Quatrième Commission: « diabolisé » par Israël, l’UNRWA se défend devant des délégations quasi unanimes à soutenir son action dans le Territoire palestinien occupé
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C’est un moment crucial pour l’UNRWA, ses 33 000 employés et les millions de Palestiniens auxquels cette agence de l’ONU vient en aide, a affirmé ce matin le Commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), à la tribune de la Quatrième Commission, chargée des questions de politique spéciale et de la décolonisation. Alors qu’Israël a exigé sa démission, M. Philippe Lazzarini a prévenu que le risque d’effondrement de l’Office menace la vie et l’avenir de communautés entières et l’intégrité même du système multilatéral.
« Au mépris de la Charte des Nations Unies, des résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, et des décisions contraignantes de la Cour internationale de Justice, Israël s’efforce de modifier unilatéralement les paramètres établis de longue date pour résoudre le conflit israélo-palestinien », a accusé le haut fonctionnaire. Il faisait référence à une loi adoptée par la Knesset le mois dernier, qui pourrait mettre fin aux opérations de l’UNRWA dans le Territoire palestinien occupé dans un délai de moins de trois mois. Pour l’Observatrice palestinienne, ce texte qui abroge les relations avec l’UNRWA, le dépouille de son immunité, l’expulse de ses locaux à Jérusalem-Est occupée et criminalise ses activités dans les territoires occupés fait rejaillir les intentions réelles affichées par les responsables israéliens: « éliminer » l’Office pour éliminer le statut de réfugié de millions de Palestiniens et nier ainsi leurs droits, pour liquider la question palestinienne « dans son ensemble », une analyse reprise par la Ligue des États arabes.
Pour la délégation palestinienne, c’est le « comble de la perversité », alors que c’est Israël qui viole toutes les règles du droit international et tous les principes d’humanité. Au lieu d’être tenu comptable de ses actes, s’est-elle élevée, Tel-Aviv prend des mesures punitives contre l’UNRWA, l’ONU et les États Membres qui tentent de secourir le peuple palestinien, un précédent dangereux pour l’action multilatérale, selon le Qatar. Bien plus qu’un simple prestataire de services, l’Office est en réalité devenu un « sanctuaire entre la vie et la mort pour la quasi-totalité de la population » de Gaza depuis octobre 2023 et « le lancement de sa guerre génocidaire par Israël », a plaidé la délégation palestinienne.
« Victime de la guerre à Gaza », l’UNRWA reste un organe unique, mandaté pour fournir directement des services de type public, notamment la scolarisation de plus d’un demi-million d’enfants palestiniens et la prestation de soins de santé primaires, ainsi que des services de développement humain aux réfugiés en l’absence d’un État palestinien, a rappelé le Commissaire général, en décrivant son action dans l’ensemble des territoires occupés, et non seulement à Gaza. Aussi M. Lazzarini a-t-il demandé à la communauté internationale de se mobiliser pour empêcher la mise en œuvre de la législation par la Knesset, sachant que toute modification du mandat de l’Office relève de la prérogative de l’Assemblée générale et non de celle des États Membres.
Il a également demandé à ces derniers de veiller à ce que tout plan de transition politique « définisse » le rôle de l’UNRWA, qui doit progressivement achever son mandat dans le cadre d’une solution politique et, dans le Territoire palestinien occupé, transférer ses services à une administration palestinienne habilitée. Par ailleurs, le financement de l’Office doit être maintenu, ce qui suppose de ne pas retenir ou détourner des fonds en partant du principe que cette agence ne peut plus opérer. Enfin, le haut fonctionnaire a demandé aux États Membres de se servir de tous les outils juridiques et politiques à leur disposition pour garantir le respect de l’ordre international fondé sur des règles. « L’ONU et son personnel se trouvent dans une position de plus en plus intenable: si le cadre juridique et politique dans lequel nous opérons ne tient pas, nous ne pouvons pas rester et effectuer notre travail », a mis en garde le chef de l’UNRWA.
