Session de 2024,
277e et 278e séances plénières – matin & après-midi
AG/PK/248

Le Comité spécial des opérations de maintien de la paix débute sa session de 2024, placée sous le signe de l’adaptation à un paysage changeant

Le Comité spécial des opérations de maintien de la paix, organe subsidiaire de l’Assemblée générale également connu sous le nom de Comité des 34, a entamé, aujourd’hui, sa session de fond de 2024, qui se prolongera jusqu’au 15 mars. À cette occasion, le débat général a donné le ton des travaux à venir en se concentrant sur l’adaptation des missions de paix à des défis émergents, tels que les menaces régionales, les effets des changements climatiques, la désinformation, la présence accrue d’acteurs non étatiques, la diminution du soutien des pays et des communautés hôtes et le manque de capacités, facteur d’insécurité pour le personnel sur le terrain. 

Absent pour cause de déplacement au Soudan du Sud, M. Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, était représenté par M. Alexandre Zouev, Sous-Secrétaire général à l’état de droit et des institutions chargées de la sécurité, pour qui cette session est d’abord une occasion d’aborder les risques changeants auxquels sont confrontées les opérations de paix afin de les adapter au monde d’aujourd’hui.  Il s’agit donc, selon lui, de faire progresser les engagements de l’initiative Action pour le maintien de la paix, ainsi que la stratégie de mise en œuvre contenue dans l’initiative « Action pour le maintien de la paix Plus ». 

« Le moment présent exige que nous réfléchissions sérieusement à la trajectoire future du maintien de la paix », a abondé le Président de l’Assemblée générale, en écho aux préoccupations exprimées par le Secrétaire général dans son Nouvel Agenda pour la paix.  Pour M. Dennis Francis, le paysage changeant du maintien de la paix, marqué par des tensions géopolitiques, l’escalade des conflits et l’émergence rapide de nouveaux défis, impose de parvenir à une réponse globale pour garantir la paix et la sécurité internationales. 

Rappelant l’élément humain du maintien de la paix, à savoir les 78 677 membres du personnel, leurs familles et les millions de personnes qu’ils protègent et servent dans le monde, M. Francis a invité les États Membres à procéder à un « examen complet de l’ensemble de la question des opérations de maintien de la paix sous tous leurs aspects », en mettant de côté leurs divergences pour se concentrer sur la recherche d’un consensus.

Au cours de la discussion générale qui a suivi, les délégations ont mis l’accent sur l’évolution géopolitique du monde et la nécessité de doter les soldats de la paix de moyens adaptés à leur mission de plus en plus complexe.  « Face aux changements climatiques, aux pandémies, aux menaces cybernétiques et aux guerres asymétriques, nous devons faire évoluer nos capacités et stratégies pour relever ces défis de manière efficace », a résumé le Guyana, appuyé par le Pakistan, selon lequel les missions doivent pouvoir disposer de capacités modernes, en particulier de drones, de radars et de systèmes d’alerte précoce, dans l’accomplissement de leur mandat. 

Au nom du Mouvement des pays non alignés, dont les membres fournissent 90% des personnels en tenue des opérations de paix, le Maroc a plaidé pour l’élaboration de mandats « clairs et réalistes », ainsi que pour l’octroi de ressources adéquates.  « Nous ne pouvons pas envisager plus d’opérations avec moins de ressources », a renchéri l’Indonésie au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), avant d’appeler les États Membres à régler leurs contributions mises en recouvrement. À ses yeux, un meilleur équipement et une formation plus large peuvent avoir un effet bénéfique sur la performance et la sécurité des différents personnels. 

À son tour, l’Union européenne a souligné l’importance de formations préalables et d’équipements adéquats pour relever les défis sur le terrain.  Toute solution viable visant à améliorer la sûreté et la sécurité des soldats de maintien de la paix doit être soutenue, y compris l’application accrue de solutions technologiques et une utilisation plus efficace du renseignement, a-t-elle affirmé, rejointe sur ce point par le Brésil, l’Égypte, la République dominicaine, la Thaïlande ou encore la République de Corée, cette dernière estimant qu’un recours plus intensif aux données et aux nouvelles technologies contribuerait à donner aux soldats de la paix une meilleure connaissance de la situation, tout en augmentant leur protection et une gestion des camps respectueuse de l’environnement.   

Plus réservée, Cuba a exprimé sa préoccupation face à un tel recours, plaidant pour une utilisation des nouvelles technologies au cas par cas, dans le plein respect des principes de la Charte des Nation Unies et du consentement du pays hôte. Si ces technologies peuvent compléter le travail des troupes sur le terrain, sans toutefois s’y substituer, il convient en premier lieu de définir les aspects juridiques, techniques, opérationnels et financiers liés à leur utilisation, a-t-elle fait valoir. 

La sûreté et la sécurité du personnel de maintien de la paix passent aussi par une lutte de tous les instants contre la mésinformation, la désinformation et les discours de haine qui les visent, ont soutenu des pays tels que le Maroc et la République de Moldova.  Pour contrer ces fléaux, l’Équateur a prôné une mise en œuvre effective de la nouvelle politique globale de communication stratégique pour les opérations de maintien de la paix, une position partagée par la Côte d’Ivoire.  Au nom du groupe des ambassadeurs francophones, la République démocratique du Congo (RDC) s’est, elle, faite l’avocate du multilinguisme au sein des missions de paix, y voyant un moyen d’améliorer les performances des opérations, tant en matière de dialogue avec les autorités locales et de protection des populations que de sécurité pour les personnels civils et en uniforme confrontés à des campagnes calomnieuses.

