9562e séance, matin
CS/15610

Syrie: le Conseil de sécurité informé de l’enquête en cours sur les armes chimiques et de l’utilisation par Daech du gaz moutarde en septembre 2015

Le Haut-Représentant adjoint pour les affaires de désarmement a informé le Conseil de sécurité, ce matin, au cours de son exposé mensuel sur le dossier des armes chimiques en Syrie, de l’utilisation par l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL/Daech) de l’ypérite (gaz moutarde) au cours d’attaques commises en 2015 pour capturer la ville de Marea, en Syrie.  Il a également fait le point sur l’état de l’enquête en cours et sur les réponses présentées par la Syrie aux questions de l’Organisation sur l’interdiction des armes chimiques (OIAC), toujours incomplètes à ce jour, tout en saluant un « esprit renouvelé de coopération » du Gouvernement syrien.

Les membres du Conseil étaient saisis du rapport de mise en œuvre de la résolution 2118 (2013) sur l’élimination des armes chimiques en République arabe syrienne dans lequel M. Adedeji Ebo a conclu que la déclaration initiale soumise par la République arabe syrienne ne pouvait toujours pas être considérée comme exacte et complète.  La délégation syrienne s’en est toutefois exonérée en déclarant que le 27 février 2024, le Secrétariat technique de l’OIAC avait informé que trois questions en suspens liées à la déclaration initiale syrienne avaient été closes.

Autre information marquante de l’exposé de M. Ebo, les conclusions du quatrième rapport l’Équipe d’enquête et d’identification publié le 22 février 2024 dernier: il existe des motifs raisonnables de croire que le 1er septembre 2015, lors d’attaques visant à capturer la ville de Marea, Daech a utilisé du gaz moutarde.  L’Équipe a été en mesure d’identifier les quatre auteurs de ces crimes et les principaux moteurs du programme d’armes chimiques de Daech.  Elle a aussi établi que le gaz moutarde avait été déployé à partir de zones sous le contrôle de Daech, et qu’aucune entité autre que l’EIIL ne possédait les moyens, les motifs et les capacités de déployer de l’ypérite dans le cadre de l’attaque de Marea.

L’Équipe d’enquête et d’identification a examiné 20 492 fichiers, en obtenant 29 témoignages et en analysant les données relatives à 30 échantillons, a précisé M. Ebo.  Les conclusions du rapport reposent sur la combinaison, la cohérence et la corroboration de l’ensemble des informations recueillies, a-t-il rapporté en rappelant que « toute utilisation d’armes chimiques est inacceptable ».  Il s’est fait l’écho de l’appel lancé par le Secrétaire général pour mettre fin à l’impunité de tous ceux qui osent utiliser de telles armes, en particulier contre des civils. 

Préoccupés par les conclusions de ce rapport, l’Équateur, le Japon, Malte et la République de Corée ont condamné Daech dont les responsables doivent rendre des comptes et ne bénéficier d’aucune impunité.  Les A3 (Algérie, Mozambique et Sierra Leone) ont demandé la tenue d’une réunion de haut niveau visant à mieux gérer le dossier des armes chimiques syriennes, sur la base des nouvelles conclusions relatives à l’attaque de Marea.  La France a réaffirmé, pour sa part, son soutien à la résolution 1540 (2004) du Conseil de sécurité qui est un instrument essentiel pour prévenir l’accès des acteurs non étatiques aux armes de destruction massive. 

Si la Slovénie s’est dite satisfaite du travail de l’Équipe d’enquête et d’identification qui a permis de clarifier les circonstances entourant l’utilisation d’armes chimiques par Daech à Marea en septembre 2015, la Fédération de Russie a estimé que ses conclusions ne sont une révélation pour personne.  Elle a fait valoir que le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU sur l’emploi d’armes chimiques en République arabe syrienne était arrivé à la même conclusion en 2016.  La Russie a aussi fait remarquer qu’en dépit des preuves évidentes sur l’implication de Daech dans l’incident de Marea, certains membres de l’Équipe d’enquête et d’évaluation continuent d’accuser Damas de violer ses obligations au titre de la résolution 2118 (2023) du Conseil de sécurité. 

Toujours au sujet de la mise en œuvre de la résolution 2118 (2013), le Haut-Représentant adjoint a dit que la vingt-sixième série de consultations a eu lieu du 23 janvier au 1er février 2024, à la suite de quoi la Syrie a soumis, le 15 février 2024, deux notes verbales concernant trois questions en suspens et de nouvelles explications sur les résultats de l’analyse des échantillons prélevés par l’Équipe d’évaluation des déclarations sur l’un des sites déclarés. M. Ebo a encouragé les parties concernées à poursuivre cet esprit renouvelé de coopération, afin de pouvoir résoudre toutes les questions en suspens concernant les déclarations initiales et ultérieures de la Syrie.

