Clôturant ses travaux, la Deuxième Commission adopte laborieusement un projet de coopération internationale en matière fiscale
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La Deuxième Commission a achevé, ce matin, ses travaux pour la soixante-dix-neuvième session de l’Assemblée générale en adoptant ses quatre derniers projets de résolution, sur 39 élaborés cet automne, dont l’un relatif à un projet de convention-cadre en matière de coopération fiscale internationale. Signe de l’importance du projet pour ses partisans, des applaudissements ont retenti dans la salle à l’annonce de son adoption.
Présenté par le Nigéria au nom du Groupe des États d’Afrique, le projet de résolution a été adopté par 125 voix pour, 9 contre (Argentine, Australie, Canada, États-Unis, Israël, Japon, Nouvelle-Zélande, République de Corée et Royaume-Uni) et 46 abstentions. Ce faisant, la Deuxième Commission a proposé à l’Assemblée générale d’avancer dans l’élaboration d’une future convention-cadre des Nations Unies sur la coopération internationale en matière fiscale. Plus précisément, d’adopter le mandat pour une telle convention, tel qu’il figure dans le rapportsur les travaux de la deuxième session du comité spécial chargé de le définir.
Pour les négociations, elle propose de créer un comité intergouvernemental de négociation à composition non limitée. Il serait chargé d’élaborer simultanément la convention-cadre et deux protocoles préliminaires. Les sessions du futur comité, en 2025, 2026 et 2027, se tiendraient à New York et dans d’autres lieux d’affectation, notamment à Nairobi, pour au moins trois sessions de fond annuelles.
Dès la présentation du projet par le Nigéria, la Hongrie, au nom de l’Union européenne (UE), demandait des éclaircissements au sujet d’un passage du paragraphe 6 ayant disparu sans consultations préalables. « Nous avons souhaité rationnaliser le libellé et éviter les redites », a répondu le Nigéria, tandis que la Hongrie affichait sa « déception » et demandait -sans succès- des mises aux voix pour modifier deux paragraphes.
Un projet adopté de haute lutte
Les déclarations ayant suivi l’adoption ont été nombreuses.
Les partisans du projet, groupés autour du Nigéria et du Groupe des États d’Afrique, ont loué la volonté d’établir un cadre équitable en matière de coopération fiscale.
Pour le Nigéria, le projet constitue un grand pas en avant pour corriger les déséquilibres systémiques, « bâtir un système fiscal fonctionnant pour toutes et tous », plus inclusif et durable. Il s’agit d’une bonne nouvelle pour les pays en développement, qui ont toujours souhaité un système plus équilibré pour relever les défis, ont commenté les Bahamas, tandis que la Colombie a parlé d’une « occasion à saisir » pour parvenir à une architecture plus légitime et cohérente.
La convention-cadre pourrait combler les lacunes entre pays développés et pays en développement, a-t-elle même espéré. L’idée est que tous les membres du Groupe des États d’Afrique, de celui des pays les moins avancés (PMA) ainsi que les pays africains soient davantage entendus dans l’élaboration de normes fiscales, et utilisent au mieux les revenus générés pour parvenir à leurs objectifs de développement, a espéré la République-Unie de Tanzanie.
Pour ses détracteurs en revanche, l’initiative ne fera pas advenir les modifications escomptées par les pays, « c’est même l’inverse qui pourrait arriver », ont prévenu les États-Unis.
Ce que de nombreuses délégations ont craint, comme la Suisse, si le projet est adopté tel quel, c’est que, faute de complémentarité avec d’autres travaux menés dans d’autres enceintes, le processus entraîne une architecture fiscale internationale « fragmentée » -comme l’ont exprimé Singapour, les États-Unis, la Suisse et l’UE- et préjudiciable aux pays en développement comme aux pays développés.
Après le vote, la Hongrie, au nom de l’UE, a critiqué le libellé, parlant de « manquements patents en matière de transparence et de justice ». Sa position de principe, bien connue, est d’assurer l’efficacité de l’approche de cette convention-cadre. Elle a fait valoir que la fiscalité est un sujet hautement important, qui exige une mise en œuvre à « l’échelon national ». Et c’est parce que la coopération fiscale internationale est cruciale que l’UE a fait preuve de beaucoup de compromis, a expliqué la délégation en disant espérer que le consensus prévaudrait l’an prochain.
Si le consensus ne prévaut pas pour se diriger vers une convention efficace qui serait mise en œuvre par le plus grand nombre, les membres de l’UE n’auront d’autre choix que de se retirer des négociations, a averti la délégation.
