9579e séance – matin
CS/15630

Le Conseil de sécurité se réunit au niveau ministériel pour réfléchir aux moyens de relancer le régime international de désarmement nucléaire et de non-prolifération

« L’Horloge de l’apocalypse tourne, et son tic-tac entêtant retentit à toutes les oreilles. »  C’est par une évocation du film Oppenheimer, fraîchement oscarisé, que le Secrétaire général, M. António Guterres, a résumé l’angoisse existentielle qui étreint le monde à l’idée que les armes nucléaires puissent être à nouveau utilisées, 79 ans après la destruction d’Hiroshima et Nagasaki par les bombes atomiques américaines.  Une mise en garde qu’il a adressée, ce matin, à l’ouverture d’une séance du Conseil de sécurité, présidée par la Ministre des affaires étrangères du Japon, qui a invité ses membres à relancer le désarmement et la non-prolifération nucléaires. 

Pourquoi débattre maintenant de cette question au Conseil de sécurité de l’ONU? s’est demandé la Ministre japonaise Yoko Kamikawa.  Parce que la communauté internationale est plus divisée que jamais sur cette question, a-t-elle répondu.  Mais aussi parce que le moment parait opportun, à mi-parcours du cycle d’examen du Traité sur la non-prolifération (TNP), la « pierre angulaire » du régime international de désarmement nucléaire et de non-prolifération, alors que le Groupe international de personnalités éminentes, créé à l’initiative du Premier Ministre Fumio Kishida, rendra publiques l’an prochain ses recommandations pour la Conférence d’examen prévue en 2026. 

« Quand chaque pays œuvre à sa propre sécurité sans se soucier des autres, nous créons une insécurité mondiale qui nous menace tous », a observé M. Guterres qui, au-delà de la polarisation extrême du moment, s’est dit préoccupé par le recours aux nouvelles technologies, en particulier l’intelligence artificielle.  Sans parler des perspectives qui s’ouvrent dans les domaines du cyberespace et de l’espace extra-atmosphérique, lesquelles ont révélé de nouvelles failles et font naître des risques nouveaux. 

« Un scénario impensable, et pourtant, aujourd’hui, le risque d’utilisation d’armes nucléaires est plus élevé qu’il ne l’a été depuis des décennies, car la norme qui se veut contre l’utilisation –le tabou nucléaire– est sapée par une rhétorique et des menaces irresponsables, en particulier celles émises dans le contexte d’un conflit militaire actif », a observé Mme Gaukhar Mukhatzhanova, Directrice de programme au Centre de Vienne pour le désarmement et la non-prolifération. 

Il suffit d’une « mauvaise décision », d’une « erreur d’appréciation », d’une « action précipitée » pour que se produise l’irréparable, a imaginé le Chef de l’ONU, pour qui le désarmement immédiat, la première des priorités de son Nouvel Agenda pour la paix, est la seule option viable.  Ce sont les États dotés d’armes nucléaires qui doivent « montrer la voie » en s’engageant à œuvrer à des mesures de transparence et de confiance mutuelle, leur a-t-il lancé.  Ils doivent aussi parvenir « d’urgence » à un accord par lequel ils s’entendraient sur le fait qu’aucun d’eux ne sera le premier à recourir à l’arme nucléaire, a encore préconisé le Secrétaire général. 

Ces pays doivent enfin réaffirmer les moratoires sur les essais nucléaires, ce qui implique de s’engager à ne prendre aucune mesure susceptible de fragiliser le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), et à permettre son entrée en vigueur le plus rapidement possible, a demandé le Secrétaire général.  Si le Secrétaire exécutif de l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (OTICE) a regretté la « dératification très médiatisée » de la Fédération de Russie l’an dernier, M. Robert Floyd s’est voulu positif en soulignant que 187 États ont signé cet instrument et 178 l’ont ratifié.  Reste que plusieurs membres du Conseil ont regretté que le TICE, 28 ans après son adoption, ne soit toujours pas entré en vigueur, en raison du refus des 44 États figurant à l’Annexe 2 du Traité d’y adhérer. 

Pour la Ministre des affaires étrangère du Japon, il est très important de réussir la prochaine Conférence d’examen du TNP, ce qu’a également appelé de ses vœux son homologue du Mozambique, Mme Verónica Nataniel Macamo Dlhovo, ainsi que l’Équateur et le Royaume-Uni.  Ce dernier s’est enorgueilli aujourd’hui d’être le seul État doté d’armes nucléaires à maintenir un seuil minimum de « dissuasion crédible ».  C’est la raison pour laquelle Tokyo, a précisé Mme Kamikawa, a formulé le Plan d’action d’Hiroshima lors de la précédente édition de la Conférence d’examen.  Sa mise en œuvre sera facilitée par la création des Amis du traité interdisant la production de matières fissiles, dont l’objectif est de sensibiliser à un tel instrument afin de limiter l’amélioration quantitative des armes nucléaires, ce que les États-Unis et la France, entre autres, ont appuyé. 

L’optimisme affiché par certains pour la tenue de la prochaine Conférence d’examen du TNP n’a pas été partagé par Mme Mukhatzhanova, qui a regretté que les divisions entre États dotés d’armes nucléaires nuisent à la coopération requise pour faire progresser les objectifs du Traité.  Aussi a-t-elle douté de la capacité des États parties à s’entendre sur un résultat consensuel significatif lors de la Conférence d’examen de 2026.  De son côté, la Fédération de Russie a appelé « certains États occidentaux » à cesser de « politiser » les discussions pour promouvoir leur ordre du jour « opportuniste ».  Une attitude qui avait abouti selon elle à « l’enterrement » du document final de l’édition 2022. 

Après avoir accusé la Russie de « rhétorique nucléaire irresponsable » dans le cadre de sa guerre d’agression contre l’Ukraine, la France a déploré la suspension de sa participation au Nouveau Traité START, l’exhortant à revenir sur sa décision. Les États-Unis ont estimé que la Russie et la Chine ne souhaitent toujours pas entamer de discussions sur la maîtrise ou la réduction des armements nucléaires, accusant même ces deux pays d’avoir donné des moyens d’action à des États comme la République populaire démocratique de Corée (RPDC), qualifiée aujourd’hui de « plus grand proliférateur du monde » par la République de Corée.  Plusieurs ont aussi évoqué avec inquiétude le programme nucléaire iranien, qui n’aurait jamais été aussi avancé qu’à ce jour, selon le Royaume-Uni. 

