La Quatrième Commission achève son débat général sur l’information en multipliant les mises en garde face aux périls de la désinformation en période de conflits
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En cette dernière journée du débat général de la Quatrième Commission, chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation, consacré aux questions relatives à l’information, les délégations ont multiplié les mises en garde face aux défis « colossaux » que constituent les discours de haine et la désinformation en période de conflits et de tensions géopolitiques accrues. La Commission a en outre adopté ses deux projets de résolution annuels sur la question de l’information.
Dans un contexte marqué par des conflits et des crises humanitaires sans précédent, la lutte contre la désinformation et la mésinformation constitue un défi aux proportions « colossales » qui nécessite une réponse « efficace et éthique » de l’Organisation, selon El Salvador. En ce qui concerne les opérations de maintien de la paix, il a exhorté le Département de la communication globale (DCG) à élaborer une stratégie de communication conjointe avec la Commission de consolidation de la paix afin d’assurer une meilleure compréhension des mandats, en particulier au niveau local, et de prévenir les attaques dirigées contre les Casques bleus.
La désinformation est utilisée comme une arme qui nous prend tous pour cible, a constaté le Royaume-Uni. Au Mali, par exemple, la désinformation contre l’ONU a coïncidé avec l’arrivée de mercenaires du groupe Wagner, entraînant une multiplication des attaques contre les soldats de la paix. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) est ainsi devenue l’opération de paix la plus dangereuse au monde, au point d’être contrainte de fermer en 2023. « Il ne s’agit pas d’une coïncidence, mais une décision délibérée. »
Depuis 2022, la Fédération de Russie a ainsi parrainé, selon la délégation britannique, quelque 80 campagnes de désinformation documentées dans 22 pays africains. En Europe également, plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, ont récemment révélé une campagne de désinformation russe destinée à influencer le résultat de l’élection présidentielle en République de Moldova. « Ce faisant, la Russie ne s’en prend pas seulement aux citoyens de nos pays; elle s’attaque à la notion même de vérité objective qui, une fois perdue, ne peut être récupérée », a-t-elle noté.
À l’heure où plusieurs régions du monde sont le théâtre de conflits, la Namibie a confirmé que la désinformation et la mésinformation alimentent la polarité et sapent les efforts que nous déployons collectivement pour mieux nous comprendre les uns les autres.
Le recours par la Fédération de Russie à des tactiques hybrides de guerre de l’information et de désinformation alimente sa guerre d’agression contre l’Ukraine tout en justifiant les actions criminelles de ses forces armées et en déshumanisant les Ukrainiens, a fustigé la délégation de ce pays. Aujourd’hui, les « prétendus journalistes » russes incitent à la haine envers les Ukrainiens et glorifient les crimes de guerre commis par l’armée d’occupation. Dans ces conditions, l’Ukraine a jugé nécessaire d’adopter une approche globale et systémique pour lutter contre les tentatives de falsification de l’information afin de légitimer les violations de la Charte des Nations Unies et les guerres d’agression.
Bien que les progrès technologiques aient ouvert des possibilités sans précédent de diffusion de l’information, la Fédération de Russie a considéré qu’ils ont également contribué à la croissance de la désinformation. Elle a donc prôné le développement de cadres juridiques internationaux chargés de réglementer l’Internet. La délégation russe a également dénoncé le processus opaque ayant mené à l’élaboration des Principes mondiaux des Nations Unies pour l’intégrité de l’information, document « déséquilibré » qui cherche selon elle à imposer des obligations « inutiles » aux États Membres. De même, elle a qualifié de « persécution » les restrictions imposées aux médias russes à l’étranger, notamment au sein de l’Union européenne, dans le but d’établir un contrôle exclusif sur l’espace mondial de l’information.
Un sentiment partagé par la République populaire démocratique de Corée (RPDC), pour qui la diffusion ininterrompue d’informations visant à imposer les valeurs et le mode de vie des États-Unis à d’autres pays est la cause de chaos et d’incitations à des changements de gouvernement, Radio Free Asia faisant à ses yeux la promotion d’une « idéologie de la calomnie ».
