Le Conseil de sécurité débat des voies et moyens de renforcer la prévention des conflits en tablant sur la résilience et l’autonomisation des sociétés
Le Conseil de sécurité a tenu, aujourd’hui, un débat public sur le thème « Promouvoir la prévention des conflits – donner à tous les acteurs, y compris les femmes et les jeunes, des moyens d’agir ». Soixante-dix délégations ont pris part à cet événement phare de la présidence du Japon au mois de mars, dont l’objectif était de réfléchir aux moyens de renforcer la résilience et l’autonomisation des sociétés, tout en aidant les États Membres à mieux identifier les causes profondes des conflits.
Comme le précise la note de cadrage du Japon, ce débat devait encourager les États Membres à mettre en œuvre des plans et stratégies de prévention sur mesure, par le biais d’une « approche globale » assurant le lien entre l’action humanitaire, le développement et la paix, et avec l’appui de l’ensemble du système des Nations Unies. Cet échange de vues visait également à alimenter les discussions menées en vue du Sommet de l’avenir, en septembre prochain, et de l’examen du dispositif de consolidation de la paix de l’ONU, qui sera effectué en 2025.
« Nous avons besoin de plus de prévention », a d’emblée affirmé la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, en constatant la recrudescence des conflits armés dans le monde et la progression constante des besoins humanitaires. Mme Rosemary DiCarlo a rappelé que la prévention est au cœur de la note d’orientation du Secrétaire général sur le Nouvel Agenda pour la paix, à la fois pour lutter contre l’apparition et l’escalade des conflits, pour nouer des partenariats mondiaux-régionaux plus solides et pour consolider les acquis du développement, protéger les avancées en matière de droits humains et s’armer contre les impacts des chocs mondiaux.
Les efforts de prévention doivent être avant tout nationaux et inclusifs
Si les efforts internationaux et régionaux sont essentiels, c’est au niveau national que commence la prévention, a fait valoir Mme DiCarlo. En effet, les acteurs nationaux ont la capacité de mettre en place des mécanismes de règlement pacifique des différends dans leurs sociétés et d’engager des réformes structurelles pour s’attaquer aux causes sous-jacentes du conflit. Ces initiatives jouent un rôle clef dans la construction de sociétés plus inclusives et capables de gérer les tensions de manière pacifique, a-t-elle souligné, non sans regretter que, près de 25 ans après l’adoption de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, la participation pleine, égale et significative des femmes à la consolidation de la paix et à la prévention des conflits « reste l’exception et non la règle ».
« Une prévention efficace doit être inclusive », a renchéri le Président de la Commission de consolidation de la paix (CCP) en plaidant pour une approche « multipiliers », dans laquelle le développement, la paix et la sécurité ainsi que les droits humains se renforcent mutuellement. Lui aussi a insisté sur la nécessité de prendre en compte les points de vue de tous les segments de la société, y compris des femmes et des jeunes, au titre de cet impératif d’inclusivité. La participation pleine, égale et significative des femmes est largement reconnue comme un facteur de paix et de stabilité sociale durables, tandis que les jeunes ont leur rôle à jouer dans des stratégies de prévention efficaces, a argumenté M. Sérgio França Danese.
Impliquer les femmes, les jeunes et toute la société civile
Ce sont « tous les pans de la société » qui doivent être impliqués dans les efforts de prévention des conflits et donc dans la lutte contre les causes profondes des conflits, a acquiescé la Ministre de la solidarité, de la famille et du statut des femmes de l’Algérie. La Ministre a indiqué que son pays a fait de la promotion de l’action des femmes dans les domaines de la paix et de la sécurité un pilier de sa politique étrangère. En outre, a-t-elle fait valoir, l’Algérie s’emploie à tenir compte des aspirations des jeunes, « moteurs de changement positif ». La France a, à son tour, prôné la participation « pleine égale et significative » des jeunes et des femmes à la prévention des conflits et au rétablissement de la paix, assurant que cela accroît les chances d’aboutir à une paix durable. Elle a donné l’exemple de la Colombie, où les femmes de la société civile jouent un rôle clef dans le processus de paix, et celui des Philippines, où les jeunes sont au premier plan de pourparlers et de campagnes de sensibilisation à la coexistence pacifique.
