9538e séance – matin
CS/15573

Conseil de sécurité: le Procureur de la CPI insiste sur le devoir de responsabilité dans le conflit au Soudan

Le Conseil de sécurité s’est penché, ce matin, sur les enquêtes menées par la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes commis dans le cadre du conflit dans la région du Darfour, au Soudan.  Il a entendu le Procureur de la Cour, M. Karim Khan, qui intervenait depuis le Tchad. 

Dans son exposé, le Procureur n’a eu de cesse de donner, chiffres à l’appui, des exemples d’exactions et de persécutions perpétrées par le passé et encore actuellement contre les populations civiles du Darfour par les Forces armées soudanaises ainsi que par les Forces d’appui rapide, en soulignant qu’elles étaient constitutives de violations du Statut de Rome, le texte fondateur de la CPI.  Nous avons tous un « impératif de responsabilité » vis-à-vis de ces populations, a déclaré le Procureur, qui a appelé les membres du Conseil à tout faire pour éviter que ce conflit ne tombe dans l’oubli et à adopter pour le résoudre une démarche différente, sans toutefois préciser laquelle. 

Les délégations ont été quasi unanimes à apporter leur soutien au travail de la CPI au Soudan, saluant notamment la décision du Procureur d’accélérer les enquêtes en donnant la priorité aux crimes commis contre les enfants et aux crimes sexuels.  Des allégations de crimes qui ont vivement inquiété les membres du Conseil, particulièrement dans le contexte des combats de ces derniers mois.  La Suisse, Malte, les États-Unis ou encore le Guyana ont jugé également accablantes les attaques visant des personnes et des infrastructures civiles. D’autres ont, comme l’Algérie et la France, dénoncé les acteurs étrangers qui attisent le conflit en fournissant des armes ou en finançant les parties. 

Les appels à une véritable coopération du Gouvernement soudanais avec le Bureau du Procureur, pour faciliter les enquêtes de celui-ci, ont été nombreux, même si beaucoup ont apprécié la désignation d’un nouveau point focal pour la coopération et la délivrance de visas aux membres du Bureau. L’absence ou l’insuffisance de coopération du pays et des autres parties au conflit avec les demandes d’assistance du Procureur a été vue comme un véritable frein à la lutte contre l’impunité, une situation jugée inacceptable au regard de la gravité des crimes commis.  Ces demandes d’assistance « ne sont pas un choix mais un devoir juridique », a ainsi rappelé la Slovénie. Le Royaume-Uni lui a emboîté le pas, en jugeant que si un premier procès dans le cadre de la situation au Darfour, celui d’Ali Abd-Al-Rahman, était en cours, les autres suspects recherchés par la CPI ne lui avaient toujours pas été remis. 

Exception notable dans le concert des soutiens au travail de la Cour, la Fédération de Russie a une nouvelle fois dénoncé le travail du « prétendu Procureur » en proposant que la situation au Darfour soit tout simplement retirée de la juridiction de la CPI, « comme dans le cas de la Libye ». Une cour placée sous l’emprise des Occidentaux selon sa représentante, qui a dénoncé une forme de justice « sélective » de la CPI qui, comme elle l’a rappelé, est par ailleurs saisie de la situation à Gaza depuis 2015.  Le représentant de la Chine s’est fait l’écho à cette critique quand il a suggéré à la Cour d’éviter le « deux poids, deux mesures » et lui a demandé, comme l’Algérie, de tenir compte de la souveraineté du Soudan et du principe de complémentarité, dont il a rappelé qu’il figurait lui aussi dans le Statut de Rome.

La déléguée russe a également jugé impossible que la Cour juge de la situation en cours au Darfour, faisant remarquer que le Conseil ne l’avait pas renvoyée devant la CPI.  Et, a-t-elle ajouté, « il est impossible de déduire, sur la base de la résolution 1593 (2005) du Conseil de sécurité, que le Conseil ait l’intention de charger la Cour d’enquêter sur ce qui s’avère être un nouveau conflit ». 