Enfin, pour continuer à agir sur ces questions, les États-Unis ont dit préparer, avec le Japon, un projet de résolution appelant à ne pas développer d’armes nucléaires ou de destruction massive spécifiquement conçues pour être placée en orbite autour de la planète.  Mme Mukhatzhanova a quant à elle suggéré aux États dotés d’armes nucléaires de s’engager individuellement ou collectivement à réduire les risques nucléaires et formaliser cet engagement par une résolution du Conseil de sécurité, à l’instar de la résolution 984 (1995).  Un texte qui devrait clairement indiquer que les armes nucléaires « ne doivent plus jamais être utilisées, quelles que soient les circonstances ».

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE ET NON-PROLIFÉRATION

Déclarations

Le Secrétaire général de l’ONU, M. ANTÓNIO GUTERRES, a commencé par rappeler que le Japon connaît « mieux que tout autre pays le coût brutal de l’hécatombe nucléaire ».  Mais près de huit décennies après qu’Hiroshima et Nagasaki ont été réduites en cendres, les armes nucléaires continuent de représenter un danger pour la paix et la sécurité mondiales, a-t-il constaté.  « Lorsque j’ai lancé mon programme de désarmement en 2018, j’ai fait la mise en garde suivante: quand chaque pays œuvre à sa propre sécurité sans se soucier des autres, nous créons une insécurité mondiale qui nous menace tous », a expliqué le Chef de l’Organisation, avant d’ajouter: « L’Horloge de l’apocalypse tourne, et son tic-tac entêtant retentit à toutes les oreilles. »  À Hollywood, Oppenheimer a donné vie à la dure réalité de l’apocalypse nucléaire pour des millions de personnes à travers le monde, a-t-il dit, en affirmant que l’humanité ne peut survivre à une suite à ce film. 

Pourtant, les budgets consacrés aux armements augmentent, tandis que les budgets consacrés à la diplomatie et au développement diminuent, s’est inquiété le Chef de l’ONU.  Il a prévenu que les technologies naissantes, telles que l’intelligence artificielle, et les perspectives qui s’ouvrent dans les domaines du cyberespace et de l’espace extra-atmosphérique ont révélé de nouvelles failles et font naître des risques nouveaux.  Il s’est aussi inquiété que certaines déclarations évoquent la perspective d’un déchaînement de l’enfer nucléaire, appelant à dénoncer haut et fort ces menaces.  Il suffit d’une mauvaise décision, d’une erreur d’appréciation, d’une action hâtive pour qu’un lancement accidentel se produise, a prédit le Secrétaire général, pour qui le désarmement immédiat est la seule option viable. 

En effet, l’élimination des armes nucléaires est la première mesure préconisée dans le Nouvel Agenda pour la paix, précisé M. Guterres en recommandant que les États dotés d’armes nucléaires montrent la voie dans six domaines.  Premièrement, par un dialogue, ces États devant réaffirmer leur engagement à œuvrer de concert à l’élaboration de mesures de transparence et de confiance, lesquelles devraient notamment porter sur le lien entre les armes nucléaires, les nouvelles technologies et les domaines émergents.  Ensuite, les démonstrations de force nucléaire doivent cesser.  Troisièmement, les États dotés d’armes nucléaires doivent réaffirmer les moratoires sur les essais nucléaires, ce qui signifie s’engager à ne prendre aucune mesure susceptible de fragiliser le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, et faire de son entrée en vigueur une priorité.  De plus, pour le Secrétaire général les engagements en matière de désarmement doivent se traduire par des actes: « Les États dotés d’armes nucléaires au sens du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires doivent réaffirmer leur attachement à ce traité et aux engagements qu’ils ont pris en tant qu’États parties. »  Un accord collectif sur le recours en premier à l’arme nucléaire est également nécessaire, les États concernés devant s’entendre d’urgence sur le fait qu’aucun d’eux ne sera le premier à utiliser de telles armes.  Enfin, une diminution du nombre d’armes nucléaires est indispensable.  « Les détenteurs des plus grands arsenaux nucléaires, les États-Unis et la Fédération de Russie, doivent lancer ce mouvement, en trouvant le moyen de revenir à la table des négociations pour mettre pleinement en œuvre le Nouveau Traité START et se mettre d’accord sur l’instrument qui viendra lui succéder », a précisé le Chef de l’Organisation. 

Il a également plaidé pour un soutien aux activités de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), ainsi qu’à l’action menée pour donner un second souffle à la Conférence du désarmement.  Ces dernières années, cette conférence est devenue synonyme d’impasse diplomatique et de méthodes de travail dépassées, ce qui est « honteux » de l’avis du Secrétaire général.  Il a rappelé avoir demandé, lorsqu’il a pris la parole devant les membres de la Conférence le mois dernier, qu’un nouveau processus intergouvernemental, relevant de l’Assemblée générale, soit mis en place afin de réformer les organes de désarmement – y compris la Conférence.  « Nous espérons que cela permettrait –enfin– de convoquer une quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au désarmement. »  

Le Sommet de l’avenir de septembre −et le Pacte qui en résultera− offrira à la communauté internationale une occasion majeure de se mobiliser autour de réformes concrètes de l’architecture mondiale du désarmement ainsi que des organes et institutions qui en sont les garants, a poursuivi M. Guterres.  Il a estimé que le Conseil de sécurité a la possibilité de poser des jalons décisifs pour tous ces domaines, de voir au-delà des divisions d’aujourd’hui et d’affirmer clairement qu’il est inacceptable de vivre sous la menace existentielle des armes nucléaires.  Il doit reconnaître que ce n’est qu’en travaillant main dans la main que nous pourrons éradiquer le risque d’un holocauste nucléaire, lui a encore dit le Secrétaire général.  « Il est temps », a-t-il conclu.

M. ROBERT FLOYD, Secrétaire exécutif de l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (OTICE), a évoqué sa visite à Hiroshima, en août dernier, pour voir l’un des deux endroits sur Terre où une bombe nucléaire a été larguée en temps de guerre, le 6 août 1945.  Il s’agit « probablement de la plus grande disparition presque instantanée de la vie humaine jamais vue sur Terre », a-t-il noté.  Or, entre 1945 et 1996, année où le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) a été ouvert à la signature, plus de 2 000 essais nucléaires ont été effectués, la plupart bien plus gros que la bombe qui a dévasté Hiroshima. Mais depuis 1996, moins d’une douzaine de tests ont été effectués, un « succès » que M. Floyd explique par le caractère « juste et transparent » de cet instrument.  Le réseau mondial de 337 installations de surveillance qu’il prévoit permet ainsi de détecter presque immédiatement toute explosion significative n’importe où sur Terre.  Ces données sont accessibles à tous les États signataires du TICE, dont l’ensemble des membres actuels du Conseil de sécurité.  « Et nous progressons », a-t-il ajouté. 