Même son de cloche de la part de la Chine, dont la Ministre et Directrice adjointe du Comité de travail national sur les enfants et les femmes du Conseil des affaires d’État a observé que la prévention des conflits ne peut se faire sans une large participation des femmes et des jeunes. Régler les problèmes de pauvreté, de chômage et d’inégalités de revenu peut aider à faire face aux causes des conflits, mais il faut pour cela faire en sorte que les femmes et les jeunes aient l’autonomie et les compétences nécessaires pour transformer leur destin et celui de leurs communautés, a-t-elle préconisé. C’est un effort que fait la Chine, non seulement comme priorité nationale, mais aussi comme élément clef de son appui aux pays en développement, a expliqué la Ministre.
Comment inclure davantage les différents acteurs dans la prévention
Les femmes ont été des leaders pacifistes lors des conflits civils à Bougainville et en Papouasie-Nouvelle-Guinée dans les années 90 et dans les Îles Salomon au début des années 2000, a rappelé la Secrétaire permanente pour les femmes, les enfants et la protection sociale des Fidji, ajoutant que la Déclaration des dirigeants du Forum des îles du Pacifique, revitalisée en 2023, prévoit désormais la participation des femmes et des filles à chaque étape des processus de paix, de prévention des conflits, de règlement des conflits et de consolidation de la paix. L’Union européenne s’engage elle aussi à soutenir l’inclusion des femmes et des jeunes dans les processus de prévention des conflits, s’est enorgueillie sa délégation. En témoignent les réseaux interrégionaux de jeunes bâtisseurs de la paix qu’elle soutient au Sahel et dans la région méditerranéenne, ainsi que l’appui qu’elle fournit à la participation des femmes aux processus de médiation de paix au Burundi.
Les chiffres montrent, hélas, que les femmes et les filles souffrent de façon disproportionnée de la violence et qu’un pourcentage minime du financement est alloué aux organisations dédiées à la protection de leurs droits, diminuant ainsi le rôle essentiel qu’elles jouent dans la construction de la paix et du développement, a déploré la Ministre de la femme et des droits humains de l’Équateur. De fait, a renchéri la Ministre des services humains et de la sécurité sociale du Guyana, l’autonomisation et la participation de ceux qui sont touchés de manière disproportionnée dans les situations de conflit et d’après-conflit doivent être garanties lors de l’élaboration de stratégies globales de prévention des conflits.
Sur ce point, Mme Sharon Bhagwan Rolls, responsable de programme au Réseau des médiatrices du Pacifique, a suggéré au Conseil de demander au Secrétaire général de nommer un groupe d’experts chargé d’élaborer des lignes directrices sur ce que devraient être des dispositifs efficaces aux niveaux national, régional et mondial. La représentante des États-Unis a, quant à elle, appelé la communauté internationale à appuyer le travail de la CCP et sa puissance de mobilisation au sein du système des Nations Unies. Le Conseil de sécurité doit davantage prendre en compte les conseils de la CCP, qui reflètent l’expertise de la société civile, des gouvernements, des institutions financières internationales et des organes régionaux, a-t-elle insisté, appuyée dans cette opinion par le Chef de la diplomatie tchèque et le Ministre de l’égalité des genres et de la diversité du Luxembourg, qui s’exprimait au nom des pays du Benelux.
