En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-neuvième session
14e & 15e séances plénières - matin & après-midi
CPSD/814-AG/DSI/3753

Quatrième Commission: la sûreté spatiale doit s’appuyer sur une coopération internationale et un cadre normatif renforcés

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Face aux risques que présentent la multiplication des débris spatiaux et la menace d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique, les délégations ont appelé, ce matin, devant la Quatrième Commission, chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation, au renforcement du cadre juridique international régissant ces activités ainsi qu’à une coopération accrue entre nations spatiales et pays émergents.  La séance du matin a été suivie d’une table ronde commune avec la Première Commission sur les risques éventuels pour la sécurité et la durabilité spatiales.

L’évolution « à grande vitesse » du secteur spatial depuis quelques années a pour résultat un nombre toujours croissant d’acteurs, publics comme privés, s’appuyant sur de nouveaux modèles de financement et de partenariats favorisant le développement de nouvelles technologies, de nouveaux modèles économiques et de nouveaux types d’activités dans l’espace, a d’abord relevé l’Autriche.  Les opportunités qui en résultent s’accompagnent toutefois de défis qui nécessitent de renforcer la gouvernance globale des activités spatiales, ainsi que l’engagement des États envers les normes et principes qui les régissent.

Ces progrès technologiques ont entraîné une croissance « exponentielle » des objets en orbite, a constaté la Suisse, créant un encombrement susceptible de causer des perturbations des opérations spatiales aux conséquences graves pour la population civile sur Terre.  Pour veiller à ce que l’espace ne devienne pas le théâtre de conflits, la délégation helvétique a prôné le strict respect du droit international, y compris le Traité sur l’espace extra-atmosphérique. Elle a en outre insisté sur le caractère complémentaire des propositions présentées sur la sûreté spatiale, en appuyant les efforts visant à coordonner les travaux menés par les deux groupes de travail à composition non limitée sur cette question.

Le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS) doit en effet s’adapter à la multiplication des acteurs spatiaux, ont observé les États-Unis, sur la base d’une approche fondée sur l’expertise scientifique ainsi que l’apport des forums pertinents de l’ONU, à condition que ceux-ci soient dotés de ressources financières adéquates.  La Chine a abondé dans le même sens en demandant que les normes établies par le COPUOS soient raffermies afin d’éviter la fragmentation ainsi qu’un déficit de la gouvernance de l’espace.

Dans un environnement spatial de plus en plus « encombré et disputé », le Royaume-Uni a jugé essentiel de poursuivre les efforts visant à définir une approche globale à même de prévenir une course aux armements dans l’espace, consistant en des mécanismes complémentaires constitués à la fois d’instruments juridiquement contraignants et de principes fondés sur des normes.  Afin d’assurer la durabilité de l’environnement spatial, il a participé au financement de la quatrième phase de son projet conjoint avec le Bureau des affaires spatiales de l’Organisation des Nations Unies (UNOOSA), axé sur la connaissance de la situation spatiale et l’immatriculation des objets spatiaux.

La Fédération de Russie a toutefois mis en garde contre le recours aux infrastructures spatiales civiles, notamment les satellites de communication et la télédétection de la Terre, dans le but de réaliser des objectifs géopolitiques en fournissant un appui aux forces armées de pays tiers.  À ses yeux, de telles activités présentent des risques graves pour la durabilité des activités spatiales telles que les programmes habités.

Les effets déstabilisateurs causés par le déploiement d’armes en orbite ou encore le développement de systèmes d’armes terrestres capables d’atteindre des cibles en orbite ne contribuent en rien à l’utilisation durable et pacifique de l’espace, a prévenu l’Ukraine.  La transformation de l’espace en champ de bataille entraînerait selon elle des conséquences imprévisibles, susceptibles d’affecter tant la stabilité que l’accessibilité de l’espace pour l’humanité entière.  Si les missions conjointes peuvent contribuer à établir la confiance, elles doivent en revanche faire l’objet d’un instrument international transparent.

Dans ces conditions, le Japon a rappelé la responsabilité commune qui incombe aux États de se conformer au droit international et au Traité sur l’espace extra-atmosphérique, lequel interdit de placer en orbite des objets transportant des armes nucléaires ou tout autre type d’armes de destruction massive.  En plus de ces efforts multilatéraux, le Japon a établi des lignes directrices nationales concernant le fonctionnement sûr des services en orbite, dont l’élimination des débris.  « La lutte contre les débris spatiaux est une entreprise urgente et collective », a considéré la délégation nippone, avant d’appeler à l’élaboration de règles concernant la réduction des débris et les mesures de remédiation.

