Première Commission: les pays soulignent l’efficacité des mesures de désarmement régional
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Poursuivant son débat thématique, la Première Commission, chargée du désarmement et de la sécurité internationale, a traité aujourd’hui des questions de désarmement régional. Elle a, notamment, examiné les conditions de création d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, un projet datant d’une résolution de 1995 adoptée lors d’une conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).
Les 36 délégations ayant pris la parole se sont aussi penchées sur l’activité des centres régionaux des Nations Unies pour la paix et le désarmement, des outils de promotion du désarmement international déployés par le Bureau des affaires de désarmement en Afrique, en Amérique latine et en Asie-Pacifique. Le renforcement de la sécurité et de la coopération dans la région de la Méditerranée, mises à rude épreuve dans le contexte périlleux des conflits à Gaza et au Liban, a été évoqué, de même que l’invasion russe de l’Ukraine.
Au nom du Groupe des États arabes, la Mauritanie, a réaffirmé le plein soutien de ces pays à la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, appelant toutes les parties concernées à prendre des dispositions pratiques pour sa création. « Israël, seule partie de la région à ne pas l’avoir fait, doit adhérer sans délais au TNP, placer ses installations nucléaires sous le contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et participer à la Conférence sur la création de cette zone par le biais d’un instrument juridiquement contraignant », a exhorté le délégué. Par la voix de l’Indonésie, le Mouvement des pays non alignés a appuyé ces propos, ajoutant avec vigueur que le temps est venu pour les Occidentaux de cesser d’empêcher la mise en œuvre de la résolution de 1995. Pour la déléguée, ce blocage contrevient à la lettre des documents finaux consensuels adoptés à l’issue des Conférences d’examen du TNP de 2000 et de 2005.
L’Égypte, coautrice avec l’Iran de la résolution de 1995, a rappelé l’importance de l’Article VII du TNP, lequel souligne l’utilité de tout traité régional interétatique conclu dans le but d’instaurer de vastes zones sans armes nucléaires. Le représentant, qui a salué le rôle précieux du Kazakhstan en matière de coopération entre les zones existantes, a indiqué que sa délégation, avec celle du Brésil, a déposé un projet de résolution proposant que soit réalisée une étude exhaustive tirant tous les enseignements de l’application des traités ayant établi des zones exemptes d’armes nucléaires et du respect de leur protocole.
Toujours la question de la création au Moyen-Orient d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive
Par ailleurs, l’Égypte a souhaité plein succès à la Mauritanie, « pays ami qui présidera la Cinquième session de la Conférence sur la création au Moyen-Orient d'une zone exempte d'armes nucléaires et d'autres armes de destruction massive le mois prochain, au Siège, à New York ». À ce propos, le délégué mauritanien a haussé le ton pour condamner de nouveau la menace proférée par un ministre israélien d’utiliser l’arme atomique à Gaza. Qualifiant cette déclaration de folie et de choc, il a estimé qu’elle avait pour seule mérite de signifier, aujourd’hui plus que jamais, combien est urgent et vitale la création de cette zone. Le Koweït n’a pas été en reste, critiquant la « stratégie d’obstruction des travaux de la Conférence de la Puissance occupante israélienne ». Aussi a-t-il appelé tous les États Membres et observateurs de l’ONU à être « solidaires des États arabes dans leur quête d’un Moyen-Orient pacifié, débarrassé des armes de destruction massive », cela en participant de bonne foi aux travaux de la Conférence. De plus, selon l’Iraq, l’étude que demande le projet de résolution de l’Égypte devrait permettre, à terme, de faciliter le déroulement de ce processus.
Le Royaume-Uni a ensuite rappelé la position de son pays au sujet d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, l’élaboration de tout instrument juridiquement contraignant ne pouvant que découler d’accords librement consentis par tous les pays de la région.
Au-delà de la question d’une zone exempte d’armes nucléaires, la situation au Moyen-Orient dans son ensemble a été commentée. Les États-Unis ont rejeté la responsabilité de l’escalade du conflit dans la région sur l’Iran. « En soutenant une organisation terroriste armée et en attaquant avec des missiles balistiques Israël, Téhéran a déclenché, seule, l’escalade insensée du conflit à l’échelle régionale », a accusé leur représentant. Les États-Unis, qui aideront toujours Israël à exercer son droit de se défendre, estiment par ailleurs que la mort du dirigeant du Hamas, responsable de nombreuses souffrances parmi les civils de Gaza, doit permettre de parvenir à un cessez-le-feu, « ce qui est dans l’intérêt d’Israël, des Palestiniens et de tous les pays de la région ».
Face à la dégradation rapide de la situation dans la région, la France a, quant à elle, invoqué la nécessité d’un plein respect des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité relatives au Liban et à la situation humanitaire à Gaza. « La France réaffirme que seule une solution à deux États, conformément au droit international, peut apporter une paix juste et durable tant pour les Israéliens que pour les Palestiniens et garantir la stabilité de la région », a également déclaré la déléguée.
D’autre part, l’Algérie a présenté un projet de résolution sur le renforcement de la sécurité et de la coopération dans la région de la Méditerranée. Son représentant a salué la publication du soixante-dixième-neuvième rapport du Secrétaire général sur cette question soulevée de longue date par son pays. Le projet de résolution demande à tous les pays de la région d’adhérer aux instruments juridiques de désarmement et de non-prolifération, pour qu’y soient enfin créées les conditions nécessaires au renforcement de la paix et de la coopération. La Grèce, qui a indiqué avoir contribué au rapport du Secrétaire général, la stabilité en Méditerranée orientale étant d’une importance capitale pour elle, a appelé les pays à soutenir le projet de résolution de l’Algérie.
