Maintien de la paix de l’ONU: les appels se multiplient en faveur d’un changement de doctrine et d’une meilleure coopération avec les pays hôtes
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Au troisième jour de son débat général sur les opérations de maintien de la paix de l’ONU, la Quatrième Commission, chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation, a entendu ce matin un certain nombre de pays hôtes témoigner de leurs expériences, dressant pour un certain nombre d’entre eux des constats sévères. La nécessité d’un changement de doctrine et d’une adéquation des mandats aux réalités de terrain et des règles d’engagement à la nature des conflits a été soulignée à maintes reprises, tout comme l’impératif de renforcer le dialogue politique entre les missions onusiennes et les autorités locales, y compris au niveau opérationnel.
Le Mali qui, de 2013 à 2023, a accueilli la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a affirmé que son déploiement n’avait pas permis de répondre aux attentes des populations maliennes. Son représentant a pointé du doigt l’« extrême politisation » de la Mission, qu’il a décrite comme incapable d’améliorer la situation sécuritaire dans le pays, préférant jeter son dévolu sur des questions subsidiaires: signature d’accord politique; dialogue politique; organisation d’élections pour le retour à l’ordre constitutionnel; renforcement du rôle des organisations internationales et régionales dans la gestion des affaires intérieures d’un pays souverain; et instrumentalisation de la question des droits humains.
Durant ces 10 ans, le Gouvernement malien a réitéré ses demandes pour que le mandat de la MINUSMA soit adapté au contexte sécuritaire du pays, plaidant en vain pour une meilleure coopération entre les Casques bleus et les Forces de défense et de sécurité maliennes, a regretté le délégué. Raison pour laquelle son gouvernement n’a pas eu d’autre choix que de demander le retrait immédiat de la Mission en 2023. Aussi a-t-il exhorté l’ONU à renoncer aux mandats « vagues, ambigus, voire inadaptés », ajoutant que les réalités du terrain sont le plus souvent ignorées dans les concepts d’opérations et les règles d’engagement des forces.
Le manque de clarté dans les libellés des résolutions portant création des opérations de paix est un reproche qui a été repris à leur compte par d’autres délégations. Ainsi le Timor-Leste, a insisté sur la nécessité d’éléments de langage « clairs, ciblés et hiérarchisés » pour favoriser des solutions politiques, instaurer la confiance avec les pays hôtes et fournir des cadres pour réajuster les stratégies en cours en fonction de l’évolution d’une situation donnée. Or, comme l’a rappelé le Mali, « il est impossible pour une mission de paix de l’ONU de réussir sans la coopération des autorités du pays hôte ». Même son de cloche du côté du Soudan, pour qui cette coopération doit aussi tenir compte des spécificités culturelles locales.
De son côté, le Rwanda a noté les répercussions que la « nature fracturée de la société multilatérale » a sur la capacité du Conseil de sécurité à formuler des mandats et des ressources correspondant aux besoins des missions. Notant aussi que les forces régionales et sous-régionales ont prouvé qu’elles étaient plus efficaces que les Casques bleus de l’ONU, le Mozambique, le Rwanda, la Gambie et la Sierra Leone ont appelé l’Organisation et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine à mettre pleinement en œuvre la résolution 2719 (2023), qui autorise le financement des opérations dirigées par l’UA, notamment à travers les contributions mises en recouvrement.
Le Portugal a quant à lui encouragé le Conseil de sécurité à prendre en compte l’émergence de nouveaux risques et défis tels que l’autonomisation des armes, la biosécurité, l’espace extra-atmosphérique, le cyberespace, la sécurité maritime et la désinformation, défis qu’il est essentiel de relever pour mettre à niveau les capacités des opérations de maintien de la paix. Cela suppose que le Conseil s’engage dans un travail plus collaboratif avec les autres principaux organes de l’ONU, ainsi que ses organes subsidiaires et les organisations régionales, en particulier l’Union africaine. Elle est aussi soucieuse de l’avenir des opérations de paix, l’Allemagne a rappelé avoir présenté, il y a quelques jours, une étude indépendante qu’elle a financée en tant qu’organisatrice de la prochaine Réunion ministérielle sur le maintien de la paix qui doit se tenir à Berlin en mai prochain.
Un engagement constructif avec les États hôtes, qui ont la responsabilité première de protéger les civils et de s’attaquer aux causes de la crise, est une condition sine qua non à l’efficacité du travail des opérations de paix, a affirmé la Fédération de Russie. Appelant à ne pas perdre de vue que la promotion d’un règlement politique et la réalisation de la réconciliation nationale devraient figurer au cœur des efforts de maintien de la paix de l’ONU, la délégation russe a estimé que « les tâches secondaires et non essentielles », en particulier celles relatives aux droits humains, à l’égalité des sexes et au climat, ne devraient pas détourner les soldats de la paix de leurs fonctions premières.
À l’instar de la République islamique d’Iran et de la Fédération de Russie, plusieurs délégations ont appelé à veiller à ce que le Comité spécial des opérations de maintien de la paix (Comité des 34), en tant qu’unique enceinte onusienne chargée d’examiner en profondeur les opérations de paix, ne soit pas mis à l’écart au profit d’autres entités ou parties prenantes. Lors du Sommet pour l’avenir, ont rappelé les défenseurs du Comité des 34, la communauté internationale s’est fermement engagée à préserver la dimension strictement intergouvernementale de l’ONU.
En fin de séance, le Maroc, Israël, la Türkiye, la République populaire démocratique de Corée, l’Algérie, la Syrie, Chypre et la République de Corée ont exercé leur droit de réponse.
Demain matin à 10 heures, la Commission abordera la question des missions politiques spéciales et, si le temps le permet, entendra les derniers intervenants inscrits au titre du maintien de la paix.
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