Depuis le dernier exposé du Secrétaire exécutif au Conseil de sécurité, quatre stations supplémentaires ont été certifiées, portant leur nombre total à 306.  De plus, deux grands réseaux nationaux ont été achevés, l’Argentine et la Fédération de Russie ayant mis en place toutes les installations nécessaires sur leur territoire.  Avec le soutien de l’OTICE, de plus en plus d’États créent leurs propres centres de données nationaux, a-t-il assuré.  Aujourd’hui, 187 États ont signé le Traité et 178 États l’ont ratifié, en tenant compte de la « dératification très médiatisée » survenue l’année dernière.  « Un pas en arrière.  Mais encore neuf pas en avant », a noté M. Floyd, en se félicitant de l’émergence d’une tendance « claire et forte ».  Il en a profité pour féliciter la Papouasie-Nouvelle-Guinée qui a ratifié le TICE la semaine dernière, tout en appelant à« maintenir l’élan vers l’universalisation ». 

Or, a reconnu le haut fonctionnaire, « quelque chose d’autre a changé depuis 2021 ». Du fait du « sentiment de malaise et d’incertitude » engendré par de nouveaux conflits, les armes nucléaires sont de retour dans la « conscience publique », a-t-il constaté.  Il a fait état des craintes qu’un État accumule des niveaux inquiétants d’uranium hautement enrichi, faisant état de rapports sur une activité accrue dans d’anciens sites d’essais nucléaires et de suggestions voulant que certains États envisagent d’utiliser l’arme nucléaire.  Face à ces inquiétudes, « la meilleure réponse est la certitude », a-t-il noté.  Il a rappelé que le Traité définit quatre outils de vérification, à savoir le système de surveillance international, les consultations et clarifications, les mécanismes de renforcement de la confiance et l’inspection sur place.   Mais tant que le Traité n’entrera pas en vigueur, nous ne pourrons pas obtenir cette certitude grâce à la transparence, a-t-il noté.  Le Secrétaire exécutif a donc appelé à faire preuve du leadership politique nécessaire pour assurer l’entrée en vigueur du Traité.

Mme GAUKHAR MUKHATZHANOVA, Directrice du programme sur les organisations internationales et la non-prolifération (IONP) du Centre de Vienne pour le désarmement et la non-prolifération, s’est tout d’abord réjouie que la présidence japonaise du Conseil de sécurité ait invité une représentante de la société civile à cette séance d’information, alors que les forums consacrés aux armes nucléaires sont souvent peu propices aux interventions formelles non gouvernementales.  Elle a d’autre part estimé qu’une perspective de genre peut contribuer à briser les conceptions traditionnelles du pouvoir et de la sécurité associées aux armes nucléaires, avant d’exhorter tous les États Membres à faciliter une plus grande inclusivité dans les enceintes multilatérales, notamment dans le processus d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). 

Mme Mukhatzhanova a ensuite relevé que, si les membres du Conseil entendent des exposés sur des dizaines de questions, ils n’en ont pas encore entendu sur les effets et les conséquences d’un nouvel usage des armes nucléaires.  « Ce scénario semble impensable, et pourtant, aujourd’hui, le risque d’utilisation d’armes nucléaires est plus élevé qu’il ne l’a été depuis des décennies, car la norme contre l’utilisation –le tabou nucléaire– est sapée par une rhétorique et des menaces irresponsables, en particulier celles émises dans le contexte d’un conflit militaire actif », a observé l’intervenante.  De fait, a-t-elle poursuivi, la majorité des États Membres ont beau avoir adhéré au TNP et aux zones exemptes d’armes nucléaires et, plus récemment, adopté le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, « nous assistons à un réengagement en faveur des armes nucléaires », ce qui contribue aux pressions en matière de prolifération.  Regrettant que les divisions entre les États dotés d’armes nucléaires nuisent à la coopération requise pour faire progresser les objectifs du TNP, elle a dit douter de la capacité des États parties à s’entendre sur un résultat consensuel significatif lors de la prochaine Conférence d’examen en 2026.  Après avoir rappelé que les cinq pays définis comme États dotés d’armes nucléaires par le TNP sont aussi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, elle a appelé ces derniers à « veiller à ce que le tabou nucléaire perdure ». 

De l’avis de Mme Mukhatzhanova, les États dotés d’armes nucléaires devraient, avant la onzième Conférence d’examen, s’engager individuellement ou collectivement à réduire les risques nucléaires et formaliser cet engagement par une résolution du Conseil de sécurité, à l’instar de la résolution 984 (1995).  Cette nouvelle résolution, a-t-elle insisté, devrait clairement indiquer que les armes nucléaires « ne doivent plus jamais être utilisées, quelles que soient les circonstances ».  Elle a également exhorté les États dotés à renoncer à toute augmentation des arsenaux nucléaires, à de nouvelles conceptions d’armes, à de nouveaux déploiements d’armes, sur Terre ou dans l’espace, et aux essais nucléaires.  L’intervenante a enfin rappelé que l’acteur Cillian Murphy, en acceptant un Oscar pour son interprétation de Robert Oppenheimer, a dédié son prix aux « artisans de paix du monde entier ».  Elle a donc demandé aux membres du Conseil, « et en particulier aux P5 », d’être les artisans de la paix « dans un monde où la menace nucléaire est accrue ».

Mme YOKO KAMIKAWA, Ministre des affaires étrangères du Japon, a rappelé que son pays, le seul à avoir subi des bombardements atomiques en temps de guerre, a été par la suite un leader mondial dans la quête d’un monde sans armes nucléaires.  Dans le cadre de cet effort, depuis 1994, le Japon soumet chaque année à l’Assemblée générale des Nations Unies des résolutions sur le désarmement nucléaire, qui ont été largement soutenues.  Lors de la dernière Conférence d’examen du TNP, le Premier Ministre, M. Fumio Kishida, a proposé le « Plan d’action d’Hiroshima ».  De plus, le Japon a accueilli le sommet du G7 à Hiroshima l’an dernier.  À cette occasion, non seulement les dirigeants du G7 mais aussi le Président ukrainien et les représentants de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), de l’Union africaine, du Forum des îles du Pacifique Sud et du G20 ont approfondi leur compréhension des réalités du bombardement atomique. Leur visite à Hiroshima a envoyé un message fort en faveur d’un monde sans armes nucléaires, a rappelé la Ministre. 