Plusieurs membres du Conseil, comme la Sierra Leone, ont toutefois salué la priorité accordée par le Bureau du Procureur aux enquêtes concernant les crimes commis au Darfour, « notamment depuis le début des hostilités entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide », estimant que cela tombait sous le coup de la résolution 1593.

Intervenant en fin de séance, le représentant du Soudan a répondu aux déclarations du Procureur en assurant que, contrairement aux propos de ce dernier, les autorités de son pays coopéraient bien avec son bureau et en rappelant qu’il avait plusieurs fois été invité à venir lui-même à Port-Soudan.  Il a par ailleurs dénoncé les violations des Forces d’appui rapide, contre lesquelles il a expliqué que les Forces armées soudanaises mènent une « guerre défensive ».  Il a d’ailleurs dénoncé le soutien que leur apportent plusieurs pays qui, selon lui, devraient eux-mêmes faire l’objet d’une enquête pour avoir fourni des armes à une milice qui recrute des enfants dans ses rangs.

 

Après avoir lu ce communiqué, voulez-vous participer à un sondage sur nos produits ?
Voici le lien: Meeting Coverage Section Survey 2023

 

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD

Déclarations

M. KARIM KAHN, Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a rappelé les difficultés immenses auxquelles font face les populations du Darfour.  Après avoir donné des exemples d’exactions et persécutions de ces populations, il a indiqué que ces exemples sont constitutifs de violations du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), et qu’ils vont en outre « à l’encontre des principes de l’Islam ».  Il a aussi fait part des attentes des populations du Darfour qui veulent des réponses et font appel à un « impératif de responsabilité » de la communauté internationale.  « Les récits que j’ai entendus dans ces camps ne sont pas des cas isolés, ils sont corroborés par la diaspora et les membres d’une communauté déracinée depuis des années », a-t-il déclaré.  Le Procureur a poursuivi en expliquant que les atrocités présumées qui ont eu lieu à Geneina « représentent un élément central de l’enquête » menée par son bureau. 

Le Procureur a aussi souligné les terribles répercussions du conflit sur la situation humanitaire.  Il a insisté sur les 5,1 millions de personnes déplacées au Soudan même, tandis qu’1,5 million de personnes ont fui vers les pays voisins, dont 555 000 Darfouriens vers le Tchad selon des chiffres de décembre dernier.  Il a noté que toutes ces personnes ont un « récit de souffrance » à raconter et une attente vis-à-vis des agences de l’ONU et de la communauté internationale dans son ensemble. 

Il est dans l’intérêt du Conseil d’adopter une démarche différente eu égard au « vieux problème » du Darfour, qui pourrait s’étendre à d’autres régions et pays voisins, a-t-il recommandé, expliquant que les « décrets judiciaires ne peuvent pas régler à eux seuls le problème ».  Il a appelé à des « solutions innovantes » pour faire face à cette catastrophe et éviter la « contagion de la violence ».  Donnant l’exemple du procès d’Ali Abd-Al-Rahman devant la Cour, il a souligné l’échec de nombreux pays dans l’exécution de plusieurs mandats d’arrêt de la CPI, une situation qui encourage l’impunité et « condamne les générations futures ».

Il existe aussi des motifs de penser que des crimes sont perpétrés actuellement par les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide, a-t-il conclu, en appelant le Soudan à coopérer de manière renforcée avec la CPI et avec le Conseil de sécurité.  Soulignant que 35 demandes d’assistance de la part de la CPI sont encore sans réponse de la part du Gouvernement soudanais, il a estimé que « le seul élément positif » était la désignation d’un point focal par ce gouvernement et la délivrance de visas à son équipe d’enquêteurs.  S’adressant à « toutes les parties au conflit », il les a appelées à transmettre au Bureau du Procureur les documents qu’elles ont « l’obligation » de lui transmettre et à répondre aux demandes d’assistance destinées à faciliter l’enquête de la CPI.

