Soixante-dix-neuvième session,
22e séance plénière - matin
AG/EF/3611

La Deuxième Commission adopte trois projets de résolution sur le développement durable et l’ordre économique international

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Ce matin, la Deuxième Commission (questions économiques et financières) a adopté trois projets de résolution, dont deux à l’issue d’un vote.  Le développement durable, pilier des travaux de la Deuxième Commission et du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a fait l’objet de deux textes, parmi les premiers d’une longue série qui seront adoptés la semaine prochaine.  Le premier, consacré à l’entrepreneuriat, a été vivement critiqué, non pas en raison de son contenu, mais pour disqualifier son auteur principal, Israël.

Entrepreneuriat et développement durable

En début de séance, Israël a en effet présenté un projet de résolution intitulé « L’entrepreneuriat au service du développement durable » (A/C.2/79/L.10/Rev.1), qui a été adopté par 136 voix pour, 28 contre et 11 abstentions.  Ce texte insiste sur le rôle crucial que joue la création d’entreprises dans la concrétisation des trois dimensions (économique, sociale et environnementale) du développement durable.

Soulignant que l’entrepreneuriat permet d’offrir de nouveaux emplois, de réduire les inégalités et de créer des débouchés pour tous, notamment les femmes et les jeunes, les personnes handicapées, les personnes âgées, les peuples autochtones et les personnes en situation de vulnérabilité, l’Assemblée générale encouragerait les gouvernements, en adoptant ce texte, à promouvoir la création d’entreprises.

Lors de sa présentation, le délégué d’Israël a demandé aux délégations de ne pas politiser ce projet de résolution et de s’attacher à son contenu, non à son porte-plume.

De fait, le Liban a expliqué avoir demandé un vote sur ce texte, au nom du Groupe des États arabes, parce qu’il s’oppose non pas au contenu du projet de résolution, mais à son auteur principal, Israël.  Le Groupe a d’abord fait remarquer que la « Puissance occupante israélienne » n’a que faire des résolutions des Nations Unies.  Le délégué a aussi souligné le paradoxe de présenter une résolution abordant l’exploitation du potentiel économique de chaque pays alors qu’Israël continue de détruire celui de l’économie palestinienne, notamment son agriculture.

Au Liban également, « l’agression israélienne » depuis octobre 2023 a entraîné la destruction d’infrastructures et de secteurs clefs de l’économie.  Et en Syrie, les attaques israéliennes ont causé des dommages importants à des infrastructures de transport.  Le Groupe des États arabes a dès lors estimé qu’Israël n’est pas qualifié pour présenter un tel texte puisque, dans les faits, il s’oppose à ce qu’il préconise.

Après le vote, la déléguée de l’État de Palestine a remercié toutes les délégations qui ont décidé de ne pas souscrire à ce texte, parce qu’Israël n’a pas respecté la moindre résolution concernant le conflit israélo-palestinien et qu’il mène une « attaque génocidaire contre le peuple palestinien ».  Israël ne devrait plus être un État Membre des Nations Unies, a tranché la déléguée.

Alors qu’elle a coutume de s’abstenir sur ce sujet, l’Afrique du Sud a expliqué son vote contre, cette année, en raison de la situation à Gaza.  « Nous ne pouvons pas détourner le regard et prétendre que tout va bien. »

Pour sa part, la Fédération de Russie a relevé les efforts de la délégation israélienne pour parvenir à un texte de résolution acceptable.  Si la délégation a voté pour le texte, elle s’est dissociée du consensus sur l’alinéa 5 du préambule, estimant que la terminologie relative au Pacte pour l’avenir est floue.

Dans la même veine, l’Argentine, expliquant avoir « adopté une nouvelle politique », s’est dissociée du Pacte pour l’avenir et du Programme pour le développement durable à l’horizon 2030, ceux-ci étant non contraignants à son avis.  Elle a émis des réserves sur tous les paragraphes du projet de résolution qui y font référence, de même que sur tous les termes susceptibles d’écorner le principe de la propriété privée.

Parmi les pays ayant voté pour le projet de résolution, les États-Unis ont regretté que certaines délégations insistent sur la politisation de ce sujet.

L’Union européenne s’est félicitée que le texte s’appuie sur le Pacte pour l’avenir, ainsi que sur l’Accord de Paris et le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe.  La délégation a également souligné la nécessité de renforcer l’autonomisation des femmes par le biais de l’entrepreneuriat.

Petits États insulaires en développement

La Commission s’est ensuite penchée sur la situation des petits États insulaires en développement (PEID).  Elle a adopté par consensus le projet de résolution intitulé « Suivi et application des Modalités d’action accélérées des petits États insulaires en développement (Orientations de Samoa) et de la Stratégie de Maurice pour la poursuite de la mise en œuvre du Programme d’action pour le développement durable des petits États insulaires en développement » (A/C.2/79/L.41), présenté le 13 novembre par le Groupe des 77 et la Chine.  Le texte s’appuie sur le Programme d’Antigua-et-Barbuda adopté lors de la quatrième Conférence internationale sur les PEID, tenue en mai 2024, et appelle à sa mise en œuvre intégrale, rapide et effective.

En adoptant ce texte, l’Assemblée générale constaterait qu’il convient de prendre de toute urgence des mesures pour faire face aux effets néfastes des changements climatiques, qui présentent des risques considérables pour les PEID et constituent pour beaucoup d’entre eux le principal risque pesant sur leur survie et leur viabilité.

Elle appellerait à prendre d’urgence des mesures concrètes pour réduire la vulnérabilité des PEID et attendrait avec intérêt la mise en fonctionnement du Centre d’excellence pour le développement durable des PEID établi par le Gouvernement d’Antigua-et-Barbuda.  Par ailleurs, elle inviterait les États Membres à tirer parti de la Conférence des Nations Unies sur l’océan de 2025 pour renforcer les capacités des PEID en matière de conservation et d’utilisation durable des océans.