Pourquoi discuter maintenant du désarmement nucléaire au Conseil de sécurité de l’ONU?  Parce que la communauté internationale est devenue encore plus divisée aujourd’hui sur la manière de faire progresser cette question, a répondu la Cheffe de la diplomatie nippone.  Rappelant que le TNP est la pierre angulaire du régime international de désarmement nucléaire et de non-prolifération, elle a indiqué que le Groupe international de personnalités éminentes, créé à l’initiative du Premier Ministre Kishida, publiera l’an prochain des recommandations pour la Conférence d’examen du TNP en 2026.  C’est pourquoi il lui est apparu extrêmement pertinent d’organiser cette séance d’information aujourd’hui au Conseil, à mi-parcours du cycle d’examen du TNP, avec la participation des États dotés d’armes nucléaires et de ceux qui n’en sont pas dotés. 

Mme Kamiwaka a ensuite évoqué quatre perspectives.  Tout d’abord, elle a insisté sur la « grande importance » des cinq actions énoncées dans le Plan d’action d’Hiroshima.  Il s’agit d’une reconnaissance partagée de l’importance de maintenir le record de non-utilisation des armes nucléaires et d’améliorer la transparence; de maintenir la tendance à la baisse des stocks nucléaires mondiaux; d’assurer la non-prolifération nucléaire; de promouvoir les utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire; et d’encourager les visites à Hiroshima et Nagasaki de dirigeants internationaux et autres.  Le Japon redoublera d’efforts pour mettre en œuvre ce plan d’action, avec pour prochaine étape la création des « Amis du traité interdisant la production de matières fissiles », un groupe interrégional dont l’objectif est de maintenir et d’accroître l’attention politique en faveur d’un tel instrument pour limiter l’amélioration quantitative des armes nucléaires. 

Pour la Ministre, l’autonomisation des jeunes est la clef de notre avenir, raison pour laquelle elle s’est félicitée du lancement du Fonds des Nations Unies pour la jeunesse des dirigeants pour un monde sans armes nucléaires, dans le cadre duquel les futurs dirigeants en visite à Hiroshima et à Nagasaki apprendront par eux-mêmes les réalités des bombardements atomiques.  Le Japon encourage par ailleurs une coopération accrue avec les organisations internationales, dont l’AIEA, a-t-elle encore indiqué.  En outre, la communauté internationale doit parler d’une seule voix contre tout mouvement allant à l’encontre d’un monde sans armes nucléaires.  « Les menaces nucléaires posées par la Russie, sans parler de tout recours à l’arme nucléaire dans le contexte de la crise en Ukraine, sont absolument inacceptables », a tranché Mme Kamiwaka, qui a exhorté Moscou à revenir à la pleine mise en œuvre du Nouveau Traité START.  En outre, elle a espéré que des dialogues aboutiront à l’élaboration d’un cadre plus large de contrôle des armements couvrant un plus large éventail de systèmes d’armes et doté d’une gouvernance appropriée. 

La Ministre a ensuite attiré l’attention sur le lancement de missiles balistiques, hier, par la République populaire démocratique de Corée (RPDC), en violation de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité, un acte « totalement inacceptable », sans compter la possibilité de nouvelles provocations, notamment un essai nucléaire.  Dans ce contexte, le rôle du Comité 1718 et de son groupe d’experts est d’une importance cruciale, et sa fonction doit être maintenue, a plaidé la Cheffe de la diplomatie japonaise.  Elle a aussi estimé qu’en l’absence de perspectives claires pour résoudre le « problème nucléaire iranien », la retenue de la part des pays concernés, dont l’Iran, est nécessaire, en particulier à la lumière des tensions actuelles accrues au Moyen-Orient. 

En outre, le Japon promeut la mise en œuvre de la résolution 1540 du Conseil de sécurité, dans le but de prévenir la prolifération des armes de destruction massive au profit d’acteurs non étatiques, a-t-elle dit.  Elle a rappelé que pendant la guerre froide, la communauté internationale, malgré sa polarisation, avait réussi à établir des cadres juridiques pour garantir l’utilisation pacifique et durable de l’espace extra-atmosphérique, qui interdisent le placement d’armes nucléaires ou de tout autre type d’armes de destruction massive dans l’espace.  Elle a donc appelé à respecter pleinement les cadres juridiques existants, y compris le Traité sur l’espace extra-atmosphérique, assurant aussi que son pays suit de près l’impact possible des technologies émergentes telles que l’IA sur le désarmement nucléaire et la non-prolifération.  Dans ce contexte, le Japon salue l’engagement pris par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France de maintenir le contrôle et la participation humaine lors de la dernière Conférence d’examen du TNP.  Mme Kamikawa a exhorté en conclusion les autres États dotés d’armes nucléaires à faire de même.

Alors que nous traversons une période « difficile » ayant un impact direct sur l’architecture de la paix et de la sécurité internationales, Mme VERÓNICA NATANIEL MACAMO DLHOVO, Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Mozambique, a estimé que la séance d’aujourd’hui est l’occasion pour le Conseil de sécurité de réfléchir en profondeur aux engagements pris par les États Membres dans le cadre du TICE et d’autres instruments internationaux de désarmement.  Dans plusieurs régions du monde, l’instabilité politico-militaire, les conflits, la pauvreté et les effets des changements climatiques remettent en question les efforts de paix et de développement.  Une situation exacerbée selon elle par la prolifération des groupes armés non étatiques qui ont recours aux nouvelles technologies à des fins terroristes.  À ses yeux, le statu quo nucléaire, qui engendre instabilité, méfiance, incertitude et concurrence, découle de l’incohérence entre le discours et la pratique.  Dans ce contexte, le Mozambique est déterminé à mettre en œuvre le TICE, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et, sur le continent africain, le Traité de Pelindaba.  Ces instruments témoignent, selon la Ministre, d’un ferme soutien aux approches multilatérales de désarmement nucléaire et sont essentiels pour promouvoir la sécurité mondiale. 

