En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-neuvième session,
15e séance plénière – matin
AG/SHC/4411

Troisième Commission: un Rapporteur spécial alerte du risque de disparition des peuples autochtones transfrontaliers mobiles

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a examiné ce matin, la question des droits des peuples autochtones, à travers la présentation du rapport du Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, consacré cette année, à la situation des peuples autochtones transfrontaliers mobiles.

Au cours du dialogue interactif et de la discussion générale qui ont suivi, les délégations ont été nombreuses à se préoccuper des moyens de protéger leur droit et à appeler à garantir leur participation dans différentes instances, tout en restant divisées sur la définition même des peuples autochtones.

Risque de disparition des peuples autochtones mobiles

Dans un premier temps, M. José Francisco Calí Tzay, dont c’était le dernier rapport en tant que titulaire du mandat, a attiré l’attention sur les défis auxquels sont confrontés les peuples autochtones transfrontaliers mobiles, tels que les pasteurs, les éleveurs, les chasseurs-cueilleurs, ou les marins, ainsi que de nombreux peuples autochtones vivant dans un isolement volontaire et en situation de premier contact. Ces peuples se déplacent de façon saisonnière au sein de vastes territoires ancestraux qui s’étendent sur plusieurs pays et occupent généralement des écosystèmes fragiles, à haute valeur écologique. 

Or, bien que protégés par un cadre juridique international spécifique, -différent des droits des minorités, des paysans et des communautés locales-, ils font face à la discrimination, au déplacement forcé, au manque de reconnaissance, et à un accès limité aux services de base. 

De même, a noté le Rapporteur spécial, les idées dominantes de propriété privée et de résidence permanente ne prennent pas suffisamment en compte l’utilisation superposée, partagée et saisonnière des ressources des peuples autochtones mobiles, et nient la gouvernance foncière communautaire.  Une telle approche a entraîné des restrictions à la circulation des peuples autochtones mobiles qui continuent d’avoir un impact sur leur vie aujourd’hui, a-t-il déploré.

« Restreindre leur mobilité, c’est comme construire un barrage sur une rivière, perturbant un équilibre délicat », a illustré le Rapporteur spécial, expliquant que leur survie est fortement liée à ces territoires, à tel point qu’ils risquent de disparaître si leurs terres ne sont pas protégées. 

Garantir la pleine participation des peuples autochtones

Le Rapporteur spécial a exhorté aux États Membres de prendre des mesures urgentes et ciblées, d’autant que d’autres menaces existentielles pèsent sur ces populations mobiles, notamment les changements climatiques, l’extraction des ressources, les déplacements forcés ou encore l’absence de jouissance de leurs droits économiques et sociaux.  Mais, alors que la priorité doit être la protection de leurs terres, certains États refusent à ces populations le statut de peuples autochtones alors qu’eux-mêmes s’identifient comme tels.  Ils sont qualifiés de groupes marginalisés, sur la base d’un racisme structurel, d’une discrimination raciale et d’exclusion sociale, a-t-il déploré. 

La participation des peuples autochtones - un impératif moral, difficile à mettre en œuvre 

Au cours du dialogue interactif qui a suivi l’exposé du Rapporteur spécial, les délégations ont été nombreuses à s’accorder sur la nécessité de garantir aux peuples autochtones une pleine participation aux instances et débats aux Nations Unies, mais aussi plus localement dans les affaires qui les concernent. 

Pour le Guatemala, cette pleine participation n’est pas seulement une nécessité ou un impératif moral, mais un investissement dans l’avenir commun.  Les pratiques traditionnelles et connaissances ancestrales et scientifiques des peuples autochtones contribuent quotidiennement à la préservation de l’environnement et à la prévention des conflits, a encore affirmé la délégation, soutenue en ce sens par la Colombie qui a salué la contribution des communautés autochtones à son propre processus de paix. 

Avec l’élévation du niveau de la mer, les phénomènes météorologiques extrêmes et la perte de biodiversité, chaque stratégie de conservation, d’adaptation et d’atténuation des changements climatiques doit être conçue et mise en œuvre en partenariat avec les communautés autochtones et ne pas leur être imposée, a appuyé la Dominique.  C’est bien pourquoi, il faut continuer d’améliorer leur représentativité au sein des instances des Nations Unies, a acquiescé le Mexique, qui a appelé les délégations à contribuer à faciliter l’adoption d’une résolution sur le sujet. 

S’accordant elle aussi sur l’importance d’accroître cette participation, la Fédération de Russie a estimé approprié de maintenir le système d’octroi du statut consultatif auprès de l’ECOSOC aux organisations des peuples autochtones.

Le Canada a appelé pour sa part à la création d’un nouveau statut pour les peuples autochtones à l’ONU, soulignant que l’importance de cette démarche se fait particulièrement ressentir à la lumière de la crise de liquidités que connaît actuellement l’ONU. Les contraintes financières ont un impact négatif encore plus marqué sur les peuples autochtones que sur les États Membres, compte tenu de leur manque relatif de ressources et des difficultés qu’ils rencontrent déjà pour simplement participer à l’ONU, a noté la délégation qui a appelé à contribuer au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les peuples autochtones.

Absence de consensus sur la définition des peuples autochtones

Si un léger consensus est bien apparu sur la nécessité de garantir leur participation, des délégations ont toutefois exprimé des réserves quant au concept même de peuples autochtones, estimant qu’il ne s’applique pas à tous les contextes.

Ce fut notamment le cas de la République-Unie de Tanzanie qui n’a pas souscrit pas à ce concept, notamment en ce qui concerne le droit à la terre, précisant qu’aucune de ses 135 tribus ne peut prétendre être propriétaire de ses terres qui sont la propriété de l’État tanzanien.  Le concept ne s’applique pas non plus à l’histoire civilisationnelle de l’Inde, caractérisée par divers groupes ethniques et culturels coexistant depuis des millénaires.

« La question fondamentale » de la définition des peuples autochtones doit être abordée d’une manière convenue au niveau international et adaptée aux divers contextes nationaux, a plaidé la délégation indienne, appelant à la prudence, la distinction et la nuance, au risque d’entraîner des conséquences imprévues susceptibles de nuire aux intérêts de communautés plus larges. 

Le Cameroun a noté que lors des négociations de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, une définition n’a pas été considérée souhaitable ou nécessaire, « étant donné qu’une définition unique serait inévitablement trop ou pas assez inclusive, ayant du sens dans certaines sociétés mais pas dans d’autres ». 

L’absence de définition des peuples autochtones est une indication claire de la divergence dans la compréhension et l’identification des peuples autochtones, a commenté la délégation qui a par ailleurs prévenu que l’auto-identification pourrait déboucher sur la création d’une catégorie artificielle de populations dites autochtones, et favoriser une approche de confrontation entre les États et les populations autochtones si elles ne sont pas reconnues comme telles par ces derniers.

La responsabilité des États coloniaux 

Par ailleurs, plusieurs délégations ont rattaché les discriminations subies par les peuples autochtones au colonialisme, à l’instar de la République islamique d’Iran qui a rappelé qu’au Canada, les Inuits n’ont pas le contrôle de leurs propres terres, pas plus que les Palestiniens autochtones déplacés de force en raison de l’occupation militaire israélienne.  Les pays coloniaux devraient reconnaître et réparer leurs responsabilités historiques, a renchéri la Chine.  L’Ukraine a accusé de son côté la Fédération de Russie de violer les droits des Tatars de Crimée depuis l’occupation de ce territoire en 2014.

La Troisième Commission de réunira à nouveau demain, mercredi 16 octobre, à partir de 10 heures pour examiner le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. 

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