La Première Commission adopte les six projets de texte sur l’espace extra-atmosphérique et neuf projets de résolution sur les armes classiques
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La Première Commission (désarmement et sécurité internationale) a adopté aujourd’hui dans la division six projets de résolution et de décision relatifs aux aspects du désarmement dans l’espace extra-atmosphérique. Les votes ont vu s’affronter des projets de résolutions concurrents émanant de l’Occident et de la Russie. La Commission a également adopté neuf projets de résolution sur les armes classiques -un scrutin marqué notamment par les 19 votes séparés demandés sur le texte consacré aux systèmes d’armes létaux autonomes (SALA), toutefois adopté à une majorité écrasante.
Comme l’année dernière, les questions relatives à la prévention de la militarisation dans l’espace extra-atmosphérique ont mis en évidence deux blocs –l’un occidental, et l’autre principalement représenté par la Russie, mais aussi la Chine, l’Iran ou Cuba. Le premier met l’accent sur la promotion de normes, de règles et de principes de comportement responsable dans l’espace, tandis que le second préconise sans plus tarder le lancement de négociations pour un instrument juridiquement contraignant. D’autres délégations, non alignées, faisaient valoir la pertinence des deux approches.
La démarche occidentale était représentée par le projet « Réduire les menaces spatiales au moyen de normes, de règles et de principes de comportement responsable », adopté après un vote séparé par 166 voix pour, 8 contre, dont la Russie, l’Iran, la Chine, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et la Syrie, et 5 abstentions, dont l’Inde et le Pakistan.
Au terme de ce texte, qui réactualise la résolution 78/238 de l’Assemblée générale, celle-ci engagerait tous les États à examiner plus avant les normes, règles et principes de comportement responsable, concernant notamment la détérioration et la destruction volontaires de moyens spatiaux ou les menaces qui pèsent sur ces derniers. Elle engagerait également les États à se pencher sur le suivi et la vérification de l’application de ces normes, notamment à travers le renforcement des capacités ou la coopération, par exemple en mettant en place un mécanisme de coordination et de consultation interétatique.
Le Royaume-Uni s’est fait le principal porte-parole du projet, notant qu’il recueille depuis 2020 la préférence majoritaire au sein de l’Assemblée générale. Ce texte permet de sortir de l’impasse actuelle en se focalisant sur l’ensemble des menaces et en prenant en compte tous les points de vue, dont celui des organisations internationales, des universités et du secteur privé, a estimé le délégué. De même, il a assuré que le projet répond à la fois à l’appel lancé par le Groupe de travail à composition non limitée (GTCNL) créé par la résolution 76/231, ainsi qu’aux normes, règles et principes énoncés en 2023 avec la résolution 78/20 et la seconde session du GTCNL associé. Il a fait part des frustrations des États Membres, recueillies lors de consultations, à propos du nombre croissant de résolutions et des divisions grandissantes sur la question de l’espace extra-atmosphérique. Dans ce cadre, il a accusé certaines délégations, et notamment la Fédération de Russie, d’entraver l’approche basée sur des comportements responsables.
Parmi les opposants au texte, Cuba lui a reproché de ne pas reconnaître la menace de premier plan constituée par le placement d’armes en premier dans l’espace et le risque accru de militarisation. La déléguée a aussi jugé ambigus certains libellés, qui laisseraient entendre que l’emploi de la force dans l’espace n’est pas totalement exclu. Tout en se disant favorable aux mesures de confiance, la Chine a également souligné le caractère subjectif de la notion de comportement responsable, estimant qu’en l’absence de définition agréée, il ne peut y avoir de distinction nette entre comportements responsables et irresponsables. De même, son représentant a estimé que l’approche basée sur des comportements responsables ne permet pas d’éviter les politisations ou les violations du droit international. Quant à la République islamique d’Iran, elle a estimé qu’en l’absence de mention du domaine militaire dans le Traité sur l’espace extra-atmosphérique, il convient de déployer un instrument juridiquement contraignant. Son délégué a, de même, qualifié de « problématiques » les propositions alignées sur le travail « peu réussi » du GTCNL créé par la résolution.
D’autres États ont expliqué les raisons de leur abstention. L’Inde, se disant en faveur d’un instrument juridiquement contraignement, a reproché au texte de se focaliser sur certaines mesures plutôt que d’autres. Le Pakistan, rappelant sa participation aux travaux du premier GTCNL issu de la résolution, a jugé complémentaires les mesures de confiance et un instrument juridiquement contraignant. S’il s’est félicité que cette complémentarité soit reconnue dans le texte, il a déploré que le texte soit focalisé outre mesure sur les comportements et ignore la question centrale des capacités. Il a également fait part de ses craintes face à une politisation de la définition de comportement responsable.