Des partenariats significatifs avec les communautés locales
Intervenant au nom des pays nordiques, la Ministre du gouvernement numérique et de l’égalité des genres du Danemark a estimé que le Conseil pourrait faire davantage pour garantir que les opérations de paix soient mandatées, équipées et formées pour favoriser des partenariats significatifs avec les communautés locales et inclure les perspectives des femmes, des jeunes et de la société civile locale. Les mandats des opérations de paix devraient inclure un soutien au renforcement des capacités du pays hôte et de sa population afin de prévenir la résurgence du conflit, a ajouté le Japon. Le Ministre de l’intérieur des Tonga a, lui, souligné la nécessité de nommer un représentant spécial du Secrétaire général pour le climat et la sécurité.
De manière connexe, la Vice-Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la Sierra Leone a plaidé pour des initiatives permettant de renforcer la résilience des sociétés et de traiter les différends avant qu’ils ne dégénèrent en violence. « La légitimité et la viabilité à long terme de la consolidation de la paix dépendent de l’engagement soutenu des dirigeants et des communautés locales », a observé, pour sa part, M. Abiodun Williams, professeur de pratique de la politique internationale à Tufts University. Fort de son expérience au sein de la Force de déploiement préventif des Nations Unies en Macédoine du Nord, il a fait remarquer que veiller à l’appropriation nationale et locale réduit le risque de résurgence des conflits.
L’importance de l’appropriation nationale des stratégies de prévention des conflits a été soulignée par de nombreuses délégations, en particulier par le Mozambique, qui a exhorté les États à investir dans le développement d’institutions démocratiques fortes et la protection des droits humains, ainsi que dans la mise en œuvre de programmes de relèvement postconflit. Un sentiment partagé par le Royaume-Uni, pour qui une appropriation nationale large et inclusive donne des résultats probants, les jeunes artisans de la paix étant souvent les mieux placés pour briser le cycle de la violence dans leurs propres communautés.
Le Conseil, la CCP et tout un « réseau de changement » sont nécessaires
Pour la Suisse, catalyser les efforts nationaux implique de créer un véritable « réseau du changement », qui relie les secteurs public et privé, l’humanitaire, la coopération au développement et la société civile. Le Conseil de sécurité devrait à son tour intégrer ce réseau, en prenant en compte systématiquement les avis de la CCP et en prêtant son soutien aux actions de prévention nationales, a-t-elle prôné. Grâce à sa coopération avec les organisations régionales et sous-régionales, la CCP est bien placée pour détecter les menaces émergentes et les signes d’alerte précoce qu’elle peut transmettre au Conseil de sécurité, a appuyé Malte, la Croatie saluant l’ancrage de la Commission dans le respect de la souveraineté nationale et son positionnement à l’intersection des trois piliers de l’ONU.
De son côté, la Fédération de Russie a considéré que les plans nationaux devraient être au premier plan des actions de prévention et de consolidation de la paix, sans que leur soient imposés des indicateurs soi-disant universels. « Il est temps de réaliser que personne n’a le droit de dire aux gouvernements souverains comment construire leur État et prévenir les conflits, quel pourcentage de femmes inclure dans les processus politiques et comment organiser leur système juridique », a martelé la délégation, avant de dénoncer une « instrumentalisation » de la jeunesse dans ce débat.
S’il importe d’aider à la construction de sociétés cohésives et pacifiques et au développement d’institutions résilientes, les pays dotés d’une plus grande puissance économique devraient montrer l’exemple en favorisant un système international plus juste et plus équilibré, s’agissant notamment de la gouvernance économique et financière internationale, a argué le Chili. Sur une note plus positive, la Nouvelle-Zélande s’est félicitée de l’attribution de contributions obligatoires au Fonds de consolidation de la paix des Nations Unies à partir de 2025, réitérant le soutien du groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande) à un financement adéquat, prévisible et durable de la consolidation de la paix pour relever les défis en matière de paix et de sécurité.
