La Troisième Commission: la Rapporteuse spéciale sur le droit à la vie privée appelle à mettre à jour la résolution sur la réglementation des fichiers personnels informatisés
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La Troisième Commission, en charge des questions sociales, humanitaires et culturelles a achevé aujourd’hui sa discussion générale sur la promotion et la protection des droits humains, l’occasion pour plusieurs délégations d’accuser à nouveau les « Occidentaux » -États-Unis et Union européenne- d’instrumentaliser et les droits humains, et d’appliquer sélectivement le « deux poids, deux mesures », en particulier quand il s’agit des Palestiniens. « Pourquoi cette contradiction flagrante quand il s’agit des peuples de notre région? Notre sang a-t-il une autre couleur? » s’est notamment indignée la Libye.
Mettre à jour la réglementation des fichiers personnels informatisés pour faire face à l’évolution des défis liés à la vie privée
Les délégations ont également dialogué avec la Rapporteuse spéciale sur le droit à la vie privée qui a appelé à mettre à jour la résolution sur la réglementation des fichiers personnels informatisés.
Adoptées en 1990, il y a plus de 30 ans, la résolution 45/95 de l’Assemblée générale sur les principes directeurs pour la réglementation des fichiers personnels informatisés, représentait une avancée majeure à l’époque, a expliqué Mme Ana Brian Nougrères. Mais, face aux profondes avancées technologiques et transformations survenues depuis, et qui ont remodelé la manière dont les données personnelles sont collectées, traitées et partagées à l’échelle mondiale, une « sérieuse mise à jour » est nécessaire, a-t-elle estimé.
Aujourd’hui, les données personnelles sont collectées à grande échelle et traversent les frontières instantanément, souvent à l’insu des individus. L’essor de technologies telles que l’intelligence artificielle (IA) et Internet ont introduit de nouvelles complexités, les algorithmes prenant des décisions ayant un impact direct sur la vie des gens. Or, les principes clefs tels que la transparence, la responsabilité et la confidentialité, au cœur des réglementations modernes en matière de protection de la vie privée, étaient absents du texte de 1990, a constaté la Rapporteuse spéciale.
La situation exige donc de combler ces lacunes, notamment en insistant sur l’importance d’assurer la légitimité et la transparence du traitement des données. Il faut aussi garantir le principe de minimisation des données, afin de réduire le risque d’abus ou d’utilisation abusive. De même, il faut renforcer la protection des données sensibles, telles que la biométrie, les informations génétiques et les données neuronales, une catégorie nouvellement reconnue qui comprend l’activité cérébrale et les processus cognitifs. Ces données hautement personnelles nécessitent les normes de protection les plus élevées pour préserver l’autonomie et l’identité individuelles, a-t-elle souligné.
La Rapporteuse spéciale a également appelé à consacrer de nouveaux droits: celui de s’opposer au traitement des données; le droit à la portabilité des données, pour permettre aux individus de transférer leurs données entre les services; ainsi que le droit à la surveillance humaine dans la prise de décision automatisée, pour que les décisions clefs ne soient pas entièrement laissées aux algorithmes.
Il faut en effet intégrer une nouvelle approche, basée sur les droits humains, et ce, dès l’élaboration des technologies émergentes, notamment l’intelligence artificielle, pour en réduire les impacts négatifs, a abondé la République de Corée, invitant les délégations à se référer à la Déclaration de Séoul de mai 2024 sur ce sujet. L’Allemagne a conseillé pour sa part d’harmoniser les réglementations mondiales protégeant la vie privée tout en s’assurant que les progrès de l’intelligence artificielle continuent à profiter à l’innovation.
Les États-Unis ont évoqué le problème des usages malveillants de logiciels espions, tandis que le Mexique s’est inquiété des biais néfastes reproduits par les algorithmes s’entraînant sur des ensembles de données biaisées. L’Érythrée a constaté pour sa part que la fracture numérique est une nouvelle « frontière de l’inégalité », tant l’économie des données est concentrée que dans certaines nations technologiques.