M. Khan a aussi demandé le soutien du Conseil à ce sujet, rappelant combien les événements au Darfour représentent une « menace à la paix et la sécurité internationales ».  Se disant conscient de la « pandémie d’inhumanité » à laquelle la communauté internationale doit actuellement faire face, il a dit sa conviction que la justice a un rôle à jouer pour résoudre les problèmes du Soudan et éviter que le conflit ne tombe dans l’oubli.  « Cela est déjà arrivé et cela ne doit pas se reproduire », a-t-il conclu fermement.

La représentante du Japon a apporté son soutien sans faille à la CPI et à son procureur.  Elle s’est dite alarmée par l’ampleur du conflit actuel au Soudan et exhorté toutes les parties à mettre un terme à la violence, à respecter le droit international humanitaire (DIH) et à garantir la sécurité des civils.  Sans justice, une paix durable ne pourra pas s’instaurer dans la région, a dit la déléguée.  À cette aune, elle a salué les efforts d’enquête du Procureur au sujet des hostilités actuelles.  La coopération du Gouvernement soudanais est cruciale, a-t-elle souligné, en déplorant que certains suspects frappés d’un mandat d’arrêt continuent d’échapper à la justice.  La violence qui a frappé le Soudan dans les années 2000 ne doit jamais être oubliée, tandis que l’établissement des responsabilités dans les atrocités passées est primordial pour empêcher la commission de nouveaux crimes, a-t-elle estimé. 

La représentante de la Suisse a exprimé sa préoccupation face à la poursuite des combats au Soudan, avec un bilan catastrophique pour la population civile, dont de nombreuses allégations de violences basées sur le genre et à l’encontre des enfants.  Dans ce contexte, la représentante a réitéré son appel urgent aux parties pour qu’elles cessent immédiatement les hostilités et qu’elles respectent leurs obligations en vertu des droits humains et du droit international humanitaire.  Elle a salué à cet égard la décision du Procureur de mener une enquête sur les incidents survenus dans le cadre des hostilités en cours malgré la situation sécuritaire alarmante. 

La représentante a appelé le Gouvernement soudanais et les Forces d’appui rapide à s’acquitter de leur obligation de coopérer avec la Cour en vertu de la résolution 1593 (2005).  Elle a formé le vœu que la nomination d’un nouveau point de contact par les autorités soudanaises et l’octroi de visas pour une mission à venir sauront soutenir la collaboration avec la CPI.  Elle a également salué le début des travaux de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits pour le Soudan, établie par le Conseil des droits de l’homme.  « L’impunité d’hier au Darfour a alimenté le cycle de violence d’aujourd’hui », a-t-elle constaté, avant d’appeler à ce que les auteurs de crimes graves soient tenus responsables. 

Le représentant des États-Unis a constaté que ceux qui ont infligé un « châtiment collectif » à des communautés entières, il y a 28 ans au Darfour, s’en prennent aujourd’hui à ces mêmes communautés qui ont survécu à un « génocide ».  Les mêmes forces sont déployées avec les mêmes méthodes de violence meurtrière à l’encontre de certaines communautés ethniques.  Il a jugé « accablantes » les informations sur les frappes aériennes, les obstacles à l’aide humanitaire, les déplacements, la destruction d’infrastructures civiles ainsi que la prise pour cible de groupes non arabes par les Forces d’appui rapide et les milices affiliées. Les rues semées de cadavres et les violences sexuelles infligées aux femmes et aux filles doivent heurter notre humanité, a-t-il ajouté.  L’on peut dire que les Forces d’appui rapide et des Forces armées soudanaises se sont rendues coupables de crimes de guerre. 