CONSOLIDATION ET PÉRENNISATION DE LA PAIX: PROMOUVOIR LA PRÉVENTION DES CONFLITS – DONNER À TOUS LES ACTEURS, Y COMPRIS LES FEMMES ET LES JEUNES, DES MOYENS D’AGIR - S/2024/210
Exposés
« Nous avons besoin de plus de prévention », a déclaré Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, en constatant la recrudescence des conflits armés dans le monde et les besoins humanitaires qui battent de nouveaux records. Elle a rappelé que la prévention est une priorité centrale dans la note d’orientation du Secrétaire général sur un Nouvel Agenda pour la paix, et ce, à trois niveaux: pour se prémunir contre l’apparition et l’escalade des conflits entre les pays; pour nouer des partenariats mondiaux-régionaux plus solides, compte tenu de la nature de plus en plus régionalisée des conflits; et pour consolider les acquis du développement, protéger les avancées en matière de droits humains et contribuer à se prémunir contre les impacts des chocs mondiaux.
Au niveau international, la prévention consiste à recourir à la diplomatie pour la paix, a souligné Mme DiCarlo, avant de rappeler les dispositions de la Charte des Nations Unies et l’engagement pris par le Secrétaire général dans son Nouvel Agenda pour la paix de déployer ses bons offices pour aider les États Membres à gérer les divisions croissantes dans la politique mondiale. Les arrangements régionaux jouent aussi un rôle crucial dans la prévention, a-t-elle relevé, citant dans l’histoire récente le processus d’Helsinki en Europe et les efforts d’intégration régionale en Afrique et dans ses sous-régions. Toutefois, a souligné la Secrétaire générale adjointe, la prévention commence au niveau national. En effet, les acteurs nationaux ont la capacité de mettre en place les mécanismes nécessaires pour gérer pacifiquement les différends dans leurs sociétés et mettre en œuvre les réformes structurelles nécessaires pour s’attaquer aux causes sous-jacentes du conflit. Ces initiatives jouent un rôle clef dans la construction de sociétés plus inclusives et capables de gérer les tensions de manière pacifique, et doivent être soutenues par les acteurs internationaux, en particulier les Nations Unies, a-t-elle affirmé, estimant que la Commission de consolidation de la paix est idéalement placée pour aider à mobiliser les ressources et à fournir une plateforme de partage d’expériences.
Rappelant que le Nouvel Agenda pour la paix place l’inclusion au centre des efforts de prévention, Mme DiCarlo a constaté que près de 25 ans après l’adoption de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, la participation pleine, égale et significative des femmes à la consolidation de la paix et à la prévention des conflits « reste l’exception et non la règle ». Après avoir félicité la centaine de pays de toutes les régions qui ont élaboré des plans nationaux pour mettre en œuvre cette résolution, elle a jugé essentiel qu’un soutien international soit apporté à ces efforts. Pour sa part, l’ONU a soutenu des groupes consultatifs de femmes en Iraq, en Syrie et au Yémen pour permettre aux voix des femmes de se faire entendre dans les processus politiques et de paix, a-t-elle indiqué, appelant également à donner la priorité à l’inclusion et à l’autonomisation des jeunes, qui sont « une grande source de résilience, d’espoir et d’innovation dans chaque société ». Pour y parvenir, l’ONU organise des consultations numériques avec des groupes de jeunes, ce qui contribue, de l’Iraq à la Libye en passant par le Yémen, à mieux comprendre leurs points de vue et leurs aspirations, a précisé la Secrétaire générale adjointe, pour qui il importe, en ces temps incertains, de donner la priorité à la prévention des conflits à tous les niveaux, mondial, régional et national.