Poursuivant, la Ministre a estimé que l’adoption d’une approche cohérente entre les intentions et les actions concrètes de chacun doit être fondée sur la certitude qu’une guerre utilisant des armes nucléaires aurait des conséquences catastrophiques pour toute l’humanité.  Une telle catastrophe serait particulièrement injuste envers l’Afrique, dont aucun des 54 États ne possède d’arme nucléaire.  Elle s’est dite favorable à un monde qui « ne gravite pas autour de la doctrine de la dissuasion nucléaire », mais qui accorde au contraire la priorité au développement de la technologie nucléaire à des fins pacifiques.  À ses yeux, la onzième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, prévue en 2026, devrait envisager d’adopter cette approche.  Dans cette optique, la Ministre a recommandé de mettre en œuvre le droit international pertinent et de donner la priorité à des investissements dans les programmes nucléaires à des fins pacifiques, par le biais notamment d’un pacte mondial.  Elle a en outre plaidé pour une meilleure inclusion des femmes dans les questions de désarmement et de non-prolifération.

La représentante des États-Unis a assuré que, six décennies après l’appel lancé par le Président John Kennedy en faveur d’une réduction des arsenaux nucléaires, son pays reste engagé à renforcer le régime de non-prolifération avec le TNP en son cœur.  Pourtant, a-t-elle observé, les dispositifs internationaux de limitation des armements nucléaires sont mis à rude épreuve.  Elle a ainsi noté que l’Iran ne cesse d’élargir ses programmes nucléaires et, depuis près de cinq ans, ne coopère plus avec l’AIEA; qu’après avoir lancé son invasion à grande échelle de l’Ukraine, la Russie a brandi de façon irresponsable des arguments nucléaires belliqueux et s’est soustraite à ses obligations nucléaires; et que la Chine diversifie son arsenal nucléaire.  De surcroît, a-t-elle dénoncé, la Russie et la Chine ne souhaitent toujours pas entamer de discussions sur la maîtrise ou la réduction des armements nucléaires et ont même donné des moyens d’action à des pays comme la RPDC, qui poursuit ses programmes d’armement nucléaire et de missiles balistiques au mépris de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité. À cet égard, elle a exhorté tous les membres du Conseil à appuyer le Groupe d’experts du Comité 1718 en prorogeant son mandat cette semaine. 

De l’avis de la représentante, il est également impératif que chaque membre du Conseil s’engage en faveur d’un monde exempt d’armes nucléaires.  Pour cela, il importe selon elle d’appliquer les obligations de maîtrise des armements et de s’engager dans de nouvelles discussions.  « Nous sommes prêts à le faire avec la Russie et la Chine sans condition préalable », a-t-elle assuré.  La représentante a également estimé que les pays dotés d’armes nucléaires devraient maintenir un moratoire sur les essais nucléaires et poursuivre les discussions sur le traité interdisant la production de matières fissiles.  Les États dotés doivent en outre montrer la transparence de leurs programmes, a-t-elle plaidé, avant d’appeler à faire en sorte que les femmes ne soient pas mises à l’écart des discussions, que les auteurs de violations de la non-prolifération rendent des comptes et que les résolutions du Conseil soient appliquées.  À ce sujet, elle s’est prononcée pour de nouvelles mesures liées à l’utilisation de l’intelligence artificielle et aux questions d’espace extra-atmosphérique.  « Tout placement d’armes nucléaires en orbite autour de la planète constituerait une action sans précédent, dangereuse et inacceptable », a-t-elle fait valoir, appelant les États parties à respecter l’article 4 du Traité sur l’espace extra-atmosphérique et les autres États à le ratifier dès que possible.  La représentante a ajouté que son pays élabore avec le Japon un projet de résolution appelant à ne pas développer d’armes nucléaires ou de destruction massive spécifiquement conçues pour être placées en orbite autour de la planète. 

M. FRANCESS PIAGIE ALGHALI, Vice-Ministre des affaires étrangères et de la coopération de la Sierra Leone, a déploré que le niveau d’engagement du Conseil en matière de désarmement ait diminué depuis 2010.  Or, les évolutions récentes du paysage nucléaire mondial soulignent la nécessité urgente d’une action collective pour faire face aux risques croissants associés aux armes nucléaires, a-t-il fait remarquer.  Il a noté à cet égard une modernisation approfondie des arsenaux nucléaires, une augmentation des dépenses militaires, l’arrêt du dialogue sur la stabilité stratégique entre les deux principaux États dotés d’armes nucléaires, ou encore le retrait du Nouveau Traité START de 2010.  En outre, l’accord de contrôle plafonnant les forces nucléaires stratégiques des deux principaux États dotés d’armes nucléaires et les négociations pour un successeur au Nouveau Traité START sont suspendues, a encore relevé M. Alghali. 

Le seul moyen efficace de prévenir l’emploi ou la menace d’emploi des armes nucléaires est leur élimination totale, a tranché le Vice-Ministre, qui s’est opposé aux « théories dangereuses » de la dissuasion nucléaire.  Dans ce contexte, la Sierra Leone s’est félicitée de l’entrée en vigueur du Traité « historique » sur l’interdiction des armes nucléaires le 22 janvier 2022, a-t-il indiqué.  Les réunions des États parties à cet instrument, dont la plus récente s’est tenue en novembre 2023, ont proposé un plan d’action ambitieux en faveur de l’élimination totale des armes nucléaires.  Sa délégation estime que ce traité constitue un instrument complémentaire au TNP et permettra de « mettre fin à la longue impasse » dans laquelle se trouvent les négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire. 

En outre, le Vice-Ministre s’est dit préoccupé par le fait que 28 ans après son adoption, le TICE ne soit pas encore entré en vigueur, les États dotés de l’arme nucléaire ne l’ayant pas encore signé ou ratifié.  Il a recommandé que le Conseil de sécurité envisage d’adopter une déclaration présidentielle ou une résolution proposant des mesures concrètes de confiance visant à réduire la menace de guerre nucléaire et définissant des stratégies pour faire progresser le désarmement nucléaire et la non-prolifération.  « Un tel produit pourrait servir de catalyseur pour de nouveaux efforts internationaux visant à promouvoir le désarmement et à renforcer la sécurité mondiale », a estimé M. Alghali.  En outre, la Sierra Leone recommande au Conseil de sécurité de demander au Secrétaire général de préparer un rapport complet qui propose des recommandations concrètes sur la manière dont le Conseil, l’Assemblée générale et d’autres organes compétents des Nations Unies peuvent collaborer plus efficacement pour relever les défis complexes de la non-prolifération et du désarmement nucléaires.