Avec le Royaume-Uni, les États-Unis ont critiqué un « libellé trop prescriptif » et émis des préoccupations quant aux incidences sur le budget-programme de l’ONU d’un tel projet, qu’ils évaluent à « près de 6 millions de dollars avec le recrutement de plus de 20 experts supplémentaires ». De plus, l’ONU n’a pas le savoir-faire nécessaire pour ce type de travail, qui fait doublon, selon eux.
Le Japon, la République de Corée, Israël et la Türkiye ont aussi regretté l’absence de consensus autour du mandat d’une éventuelle convention-cadre.
Trois autres projets adoptés par consensus, dont l’Examen quadriennal
Trois autres projets ont été adoptés par consensus dont celui chargé de « garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable » (A/C.2/79/L.34/Rev.1).
Dans ce texte, il est noté avec inquiétude le déclin continu des flux financiers internationaux à destination des pays en développement à l’appui d’une transition énergétique. L’Assemblée, en adoptant ce texte, exhorterait les gouvernements et les autres parties prenantes à prendre des mesures pour assurer un accès universel et accroître la part des énergies renouvelables.
En discutant du libellé, certains pays ont de nouveau exprimé des positions de principe déjà entendues cette semaine. La Hongrie, par exemple, a une fois de plus exprimé des réserves concernant l’approche suivie, qu’elle juge « déséquilibrée », en matière de groupes vulnérables. Selon elle, insister sur un seul groupe n’est pas efficace pour atteindre l’inclusivité. Elle a également souligné de nouveau l’importance de préserver la souveraineté des États dans la définition de leurs politiques migratoires. Quant aux États-Unis, ils ont une fois de plus précisé que les transferts de technologies mentionnés dans la résolution doivent se faire sur la base du volontariat et non par contrainte.
De même, des positions ont été exprimées à nouveau, au titre de déclarations d’ordre général, par l’Argentine et la Fédération de Russie, qui se sont distanciées des références au Pacte pour l’avenir adopté en septembre.
L’« Examen quadriennal complet des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies » (A/C.2/79/L.60) a aussi été adopté par consensus, après le rejet d’un amendement à l’issue d’un vote. Avec ce texte, l’Assemblée demanderait aux entités du système des Nations Unies pour le développement de revoir leurs contributions particulières à la mise en œuvre du Programme 2030 et de s’en inspirer lors de l’établissement de leurs plans stratégiques; d’aider les pays à appliquer l’Accord de Paris, ainsi qu’à exploiter les technologies numériques pour réaliser les objectifs de développement durable (ODD) et à réduire toutes les fractures numériques.
Si le consensus a prévalu, la déléguée australienne a regretté que le projet de résolution ait affaibli la question de l’autonomisation des femmes et des filles, et qu’elle ne reconnaisse toujours pas le droit à la santé sexuelle et procréative. Sur la même ligne, le Royaume-Uni a regretté l’affaiblissement du langage relatif à ces questions et préconisé l’intégration des problématiques climatiques dans tout le système des Nations Unies.
Tout en réaffirmant leur soutien à la réforme de l’ONU, les États-Unis ont défendu un mode de recrutement basé sur le mérite, estimant que la représentation géographique équitable n’est pas un critère pertinent.
Enfin, le Saint-Siège s’est dit déçu de certains aspects du processus de négociation, regrettant les tentatives constantes de certaines délégations de surcharger le texte de libellés qui ne font pas consensus.
Le mot de la fin du Président Muhith
« Nous sommes arrivés à la conclusion des travaux de la Commission. Le chemin parcouru depuis l’ouverture de la session, début octobre, a été intense », a commenté le Président de la Deuxième Commission, M. Muhammad Abdul Muhith à l’issue des travaux.
M. Muhith a résumé les jalons de cet automne. « Sur les questions macroéconomiques et financières, nous avons discuté de la fiscalité mondiale, des défis posés par la dette souveraine et du commerce international, et nous sommes parvenus à un accord sur le mandat d’un comité fiscal. Sur le développement durable, nous avons eu des discussions difficiles sur les changements climatiques et sur une série de 30 questions connexes, telles que le transport durable, l’énergie, la biodiversité et un large éventail d’autres questions environnementales. Nous avons débattu des stratégies de lutte contre la pauvreté et les inégalités dans le monde. Nous avons débattu des moyens de garantir l’alimentation et la nutrition pour tous. Et nous avons répondu aux profondes préoccupations de divers groupes de pays en situation particulière », s’est-il félicité.
En s’exprimant au nom du Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales Li Junhua, M. Navid Hanif, Sous-Secrétaire général chargé du développement économique, a encouragé à redoubler d’efforts collectivement pour mettre en œuvre le Programme 2030. Évoquant la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement, prévue en juin 2025 à Séville, et le deuxième Sommet social qui se déroulera également l’an prochain, M. Hanif y a vu deux occasions importantes de progresser vers la réalisation des ODD.
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