La tenue du scrutin présidentiel russe dans les territoires ukrainiens occupés dénoncée par une majorité des membres du Conseil de sécurité
Réunis cet après-midi à la demande de l’Ukraine, relayée par la Slovénie, une majorité des membres du Conseil de sécurité ont dénoncé, comme la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, la tenue de l’élection présidentielle de la Fédération de Russie dans les territoires ukrainiens occupés par ce pays, en violation de nombreuses résolutions de cet organe et de la Charte des Nations Unies.
« Toute annexion du territoire d’un État par un autre résultant de la menace ou du recours à la force constitue une violation des principes de la Charte des Nations Unies et du droit international », a déclaré d’emblée Mme Rosemary DiCarlo. C’est pourtant ce que la Fédération de Russie tente de faire en Ukraine depuis sa tentative illégale, il y a 10 ans, d’annexer la Crimée au moyen d’un soi-disant « référendum », a-t-elle rappelé. Dans ce contexte, le Secrétaire général a condamné l’intention de Moscou d’organiser, du 15 au 17 mars, une élection présidentielle dans les régions de l’Ukraine placées sous son contrôle.
Selon la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine, les prétendus référendums et élections locales tenus par le passé dans ces territoires se sont déroulés dans un environnement coercitif, a rappelé la haute fonctionnaire. Qui plus est, en vertu du droit international humanitaire, la Puissance occupante est tenue de respecter les lois ukrainiennes dans les territoires qu’elle occupe. Alors que ce conflit a déjà tué au moins 10 703 civils depuis 2022, les frappes russes contre des civils et des infrastructures cruciales se poursuivent sans relâche. Ainsi, a ajouté Mme DiCarlo, le 12 mars, 5 personnes auraient été tuées lors d’une frappe de missile russe à Kryvyi Rih, tandis que ce matin, 20 personnes auraient été tuées et 73 blessées lors d’une frappe de missile russe sur Odessa.
En Crimée, la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies fait état de l’imposition illégale de la citoyenneté et des lois russes, de pressions pour participer à des processus électoraux illégaux, de la suppression de la liberté d’expression et d’autres violations des droits humains. Des abus similaires à ceux qui se font jour dans les régions occupées de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporizhzhia, a précisé Mme DiCarlo, et qui s’ajoutent à une augmentation « inquiétante », depuis 2023, des allégations d’exécutions extrajudiciaires de prisonniers de guerre par les forces russes.
Un nouveau rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine rendu public aujourd’hui indique, en outre, que les cas de torture contre des civils par les autorités russes en Ukraine et dans la Fédération de Russie sont généralisés et systématiques. « Tous les auteurs de violations doivent être tenus responsables de leurs actes », a rappelé Mme DiCarlo.
« Permettez-moi de commencer par un fait incontestable: la Russie organise une élection présidentielle non seulement sur son propre territoire, mais aussi sur le territoire d’un autre membre souverain des Nations Unies, contre la volonté de ce pays », a constaté la Slovénie. L’annexion de ce que Moscou appelle les « nouveaux territoires » équivaut selon elle à un acte d’agression qui témoigne d’une « logique coloniale d’une époque révolue ».
« Aujourd’hui, les Ukrainiens ne pleurent pas seulement les 16 civils qui ont perdu la vie à Odessa » lors des frappes de missiles russes, a noté le Royaume-Uni; aujourd’hui, les civils ukrainiens des régions occupées sont « forcés et intimidés à participer à une élection simulée ». Des rapports « alarmants » font également état de responsables prorusses transportant des urnes de porte en porte dans ces régions, accompagnés de soldats, afin de « cultiver un climat de peur et de coercition ».
En se prêtant à une telle « mascarade », la Fédération de Russie cherche de nouveau à donner un semblant de légitimité à ses tentatives d’annexion illégales, a constaté la France. Or, a-t-elle argué, répéter cette « manœuvre grossière » ne changera pas la réalité que ces régions font partie intégrante de l’Ukraine. Dans cette optique, la Roumanie a « vivement déploré » l’intention de Moscou d’ouvrir des bureaux de vote en Transnistrie, en République de Moldova, ou encore dans les régions occupées de Géorgie, y voyant une attaque directe contre l’indépendance de ces pays.
Pour l’Ukraine, cette soi-disant « élection présidentielle » n’est rien d’autre qu’une violation flagrante du droit international et de la législation ukrainienne. Tout processus électoral mené dans les régions occupées est à ses yeux « malveillant » et « juridiquement nul et non avenu ». Alors que les opposants ont été « tués, arrêtés ou, au mieux, contraints de quitter le pays », elle a estimé que les territoires ukrainiens temporairement occupés jouent un rôle particulier dans cette « parodie électorale ». « L’immunité ne devrait pas être étendue à un dictateur agressif qui se reconduit dans ses fonctions lors d’élections non démocratiques », a-t-elle ajouté.
La Fédération de Russie a balayé ces « tentatives absolument éhontées d’ingérence » dans ses « affaires intérieures », en établissant un parallèle entre la tenue « d’élections démocratiques » sur les territoires qu’elle contrôle « sur les plans administratif, politique et économique », et l’annulation par le Président ukrainien de l’élection présidentielle prévue cette année dans son pays. « Qu’on le veuille ou non, l’élection présidentielle a commencé aujourd’hui en Russie » et se tiendra, « entre autres, dans les nouvelles régions russes qui ont rejoint notre pays à la suite d’une libre expression de volonté en septembre 2022 », a confirmé la Russie.
S’agissant des attaques menées à Odessa, la délégation russe a affirmé que les conséquences des frappes « de haute précision » sur des installations liées à l’infrastructure militaire du « régime de Kiev » sont le résultat de la piètre performance de la défense aérienne ukrainienne.
