En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-neuvième session,
11e et 12e séances plénières – matin & après-midi
AG/SHC/4409

Les « souffrances inimaginables » des enfants de Gaza concentrent l’attention de la Troisième Commission

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies,
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Entamant aujourd’hui l’examen des droits des enfants, la Troisième Commission, en charge des questions sociales, humanitaires et culturelles, a dialogué avec cinq intervenants, dont la Présidente du Comité des droits de l’enfant, qui a indiqué que le nombre d’enfants victimes des six graves violations des droits humains vérifiées par les Nations Unies avait augmenté de façon exponentielle en raison de l’escalade des conflits, en particulier à Gaza, au Soudan et au Myanmar. À elle seule, la guerre à Gaza a coûté la vie à 17 000 d’entre eux, a rappelé la Mauritanie au nom du Groupe arabe. 

« L’année passée a connu le nombre le plus élevé de violations graves vérifiées par les Nations Unies depuis la création de mon mandat », a expliqué la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la question des enfants et des conflits armés, précisant que leur nombre total s’élevait à 33 000 réparties dans 25 pays. Ce chiffre est en augmentation de plus de 20% par rapport à l’année précédente, a précisé la France.  L’aspect le plus choquant du rapport concerne le meurtre et la mutilation de 11 700 enfants, a ajouté Mme Virginia Gamba, l’Irlande rappelant que ce chiffre avait, lui, connu une hausse de 35%. 

La situation des enfants à Gaza mobilise l’attention

Notant que cette situation était notamment liée au conflit à Gaza, le Chili a rappelé les demandes faites à Israël par la Cour internationale de Justice (CIJ) concernant le respect de la Convention sur le génocide.  Évoquant « une des crises humanitaires les plus graves de ces dernières décennies », l’Espagne a dénoncé les attaques contre les écoles et les hôpitaux de l’enclave et appelé au respect de l’accès à l’aide humanitaire et de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles.  L’Égypte a signalé pour sa part que selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA), Gaza abritait le plus grand nombre d’enfants amputés de l’histoire moderne.

Pointant un problème de collecte et de vérification des informations, Israël a demandé comment le rapport pouvait n’avoir enregistré qu’un seul cas d’utilisation d’un centre de santé à des fins militaires par le Hamas, et aucune école, malgré l’abondance d’informations sur ce phénomène et l’usage d’enfants comme boucliers humains par cette « organisation terroriste ».  Menaçant de cesser de coopérer avec le Bureau de la Rapporteuse en l’absence de prise en compte de ces faits, il a condamné son inclusion dans l’annexe du rapport aux côtés d’organisations terroristes. 

« Cessez d’envoyer des armes à Israël, sanctionnez les responsables, ne faites pas obstruction à la justice, n’inventez pas de justifications pour que ces crimes puissent continuer sans que des comptes soient rendus », a martelé l’État de Palestine, estimant que les États Membres avaient l’obligation d’empêcher les forces armées israéliennes « sur liste noire » de continuer à perpétrer des crimes contre ses enfants.  De son côté, le Liban a dressé le bilan suite à l’« agression israélienne » ces trois dernières semaines pour ses enfants: 127 morts, 690 blessés et 120 000 déplacés. 

Dénonçant un « échec abyssal » en matière de protection des enfants, l’Irlande, rejointe par la Grèce et l’Égypte, a exhorté les États à mettre fin au « règne de l’impunité » concernant les violations graves détaillées dans le rapport. Un enfant sur cinq dans le monde vit aujourd’hui en situation de conflit a rappelé la Grenade, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). 

Au nom des États nordiques et baltiques, l’Estonie a mêlé sa voix à celle de l’Ukraine pour s’inquiéter du sort des enfants ukrainiens « déportés » par la Fédération de Russie, valant à Vladimir Putin l’émission d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) à son encontre.  La Fédération de Russie a dénoncé une politisation de la protection de l’enfance, notant qu’elle avait été placée sur la liste des auteurs de violations dans le rapport alors que l’Ukraine ne l’était pas.