La démarche du bloc opposé était représentée par deux projets de résolution: « Nouvelles mesures concrètes de prévention d’une course aux armements dans l’espace », adopté à l’issue de trois votes séparés, par 122 voix pour, 50 voix contre et 8 abstentions, et « Non-déploiement d’armes dans l’espace en premier », adopté après cinq votes séparés par 123 voix pour, 52 voix contre et 6 abstentions.
Au terme du premier texte, l’Assemblée générale prendrait des mesures d’urgence afin de, notamment, prévenir pour toujours le déploiement d’armes dans l’espace et la menace ou l’emploi de la force, et élaborerait rapidement des accords multilatéraux juridiquement contraignants dans ce but. Quant au second projet, il s’agit d’une réactualisation de la résolution 78/407, par laquelle l’Assemblée générale appuierait les efforts visant à mondialiser l’initiative internationale en faveur du non-déploiement d’armes de tout type dans l’espace en premier et engagerait tous les États à envisager la possibilité de prendre l’engagement politique de ne pas être les premiers à déployer des armes dans l’espace.
Autrice principale des deux projets, la Russie a plaidé pour la prise de mesures rapides devant ouvrir la voie à un instrument juridiquement contraignant de prévention de la course aux armements dans l’espace. Sa représentante s’est dite convaincue que la communauté internationale doit prendre de nouvelles mesures fortes. La Chine a expliqué son soutien du projet relatif au non-déploiement d’armes en premier, estimant qu’il pourrait contribuer au lancement de négociations à la Conférence du désarmement en vue de préparer un instrument juridiquement contraignant.
La Hongrie, au nom de l’Union européenne (UE), a annoncé l’opposition des États membres de l’UE aux deux projets de résolution russes, arguant qu’il faut privilégier une combinaison d’instruments juridiquement et non juridiquement contraignants, axés sur des régimes agréés de vérification.
La France, qui s’exprimait également au nom du Royaume-Uni et des États-Unis, a estimé que le texte ne définit pas ce qu’est une arme dans l’espace, notant que le caractère dual de nombreux systèmes spatiaux rend cette démarche difficile. Une telle ambiguïté pourrait servir de base à des affirmations fallacieuses selon lesquelles des satellites civils seraient des armes et justifier leur prise pour cible, s’est inquiétée sa représentante. En outre, elle a jugé difficile d’établir si un État est le premier à mettre une arme dans l’espace, ce qui impliquerait de juger les intentions des opérateurs, chose impossible en l’absence d’une compréhension commune de ce qui est menaçant ou ne l’est pas. Enfin, citant des rapports évoquant l’intention russe de placer une arme nucléaire dans l’espace, la représentante a émis des doutes sur la sincérité de sa rhétorique de non-placement en premier.
Évoquant le même argument, à savoir que le principal auteur du projet serait en train de renforcer ses capacités militaires dans l’espace, la Suisse a notifié son abstention tout en estimant important que l’on poursuive l’objectif d’un instrument juridiquement contraignant.
De son côté, le Japon a expliqué avoir voté contre le projet de résolution sur les « nouvelles mesures concrètes » car il ne tient pas compte de la nature duale des objets spatiaux et ne semble porter que sur les discussions de fond autour d’un instrument juridiquement contraignant.
Tous les textes ont finalement été adoptés du fait que de nombreuses autres délégations ont, à l’image de l’Égypte, choisi de voter en faveur des deux approches. Le délégué égyptien a expliqué que son pays s’engageait par principe à soutenir tout effort visant à prévenir une course aux armements dans l’espace.
Cette division avait jusqu’à présent entraîné une duplication des instances. Elle devrait disparaître si l’Assemblée générale confirme le vote du projet de décision « Groupe de travail à composition non limitée sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace sous tous ses aspects », adopté à l’issue de cinq votes séparés, par 168 voix pour, 2 contre, dont la Russie, et 9 abstentions.
Aux termes de ce projet, l’Assemblée générale déciderait en effet de convoquer, pour la période 2024-2028, un unique groupe de travail à composition non limitée (GTCNL) qui remplacera les deux groupes actuellement existant créés en application des résolutions 78/20 et 78/238 adoptées l’an dernier.
La Nouvelle-Zélande, qui a voté en faveur de ce projet, a souligné le rôle de celui-ci pour alléger le travail des délégations, plus particulièrement celles des petits États. C’est aussi le meilleur moyen de tenir compte des divergences, a estimé la représentante. Les États-Unis se sont également prononcés en faveur de ce texte, que son délégué a salué pour unifier les processus onusiens élargis de délibération sur la sécurité spatiale. S’opposer à ce texte, comme le fait la Russie, ne peut que suggérer une volonté de limiter le nombre de participants à un groupe unique de travail sur cette question importante, a-t-il ajouté.