Les États-Unis ont considéré que cette violence « amorale » est étroitement liée aux simulacres d’élection qui se déroulent dans les territoires temporairement occupés de l’Ukraine. Pour la délégation américaine, les choses sont claires: il s’agit d’un exercice de propagande visant à renforcer les revendications biaisées de la Russie sur les territoires qu’elle a illégalement envahis.
S’appuyant sur la résolution ES-11/4 de l’Assemblée générale, laquelle demande aux États Membres et aux organisations internationales de ne reconnaître aucune modification par Moscou du statut des territoires ukrainiens occupés, la Suisse a indiqué, avec l’appui de nombreux membres du Conseil, dont l’Équateur, le Guyana ou encore Malte, qu’elle ne reconnaîtra pas plus les résultats de ces prétendues « élections » que l’incorporation de ces territoires à la Fédération de Russie. « Il nous incombe à chacun de rejeter sans équivoque les tentatives d’annexion illégales de la Russie », a insisté l’Union européenne.
« Le droit international et la Charte des Nations Unies constituent notre dernier bastion pour assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, dont profite également la Russie », a relevé la République de Corée. À cet égard, la Chine a noté que l’intégrité et la souveraineté de tous les pays doivent être respectées, et les préoccupations sécuritaires légitimes de tous les pays pris en compte afin de parvenir à un règlement politique.
Or, a ajouté le Japon, nous devons reconnaître que cette situation menace non seulement les régions touchées, mais aussi la paix et la sécurité internationales. « L’histoire montrera que les vaines tentatives de la Russie d’établir un sentiment de normalité ou de légitimité par le biais de ces activités sont vouées à l’échec », a-t-il prédit.
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE
Exposé
Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a déclaré que toute annexion du territoire d’un État par un autre résultant de la menace ou du recours à la force constitue une violation des principes de la Charte des Nations Unies et du droit international. Elle a également rappelé la tentative illégale de la Fédération de Russie d’annexer le République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol par le biais d’un soi-disant « référendum ».
Dans ce contexte, le Secrétaire général a condamné l’intention de la Russie d’organiser, du 15 au 17 mars, l’élection présidentielle dans les régions de l’Ukraine placées sous son contrôle. La mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine a établi que les prétendus référendums et élections locales se sont déroulés par le passé dans un environnement coercitif. En vertu du droit international humanitaire, la Puissance occupante –en l’occurrence la Fédération de Russie– est tenue de faire respecter les lois ukrainiennes dans les territoires occupés, a-t-elle souligné.
Elle a ensuite indiqué que depuis février 2022, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) a recensé 10 703 civils tués, dont 594 enfants, et 20 146 autres blessés, dont 1 316 enfants. « Le bilan réel est très probablement beaucoup plus élevé. » Elle a signalé que les frappes russes contre des civils et des infrastructures critiques se sont poursuivies sans relâche. Le 12 mars, 5 personnes auraient été tuées et près de 50 autres blessées lors d’une frappe de missile russe à Kryvyi Rih, dans la région de Dnipropetrovsk. Et ce matin, 20 personnes auraient été tuées et 73 blessées lors d’une frappe de missile russe sur la ville d’Odessa. Deux des victimes étaient des secouristes qui sont morts après qu’une deuxième frappe a touché le site où ils s’étaient précipités pour venir en aide aux victimes, a déploré la haute fonctionnaire.
La situation humanitaire en Ukraine reste désastreuse dans un contexte d’intensification des attaques aériennes des forces russes, notamment pour les personnes déplacées, s’est alarmée la Secrétaire générale adjointe. Il est donc impératif de maintenir le soutien des donateurs au Plan de réponse humanitaire des Nations Unies. Pourtant, malgré nos efforts persistants, l’accès aux territoires occupés par la Russie reste restreint, ce qui suscite de graves inquiétudes quant au bien-être des civils, a-t-elle noté.
Mme DiCarlo a ensuite indiqué qu’en Crimée, la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine a régulièrement fait état de l’imposition illégale de la citoyenneté et des lois russes, d’intimidations et de pressions pour participer à des processus électoraux illégaux, de suppression de la liberté d’expression et de religion et d’autres violations des droits humains. Des schémas de violations similaires apparaissent dans les régions occupées de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporizhzhia. Depuis décembre 2023, une augmentation inquiétante des informations faisant état d’allégations d’exécutions extrajudiciaires de prisonniers de guerre par les forces russes a été signalée. À ce jour, a-t-elle précisé, le HCDH a vérifié 3 cas d’exécution de 7 prisonniers de guerre ukrainiens, tandis que 9 autres cas d’exécution présumée impliquant au moins 25 prisonniers ukrainiens sont toujours en cours de vérification. Le HCDH a également documenté une tendance aux détentions arbitraires et à d’éventuelles disparitions forcées de responsables locaux, de journalistes et de militants de la société civile aux mains des forces armées russes dans les zones occupées d’Ukraine, a indiqué la haute fonctionnaire. Un nouveau rapport de la Commission d’enquête sur l’Ukraine, rendu public aujourd’hui, fournit des informations supplémentaires sur les conclusions précédentes de la Commission, selon lesquelles la torture contre des civils par les autorités russes en Ukraine et dans la Fédération de Russie est généralisée et systématique.
Alors que cette guerre en est maintenant à sa troisième année, la paix continue de nous échapper, a constaté la Secrétaire générale adjointe. Y parvenir doit être notre priorité absolue, guidée par la Charte des Nations Unies, le droit international et les résolutions de l’Assemblée générale, a conclu Mme DiCarlo.