Le représentant s’est néanmoins félicité des mesures concrètes prises par le Bureau du Procureur de la CPI pour assurer l’établissement des responsabilités pour les crimes commis au Darfour et dans le reste du Soudan, en particulier la création d’un groupe d’experts chargés de recueillir des éléments de preuve. Les atrocités ne sont pas une conséquence inévitable de la guerre mais bien le choix des dirigeants, a-t-il ajouté, y compris le mépris de leurs obligations au titre du droit international. La CPI étant un instrument essentiel de la lutte contre l’impunité, le représentant a salué le procès en cours dans l’affaire Abd-Al-Rahman, et jugé essentiel que les États répondent favorablement aux demandes d’assistance et d’informations en suspens. 

Le représentant de la Chine a appelé la CPI à respecter le principe de complémentarité, consacré par le Statut de Rome, ainsi que la souveraineté du Soudan.  Il a loué les bons offices de l’Union africaine notamment afin de parvenir à une cessation des hostilités.  La question du Darfour, ancienne, est aggravée par le conflit actuel, s’est inquiété le délégué, en soulignant la gravité de la situation humanitaire.  Il a appelé la CPI à la prudence et à éviter de nourrir les animosités et divergences.  Il a également exhorté la CPI à éviter toute politisation et toute approche de deux poids, deux mesures.  La position de la Chine sur la CPI reste inchangée, a précisé le délégué. 

Le représentant de l’Équateur s’est félicité de l’ouverture d’une nouvelle enquête sur les crimes commis depuis le début des hostilités au Soudan, en avril 2023, notant en outre que le procès d’Abd-Al-Rahman et son éventuelle conclusion cette année revêt une importance particulière.  Le représentant a exprimé son appui aux efforts du Bureau du Procureur pour retrouver les accusés fugitifs, y compris Omar Al Bashir et Abdallah Banda, tout en demandant au Gouvernement soudanais de répondre à la demande d’information formulée à cet égard.  Il a également soutenu les progrès réalisés dans les enquêtes grâce à la coopération d’États tiers et d’organisations non gouvernementales. Dans ce cadre, le représentant a jugé positive la désignation d’un nouveau point focal par les autorités soudanaises, notamment afin de faciliter la visite d’une équipe du Bureau du Procureur dans le pays. 

La représentante de Malte a insisté sur l’importance de la reddition de comptes en particulier concernant les crimes commis à Geneina, appelant en outre à renforcer le rôle que les victimes, témoins et communautés touchées devaient jouer dans ce processus.  Il est essentiel de faire en sorte que les enquêtes et poursuites puissent continuer, a-t-elle indiqué.  Elle a rendu hommage aux États qui ont coopéré avec la Cour dans le cadre de ses enquêtes, avant de se féliciter de la désignation d’un point focal et de l’octroi de visas.  Elle a dit espérer que les autorités soudanaises répondent enfin aux demandes d’assistance de la Cour.  Si les crimes sexuels et fondés sur le genre doivent effectivement être combattus, le volet d’assistance aux survivants de ces crimes ne doit pas être oublié, a-t-elle insisté.  Elle a en outre salué les efforts de la CPI concernant les politiques realtives aux enfants, qui permettent de mieux comprendre comment les enfants sont visés dans ce type de conflit. 

Le représentant du Mozambique a salué les progrès accomplis par le Bureau du Procureur dans la mise en œuvre de la résolution 1593 (2005).  Il a salué l’accent mis dans l’enquête sur les crimes commis dans le contexte des hostilités actuelles au Darfour, notamment depuis l’escalade de la violence d’avril 2023.  Il a appelé toutes les parties à respecter le DIH en toutes circonstances, insistant notamment sur la mise en œuvre de l’Accord de Djouba qui réaffirme l’importance d’une justice impartiale.  Une solution politique mettant fin au conflit est capitale pour assurer l’établissement des responsabilités dans les crimes commis, a dit le délégué.  Tout en rappelant le principe de complémentarité consacré par le Statut de Rome, il a souligné l’importance d’une coopération étroite entre le Bureau du Procureur et le Gouvernement soudanais.  Cette coopération doit se faire dans le respect de la souveraineté du Soudan, a insisté le délégué avant d’appeler les pays tiers à répondre aux requêtes du Bureau du Procureur.

