflit. Le Ghana a ainsi observé que l’espoir de prospérité et de développement qui accompagne souvent le retrait des missions onusiennes de maintien de la paix, lorsqu’un pays sort d’un conflit, risque d’être compromis si on n’accorde par une attention particulière aux fragilités structurelles pendant les transitions.  D’où la recommandation du Paraguay au Conseil pour que « tous ses actes » tendent vers une stratégie de sortie bien informée, de même que les agences onusiennes et les institutions financières internationales qui accompagnent les efforts nationaux dans les processus de transition.  Les Émirats arabes unis et le Soudan du Sud ont ajouté à cela que l’ONU doit aider les États à promouvoir une approche intégrée, stratégique et cohérente de la prévention.

Un avis partagé par Haïti, où le « fléau de l’insécurité » qui a cours du fait de la violence des gangs coûte non seulement des vies, mais sape également le tissu social et économique du pays.  « Nous ne pouvons laisser Haïti devenir le symbole d’une communauté internationale impuissante face à l’injustice et à la souffrance », a plaidé son représentant.  Dans notre « lutte interminable » pour un monde plus pacifique, les femmes et les jeunes sont non seulement les plus touchés par les conflits, mais aussi « nos plus grands espoirs pour la paix et la réconciliation », a-t-il observé.

Le Portugal a recommandé à cet égard de consolider les contributions des programmes pour « les femmes et la paix et la sécurité » ainsi que pour « les jeunes, la paix et la sécurité », souhaitant que l’ONU passe d’une « culture de la réaction » aux crises à une « culture de la prévention ».  Aucune stratégie globale visant à relier l’humanitaire, le développement, la paix et la sécurité ne saurait être complète sans la pleine mise en œuvre de ces programmes, a-t-il ajouté, car « investir dans les femmes, c’est investir dans la paix ».

Après l’adoption des résolutions 1325 (2000) et 2250 (2015), la Bulgarie a constaté, comme la Lituanie, des changements positifs dans la compréhension globale de l’impact des conflits armés sur les femmes et les jeunes.  Pourtant, comme le démontre la réalité sur le terrain dans des pays tels que l’Afghanistan, le Myanmar ou encore la République démocratique du Congo (RDC), le droit international humanitaire et les droits humains demeurent trop souvent ignorés par les parties aux conflits.  Afin que les politiques de prévention soient élaborées dans l’optique de l’égalité des sexes et de l’autonomisation de chaque membre de la société, la délégation bulgare a préconisé l’élaboration de dispositions modèles d’accords de paix, établies sur la base d’indicateurs ciblés.

« L’exclusion des femmes des accords et négociations de paix ainsi que des espaces de prise de décisions politiques signifie que leurs besoins et leurs droits sont violés et rendus invisibles », a martelé la délégation argentine.  C’est également en s’appuyant sur la « précieuse contribution » de la résolution 1325 que Buenos Aires a établi, en 2021, conjointement avec le Brésil, le Chili, le Paraguay et l’Uruguay, le Réseau régional des médiatrices du cône Sud, dans le but de favoriser le rôle des femmes dans la diplomatie préventive et la médiation. 

L’obligation de rendre des comptes en cas de violation du droit international et de mettre fin à l’impunité est également essentielle à la prévention et à la non-répétition des conflits, a ajouté l’Albanie.  « Le fait de ne pas enquêter et de ne pas demander des comptes aux auteurs est le signe le plus sûr que les violations se poursuivront en toute impunité. » 

À cet égard, le Ghana a demandé un soutien international en faveur d’un mécanisme d’alerte précoce robuste, par le biais d’organisations régionales telles que l’Union africaine et ses communautés économiques régionales.  Formés à l’analyse et aux évaluations d’alerte précoce, ces organismes sont souvent mieux à même d’activer des réponses préventives et d’élaborer des mécanismes aidant les pays fragiles à mettre en œuvre des interventions susceptibles d’éliminer les menaces à la paix et à la sécurité. 

« La paix peut être facilement perdue, mais la construire et la maintenir constitue la tâche la plus difficile », a mis en garde le Cambodge, fort de 26 années de « paix totale » sur le long cours de ses 500 ans d’histoire. Sachant que l’alerte précoce est la clef de la prévention des conflits, le Portugal a prévenu que si nous ne lui accordons pas le temps et les ressources nécessaires, y compris au sein du Conseil, « nous resterons des pompiers plutôt que des bâtisseurs de la paix ». 

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