Outre les attaques menées dans le Territoire palestinien occupé, où au moins 243 de ses personnels ont été tués et plus des deux tiers de ses locaux endommagés ou détruits, l’Office est visé par une campagne de désinformation féroce à l’échelle mondiale, a constaté le Commissaire général. Le Gouvernement israélien et ses affidés ont exercé un lobbying soutenu auprès des parlements et des gouvernements des principaux pays donateurs pour les convaincre que l’Office serait complice du Hamas ou infiltré par ses militants, a rappelé M. Lazzarini, en réfutant catégoriquement ces accusations. L’UNRWA, a-t-il assuré, adhère à une tolérance zéro à l’égard de ce type d’agissements, une affirmation corroborée par l’examen récemment effectué par un groupe d’experts indépendants, qui a conclu que l’Office dispose d’un « cadre de neutralité » plus solide que celui d’entités comparables. Depuis plus de 15 ans en outre, a ajouté M. Lazzarini, l’Office partage chaque année les noms de ses personnels avec le Gouvernement israélien, une procédure désormais trimestrielle.
Accompagné d’une mère dont le fils a été pris en otage le 7 octobre dernier par le Hamas, le représentant d’Israël a affirmé que Jonathan avait été enlevé par un employé de l’UNRWA. Il a exigé des explications du Commissaire général à ce sujet, sachant que l’Office aurait continué à verser son salaire à cet employé. Comment est-ce possible? Comment des terroristes ont-ils pu infiltrer l’UNRWA? Que ressentiriez-vous si votre fils était enlevé par un terroriste rémunéré par l’ONU? a demandé le délégué à M. Lazzarini. « Démissionnez ou soyez relégué au souvenir d’un homme qui a guidé une organisation ayant fait couler le sang », lui a-t-il lancé. S’il a dit comprendre le chagrin des familles des otages israéliens tout comme des mères palestiniennes ayant perdu un enfant, le Commissaire général a toutefois rappelé que « l’empathie et la compassion ne doivent pas être réservées à un seul camp ».
L’UNRWA a fait l’objet d’un soutien quasi unanime de la part des délégations, qui ont dénoncé les tentatives de « diabolisation » et de discréditation portées par Israël. Le mandat de l’Office reste « vital » tant qu’il n’y aura pas de solution durable au conflit, a affirmé l’Union européenne, tandis que la Turquie a jugé qu’il incombe de faire front commun face aux tentatives de le démanteler. L’Arabie saoudite a qualifié les accusations d’Israël de « mensongères et sans fondements ». Face à cette « guerre de discours » et à la désinformation à l’œuvre contre l’Office, M. Lazzarini a insisté sur la nécessité d’autoriser un accès sans entraves aux médias internationaux à Gaza. La communauté internationale doit donner foi aux faits et non à la désinformation, aux déformations et à la propagande, a renchéri la délégation palestinienne.
Tant que les obstacles à la solution à deux États ne seront pas levés, il n’y aura pas de substitut à l’UNRWA, a tranché la délégation saoudienne, à l’unisson avec l’Algérie, l’Égypte, le Qatar ou encore le Koweït. Une position qui fait l’objet d’un consensus international, comme l’ont confirmé le Venezuela au nom des Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, mais également la Slovénie, au nom du groupe restreint d’engagements communs sur l’UNRWA et le Brésil, au nom de la Communauté des pays de langue portugaise. Tous ont appelé à apporter à l’Office le soutien politique et financier nécessaire à la mise en œuvre de son mandat.
L’Assemblée générale, a exhorté l’Observatrice de l’État de Palestine, doit défendre le mandat de l’UNRWA et remédier à son sous-financement chronique, en veillant à ce que l’Office soit davantage financé par le biais du budget ordinaire de l’ONU. La survie de millions de réfugiés en dépend et nos obligations collectives en vertu du droit international l’exigent, a-t-elle dit. Si Israël choisit de violer ses obligations juridiques internationales, il doit en assumer les conséquences, mais ne peut forcer les autres à les violer également en bloquant l’aide internationale, a tranché l’Observatrice.
S’adressant au Commissaire général, l’Observatrice a souhaité savoir si des enquêtes indépendantes seraient menées sur les attaques d’Israël contre les personnels et les locaux de l’UNRWA. M. Lazzarini a confirmé avoir demandé la création d’un groupe chargé d’établir les faits, une demande appuyée par la grande majorité des intervenants de ce matin, qui ont exigé qu’Israël ait à répondre de ses actes.
En fin de séance, Israël et la République islamique d’Iran ont exercé leur droit de réponse.
La Commission poursuivra son débat général sur les travaux de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient demain 14 novembre, à compter de 10 heures.
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