Le représentant de la Sierra Leone a exprimé sa profonde préoccupation face à la fragilité politique, à la détérioration de la situation sécuritaire et à la situation humanitaire désastreuse au Darfour et au Soudan.  Il a toutefois salué la priorité accordée par le Bureau du Procureur de la CPI aux enquêtes concernant les crimes commis au Darfour, notamment depuis le début des hostilités entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide, dans le cadre de la résolution 1593 (2005) du Conseil.  Il a en outre relevé l’objectif stratégique du Procureur de mener des enquêtes sur les violence sexuelles et sexistes, et pris note des progrès significatifs réalisés dans le procès Abd-Al-Rahman, première affaire portée devant la Cour concernant la situation au Darfour sur renvoi du Conseil de sécurité.

S’agissant du principe de coopération du Statut de Rome, le représentant a salué la coopération d’États tiers et de partenaires internationaux destinée à permettre au Bureau du Procureur d’obtenir des éléments de preuve concernant la situation au Darfour.  Il a en outre salué la nomination d’un nouveau point focal par le Gouvernement soudanais et s’est réjoui de la délivrance de visas pour une mission du Bureau du Procureur.  Le représentant a appelé les parties au conflit à accepter un cessez-le-feu durable susceptible de mener à la paix, à la stabilité et au rétablissement de l’ordre constitutionnel.  La poursuite des hostilités au Soudan, a-t-il ajouté, est également la cause de terribles répercussions humanitaires et économiques sur les pays voisins.

La représentante du Guyana a rappelé le rôle essentiel que joue la CPI pour lutter contre l’impunité.  Elle s’est dite préoccupée par l’escalade de la violence au Darfour et au Soudan en général, soulignant notamment la souffrance des femmes et des filles victimes de violences sexuelles.  Appelant à un cessez-le-feu immédiat, elle a salué la décision du Procureur d’accélérer les enquêtes en donnant la priorité aux crimes commis contre les enfants et aux crimes sexuels.  Elle s’est également félicitée de la désignation d’un nouveau point focal pour la coopération et la délivrance de visas. 

Préoccupée par l’absence de réponse du Gouvernement soudanais aux demandes du Bureau du Procureur pour une assistance et un accès aux éléments de preuve, elle a exhorté le Gouvernement à coopérer et à accéder à ces demandes, en application de la résolution 1593 (2005).  Réitérant le soutien de son pays à la CPI, elle a conclu son intervention en se félicitant du travail du Bureau du Procureur dans ses enquêtes sur le terrain et ses contacts avec la société civile, les victimes et les rescapés.

Le représentant de la République de Corée a déploré la poursuite des atrocités au Soudan et l’exacerbation de la crise actuelle.  Les civils, notamment les femmes et les filles, payent le plus lourd tribut, s’est-il désolé.  Il a appelé au respect du droit international humanitaire avant d’exprimer son soutien à la CPI.  Il a salué les efforts du Procureur pour enquêter sur les récentes allégations de crimes commis au Darfour.  Il a encouragé le Bureau du Procureur à mobiliser les parties afin qu’elles coopèrent aux enquêtes en cours, dans l’objectif de mettre enfin un terme à des « décennies d’impunité ».  Il est du devoir du Conseil de renvoyer à la Cour les situations de crimes graves qui constituent une menace à la paix, a rappelé le délégué. À cette aune, il a encouragé le Conseil à suivre les recommandations de renvoi à la CPI de situations dans certains pays.

Le représentant du Royaume-Uni s’est félicité des progrès réalisés dans l’affaire Abd-Al-Rahman, premier procès porté devant la CPI dans le cadre de la situation au Darfour.  Cependant, a-t-il noté, les autres suspects faisant l’objet de mandats d’arrêt n’ont toujours pas été remis à la Cour, les dirigeants soudanais n’ayant pas réussi à fournir à celle-ci la coopération nécessaire.  Le représentant a donc appelé les autorités soudanaises à répondre à la demande d’informations du Bureau du Procureur concernant Ahmad Harun, Abdel Raheem Hussein et Omar Al Bashir, ainsi qu’aux 35 demandes d’assistance en suspens. 