Si le projet de résolution a été adopté par consensus, plusieurs délégations ont toutefois émis des réserves et des critiques.

Remarquant qu’il s’agit de la première résolution de la Deuxième Commission depuis la quatrième Conférence internationale sur les PEID, la délégation du Samoa, au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), a tenu à rappeler que l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques ne doit pas remettre en cause l’existence et le statut d’État des PEID ni leur souveraineté ou leur adhésion aux Nations Unies.  Dans le futur, le groupe s’efforcera de clarifier le libellé à ce sujet.

Dans la même veine, la Nouvelle-Zélande, au nom du groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), a regretté que le libellé relatif à l’action climatique ait été largement vidé de sa substance et ne reflète pas les nécessités réelles des PEID. Observant un « manque de cohérence » du libellé relatif à leurs problèmes existentiels, le délégué a réitéré son soutien à l’Accord de Paris, à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), ainsi qu’à l’égalité de genre et à l’éducation.  « Les PEID sont les gardiens des océans », a-t-il formulé, ajoutant qu’un libellé « plus musclé » aurait été préférable et que la voix des PEID devrait davantage être entendue.

La France aurait également souhaité un libellé plus ambitieux sur le climat.  Elle a regretté qu’aucun consensus n’ait été trouvé sur la référence au « consensus de Dubaï » de la COP28, ou encore sur la référence à l’Accord de Paris.  La France a aussi appelé à une meilleure prise en compte de la vulnérabilité multidimensionnelle (environnementale, mais aussi économique et sociale) dans le financement du développement, ainsi que dans les instruments d’analyse de la dette, et a préconisé des clauses de suspension du service de la dette en cas de catastrophes climatiques.

Comme la France, l’Union européenne a regretté que le lien entre climat et sécurité ne figure pas dans le libellé.  Elle aurait aussi aimé que le texte salue le Sommet de l’avenir et le Pacte pour l’avenir et ses annexes, pourtant adoptés par consensus.

Rappelant la tenue prochaine (juin 2025), à Nice, de la troisième Conférence des Nations Unies sur l’océan, la délégation française a salué le paragraphe du texte qui appelle les États Membres à en tirer profit pour renforcer les capacités des PEID en matière de conservation et d’utilisation durables des océans.

Pour sa part, l’Argentine s’est dissociée de tous les paragraphes non conformes à la politique étrangère de son pays, aujourd’hui réorientée vers une politique de marché ouvert et d’exportations.  Comme après l’adoption du texte sur l’entrepreneuriat, le délégué a insisté sur le fait que l’Argentine ne se sent pas contrainte par les paragraphes relatifs au développement durable, au Pacte pour l’avenir et aux changements climatiques.  Ses réserves s’étendent aux paragraphes mentionnant la question du genre et à ceux contrevenant au respect du principe de la propriété privée.

Mondialisation et interdépendance 

En venant au sujet de la mondialisation et de l’interdépendance, la Deuxième Commission a adopté par 126 voix pour, 51 voix contre et 3 abstentions (Arménie, Tonga et Türkiye) le projet de résolution intitulé « Vers un nouvel ordre économique international » (A/C.2/79/L.30), présenté par le Groupe des 77 et la Chine le 13 novembre.

Comme dans sa dernière résolution sur le même sujet adoptée en 2022, l’Assemblée réaffirmerait, par ce texte, qu’il faut continuer de s’employer à instaurer un nouvel ordre économique international fondé sur les principes d’équité, d’égalité souveraine, d’interdépendance, d’intérêt commun, de coopération et de solidarité entre tous les États.  La mouture 2024 du texte souligne qu’il faut procéder de toute urgence à des réformes dans le système financier international pour régler les problèmes causés par la détérioration des finances publiques, les contraintes budgétaires, la dette, les risques pour la stabilité monétaire et financière et la pénurie d’investissements productifs et durables.

Autre nouveauté cette année, l’Assemblée constaterait avec préoccupation que le déficit de financement du commerce mondial, estimé à 2 500 milliards de dollars, a fortement augmenté ces dernières années.  Enfin, elle réaffirmerait la souveraineté permanente intégrale de chaque État sur ses ressources naturelles et sur toutes les activités économiques, et demanderait que la coopération internationale soit renforcée pour établir des chaînes de valeur des minéraux, entre autres ressources naturelles, aux fins de la diversification de l’économie, de la création de valeur à la source, de l’industrialisation et du développement durable.

La Hongrie, qui a demandé un vote sur ce texte au nom de l’Union européenne, a estimé que l’avant-projet n’était pas une bonne base de travail, notamment en ce qui concerne la gouvernance économique mondiale.  Elle a critiqué le nouveau libellé par rapport à la précédente résolution sur le même sujet.  Il est important, selon elle, d’avoir des « libellés constructifs », notamment sur la gouvernance économique mondiale et le Pacte pour l’avenir.  La délégation a réaffirmé l’engagement de l’UE à promouvoir des solutions multilatérales à des problèmes communs au niveau international.

Après le vote, les États-Unis ont indiqué s’être opposés au projet de résolution, comme à tous les textes qui cherchent à prescrire des actions pour des institutions indépendantes de l’ONU, comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale ou l’Organisation mondiale du commerce (OMC).  Le délégué a également jugé problématiques la mention des mesures unilatérales et l’appel au transfert de technologies non volontaire, ainsi que des « références inacceptables » à l’occupation étrangère.

La Deuxième Commission se prononcera sur d’autres projets de résolution lundi 25 novembre, à partir de 15 heures.

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