Quatrième Commission: les missions politiques spéciales doivent s’adapter pour surmonter les obstacles grandissants à la recherche de solutions collectives
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Alors que les tensions géopolitiques, l’escalade des conflits et la détérioration des relations ont érigé des obstacles à la recherche de solutions collectives qui affectent la capacité des missions politiques spéciales à réaliser leurs mandats, le Sous-Secrétaire général aux affaires politiques a considéré, ce matin, devant la Quatrième Commission (chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation), que celles-ci doivent s’adapter à l’évolution du paysage mondial de paix et de sécurité, en répondant à l’évolution de la dynamique des conflits et aux besoins des États hôtes.
Venu présenter le rapport du Secrétaire général sur la question, M. Miroslav Jenča s’est inquiété de la prolifération des groupes armés non étatiques sur de nombreux théâtres d’opérations, comme au Moyen-Orient, où les conflits à Gaza et au Liban ont non seulement causé d’immenses souffrances humaines et des destructions généralisées, mais aussi exacerbé les tensions régionales. En Afrique de l’Ouest, malgré les efforts nationaux et internationaux, l’insécurité reste un défi majeur, les groupes terroristes et criminels étendant sans cesse leur influence en même temps qu’ils propagent la violence, laissant plus de 32 millions de personnes en quête d’une aide humanitaire urgente.
Pour consolider et pérenniser la paix, les missions politiques spéciales travaillent en étroite collaboration avec les équipes de pays de l’ONU et les coordonnateurs résidents pour faire progresser les priorités nationales, a-t-il expliqué. En Somalie, par exemple, la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie (MANUSOM) a soutenu les efforts de réconciliation politique en ce qui concerne le processus de révision constitutionnelle et le calendrier électoral.
En Colombie, la Mission de vérification, en collaboration avec l’équipe de pays, met en œuvre des projets issus du Fonds pour la consolidation de la paix visant à soutenir les dialogues de paix initiés par le Gouvernement avec les groupes armés et à renforcer la capacité de la Juridiction spéciale pour la paix à enquêter sur les crimes graves.
Depuis le déploiement de la première mission politique spéciale, en 1948, plus de 130 d’entre elles ont été établies afin de désamorcer les conflits et d’aider les gouvernements et les régions hôtes à les prévenir, à faire progresser les processus politiques et à pérenniser la paix. « Ces missions ont accompagné les États Membres à travers des périodes de changement historiques, comme celle que nous traversons aujourd’hui », a relevé le Sous-Secrétaire général.
Dans ces conditions, M. Jenča a salué la demande formulée dans le Pacte pour l’avenir de procéder à un examen de l’avenir des opérations de paix, y compris les missions politiques spéciales, afin de fournir des orientations stratégiques et des recommandations tournées vers l’action, en étroite consultation avec les États Membres.
Comme le prévoit le Pacte, les missions politiques spéciales doivent s’accompagner d’une stratégie politique inclusive et d’autres approches non militaires afin de s’attaquer aux causes profondes des conflits, a noté le Bangladesh. À cet égard, les réalités du terrain et le contexte national doivent se refléter dans le mandat, qui doit également être réaliste s’agissant des ressources disponibles. Il incombe en effet à chaque mission d’identifier de manière objective et ciblée les causes profondes des conflits dans sa sphère d’action, a relevé le Pérou.
Tout en reconnaissant l’apport des missions politiques spéciales dans la diplomatie préventive, l’Iraq a pris acte de leur difficulté à s’adapter à des dynamiques en pleine évolution, sans parler de leur « incapacité » à conserver une « certaine impartialité ». Il a néanmoins salué les efforts déployés par la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) et l’équipe de pays de l’ONU pour fournir un appui électoral et renforcer les institutions publiques. L’an prochain, en collaboration avec la MANUI, le Gouvernement procédera à la fermeture « responsable » de la Mission, a assuré la délégation iraqienne.