Le représentant de la République de Corée a constaté que la menace de l’utilisation d’armes nucléaires est devenue une préoccupation sans précédent pour la communauté internationale, en dénonçant la « rhétorique nucléaire irresponsable » dans le contexte de la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Moscou a même déployé des armes nucléaires tactiques au Bélarus et retiré sa ratification du TICE, en plus de suspendre le Nouveau Traité START. 

« Les perspectives de non-prolifération ne sont pas moins sombres », la République populaire démocratique de Corée (RPDC), « plus grand proliférateur du monde », continuant de violer de manière flagrante de multiples résolutions du Conseil pour développer ses programmes nucléaires et de missiles, s’est inquiété le représentant.  Il a dénoncé les lancements survenus hier, qui viseraient des zones densément peuplées et des installations militaires clefs de la République de Corée.  La RPDC s’engage en outre à lancer trois autres satellites de reconnaissance militaire cette année, et fournit des missiles balistiques à la Russie.  Sa politique nucléaire « agressive » permet même des frappes préventives contre la République de Corée, déclarée « État ennemi étranger principal », s’est-il alarmé. 

Autre danger: les progrès rapides de l’intelligence artificielle, qui a le potentiel de transformer tous les aspects des affaires militaires.  Si la gouvernance visant à garantir une utilisation responsable de l’IA reste à la traîne, le monde fera face au risque d’une utilisation accidentelle ou non autorisée d’armes nucléaires.  Le placement d’armes nucléaires dans l’espace extra-atmosphérique a aussi le potentiel de saper l’architecture mondiale de désarmement et de non-prolifération, a-t-il noté. 

Le représentant a appelé le Conseil de sécurité à assurer le respect des normes mondiales et des régimes de sanctions.  À cet égard, a-t-il ajouté, « un membre permanent et dépositaire du TNP devrait avoir un sens particulier de la responsabilité de ne pas ébranler l’architecture internationale vieille de plusieurs décennies, mais de la défendre ».  Sa coopération militaire avec la RPDC entraînerait, selon lui, une « érosion de l’autorité et de la pertinence mêmes du Conseil ». 

Le représentant de l’Équateur a jugé impératif que tous les États qui possèdent des arsenaux nucléaires, s’engagent à réduire et à éliminer leurs stocks et prennent des mesures concrètes dans ce sens pour empêcher leur utilisation accidentelle ou délibérée, ainsi que pour favoriser un climat de confiance et de coopération entre les nations.  Il a souhaité à cet égard que la prochaine Conférence d’examen du TNP permette de parvenir à des progrès et à un compromis, avant d’inviter tous les États à signer et ratifier le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.  Le représentant a également appelé à l’entrée en vigueur rapide du TICE et a assuré que son pays continuera de promouvoir le renforcement des zones exemptes d’armes nucléaires, à l’instar du Traité de Tlatelolco.  Il a ensuite plaidé pour un renforcement des mécanismes de contrôle et de vérification afin d’empêcher la propagation des armes nucléaires à des acteurs étatiques ou non étatiques, estimant que la résolution 1540 (2004) demeure un élément essentiel de l’architecture mondiale de non-prolifération.  Enfin, après avoir prôné le dialogue sur des questions en lien avec le programme nucléaire de la RPDC et de la République islamique d’Iran, il a demandé au Conseil de tout faire pour que les femmes participent pleinement, de manière significative et efficace aux processus de désarmement nucléaire et de non-prolifération.

Le représentant de la France a dénoncé la « rhétorique nucléaire irresponsable » de la Russie dans le contexte de sa guerre d’agression contre l’Ukraine.  Il a réitéré son attachement à la déclaration du P5 du 3 janvier 2022, qui affirme qu’une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée, appelant tous les États dotés à s’y conformer.  Il a assuré que son pays est résolu à œuvrer en faveur d’un monde sans armes nucléaires, avec une sécurité non diminuée pour tous, dans le cadre du TNP.  Pour ce faire, il est primordial selon lui de poursuivre les efforts nécessaires à la réduction des plus gros stocks d’arsenaux nucléaires mondiaux. La France y a contribué en réduisant son propre arsenal à un niveau de stricte suffisance pour sa sécurité, a-t-il précisé. 

Le représentant a ensuite déploré la suspension par la Russie de sa participation au Nouveau Traité START et l’a exhortée à revenir sur cette décision.  Il a soutenu le lancement sans délai, au sein de la Conférence du désarmement, de négociations sur un traité interdisant la production de matières fissiles et l’entrée en vigueur prochaine du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.  La France soutient également les travaux visant à l’établissement de zones exemptes d’armes de destruction massive et les dispositions du Traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967, qui prohibe le placement d’armes nucléaires ou de toute autre arme de destruction massive dans l’espace. « La violation de cette norme constituerait un facteur supplémentaire de déstabilisation », a-t-il mis en garde. 

Appelant le Conseil à répondre avec fermeté aux crises de prolifération, il a rappelé que la poursuite par la RPDC de ses programmes nucléaire et balistique viole des résolutions adoptées à l’unanimité. Il s’est dit préoccupé par les informations faisant état de livraisons d’armes entre la Russie et la RPDC, appelant une nouvelle fois Pyongyang à cesser ses activités déstabilisatrices et à engager des discussions en vue d’une dénucléarisation complète, irréversible et vérifiable.  Il a par ailleurs noté que l’escalade du programme nucléaire iranien s’accélère, sans que ces activités aient une justification civile crédible.  Jugeant que l’Iran ne peut se soustraire plus longtemps à ses obligations au titre des garanties du TNP, il a réaffirmé que la France reste résolue à ce que ce pays ne puisse jamais développer l’arme nucléaire et appuie toute recherche de solution diplomatique.  Enfin, après avoir exprimé son inquiétude quant à la situation de la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporizhzhia illégalement occupée depuis mars 2022, il a appelé la Russie à cesser d’alimenter le risque d’un accident nucléaire. 

Le représentant de la Chine a appelé les États dotés de l’arme nucléaire à envisager des mesures visant à réduire les risques, à négocier un traité interdisant le déploiement initial de l’arme nucléaire et à fournir des garanties de sécurité aux États non dotés.  Ces états devraient en outre s’abstenir de déployer des missiles à portée intermédiaire en Asie et en Europe et cesser la dissuasion partagée afin de préserver un « équilibre stratégique ». Qui plus est, de tels systèmes d’armement doivent être placés sous le contrôle d’êtres humains en tout temps, a-t-il insisté.  De même, il a appelé les États dotés à respecter le consensus mondial en matière de désarmement nucléaire émanant de la Conférence du TNP.  « Les allégations proférées par les États-Unis contre mon pays ne tiennent pas la route », a affirmé le délégué. C’est plutôt Washington qui doit s’acquitter de ses obligations de réduire ses arsenaux afin de permettre aux États dotés de rejoindre le désarmement.  Les « questions brûlantes » en la matière, en RPDC ou encore en Iran, ont des « racines historiques liées aux politiques de certains pays », a-t-il affirmé. 