Plus largement, l’Afrique du Sud a condamné les violences dont sont victimes les soldats de la paix, en particulier ses contingents engagés au sein de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) et de la mission de la Communauté de l’Afrique de l’Est en RDC, appelant à des contre-mesures efficaces et à la traduction en justice des auteurs de ces crimes odieux.  La délégation sud-africaine a également réaffirmé son soutien à l’édification, au Siège de l’ONU, d’un mur en mémoire des Casques bleus tombés au combat, conformément à la résolution adoptée en juin dernier par l’Assemblée générale, sur proposition de l’Inde. 

La question de la santé mentale des membres des opérations de maintien de la paix a également été abordée, l’Uruguay insistant, au nom du groupe ABUM (Argentine, Brésil, Uruguay et Mexique) sur le nécessaire bien-être du personnel compte tenu des tensions inhérentes à leur mission.  Le Guatemala a invité les pays fournisseurs de contingents à s’associer au groupe de travail d’appui à la mise en œuvre de la stratégie de santé mentale pour le personnel en tenue de maintien de la paix présentée le 14 février dernier.  Il a souligné à cet égard l’importance des applications numériques lancées en direction des agents de paix travaillant dans des théâtres hostiles. 

Autre aspect essentiel de l’adaptation des missions, la participation pleine et entière des femmes aux processus de paix, y compris au maintien de la paix, a été appuyée par l’immense majorité des délégations.  Parlant au nom du groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), la Nouvelle-Zélande a souligné le rôle crucial que jouent les opérations de paix dans la promotion de l’égalité des sexes et du programme femmes et la paix et la sécurité, tandis qu’El Salvador appelait à soutenir davantage la stratégie 2018-2028 de parité entre les sexes pour le personnel en uniforme. De son côté, la République de Moldova s’est enorgueillie d’avoir dépassé l’objectif de 20% de femmes déployées dans les opérations de l’ONU, le Viet Nam s’engageant pour sa part à parvenir à cette proportion d’ici à 2025.

De manière connexe, le groupe CANZ a exprimé sa préoccupation face à la prévalence de l’exploitation et des abus sexuels dans les opérations de maintien de la paix, faisant état d’une augmentation de 20% en 2023 des allégations de telles violations dans les missions, un pourcentage selon lui « sous-évalué ».  Fort de ce constat repris par un grand nombre de pays, dont les États-Unis, il a appelé à la poursuite de la mise en œuvre de la politique de tolérance zéro du Secrétaire général, avec un accent sur la prévention, la responsabilité et le soutien aux droits des victimes.  S’engageant quant à elle à éliminer tout « comportement illicite » parmi ses contingents, l’Afrique du Sud a souhaité que cette responsabilisation se fasse en vertu du principe de procédure équitable et des cadre juridiques nationaux.

Soulignant la nécessité de respecter le principe d’appropriation nationale des États dans lesquels des missions de paix sont déployées, l’Argentine, qui participe à 8 des 11 opérations de maintien de la paix existantes, a regretté la fermeture de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), ordonnée en juin dernier par le Conseil de sécurité sur requête de Bamako, ainsi que le retrait de la MONUSCO, à la demande de la RDC.  Certains retraits prématurés font ressortir la nécessité d’un examen approfondi des objectifs de maintien de la paix en Afrique, a jugé l’Afrique du Sud, se disant favorable à ce que les mécanismes régionaux jouent un rôle plus important, notamment via le renforcement du partenariat entre l’ONU et l’Union africaine (UA). 

À cet égard, la Norvège s’est réjouie de l’adoption de la résolution 2719 (2023) du Conseil de sécurité sur le financement des opérations dirigées par l’UA, avant d’appeler à trouver le moyen d’assurer la prévisibilité des 25% de leur budget annuel non couverts par les contributions obligatoires de l’ONU.  Elle a plaidé pour la rationalisation des modalités de financement des opérations de paix afin de favoriser leur efficacité, depuis les envoyés spéciaux et les bureaux régionaux jusqu’aux opérations de paix multidimensionnelles. 

En début de séance, le Comité spécial a indiqué avoir été informé par le Nigéria de son intérêt à continuer de présider cet organe subsidiaire après le retrait de M. Tijjani Muhammad-Bande, Président ces six dernières sessions (2018-2023).  Le nom de son successeur sera annoncé par le biais d’une communication de suivi le nommant au poste de président du Comité spécial pour 2024.  Dans cette attente, le Comité spécial a reconduit par acclamation MM. Fabián Oddone (Argentine), Richard Arbeiter (Canada), Takayuki Iriya (Japon) et Mateusz Sakowicz (Pologne) aux postes de vice-présidents.  De même, M. Wael Eldahshan (Égypte) a également été réélu rapporteur. 

Comme le veut la pratique, un groupe de travail plénier présidé par M. Arbeiter a été créé pour examiner la teneur du mandat confié au Comité spécial. Il devra lui soumettre, pour examen, les recommandations à inclure dans le rapport du Comité à l’Assemblée générale.

 

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