À cet égard, la Sous-Secrétaire générale à l’appui opérationnel a noté que le Département qu’elle dirige (DOS) a apporté un soutien opérationnel et politique important à la fermeture et à la liquidation ordonnées de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS) et de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI). Le processus « difficile » d’appui à la MMAS a nécessité, pour sa part, des approches innovantes et flexibles, a expliqué Mme Lisa Buttenheim.
La Norvège a fait valoir que la paix et la sécurité ne sont possibles que lorsque les efforts de paix s’appuient sur une coopération plus large en matière de développement. Un sentiment partagé par l’Afrique du Sud, pour qui la réussite des missions politiques spéciales dépend au premier chef du niveau de coopération avec les autorités du pays hôte et les organisations régionales.
Or, au moment même où la coopération régionale devient cruciale, les fractures politiques consécutives à des changements anticonstitutionnels de gouvernement dans plusieurs pays ont aggravé les tensions régionales, a déploré le Sous-Secrétaire général. Malgré ces défis, les missions politiques spéciales ont poursuivi leur travail avec les parties au conflit ainsi qu’avec les parties prenantes régionales et internationales pour promouvoir le dialogue, mettre fin à la violence et réduire les tensions régionales.
M. Jenča a noté que le Bureau du Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le Liban (UNSCOL) collabore activement avec les parties prenantes libanaises et les partenaires internationaux pour préserver la stabilité du pays. En Libye, la Mission d’appui des Nations Unies dans le pays (MANUL) a travaillé avec les acteurs de la sécurité et les médiateurs locaux pour faciliter le dialogue entre la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État, ce qui a mené à l’accord du 26 septembre sur la nouvelle direction de la Banque centrale et à l’amélioration de la gouvernance.
En Afrique de l’Ouest, a-t-il ajouté, le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) s’engage avec un large éventail d’acteurs régionaux et nationaux pour formuler des solutions efficaces aux conflits liés au pastoralisme. Le Centre régional des Nations Unies pour la diplomatie préventive facilite la coopération entre les pays d’Asie centrale sur des questions telles que l’eau et l’énergie.
À la lumière de l’accélération des crises dans de nombreuses régions du monde, l’Arabie saoudite a mis en avant, comme la Jamaïque, le rôle majeur que jouent les organisations régionales pour désamorcer les guerres qui font rage dans leur zone géographique, en prenant des mesures concrètes pour renforcer les mécanismes de prévention, de gestion et de règlement des conflits.
Pour l’Indonésie, qui s’exprimait au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), il est essentiel de renforcer la coordination entre les missions politiques spéciales et les pays hôtes, en mettant l’accent sur l’appropriation nationale et le renforcement de la coopération entre les missions et les organisations régionales et sous-régionales.
Autre défi croissant qui affecte les missions politiques spéciales: la désinformation et l’utilisation malveillante de la technologie numérique. Lors des élections récentes dans certains pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, les bureaux régionaux de l’ONU se sont engagés auprès des gouvernements et des parties prenantes pour atténuer les risques liés à désinformation et aux discours de haine, a expliqué M. Jenča. C’est pourquoi le Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix a élaboré des conseils à l’intention des médiateurs et des organismes de mise en œuvre de la paix.
Mme Buttenheim a indiqué que le DOS a accéléré la transformation numérique des missions politiques spéciales grâce à des services géospatiaux tels que des applications de cartographie opérationnelle, Event Capture (eCAP), ou encore la gestion des données de l’Internet des objets (IoT), pour la surveillance à distance des infrastructures. L’intégration récente de l’intelligence artificielle améliorera encore leur précision et leur efficacité, a-t-elle ajouté.
Alors même que de nombreuses missions politiques spéciales opèrent dans des environnements où les discours de haine, la désinformation et les fausses informations accentuent la polarisation, l’Angola a reconnu que l’utilisation des technologies numériques est cruciale pour la prévention des conflits, la consolidation de la paix et l’inclusion des femmes et des jeunes dans les processus de paix.