Accusations d’instrumentalisation des droits humains
Lors de la reprise de la discussion générale sur les droits humains, plusieurs délégations ont continué, comme hier, de dénoncer l’instrumentalisation des droits de l’homme pour, « servir l’intérêt des puissants » et « punir ceux qui portent une voix discordante », comme l’a esquissé le Zimbabwe.
Il y a clairement deux grandes visions: celle d’un groupe de pays attachés au véritable esprit des droits humains, fondé sur le dialogue et la coopération, et celle d’un autre clairement néocolonial et interventionniste, qui viole les droits humains d’un tiers de l’humanité avec leurs mesures coercitives unilatérales et cherche à instrumentaliser les droits humains pour faire avancer leurs sombres agendas politiques, a décrit le Venezuela.
Plus explicites, la République populaire démocratique de Corée et le Nicaragua ont accusé les États-Unis et l’Union européenne de chercher à imposer, par des mesures coercitives unilatérales, leurs modes de vie et valeurs, sous prétexte d’universalité de droits humains, au mépris de l’histoire et spécificités propres de tous les peuples.
« Le peuple héroïque » de Cuba est victime de cette « politique punitive » depuis 60 ans pour le faire plier par la faim et provoquer une rébellion, a aussi accusé sa délégation cubaine, faisant allusion à l’embargo décidé par les États-Unis depuis 1962, et à l’inscription « arbitraire » de Cuba sur la liste des pays soutenant le terrorisme.
Aucun État Membre ne peut prétendre avoir un bilan parfait en matière de droits humains et nous ne pouvons accepter que nos défis historiques et actuels nous empêchent de demander aux autres États Membres de se montrer responsables envers les obligations juridiques internationales qu’ils ont volontairement assumées, a répondu en filigrane le Canada.
Une multiplicité de préoccupations
La sélectivité, qui « sape les efforts de promotion et protection des droits de l’homme », ne touche pas seulement les situations de pays, mais aussi les différents types de droits, tant civils et politiques, qu’économiques, sociaux et culturels, le droit au développement en tête, ont encore dénoncé des délégations, essentiellement issus du « Sud global ».
Il est en effet impératif de réitérer l’importance des droits sociaux et économiques et du droit au développement dans ce contexte où de nombreux pays les moins avancés (PMA) et petits États insulaires en développement (PEID), comme le Timor-Leste, restent pris au piège de la pauvreté, a plaidé sa délégation, tandis que celle de la Namibie se félicitait de l’intégration d’éléments relatifs au droit au développement dans le Pacte pour l’avenir adopté le mois dernier par l’Assemble générale.
La situation au Moyen-Orient a également mobilisé l’attention de délégations qui, à l’instar de l’Afrique du Sud, ont appelé à mettre fin au « génocide en cours à Gaza », la « honte pour la communauté internationale », et les attaques d’Israël contre le Liban et la Syrie. Le Koweït a appelé pour sa part à cesser les exportations d’armes vers l’« entité sioniste ». Israël fera tout ce qui est en son pouvoir pour ramener les otages et continuera donc de « se battre », a affirmé sa délégation qui a indiqué que la promotion et la protection des droits humains sont des valeurs sacrées gravées dans la Constitution israélienne.
De son côté, le Japon a rappelé qu’avec le vieillissement des personnes concernées, la question des enlèvements de ressortissants japonais par la République populaire démocratique de Corée reste urgente.
Le Saint-Siège a par ailleurs jugé profondément troublant que, même au sein des Nations Unies, le droit à la vie soit invoqué pour défendre l’avortement, alors que cette pratique met directement fin à la vie des membres les plus vulnérables de la famille humaine. Il s’est aussi dit préoccupé par le plaidoyer croissant en faveur d’une législation sur le suicide assisté.
Les délégations suivantes ont exercé leur droit de réponse en fin de séance: le Japon, la Syrie, le Burkina Faso, la Chine, la République populaire démocratique de Corée, l’Iran, la Fédération de Russie et la République de Corée.
La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, jeudi 24 octobre, à partir de 10 heures.
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