S’agissant de la situation actuelle au Soudan, le représentant s’est alarmé de la poursuite du conflit, notamment au Darfour où de nouvelles atrocités auraient été commises ces derniers mois.  Il a rappelé à cet égard aux Forces armées soudanaises et aux Forces d’appui rapide que le mandat du Procureur au Darfour demeure en vigueur.  Dans ce contexte « très difficile », le représentant a salué le déploiement d’équipes d’enquête par le Bureau du Procureur dans la région. 

Le représentant de la Slovénie a appelé toutes les parties à réduire au silence les armes et à respecter leur obligation de protection des civils.  Ce sont à la fois une « obligation internationale » et un « impératif moral », a-t-il insisté. Il s’est félicité de la priorité donnée par le Procureur aux crimes de violence sexuelle et sexiste et noté le caractère essentiel, pour les enquêtes, des témoignages des victimes, des rescapés, des organisations de femmes, des communautés et des membres de la société civile, ces témoignages étant une source importante d’éléments de preuve de ces crimes.

Le délégué a encouragé les partenaires internationaux à poursuivre cette coopération, en soulignant l’importance cruciale de localiser les suspects en fuite et d’exécuter les mandats d’arrêt dans les délais.  Il a aussi invité à accéder aux demandes d’assistance, « qui ne sont pas un choix mais un devoir juridique », a-t-il rappelé.  En conclusion, il a souligné que le Conseil avait déjà qualifié la situation au Soudan de menace à la paix et à la sécurité internationales en 2005 et regretté que 20 ans après, la situation d’impunité dans ce pays n’est toujours pas réglée.  « Il n’y a pas de paix sans justice », a-t-il conclu.

Le représentant de l’Algérie a estimé que le processus de justice transitionnelle et d’établissement des responsabilités ne peut pas être dissocié du processus de stabilisation du Soudan.  Il est crucial d’explorer toutes les pistes pour instaurer un environnement propice à la revitalisation des institutions judiciaires nationales, a dit le délégué.  Il a aussi souligné l’apport précieux que peut apporter l’Union africaine au processus d’établissement des responsabilités.  Il ne faut pas perdre de vue, a-t-il souligné, le rôle des acteurs extérieurs qui attisent le conflit et facilitent les livraisons d’armes. Soyons clairs, toute ingérence étrangère dans le conflit au Soudan doit être fermement rejetée.  Si la CPI fait preuve de diligence sur ce dossier comme sur celui de l’Ukraine, elle n’a pas encore fait état de progrès tangibles dans l’enquête des crimes commis dans le Territoire palestinien occupé, notamment à Gaza, a fait remarquer le délégué.

La représentante de la Fédération de Russie a déclaré que la position de son pays concernant la « prétendue Cour pénale internationale » reste inchangée, les exposés semestriels « vides de sens » de la CPI étant devenus selon elle un « anachronisme ».  À ses yeux, le « prétendu Procureur » a une nouvelle fois confirmé que la CPI sabote depuis 20 ans les mandats du Conseil en rejetant la faute soit sur les autorités nationales, soit sur la situation sécuritaire difficile, soit sur le manque de ressources.  La représentante a donc proposé que le Conseil, comme dans le cas de la Libye, retire à la CPI la situation au Darfour.  « Nous avons été témoins de la manière dont l’État libyen a été détruit par l’OTAN sous le couvert de fausses preuves élaborées par la CPI », a-t-elle observé, avant d’accuser la Cour d’être sous l’emprise de ses « parrains occidentaux ». 

