Soixante-dix-neuvième session,
50e et 51e séances plénières – matin & après-midi
AG/SHC/4430

La Troisième Commission adopte neuf projets de résolution, consacrant l’essentiel de son attention aux violences à l’égard des femmes dans l’environnement numérique

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La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles a poursuivi cet après-midi l’adoption des projets de résolutions. Au troisième jour de travail, neuf textes ont été entérinés dont quatre après une mise aux voix.  Le projet de résolution thématique biennal consacré à la lutte contre les violences à l’égard des femmes a occupé l’essentiel de la matinée, suscitant de très nombreuses interventions de la part des délégations. 

Dix demandes d’amendement au texte consacré aux violences faites aux femmes

Présenté par la France et adopté par 170 voix pour, une voix contre (Argentine) et 13 abstentions, le projet intitulé « Intensification de l’action menée pour prévenir et éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles: l’environnement numérique » (A/C.3/79/L.17/Rev.1) exhorte les États à prendre des mesures multisectorielles et coordonnées pour prévenir et éliminer ces violences et pour remédier aux causes structurelles et aux facteurs de risque. 

Il préconise notamment la mise en œuvre de programmes visant à éliminer la fracture numérique entre les genres; à lutter contre les discours de haine visant les femmes et les filles, aussi bien hors ligne qu’en ligne; la suppression par les plateformes en ligne de contenus relatifs à des actes de violence sexuelle; et l’adoption de mesures efficaces pour encourager les médias sociaux et les plateformes numériques en ligne à lutter contre les contenus qui exploitent les femmes et les filles comme des objets et des marchandises sexuels. 

Ce texte appelle également à promouvoir la « santé numérique » afin de mettre en place une couverture sanitaire universelle et d’assurer un accès universel aux services de santé sexuelle et procréative, en veillant à ce que les femmes et les filles puissent exercer un contrôle total sur leur vie privée et leurs données à caractère personnel en ligne. 

Avant son adoption, pas moins de 10 projets d’amendements cherchant à supprimer ou remplacer des libellés jugés non consensuels ont été rejetés successivement par l’opposition constante d’une petite centaine de pays (de 81 à 93 en fonction des résultats des 10 mises aux voix successives). 

« Formulations non consensuelles »

La Fédération de Russie a présenté cinq propositions d’amendement (L.55, L.56, L.57, L.58 et L.59) destinées notamment à supprimer le terme « y compris la violence sexuelle » pour définir la violence faite aux femmes et aux filles, supprimer la mention à la santé menstruelle et remplacer le terme féminicide par « les meurtres liés au genre, également appelés féminicides dans certaines régions du monde ». 

Le Nigéria a, lui aussi, présenté deux projets d’amendement (L.60 et L.61) suggérant des alternatives aux termes « formes multiples et croisées de discrimination » et « femmes dans toute leur diversité ». L’Arabie saoudite a présenté une proposition (L.63) demandant de remplacer le terme « notamment la violence au sein du couple et le viol conjugal » par « sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations ».  De son côté, l’Égypte a présenté deux propositions d’amendement (L.64 et L.65) visant notamment à supprimer la mention faite au Forum Génération Égalité, qui, selon elle, représente un écart par rapport au Plan d’action de Beijing. 

Dénonçant des propositions d’amendement « hostiles au texte », les Pays-Bas, cofacilitateurs avec la France, ont rappelé qu’une femme sur trois subit des violences au cours de sa vie et que les femmes et les filles sont les premières victimes de la montée de la violence dans l’environnement numérique.  À l’instar de nombreux pays occidentaux et d’Amérique latine, l’Union européenne, par la voix de la Hongrie a regretté qu’un petit groupe de pays aient présenté des amendements pour « saper les efforts de consensus ».  Les États-Unis se sont dit déçus, évoquant des libellés convenus, issus de négociations ouvertes et transparentes. 

À l’instar de nombreux pays musulmans ou africains, la République islamique d’Iran a appelé à tenir compte des spécificités traditionnelles religieuses et législatives de chaque pays, se dissociant de plusieurs libellés et s’abstenant au moment du vote.  Au nom du Conseil de coopération du Golfe, le Qatar a dit interpréter les éléments non consensuels conformément à ses lois et à ses spécificités culturelles et religieuses. La Tunisie s’est prononcée en faveur d’un accès des femmes aux droits sexuels et procréatifs et voté pour le texte. L’Arabie saoudite et le Soudan ont eux aussi voté pour, tout en se dissociant de certains paragraphes. 