Le Nigéria a considéré comme « trop fortes » certaines formulations du rapport le concernant, tandis que le Pakistan a demandé pourquoi il faisait partie des « situations à surveiller » alors qu’aucun conflit n’était en cours sur son territoire.  Mme Gamba a invité les États placés dans son annexe cette année à adopter des plans d’action conjoints avec son bureau en vue de faire les progrès nécessaires pour en être retirés. 

« La violence à l’encontre des enfants a atteint des niveaux sans précédent », a renchéri la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question de la violence contre les enfants, ajoutant que les données étaient probablement sous-estimées.  Elle a affirmé que les coûts économiques énormes de la violence vis-à-vis des enfants pouvaient, dans certains pays, représenter jusqu’à six fois les dépenses annuelles du gouvernement en matière de santé.  Le Brésil et le Maroc ont voulu obtenir des précisions sur l’outil d’évaluation du coût de la violence contre les enfants et la mesure des retours sur investissement consentis en matière de lutte contre ce fléau. 

Mme Najat Maalla M’jid a rappelé qu’elle dirigeait l’alliance mondiale pour mettre fin à la violence contre des enfants, rassemblant plus de 40 pays, et que cette dernière serait redynamisée officiellement lors de la Conférence ministérielle internationale organisée à Bogota, les 7 et 8 novembre prochains, visant notamment à faire avancer la réflexion sur un système de reddition de comptes. 

Inquiétudes face à l’exploitation sexuelle des enfants en ligne

Les délégations ont ensuite dialogué avec la Rapporteuse spéciale sur la vente d’enfants, l’exploitation sexuelle d’enfants et les abus sexuels sur enfants qui a alerté que chaque année, 300 millions d’enfants sont victimes d’atteintes et d’exploitation sexuelles en ligne.

Mme Mama Fatima Singhateh a expliqué que l’utilisation abusive de la technologie pour harceler sexuellement, prendre et partager des images et des vidéos non consensuelles, ou générer et diffuser des contenus d’abus sexuels sur des enfants, est exacerbée par les technologies émergentes telles que les « deepfakes », la nudification, le vieillissement, l’intelligence artificielle, le partage de fichiers peer-to-peer intégré et le clonage vocal.

Autre source d’inquiétude: l’augmentation rapide des comptes de « kidfluencing » et de « sharenting » où des parents et des tuteurs produisent des images suggestives d’enfants à des fins commerciales dans l’espoir d’obtenir des offres de publireportages et de publicités privées.  « Cette pratique soulève la question de savoir combien d’images d’enfants provenant de comptes courants sont collectées par des criminels pour créer des contenus pédopornographiques », a indiqué Mme Singhateh.

La persistance du mariage d’enfants

De son côté, le Conseiller spécial pour les droits de l’enfant de l'UNICEF, a attiré l’attention sur la persistance du mariage d’enfants, précisant que si on ne redouble par d’efforts, il faudra encore 300 ans pour éliminer cette pratique et 9 millions de filles se marieront encore dans leur enfance en 2030.

En outre, si les progrès sont réels, ils restent néanmoins inégaux selon les régions et ont principalement profité aux adolescentes des quintiles les plus riches, ce qui souligne la nécessité de redoubler d’efforts pour atteindre les filles les plus pauvres, les moins instruites, et les plus vulnérables ainsi que celles qui vivent dans les zones rurales. 

Le Comité des droits de l’enfant face au manque de ressources

Au préalable, la Présidente du Comité des droits de l’enfant a présenté le rapport d’activités de l’organe qui, a-t-elle indiqué, prépare une nouvelle observation générale sur le droit des enfants d’accéder à la justice.  Elle a également signalé que le rythme de ratification des Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant continue d’être lent avec seulement deux nouvelles ratifications du premier au cours de l’année écoulée.

De même, elle a insisté sur l’importance, pour le Comité, d’être doté de ressources adéquates pour pouvoir traiter ces communications dans les meilleurs délais.  « Une justice différée pour les enfants est une justice refusée », a-t-elle lancé.

La Troisième Commission poursuivra ses travaux lundi 14 octobre, à partir de 10 heures. 

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