Parmi les questions en suspens figure la déclaration complète des activités du Centre syrien d’études et de recherches scientifiques (CERS) et la déclaration des quantités d’agents neurotoxiques produits dans une usine de fabrication d’armes chimiques qui a été déclarée par la Syrie comme n’ayant jamais été utilisée pour produire de telles armes.  M. Ebo a aussi rappelé qu’à ce jour, la Syrie n’avait pas fourni suffisamment d’informations sur la détection d’un produit chimique dans les installations du CERS à Barzé en novembre 2018.  De plus, le Secrétariat technique de l’OIAC attend toujours des informations sur le déplacement non autorisé des deux bouteilles liées à l’incident d’armes chimiques ayant eu lieu à Douma le 7 avril 2018. 

En outre, le rapport de la mission d’établissement des faits, publié le 22 février 2024, concernant l’utilisation présumée d’armes chimiques à Yarmouk le 22 octobre 2017, a conclu que les informations obtenues et analysées ne permettaient pas à la mission de déterminer que des produits chimiques toxiques avaient été utilisés lors de cet incident. 

Le Représentant de la Syrie a souligné la poursuite de la coopération de son gouvernement avec le Secrétariat technique de l’OIAC, rappelant sa décision d’abandonner son programme chimique et d’adhérer à la Convention sur les armes chimiques en 2013. « L’Autorité nationale syrienne a facilité la tenue du vingt-sixième cycle de consultations », s’est-il prévalu en assurant avoir facilité les travaux de la mission d’établissement des faits.  Le 27 février 2024, a continué le délégué, le Secrétariat technique a informé l’Autorité nationale syrienne que trois questions en suspens liées à la déclaration initiale syrienne avaient été closes et qu’il y avait d’autres questions pouvant être résolues dont la clôture était imminente. 

L’Autorité nationale syrienne a également facilité la tenue de la dixième série d’inspections du CERS en décembre 2023, a assuré le représentant syrien.  Il a indiqué qu’au cours de ces inspections, l’Équipe d’enquête et d’identification n’avait observé aucune activité incompatible avec les obligations de l’État partie inspecté en vertu de la Convention sur les armes chimiques ou avec des décisions prises par les organes directeurs de l’OIAC et les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. 

Damas apporte « toute la coopération nécessaire » aux inspections effectuées par l’OIAC, contrairement à ce qu’affirment les délégations occidentales, a appuyé la Fédération de Russie.  La République islamique d’Iran, se basant sur les rapports du Secrétariat technique, a, elle aussi, souligné le soutien apporté par la Syrie aux différentes missions, qui a abouti notamment à la clôture des trois questions en suspens.  Elle rappelé à l’OIAC son obligation de travailler de manière impartiale et indépendante.  L’OIAC, a également insisté la Chine, doit respecter scrupuleusement les dispositions de la Convention sur les armes chimiques.  La Chine a appelé de ses vœux la poursuite de la coopération entre le Secrétariat technique et le Gouvernement syrien, dans le cadre d’un respect mutuel et sur un pied d’égalité, afin de créer les conditions d’un règlement du dossier chimique syrien. 

La France a quant à elle insisté sur le fait que la Syrie n’avait pas répondu aux questions sur l’état de ses stocks d’armes chimiques, disant que selon l’OIAC, la déclaration des autorités syriennes ne peut toujours pas être considérée comme exacte et complète, au regard des exigences de la Convention.  Alors que les États-Unis ont reproché au « régime d’Assad » de continuer d’entraver le travail de l’OIAC, le Haut-Représentant adjoint ainsi que de nombreuses délégations ont appelé la Syrie à coopérer pleinement avec l’OIAC, et à se conformer à ses obligations au titre de la Convention qui est la condition pour qu’elle recouvre ses droits et privilèges d’État partie, des droits suspendus en 2021. 

Treize ans après le début d’un conflit meurtrier en Syrie, la Türkiye a jugé impératif d’atteindre deux objectifs « liés l’un à l’autre »: prévenir toute nouvelle utilisation d’armes chimiques et garantir l’établissement des responsabilités pour les utilisations antérieures de ces mêmes armes dans ce pays, qu’il s’agisse de Daech ou du « régime syrien ».

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