S’agissant de la mise en œuvre du programme les femmes, la paix et la sécurité, M. Jenča a rappelé le lancement, le mois dernier, de l’engagement commun en faveur d’une participation pleine, égale et significative des femmes aux processus de paix. En Afghanistan, la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) plaide « fermement » auprès des autorités de facto en faveur des droits des femmes et des filles, en soulignant que leurs droits fondamentaux et leur rôle dans la société doivent être pleinement respectés.
El Salvador a néanmoins exprimé sa préoccupation devant le déclin de la participation des femmes à ces missions, en demandant que des mesures concrètes soient prises pour inverser cette tendance. La participation pleine, égale et significative des femmes aux processus de paix est en effet critique, a renchéri l’Australie, au nom du groupe CANZ. Pour le Mouvement des pays non alignés, le Maroc a plaidé à son tour en faveur de la pleine participation des femmes, s’agissant notamment de la nomination des représentants spéciaux.
Le DOS a indiqué qu’il continue de soutenir le programme femmes, paix et sécurité par le biais du Senior Women Talent Pipeline, projet du Secrétariat visant à accroître la parité hommes-femmes parmi le personnel civil de haut niveau de ses missions sur le terrain. Pour garantir des services médicaux sensibles au genre dans un tel contexte, Le Département offre un cours de formation en ligne sur la santé des femmes.
En plus de leurs fonctions politiques traditionnelles, la Fédération de Russie a observé que les missions politiques spéciales doivent parfois fournir une assistance dans des domaines tels que le maintien de l’ordre, la tenue d’élections ou encore la protection des droits humains, en plus du programme femmes, paix et sécurité. Une « imbrication de tâches de toutes sortes » qui s’observe non seulement au sein des missions, mais dans l’ensemble du système onusien. « La riche expérience de l’ONU confirme que la duplication des efforts ne peut conduire à des améliorations qualitatives des résultats », a-t-elle remarqué.
Au terme de son débat général, la Commission a adopté, sans vote, son projet de résolution annuel consacré à l’étude d’ensemble des missions politiques spéciales. En entérinant ce texte, l’Assemblée générale prierait le Secrétaire général d’instaurer un dialogue régulier et ouvert sur cette question à toutes les parties intéressées. Elle encouragerait le renforcement de la coordination et de la coopération entre elle-même, le Conseil de sécurité et la Commission de consolidation de la paix, et inviterait à cet effet le Conseil à continuer de solliciter les conseils de la Commission lors de la création, de l’examen, de la transition ou de la réduction du mandat d’une opération de paix ou d’une mission politique spéciale, en coopération avec les autorités des pays hôtes. Par ce texte, l’Assemblée engagerait encore les missions politiques spéciales à continuer de forger des partenariats avec des organisations régionales et sous-régionales, et à collaborer avec les autorités des pays hôtes et les équipes de pays de l’ONU afin de favoriser la cohérence et la coordination.
L’Argentine s’est dissociée de la référence au Pacte pour l’avenir contenue dans le préambule de ce texte, en rappelant qu’elle n’appuiera aucune politique impliquant une restriction des libertés individuelles ou du commerce.
La Commission a ensuite conclu son débat général sur la question des opérations de maintien de la paix. Tout en reconnaissant l’apport de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) sur le plan national, la République démocratique du Congo (RDC) a constaté qu’au cours de ses 14 années d’existence, cette opération n’a pas su contribuer à la protection de la population civile, pas plus qu’elle n’a mis fin à l’exploitation illégale de ses ressources naturelles par le M23.
Engagé dans quatre opérations de paix, Sri Lanka a soulevé les problèmes rencontrés par ses troupes en matière de coordination et d’approvisionnement, ainsi que les défis préalables au déploiement qui affectent leur efficacité opérationnelle. Le Saint-Siège a regretté pour sa part que certaines missions de paix rencontrent des difficultés à obtenir l’appui unifié des États Membres, ce qui entrave non seulement leur capacité à remplir leur mandat, mais aussi les processus politiques qu’elles sont chargées de soutenir.
La Quatrième Commission entreprendra son débat général sur l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient demain, mercredi 13 novembre 2024, à 10 heures.
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