M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil), Président de la Commission de consolidation de la paix (CCP), a rappelé que la prévention des conflits fait partie de l’approche globale de pérennisation de la paix, qui appelle une coopération étroite entre la CCP et le Conseil de sécurité. Plaidant pour une approche « multipiliers », dans laquelle le développement, la paix et la sécurité ainsi que les droits humains se renforcent mutuellement, il a estimé qu’une prévention efficace doit être inclusive et doit prendre en compte les points de vue de tous les segments de la société, y compris ceux des femmes et des jeunes. La participation pleine, égale et significative des femmes est en effet largement reconnue comme un facteur de paix et de stabilité sociale durables, tandis que les jeunes ont également leur rôle à jouer dans des stratégies de prévention efficaces, a noté M. França Danese. Il a dès lors recommandé leur protection sociale et économique, associée à leur inclusion dans les processus de consolidation de la paix, comme des étapes nécessaires pour garantir la prise en compte de leurs besoins et de leurs intérêts à court et à long terme.
La consolidation de la paix est un « processus intrinsèquement politique » visant à prévenir l’éclatement, l’escalade, la récurrence ou la poursuite d’un conflit, a rappelé le Président de la Commission en précisant que cela englobe un large éventail de programmes et de mécanismes à la fois politiques, de développement et de droits humains. Un processus qui doit être inclusif, a insisté l’intervenant, pour qui il importe de porter cette « approche globale » au Conseil de sécurité. En vue du Sommet de l’avenir, en septembre prochain, et de la révision de l’architecture de consolidation de la paix en 2025, il a souhaité voir renforcer le rôle du Conseil de sécurité en matière de prévention. Pour sa part, a-t-il assuré, la CCP est prête à continuer d’offrir aux États Membres l’espace politique nécessaire pour discuter de leurs stratégies de prévention et pour servir de pont au Conseil de sécurité dans ses réflexions sur les pays en conflit ou en transition.
La prévention des conflits n’est « pas pour les âmes sensibles », a prévenu d’emblée M. ABIODUN WILLIAMS, professeur de pratique de la politique internationale à Tufts University, tout en assurant que « l’action préventive est possible » et qu’elle peut éviter les souffrances humaines, l’effondrement économique et l’instabilité qui accompagnent les conflits. Fort de son expérience au sein de la Force de déploiement préventif des Nations Unies en Macédoine du Nord, M. Williams a invité à utiliser les leçons apprises dans les cas réussis de prévention des conflits. Il a ensuite recommandé de faire de cette prévention « une priorité stratégique », aux trois étapes du cycle des conflits, car elle peut servir à prévenir leur éclatement, empêcher leur continuation et en prévenir la réapparition. À cette fin, il est selon lui essentiel de comprendre les causes du conflit, qui sont toujours spécifiques au contexte. Il n’existe donc pas de solution universelle, a-t-il ajouté.
Il est tout aussi important de comprendre la « boîte à outils de prévention des conflits », a poursuivi M. Williams en citant les interventions de prévention structurelle à long terme et les mesures opérationnelles. En retour, ces deux types d’interventions nécessitent une combinaison d’outils diplomatiques, politiques, économiques, juridiques et sécuritaires. Le rétablissement de la paix est un processus qui nécessite un engagement de la part des gouvernements et des organisations intergouvernementales, a également fait valoir l’intervenant.
Pour prévenir la récurrence d’un conflit, il faut comprendre que les déclencheurs dans l’environnement d’après-guerre peuvent être différents de ceux qui ont provoqué le conflit initial, a-t-il poursuivi. Il a remarqué que si l’on gère ensemble les questions liées à l’état de droit et à la gouvernance économique, et si l’on veille à l’appropriation nationale et locale, le risque de résurgence d’un conflit est plus faible. « La légitimité et la viabilité à long terme de la consolidation de la paix dépendent de l’engagement soutenu des dirigeants et des communautés locales », a-t-il aussi relevé.