Pour le délégué, la coopération sous-marine de Washington avec certains pays comporte de nombreux risques de prolifération et sape la stabilité.  À cet égard, la Chine est prête à signer des instruments relatifs à la création de zones exemptes d’armes nucléaires en Asie-Pacifique, et appuie un Moyen-Orient libre de telles armes. Il a ensuite appelé la communauté internationale à garantir aux pays en développement le droit d’utiliser l’énergie nucléaire à des fins pacifiques en lui fournissant une assistance technique, notamment par l’entremise de l’AIEA.  Certains pays devraient en outre cesser d’utiliser des mesures de contrôle des exportations en tant « qu’outils politiques pour réprimer d’autres États », sous le prétexte de la non-prolifération.  Pour sa part, a ajouté le représentant, la Chine maintient son arsenal nucléaire au niveau minimum requis pour assurer sa sécurité nationale. 

Le représentant de la Slovénie a jugé urgent de maintenir et de renforcer davantage le régime de non-prolifération.  Les obligations de non-prolifération au titre du TNP et les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité doivent être systématiquement mises en œuvre, a-t-il souligné.  Il a appelé à sortir le désarmement nucléaire de l’impasse dans laquelle il se trouve, déplorant l’absence de progrès lors des deux dernières conférences d’examen du TNP. Pour aller de l’avant, il a appuyé une approche étape par étape basée sur le TNP et combinant des éléments bilatéraux et multilatéraux, évoquant les 22 étapes définies dans l’Initiative de Stockholm pour le désarmement nucléaire.  Le représentant a également insisté sur la pertinence de la résolution 984 (1995) du Conseil de sécurité. 

La représentante du Royaume-Uni a assuré que son pays demeurait attaché au désarmement complet, conformément à l’article VI du Traité sur la non-prolifération (TNP), soulignant qu’il s’agit du seul État doté d’armes nucléaires à n’avoir plus qu’un seul vecteur de tir, et qu’il maintient un minimum de dissuasion crédible.  Nous avons été pionniers dans le domaine de la vérification du désarmement nucléaire, en défendant la transparence et en faisant progresser la réduction des risques, a-t-elle ajouté.  Et nous sommes l’un des principaux contributeurs financiers à l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires dont nous hébergeons 13 de ses installations de surveillance, s’est encore enorgueillie la déléguée. 

Elle a ensuite appelé le Conseil à continuer de lutter contre le programme nucléaire de la RPDC, exhortant Pyongyang à s’engager en faveur de la dénucléarisation.  De même, elle a exhorté l’Iran et la Syrie à coopérer pleinement avec l’AIEA, avant d’exprimer sa profonde préoccupation quant au fait que le programme nucléaire iranien n’a jamais été aussi avancé qu’aujourd’hui. Par ailleurs, a-t-elle poursuivi, il est « scandaleux » que la Fédération de Russie –membre du P5– choisisse de saper l’architecture nucléaire qu’elle a contribué à construire.  Elle a violé le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, suspendu ses obligations dans le cadre du Nouveau Traité START, s’est retirée du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et violé les résolutions pour se procurer des armes auprès de l’Iran et de la RPDC pour sa guerre illégale en Ukraine, a dénoncé la représentante.  Le Royaume-Uni, a-t-elle ajouté, est déterminé à ce que la prochaine Conférence d’examen du TNP soit couronnée de succès en 2026.

La représentante de la Suisse a estimé qu’au moment où la volatilité géopolitique fait peser un risque d’utilisation de l’arme nucléaire sans précédent depuis la fin de la guerre froide, il est de la responsabilité du Conseil de sécurité de « s’assurer que cette vérité, vécue par les victimes d’Hiroshima et Nagasaki, affirmée par MM. Gorbatchev et Reagan en 1985 et réitérée par les P5 en janvier 2022, ne reste pas lettre morte ».  Pour ce faire, nous devons retrouver la voie du désarmement nucléaire, comme le Secrétaire général le souligne dans son Nouvel Agenda pour la paix, a-t-elle plaidé, avant de rappeler qu’avancer sur cette voie est une obligation au titre du TNP.  Constatant que des instruments essentiels de maîtrise des armement nucléaires sont aujourd’hui dénoncés, voire violés, et que les trois plus grandes puissances nucléaires n’ont toujours pas ratifié le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), elle a appelé ces dernières ainsi que tous les autres États visés à l’annexe 2 de ce traité à signer et ratifier cet instrument sans délai.  Elle a aussi souhaité que le Conseil s’inspire de ses actions passées, par exemple de sa résolution 984 (1995) par laquelle il a octroyé des garanties négatives de sécurité aux États non dotés. 

Pour la représentante, il est urgent de réduire les risques nucléaires que posent la course aux armements et la rhétorique nucléaire récemment employée.  À cette fin, elle a appelé les États dotés à mener un dialogue soutenu sur la réduction de ces risques et à établir des canaux de communication de crise pour éviter les « malentendus » entre détenteurs d’armes nucléaires.  Elle leur a également demandé de faire preuve de transparence sur leurs politiques, doctrines et arsenaux.  Enfin, après avoir appelé tous les États à appliquer les normes les plus élevées en matière de garanties nucléaires, elle a souligné que les cinq membres permanents du Conseil ont le devoir de respecter et maintenir les piliers de l’architecture de non-prolifération. À ses yeux, le renouvellement prévu cette semaine du mandat du Groupe d’experts sur les sanctions imposées à la RPDC sera un nouveau gage de cet engagement. 

La représentante du Guyana a dénoncé la rhétorique « dangereuse » concernant les armes nucléaires, laquelle cherche à normaliser la menace de leur utilisation, dans un environnement géopolitique caractérisé par des niveaux de volatilité sans précédent et des conflits multiples.  « S’engager sur cette voie, c’est se diriger tête première vers une catastrophe mondiale », a-t-elle prévenu.  Afin de faire face aux menaces qui pèsent sur l’architecture mondiale de désarmement et de non-prolifération, la représentante a appelé à renforcer le rôle du Conseil de sécurité, ainsi que la mise en œuvre des principaux instruments de non-prolifération, et à garantir un usage responsable des technologies émergentes en matière de désarmement nucléaire. Il faut également assurer la participation des femmes à la prise de décisions sur ces questions.  Le Conseil doit pour sa part intensifier son engagement en faveur des normes et de la réduction des armements, y compris les armes nucléaires et les armes de destruction massive. 