« La perte potentielle d’infrastructures spatiales essentielles en raison des débris est une injustice à laquelle nous devons collectivement remédier », a insisté le Brésil, en précisant que ces déchets affectent de manière disproportionnée les pays en développement qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour en atténuer les risques.  La croissance exponentielle du nombre d’applications et d’objets spatiaux exige également une réglementation accrue, sur le plan international comme national, afin d’apporter la clarté et la stabilité juridiques nécessaires à ces nouvelles activités.

« Il est évident que l’architecture normative et juridique existante régissant la dimension sécuritaire de l’espace extra-atmosphérique n’a pas suivi le rythme nécessaire pour faire face aux risques croissants qui découlent du développement de l’industrie », a observé l’Éthiopie, rejointe par le Timor-Leste.  Le renforcement des capacités, l’assistance technique et le transfert de technologies sont en outre essentiels pour assurer le respect des principes de non-appropriation et d’accès équitable à l’espace, s’agissant notamment des nations en développement.

Or, la technologie qui découle des activités spatiales est déjà omniprésente dans la vie quotidienne des populations du monde entier grâce à des contributions innovantes et concrètes à presque tous les objectifs de développement durable, a relevé l’Autriche, qu’il s’agisse de la protection de l’environnement, de la gestion des ressources naturelles, des prévisions météorologiques, de la modélisation climatique ou encore de la navigation par satellite.

« L’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique ne sont plus le domaine réservé de quelques pays, des possibilités étant aujourd’hui offertes à tous les pays pour aider l’humanité et atteindre leurs objectifs de développement et de durabilité », a acquiescé la Thaïlande, pays qui a récemment lancé un satellite d’observation chargé d’appuyer la réalisation des ODD, en intégrant des données satellitaires à des applications mobiles afin d’aider les agriculteurs à gérer au mieux leurs ressources hydriques.

En août dernier, le Sénégal a fait son entrée sur la « liste des pays qui explorent et utilisent l’espace » avec le lancement de son premier nanosatellite.  Le Cameroun s’est pour sa part félicité de la mise en place de la stratégie spatiale africaine, projet « essentiel » qui offre au continent les outils lui permettant d’exploiter les « immenses » opportunités de l’espace en matière de développement, en plus d’accroître les possibilités de coopération concernant l’utilisation et le partage des infrastructures et des données.

Le Brésil a plaidé à son tour en faveur d’un accès sans entrave aux avantages de cette « vaste frontière », par le biais d’une politique de données gratuites destinée à améliorer l’accès aux données satellitaires et à soutenir les programmes éducatifs, à l’image des applications ouvertes élaborées par l’Institut brésilien de recherche spatiale.  Le Soudan s’est d’ailleurs félicité que le rapport du COPUOS, dont est saisie la Commission, fasse état des bénéfices des activités spatiales pour les pays en développement, tout en réaffirmant le droit des États d’accéder aux technologies spatiales sans discrimination.

En fin de séance, la Fédération de Russie a exercé son droit de réponse.

Par ailleurs, le Vice-Président de la Commission a indiqué que le Groupe de travail de la réunion plénière sur la coopération internationale dans le domaine des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, chargé d’examiner les projets de proposition soumis au titre de ce point à l’ordre du jour de la Commission, avait achevé ses travaux.

TABLE RONDE COMMUNE DES PREMIÈRE ET QUATRIÈME COMMISSIONS CONSACRÉE AUX RISQUES ÉVENTUELS POUR LA SÉCURITÉ ET LA DURABILITÉ SPATIALES

Pour le Président en exercice du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extraatmosphérique (COPUOS), M. Sherif Sedky, il est primordial de reconnaître que les progrès des technologies et des capacités spatiales soulèvent des questions sur la gestion du trafic spatial en orbite terrestre, qui présente beaucoup d’avantages, mais aussi des défis, a-t-il remarqué, en soulignant l’augmentation significative du nombre d’objets placés dans l’espace, avec les risques de collision entre satellites et débris qui en sont le corollaire.