Aujourd’hui, a continué la représentante, la CPI fait preuve d’une « cécité sélective » à Gaza, situation dont elle est saisie depuis 2015. S’agissant de la situation au Darfour, elle a considéré que la dynamique de la CPI avait changé au gré des instructions politiques de ses parrains occidentaux.  Or, a-t-elle ajouté, le Conseil n’a pas renvoyé la situation actuelle au Darfour à la CPI, et il est impossible de déduire, sur la base de la résolution 1593 (2005), que le Conseil a l’intention de charger la Cour d’enquêter sur ce qui s’avère être un « nouveau » conflit.  Citant l’Algérie, la représentante a jugé essentiel que les efforts en matière de justice soient dirigés par les Soudanais, la CPI n’étant à ses yeux qu’un « instrument d’ingérence extérieure ». S’appuyant sur le bilan « tragique » de la CPI en Libye et au Darfour, la représentante a estimé que le Conseil avait commis une erreur en soumettant ces situations à cette « structure ». 

La représentante de la France a condamné les violations des droits de l’homme commises depuis le 15 avril dernier par les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide, ainsi que par les milices qui leur sont affiliées, et salué le travail d’enquête du Bureau du Procureur sur ces faits.  Elle a réitéré l’appel de son pays pour que tous les acteurs étrangers « s’abstiennent d’alimenter le conflit en amont » en finançant ou en appuyant logistiquement les parties.  La construction d’une paix durable dans la région ne sera pas possible sans justice, a-t-elle souligné, en se disant encouragée par l’octroi de visas à l’équipe d’enquête du Bureau du Procureur.

La représentante s’est en outre félicitée de la reprise du procès d’Abd-Al-Rahman et ce, en dépit des difficultés et de l’intensification des hostilités.  Elle a salué également la coopération accrue entre le Bureau du Procureur et les États tiers et autres organisations internationales qui ont permis de faire progresser les enquêtes et d’obtenir de nouvelles preuves.  Elle a conclu en réitérant le soutien de la France à la CPI, « seule juridiction pénale internationale permanente et à vocation universelle ».

Le représentant du Soudan s’est dit préoccupé par l’exposé du Procureur au sujet du rôle des autorités soudanaises actuelles.  Celles-ci coopèrent activement avec ce dernier, a dit le délégué, en déplorant que leurs efforts ne soient pas reconnus.  Il a rappelé que les planificateurs de génocide ne sont pas assez « stupides » pour laisser derrière eux les éléments de preuve de leur projet criminel.  « Le Procureur le sait. »  Tous les documents pertinents en notre possession ont été transmis, a assuré le délégué.  Il a précisé que les autorités soudanaises avaient demandé à quatre reprises au Procureur de se rendre à Port-Soudan, mais ce dernier avait, à chaque fois, décliné. 

Il a ensuite longuement détaillé les violations commises par les Forces d’appui rapide en parlant de génocide.  Ces forces recrutent des enfants et des mercenaires afin de grossir leurs rangs, a dit le délégué, en mentionnant l’afflux de bataillons de mercenaires arrivant du Sahel.  Les Forces armées soudanaises ne font que défendre le pays et font tout leur possible pour protéger les civils dans le droit fil de la Déclaration de Djedda, a assuré le délégué.  Il a rappelé que la guerre menée par les Forces d’appui rapide est condamnée par de nombreuses organisations internationales de défense des droits humains et par des pays tels que le Royaume-Uni et les États-Unis. 

Les Forces armées soudanaises mènent une guerre défensive, a-t-il expliqué, en insistant sur le fait que le Soudan ne fait qu’exercer son droit à la légitime défense, qui est consacré par la Charte des Nations Unies.  Il a dénoncé l’appui apporté par le Tchad et les Émirats arabes unis aux Forces d’appui rapide.  Le représentant a rappelé à cet égard que, selon le Statut de Rome, tout pays fournissant des armes à une milice en vue de commettre des crimes doit faire l’objet d’une enquête.  Enfin, il a dit attendre la venue du Procureur à Port-Soudan afin de renforcer davantage encore la coopération entre la CPI et le Soudan.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.