La question des formulations non consensuelles a également marqué l’adoption, par 130 voix pour, aucune contre et 53 abstentions, du projet sur les « exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires » (A/C.3/79/L.47).  Présentée par la Suède, la version remaniée de ce texte encourage le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à élaborer des orientations précises destinées à toutes les personnes chargées d’enquêter sur des meurtres de femmes et de filles liés au genre. 

Au préalable, l’Égypte a présenté un projet d’amendement (L.62) qui a été rejeté par 78 voix contre, 47 pour et 26 abstentions.  La délégation a regretté « l’insistance » des auteurs à maintenir une référence à l’expression « leur orientation sexuelle ou leur identité de genre », notions controversées qui ne font l’objet d’aucune reconnaissance internationale.  Le projet d’amendement proposait de les remplacer par le terme « sexe » qui, a souligné la délégation, est établi dans les principaux instruments des droits humains.  L’Iraq, l’Iran, le Pakistan, la Malaisie, l’Indonésie, le Nigéria, le Niger, le Sénégal, l’Ouganda et le Bélarus, entre autres, l’ont rejointe sur cette ligne. 

Estimant que l’amendement proposé était « contraire aux valeurs que l’ONU est censée défendre », la Hongrie, au nom de l’Union européenne, a argué que le paragraphe attaqué -le 8, alinéa b)- fait référence à la nécessité de mener des enquêtes sur toutes les victimes d’exécution extrajudiciaire ou arbitraire, notamment les personnes vulnérables.  La Suède, au nom des pays nordiques, a affirmé, à l’instar de la France, qu’il s’agissait ici de protéger le droit à la vie.  La liste est essentielle car il est bien documenté que ces personnes sont à risque, a renchérit la Nouvelle-Zélande, appuyée par le Mexique et le Royaume-Uni.  Au nom d’un groupe de pays, l’Australie a déploré le manque de consensus sur un sujet aussi important. 

Prévenir les préjudices individuels causés par l’intelligence artificielle

Le consensus a prévalu en revanche en ce qui concerne « le droit à la vie privée à l’ère du numérique » (A/C.3/79/L.42/Rev.1).  Présenté par le Brésil, ce texte engage les États Membres et toutes les parties prenantes à prévenir les préjudices individuels causés par les systèmes d’intelligence artificielle.  De même, il demande aux États de garantir que les autorités nationales indépendantes chargées de la protection des données comportent des mécanismes de contrôle appropriés. 

Ce texte souligne par ailleurs que les systèmes de reconnaissance faciale, lorsqu’ils sont utilisés sans véritables garanties appropriées, soulèvent de sérieuses inquiétudes quant à leur proportionnalité, étant donné leur nature « hautement intrusive ». 

Les États-Unis ont souligné l’importance du secteur privé dans ce domaine; l’Argentine s’est dissociée de l’alinéa du préambule évoquant la tenue du Sommet de l’avenir, rappelant qu’elle s’est dissociée du Pacte pour l’avenir et du Pacte numérique mondial; l’Iran se dissociant pour sa part de tous les paragraphes contenant des libellés non consensuels. 

Un projet de résolution pour « protéger la Palestine de l’annihilation »

La Troisième Commission a adopté sans modifications cette année le texte intitulé « Le droit du peuple palestinien à l’autodétermination » (A/C.3/79/L.49) présenté par l’Égypte, au nom de l’Organisation de la coopération islamique, par 170 voix pour, 6 voix contre (Argentine, États-Unis, Israël, Micronésie, Nauru et Paraguay) et 9 abstentions (Kiribati, Libéria, Palaos, Panama, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Rwanda, Togo, Tonga, Tuvalu).

Déplorant un texte éminemment politique, la délégation israélienne, qui a demandé le vote, a dénoncé le libellé appelant à préserver « l’unité, la continuité et l’intégrité de l’ensemble du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ».  Cela reviendrait à effacer ce qu’il y a « entre la mer et le fleuve » et à nier le droit à l’existence du peuple juif, s’est-elle alarmée. 

De son côté, l’État de Palestine a expliqué que ce projet de résolution est présenté chaque année parce que la capacité de son peuple à exercer ce droit est réprimée par l’occupation illégitime par Israël, comme l’a conclu la Cour internationale de Justice (CIJ).  Ce projet de texte « protège notre État d’une véritable annihilation », a-t-il résumé. 