L’État de Palestine a accusé Israël d’imposer un « siège de l’information » dans les territoires palestiniens occupés, alors même que ce pays prétend être une démocratie. L’état hébreu détruit systématiquement les infrastructures médiatiques, en plus de mener des campagnes calomnieuses contre « ceux qui disent la vérité », en interdisant d’entrée les journalistes étrangers à Gaza et en tuant les journalistes palestiniens. « Israël a fait des journalistes palestiniens et libanais des cibles », a tranché la délégation palestinienne, en demandant à la communauté internationale d’agir.
Devant un tel constat, la Ligue des États arabes (LEA) a souligné le besoin urgent de promouvoir un débat plus large sur la sûreté des journalistes contre les arrestations et les meurtres dans les zones de conflit, en particulier à Gaza. Même son de cloche du côté du Myanmar, où l’écosystème de l’information a été « militarisé » par la junte après son coup d’État illégal, a affirmé son représentant.
Membre, comme la Grèce, du Groupe des amis pour la protection des journalistes, l’Italie a demandé que soient mises en œuvre les résolutions pertinentes de l’ONU sur cette question ainsi que le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, par le biais d’une coopération renforcée destinée à prévenir les abus et à poursuivre les responsables afin d’assurer un environnement sûr aux journalistes.
Pour sa part, le Timor-Leste a constaté que l’information est désormais un pilier fondamental de la société, servant à la fois de catalyseur des progrès et de moyen d’autonomisation, en fournissant aux citoyens les connaissances dont ils ont besoin pour participer pleinement au processus démocratique. Il a cependant jugé urgent que la communauté internationale prenne des mesures pour remédier aux disparités dans l’accès à l’information et combler le fossé numérique entre les États, en investissant dans les technologies de l’information dans les zones rurales.
Après avoir conclu son débat général, la Commission a adopté, sans vote, ses deux projets de résolution annuels portant sur les questions relatives à l’information, lesquels sont publiés dans le rapport du Comité de l’information. Elle a tout d’abord approuvé le projet de résolution A, intitulé « l’information au service de l’humanité », par lequel l’Assemblée générale demanderait que les pays et organismes de l’ONU coopèrent afin d’atténuer les disparités dans la façon dont l’information circule à tous les niveaux. Elle demanderait également que les journalistes puissent travailler librement, en condamnant toute attaque à leur encontre. L’Assemblée demanderait encore le renforcement de l’action régionale et de la coopération entre pays en développement, ainsi qu’entre ceux-ci et les pays développés, afin d’améliorer la capacité de communication, l’infrastructure des médias et les techniques de communication.
En adoptant le projet de résolution B, intitulé « Politiques et activités de l’Organisation des Nations Unies en matière de communication globale », l’Assemblée générale demanderait au DCG d’accorder une attention particulière à la promotion d’une croissance économique soutenue et d’un développement durable. Elle engagerait les États Membres à promouvoir la coopération internationale afin de généraliser les infrastructures médiatiques et les technologies de l’information dans tous les pays, en particulier les pays en développement. L’Assemblée se dirait une nouvelle fois préoccupée par la prolifération exponentielle de la mésinformation, de la désinformation et de la manipulation de l’information, lesquelles peuvent nuire à l’exercice des droits humains et des libertés fondamentales. En entérinant ce texte, l’Assemblée demanderait en outre aux États de s’abstenir d’apporter un appui aux entités impliquées dans des actes terroristes, s’agissant de la propagation d’appels à la haine. Elle demanderait par ailleurs au DCG de de sensibiliser l’opinion quant à la mésinformation et la désinformation, en tenant compte des effets de l’intelligence artificielle.
Au nom de la liberté d’expression et de la nécessité d’un discours pluraliste, la délégation argentine s’est dissociée des paragraphes de ce projet de résolution relatifs aux discours de haine, au Programme de développement durable à l’horizon 2030, aux objectifs de développement durable et à Notre Programme commun.
Les délégations suivantes ont exercé leur droit de réponse: République de Corée, Israël, Fédération de Russie, République populaire démocratique de Corée et Algérie.
La Quatrième Commission entamera son débat général sur l’étude d’ensemble de toute la question des opérations de maintien de la paix sous tous leurs aspects demain, jeudi 7 novembre 2024, à compter de 15 heures.
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