Appuyant ce constat, la Directrice du Bureau des affaires spatiales, Mme Aarti Holla-Maini, a apporté des données chiffrées: au cours de la première moitié de la décennie d’activités spatiales, qui a commencé avec le lancement réussi du tout premier en 1957, le nombre de satellites mis sur orbite est resté constant, autour de 150 par an. Cependant, il y a 10 ans, ils sont passés à un rythme exponentiel, de 210 en 2013 à 600 en 2019, puis à 1 200 en 2020 et à 2 588 en 2023.  Au cours de la dernière décennie, 15 pays ont lancé leur premier satellite et on a assisté à une expansion rapide du nombre de missions spatiales privées.

Mettant également l’accent sur le problème de la gestion des débris spatiaux, le Président entrant du COPUOS, M. Rafiq Akram, a expliqué que les collisions imprévisibles avec des objets utilisés à des fins militaires peuvent être une source de tension et d’escalade involontaire. D’un point de vue scientifique et technique, de nombreux États appliquent d’ores et déjà des mesures conformes aux lignes directrices du COPUOS relatives à la réduction des débris spatiaux et à celles pour la viabilité à long terme des activités spatiales, a noté M. Akram, en saluant le fait qu’ils sont beaucoup à avoir harmonisé leurs normes nationales par conséquent.

Dès lors, M. Sedky a encouragé la communauté internationale à se pencher sur les moyens de trouver un équilibre entre les avantages et les risques posés par une utilisation accrue de l’environnement orbital. Sur ce point, Mme Holla-Maini a souhaité savoir quelles mesures les délégations seraient prêtes à envisager pour ces nouveaux cadres destinés à règlementer l’explosion des activités spatiales.

Alors que les instruments pertinents de l’ONU, dont le Traité sur l’espace extra-atmosphérique, fournissent des mécanismes à cet égard, M. Sedky a invité les États Membres à s’appuyer aussi sur les travaux du Groupe de travail sur l’état et l’application de ces traités, qui s’est notamment penché sur la question de l’immatriculation des objets spatiaux.  Dans le cas où un nouveau cadre s’avérait nécessaire, le COPUOS, a-t-il assuré, a fait ses preuves en tant que plateforme internationale unique.  Il s’est réjoui qu’en 2024, le Comité ait créé une équipe d’action chargée de jeter les bases de l’exploration pacifique et de l’utilisation durable de la Lune.  Et en 2025, il aura l’occasion de discuter des défis à relever pour garantir l’utilisation durable actuelle et la croissance future des activités en orbite terrestre.

Répondant à une question de l’Adjoint du Haut-Représentant pour les affaires du désarmement, M. Adedeji Ebo, sur la coordination efficace des travaux des différents organes chargés de la viabilité et de la sécurité des activités spatiales, M. Akram a repris les recommandations du Sous-Comité juridique COPUOS, qui prône l’échange de renseignements et la transparence comme moyens de promouvoir une telle coopération.  Le Président entrant du Comité a relevé qu’au titre de l’article XI du Traité sur l’espace extra-atmosphérique, les États parties menant des activités dans l’espace extra-atmosphérique sont tenus, dans la mesure du possible, d’informer le Secrétaire général de l’ONU de la nature et de la conduite de ces activités, des lieux où elles sont poursuivies et de leurs résultats, et ce dernier doit diffuser immédiatement et efficacement ces renseignements.

Compte tenu du double usage des techniques spatiales, certaines activités, telles que la gestion du trafic spatial et le retrait actif des débris, mériteraient d’être examinées par les instances chargées des questions de désarmement, a argué le nouveau Président du COPUOS.  À cet égard, M. Akram a salué la tenue de cette table ronde commune des Première et Quatrième Commissions, qui constitue une instance de premier plan pour cerner ces domaines, dans le respect des mandats du COPUOS et des organismes chargés des questions de désarmement.  Pour assurer une coordination plus efficace entre ces organes, il a appelé à envisager un dispositif d’échange de vues et de partage d’informations entre les membres du Bureau des affaires spatiales et ceux du COPUOS, sur des questions telles que le trafic spatial et les débris spatiaux.

Ont également participé à cette table ronde M. Usman Jadoon, du Pakistan, en sa qualité de Président de la Commission du désarmement des Nations Unies; M. Manuel Metz, ancien Président du Comité de coordination interagences sur les débris spatiaux – du Centre aérospatial allemand; et Mme Ana Avila, représentante du Costa Rica et contributrice au processus du Pacte pour l’avenir.  Un échange interactif avec les États Membres s’est ensuivi.

La Quatrième Commission conclura son débat général sur la coopération internationale touchant les utilisations pacifiques de l’espace vendredi, 1er novembre 2024, à partir de 10 heures.

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