Consensus sur les questions des personnes handicapées et des personnes disparues

Présenté par les Philippines et adopté par consensus, le projet de résolution sur le « développement sans exclusion pour et avec les personnes handicapées » (A/C.3/79/L.9/Rev.1), encourage les États Membres, les organismes des Nations Unies et les parties concernées à assurer la participation des personnes handicapées au renforcement des mécanismes de coordination et de prise de décisions dans les sphères de l’action humanitaire, des interventions relatives aux catastrophes naturelles et du développement, en vue de l’adoption d’une approche de la réduction des risques de catastrophe et de l’action humanitaire tenant compte de la question du handicap. 

Dans la version actualisée du texte, l’Assemblée générale exhorterait en outre les États Membres à veiller à ce que les personnes handicapées aient accès à des technologies d’assistance et à des services de rééducation et de soutien pour une vie autonome, notamment des services à domicile, en institution ou en établissement d’enseignement et des services sociaux d’accompagnement. 

De même, elle demanderait aux États Membres de redoubler d’efforts pour faciliter le commerce international des technologies d’assistance afin de remédier aux inégalités subies par les personnes handicapées. 

Rappelant que 80% des personnes handicapées vivaient dans les pays en développement, l’Égypte a regretté que les transferts de technologie proposés n’aient pu être inclus dans le texte en raison de l’opposition de certaines délégations. 

Le consensus a également prévalu en ce qui concerne les « personnes disparues » (A/C.3/79/L.35).  Présenté par l’Azerbaïdjan, ce projet de résolution appelle les États à faciliter le regroupement des familles dispersées du fait d’un conflit armé pour empêcher que des personnes ne disparaissent.

Ce texte indique par ailleurs que dans certains cas, les mines terrestres, les restes explosifs de guerre et les engins explosifs improvisés entravent les activités menées pour déterminer où se trouvent des personnes portées disparues, et invite les États concernés à coopérer pour faciliter le déroulement en toute sécurité des opérations visant à retrouver et à récupérer des dépouilles. 

La Troisième Commission a également adopté sans vote et sans modifications cette année le texte intitulé « Liberté de religion ou de conviction » (A/C.3/79/L.36), présenté par la Hongrie, au nom de l’Union européenne. L'Argentine a dit préférer le terme « sexe » tel que stipulé dans l'article 7.3 du Statut de Rome au terme « genre ».  Elle s’est par ailleurs dissociée du paragraphe 12 du texte car, a-t-elle expliqué, on ne peut invoquer le droit à la santé pour limiter la liberté de religion ou de conviction. 

Le consensus aussi pour l’« intensification de l’action mondiale visant à éliminer les mutilations génitales féminines » (A/C.3/79/L.18), projet présenté par le Burkina Faso. L’Iraq a toutefois fait savoir qu’il interprètera toute référence au terme « genre », conformément à ses valeurs culturelles et religieuses.  L’Iran et l’Argentine ont également évoqué cette question. 

Division au sujet du Rapport du Conseil des droits de l’homme

La Troisième Commission a également pris note du « Rapport du Conseil des droits de l’homme » (A/C.3/79/L.33), en adoptant, par 111 voix pour, 5 contre (Argentine, Bélarus, Fédération de Russie, Israël et Nicaragua) et 62 abstentions, un projet présenté par le Cameroun au nom du Groupe des États d’Afrique. La mise aux voix a été demandée par le Bélarus. 

S’exprimant avant l’adoption, le Nicaragua a dénoncé la manipulation des droits humains en vue de poursuivre des objectifs hégémoniques et a rejeté la partie du rapport le concernant.  Il en a été de même pour le Soudan qui a critiqué la mission d’établissement des faits le concernant.  Le Venezuela et l’Iran les ont rejoints après le vote en rejetant la politisation des droits humains et les mécanismes de pays.  L’Érythrée a exprimé une position similaire. 

De son côté, la Hongrie a expliqué qu’elle s’abstiendrait en raison du caractère « redondant » de cet examen par la Troisième Commission, alors que le travail a déjà été effectué par le Conseil des droits de l’homme (CDH). S’exprimant au nom d’un groupe de pays, le Liechtenstein a regretté que ce projet de résolution n’ait pas permis un « accord » avec le CDH.  Les États-Unis ont dénoncé pour leur part l’« attention disproportionnée » accordée par le Conseil à Israël.  Ce dernier a pointé pour sa part les positions antisémites de certains de ses rapporteurs spéciaux. 

En ouverture de séance, la Troisième Commission a entendu la suite des explications de vote sur le projet de résolution consacré à la lutte contre le trafic d’organes (A/C.3/79/L.7/REV.1) adopté hier

La Troisième Commission continuera à se prononcer sur ses projets de résolution lundi 18 novembre, à partir de 10 heures. 

 

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