Pour M. Williams, le Conseil de sécurité a un rôle essentiel à jouer pour empêcher que des différends « n’ouvrent la boîte de Pandore des conflits armés ». À cette fin, il a encouragé celui-ci à recourir davantage à des missions d’établissement des faits à des stades beaucoup plus précoces d’un différend, comme le prévoit l’Article 34 de la Charte de Nations Unies. Le Conseil devrait également accorder une attention urgente aux États confrontés à de graves difficultés économiques, environnementales et sécuritaires, notamment du fait de l’afflux de réfugiés. Le Sommet de l’avenir pourrait d’ailleurs être l’occasion d’organiser un débat de haut niveau sur la prévention des conflits, a-t-il suggéré. Enfin, le Conseil pourrait, selon lui, adopter une résolution visant à actualiser la résolution 2171 (2014) afin de refléter les leçons apprises en la matière. « Lorsque les leçons de l’expérience sont correctement appliquées, une paix durable est à notre portée », a-t-il conclu.
Mme SHARON BHAGWAN ROLLS, responsable de programme au Réseau des médiatrices du Pacifique, a rappelé que nous vivons à une époque de sécurisation mondiale croissante et de réponses militarisées à tous les types de crises, une tendance qui détourne les ressources de la prévention des conflits, nuisant ainsi aux acquis réalisés par les artisans de la paix locaux. En 2000, lorsque des femmes artisanes de la paix ont plaidé collectivement en faveur du programme sur « les femmes et la paix et la sécurité » au Conseil de sécurité, c’était en faveur d’une nouvelle approche transformatrice qui exigeait de faire de la prévention des conflits une priorité à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, a rappelé l’intervenante. Elle a aussi souligné que dans la résolution de suivi de l’Assemblée générale au rapport du Secrétaire général intitulé « Notre Programme commun », les États Membres se sont engagés à « renforcer la gouvernance mondiale pour le bien des générations présentes et futures ». Cela montre à son avis l’urgence pour le Conseil de sécurité à renforcer son rôle dans l’écosystème mondial de la prévention. Aussi l’oratrice a-t-elle fait les propositions suivantes pour améliorer la prévention des conflits.
Tout d’abord, elle a recommandé des approches à la fois à court et à long terme. Cela inclut le leadership du Conseil de sécurité dans l’affinement des normes et des pratiques pour la participation pleine, égale et significative de tous les acteurs à tous les aspects de la paix et de la sécurité. Cela doit aussi conduire à encourager le développement de stratégies nationales de prévention avec des mesures efficaces d’alerte précoce et de réponse rapide. Les approches au long cours comprennent des approches structurelles visant à s’attaquer aux causes profondes des conflits, notamment les inégalités et les normes de genre néfastes, ainsi qu’aux sources émergentes de conflits, notamment les impacts des changements climatiques et la concurrence pour les ressources naturelles, a précisé Mme Rolls.
En ce qui concerne la stratégie globale de prévention des conflits des Nations Unies, l’intervenante a estimé qu’elle devrait avoir un plan de mise en œuvre plus cohérent pour soutenir de manière adéquate les États Membres et leurs populations dans la promotion de leurs priorités en matière de prévention. Elle a donc suggéré au Conseil de demander au Secrétaire général de nommer un groupe d’experts chargé d’élaborer des lignes directrices sur ce à quoi ressemblent des stratégies de prévention efficaces aux niveaux national, régional et mondial. Les États Membres pourraient s’en servir et cela permettrait aussi de procéder à une évaluation des capacités du système des Nations Unies en matière de prévention des conflits, avec des recommandations concrètes opérationnalisées à travers un processus dédié.
En outre, la représentante de la société civile a encouragé le Conseil à fournir des orientations normatives et opérationnelles au système des Nations Unies pour faire face aux risques et opportunités en matière de paix et de sécurité posés par les changements climatiques. Elle l’a pareillement invité à demander au Secrétaire général d’élaborer des orientations politiques concrètes sur la manière dont l’ONU pourrait soutenir spécifiquement les réseaux de femmes médiatrices. Enfin, elle a estimé qu’une approche plus globale de la prévention des conflits nécessite l’inclusion: il faut garantir que les jeunes femmes puissent présenter des informations à ce Conseil; et il faut organiser un débat public pour discuter du rapport du Secrétaire général sur la jeunesse, la paix et la sécurité dès sa publication.