L’Iran a salué les intentions des coauteurs du projet, avant d’expliquer son abstention par un renvoi dans le texte à la résolution de l’an passé sur la réduction de la menace par un « comportement responsable » jugé problématique. De même, la Chine, tout en saluant les efforts des coauteurs du texte, a noté qu’il ne répondait toujours pas à toutes ses questions, ce qui l’a amenée à s’abstenir.
« Armes classiques »: pas de nouveau texte et un projet longuement discuté… avant une adoption massive
La Première Commission s’est ensuite penchée sur les projets de résolution portant sur les armes « classiques ». Le projet le plus débattu de cette section, « Systèmes d’armes létaux autonomes » (SALA), a été adopté à l’issue de 19 votes séparés à la majorité écrasante de 161 voix pour, 3 voix contre (Bélarus, Fédération de Russie et RPDC) et 13 abstentions.
À travers cette réactualisation d’un projet introduit pour la première fois l’année dernière en Première Commission, l’Assemblée générale se féliciterait notamment du rapport du Secrétaire général, soumis en application de la version précédente du texte, dans lequel sont présentés les points de vue divers des États Membres et des États observateurs, des organisations internationales et régionales, du Comité international de la Croix-Rouge, de la société civile, de la communauté scientifique et des professionnels du secteur sur les SALA. Elle déciderait en outre d’organiser en 2025 des consultations informelles ouvertes pour favoriser le mandat du Groupe d’experts gouvernementaux et accroître la compréhension de la communauté internationale. L’Autriche, qui présentait le texte pour la seconde fois consécutive, a estimé que le soutien dont ce texte bénéficie montre qu’il existe déjà un large consensus quant à la nécessité de se prononcer d’urgence sur les SALA.
Si le projet de résolution « Traité sur le commerce des armes » (TCA) a été adopté sans opposition, par 154 voix pour, zéro contre et 24 abstentions et à l’issue de deux votes séparés, il a fait l’objet de plusieurs critiques des délégations. Au terme de ce texte, l’Assemblée générale, noterait qu’elle a invité les États Membres à adopter des législations lorsqu’il n’en existait pas déjà pour exercer un contrôle sur les transferts internationaux d’armes classiques afin qu’ils ne facilitent pas des violations du droit international, y compris le droit international humanitaire. Elle inviterait les États parties qui sont en mesure de le faire à offrir leur aide aux États demandeurs, en vue de promouvoir l’application et l’universalisation du Traité et préconiserait l’adoption d’autres mesures qui aideront les États à mieux prévenir et combattre le détournement d’armes classiques et de munitions.
L’Iran a estimé que le TCA présente de graves lacunes, notamment en permettant le transfert d’armes à un État qui agresse ou occupe une puissance étrangère. Par ailleurs, il a reproché au texte d’appeler les États non parties à accepter le Traité alors même que ce dernier n’a pas joui du consensus en raison de manquements substantiels et de la prise en compte insuffisante des opinions des États qui ont pris part aux négociations. Il a aussi estimé que des États parties commettent des violations majeures des dispositions du Traité, notamment en exportant des armes vers Israël. Cuba s’est faite l’écho de ces critiques, regrettant que le vote du texte ait été soumis de manière prématurée, avant l’aboutissement des négociations et en l’absence de consensus. Sa déléguée a dénoncé un traité biaisé en faveur des États exportateurs d’armes, lesquels ont établi ses paramètres selon un deux poids, deux mesures. Les principaux défenseurs de ce texte en tirent parti pour commettre un génocide en Palestine, a-t-elle estimé, dénonçant un traité flou et ambigu, qui ne saurait être efficace.
Les délégations ont aussi largement approuvé le projet de résolution sur la « mise en œuvre de la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction » auquel seule la Russie s’est opposée. Comme l’année dernière, Cuba a expliqué son abstention en raison de la politique hostile des États-Unis, qui rend l’usage de mines indispensable pour défendre son intégrité territoriale. Pour autant, sa déléguée a reconnu l’importance de la Convention et sa contribution au droit humanitaire international, assurant employer ces armes de manière responsable et à des fins uniquement défensives.
La Première Commission donnera demain, mercredi 6 novembre, la parole aux délégations pour les explications de vote après le vote concernant les projets de résolution relatifs aux armes classiques, avant de se prononcer sur les projets de texte relatifs aux « autres mesures de désarmement ».
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