La représentante de Malte a déclaré que la doctrine de dissuasion représente une menace pour notre existence, et a souligné que la réduction des risques ne doit jamais se substituer au désarmement.  Elle a estimé que malgré l’échec des deux dernières conférences d’examen, le TNP demeure la pierre angulaire du régime de non-prolifération et a espéré que la prochaine conférence s’aura déboucher sur des résultats substantiels.  La représentante a exhorté les États doté à mettre en œuvre l’article VI dudit traité.  Les tensions actuelles ne doivent pas servir d’excuse pour les retards enregistrés, mais devaient au contraire justifier une accélération de la mise en œuvre, a-t-elle estimé.  Elle a aussi plaidé pour l’universalisation du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, exhortant en outre les États à ratifier le TICE.  La déléguée a ensuite affirmé que le régime de non-prolifération a été gravement sapé par la RPDC, notant que la menace que représente son programme d’armes de destruction massive dépasse la péninsule coréenne. 

Le représentant de l’Algérie a exprimé sa profonde préoccupation face à l’intensification des tensions internationales et à la « menace imminente d’une guerre nucléaire ».  Le désarmement nucléaire n’est pas simplement une obligation juridique mais aussi un impératif moral, a-t-il affirmé. Le délégué s’est alarmé de l’absence de progrès dans le respect des engagements en matière de désarmement nucléaire, malgré les efforts de la plupart des États Membres. À cet égard, il a exhorté les États dotés d’armes nucléaires à honorer leurs obligations au titre de l’article VI du TNP et à prendre des mesures concrètes en faveur du désarmement nucléaire, notamment en adhérant audit traité.  L’incapacité de parvenir à un consensus lors des deux précédentes conférences d’examen du TNP constitue d’ailleurs une préoccupation majeure. Il a cependant salué l’entrée en vigueur du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires ainsi que l’adoption de la Déclaration et du Plan d’action de Vienne. 

Il a fait part de son attachement à la mise en œuvre du Traité de Pelindaba sur le continent africain, pour ensuite souligner l’importance d’établir une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive au Moyen-Orient.  La condamnation, par les participants à la Conférence de l’ONU sur cette question, des menaces nucléaires proférées par Israël concernant Gaza doit, selon le représentant, se traduire en actes concrets.  Enfin, il a appelé à l’adoption d’un instrument juridiquement contraignant sur les garanties de sécurité pour les États non dotés d’armes nucléaires et d’un traité interdisant la production de matières fissiles.

Le représentant de la Fédération de Russie s’est réjoui que cette réunion rappelle les conséquences catastrophiques que peut avoir l’utilisation des armes nucléaires. Il a dit comprendre l’extrême sensibilité de ce sujet pour le Japon, État victime de l’utilisation d’armes nucléaires par les États-Unis en août 1945. Rappelant qu’il s’agit du seul cas dans l’histoire où des armes nucléaires ont été utilisées « non pas à des fins d’essais, mais à des fins militaro-politiques et contre des civils », il a jugé essentiel de préserver la mémoire historique des terribles conséquences de cette action.  Selon lui, c’est d’autant plus important dans le contexte actuel de sécurité internationale et de stabilité stratégique, qui pâtit d’une « politique cohérente à long terme des États-Unis et de leurs alliés visant à saper l’architecture internationale du contrôle des armements, du désarmement et de la non-prolifération des armes de destruction massive ». 

Pour illustrer son propos, il a fait observer que, pour avoir autant que possible les « mains libres », Washington s’est retiré d’accords fondamentaux, tels que le Traité sur les systèmes antimissiles balistiques, le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire et le Traité « Ciel ouvert » (OST), et de plus a rendu impossible la mise en œuvre d’accords pertinents, comme ce fut le cas avec le Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe (FCE) et le Traité bilatéral sur la réduction et la limitation des armements stratégiques offensifs (START I).  Alors que l’Occident ne cache plus ses aspirations à infliger une « défaite stratégique »à la Fédération de Russie, ce risque d’escalade menace de se transformer en « affrontement militaire direct entre puissances nucléaires », a prévenu le représentant.  Considérant que, dans ces circonstances, le « noble objectif » de bâtir un monde exempt d’armes nucléaires semble « bien lointain », il a estimé que la possession d’armes nucléaires reste un facteur important pour maintenir l’équilibre stratégique et éviter que le monde plonge dans le « chaos de guerres sans fin ». 

Pour le représentant, de véritables progrès vers le désarmement nucléaire ne peuvent être réalisés que sur la base de mesures vérifiées, étape par étape.  Il a ainsi jugé nécessaire d’adopter une approche globale et d’agir conformément à la lettre et à l’esprit de l’article VI du TNP, sans tenter d’« isoler » des éléments individuels du contexte holistique d’un désarmement général et complet.  S’agissant de l’objectif du « zéro nucléaire », il a estimé que l’idée d’une renonciation immédiate et inconditionnelle aux armes nucléaires, inscrite dans le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, est « contre-productive, erronée et populiste ».  Cette approche, qui ne prend pas en compte les réalités de la stabilité stratégique et les intérêts de sécurité des pays dotés de l’arme nucléaire, conduit selon lui à des contradictions croissantes entre les États et sape l’autorité du TNP.  Il a d’autre part déclaré ne voir « aucune raison impérieuse » de discuter du désarmement nucléaire au Conseil de sécurité, alors qu’il existe d’autres plateformes spécialisées pour le faire. 

Exprimant son inquiétude face à la mise à l’épreuve actuelle du TNP, le représentant a constaté que les divergences sur les questions de désarmement nucléaire continuent de s’aggraver, comme le montrent les résultats de la dixième Conférence d’examen du TNP, tenue en 2022, et de la première session du Comité préparatoire de la Conférence d’examen prévue en 2026.  Dans ce contexte, il a appelé « certains États occidentaux » à cesser de politiser les discussions pour promouvoir leur agenda opportuniste.  Cette attitude avait entraîné « l’enterrement » du document final de la Conférence d’examen de 2022, a-t-il rappelé, assurant que la Russie est prête au dialogue pour contribuer à la recherche d’un consensus sur les moyens de parvenir à un désarmement nucléaire « plus approfondi ».

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