La Russie accusée de démanteler l’architecture de sécurité en Europe
Concernant l’Europe, c’est évidemment la situation en Ukraine qui a fait l’objet de toutes les attentions. Les États-Unis ont accusé la Fédération de Russie d’avoir violé plusieurs traités régionaux de désarmement et de s’être retirée d’autres, ce qui fait d’elle la source première et principale de l’état dégradé de l’architecture multilatérale en la matière. La République populaire démocratique de Corée (RPDC) et l’Iran emboîtent le pas de la Russie en lui fournissant de manière irresponsable des armes et des soldats pour sa guerre illégale d’agression en l’Ukraine, a dénoncé le délégué des États-Unis, qui a averti que ces agissements ne resteraient pas sans conséquences pour ces pays.
La guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine demeure un acte illégal et injustifiable, mené en violation flagrante du droit international, contraire aux principes de la Charte des Nations Unies, ont rappelé l’Union européenne puis plusieurs de ses États membres, dont le Portugal, la France et l’Estonie. « Les mensonges flagrants de la Russie et ses ambitions impériales et néocoloniales ont conduit à une réémergence dangereuse d’une mentalité que nous pensions tous restée dans les poubelles de l’histoire », a accusé l’Estonie.
En plus de ses conséquences déstabilisatrices à l’échelle globale, cette guerre fait peser un danger majeur sur la stabilité de la région européenne, a ajouté la représentante française. La France appelle la Fédération de Russie à agir « de manière conforme aux responsabilités internationales qu’elle prétend exercer et aux engagements qu’elle a pris devant la communauté internationale ». Sa représentante a rappelé que la Russie pouvait « choisir chaque jour de faire cesser son agression, sans préjudice pour sa propre sécurité ». En attendant, la France est déterminée à poursuivre son soutien à l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire et à rechercher un règlement du conflit conforme aux principes de la Charte des Nations Unies, « seule base possible d’une paix juste et durable ».
Rappel du rôle des Centre régionaux des Nations Unies pour la paix et le désarmement
Ce matin, la Cheffe du Service du désarmement régional, de l’information et de la sensibilisation du Bureau des affaires de désarmement, Mme Radha Day, a fait un rapide tour d’horizon des activités menées dans les trois Centres régionaux des Nations Unies pour la paix et le désarmement situés en Afrique, en Asie-Pacifique et en Amérique latine, et qu’elle dirige depuis Vienne, en Autriche. Mme Day a notamment salué l’importance des feuilles de route que son service a établies sur place avec les organisations régionales, pour aider en particulier les États à lutter contre la prolifération des armes à feu et de leurs munitions et à sensibiliser leur population, en particulier la jeunesse, aux enjeux du désarmement nucléaire. Elle a précisé que ces activités de promotion du désarmement au niveau mondial étaient organisées partout dans le monde depuis Vienne et ses antennes régionales. Mme Day s’est également félicitée du succès de la stratégie de facilitation d’accès aux bourses récemment mise en place par son service, le nombre d’usagers et bénéficiaires de ce programme ayant doublé en 2024 par rapport à 2022 et 2023. Ce programme a été mis en place en 1987 dans le but de promouvoir l’expertise en désarmement dans un plus grand nombre d’États, en particulier dans les pays en développement, a-t-elle rappelé, avant de préciser que le Service et les Centres œuvrent chaque jour à la promotion de la participation égale des femmes à la totalité de leurs travaux comme aux différents programmes de maitrises des armements de l’ONU. Enfin, rappelant que les Centres fonctionnent avec des ressources extrabudgétaires, elle a invité tous les États Membres à fournir des contributions volontaires pour leur permettre de s’acquitter de leur mandat et de renforcer leurs activités.
Les directrices et directeurs des différents Centres ont ensuite pris la parole pour rappeler, à l’instar de la responsable du Centre régional en Amérique latine et dans les Caraïbes, Mme Soledad Urruela, que la « pandémie de l’ombre » que constituent les violences sexuelles et sexistes, souvent commises avec des armes, était au cœur des préoccupations de l’antenne qu’elle dirige. Dans ces conditions, la réduction des flux illicites d’armes et la lutte contre les armes légères et de petit calibre (ALPC) reste une priorité des États de la région, comme le démontre les engagements pris au titre du Cadre mondial pour la gestion des munitions classiques tout au long de leur cycle de vie. Mme Urruela a relevé que le Centre examine des possibilités de financement destinés à accompagner au mieux le démarrage de ce dispositif sur le plan régional l’an prochain.
Le Directeur du Centre régional en Afrique, M. Anselme Yabouri, qui a indiqué travailler également sur ce dernier point, a cité l’intensification de la compétition pour des ressources rares et les changements climatiques comme facteurs aggravants de la criminalité armée. Dans ce contexte, son centre soutient les organisations régionales et sous-régionales dans la promotion du désarmement, a-t-il dit, mentionnant l’Union africaine, le Centre régional pour les ALPC dans la Corne de l’Afrique et la région des Grands Lacs.
De son côté, le Directeur du Centre régional en Asie-Pacifique, M. Deepayan Basu Ray, a rappelé que la région représente plus de 60% de l’humanité et compte 1,1 milliard de jeunes entre 18 et 25 ans, soit un vaste public à sensibiliser aux questions de désarmement. Il a insisté à cet égard sur l’importance de renforcer le dialogue dans cette région comptant nombre d’exportateurs d’armes tout en étant dépourvue d’un forum spécialisé qui réunirait tous les acteurs.
Enfin, le Népal, dont la capitale abrite le Centre régional pour la région Asie-Pacifique, a présenté son projet de résolution sur les centres, un texte qui engage les États Membres de chaque région, les ONG et les fondations internationales à leur verser des contributions volontaires pour qu’ils puissent mener davantage d’activités et d’initiatives
À l’issue du débat thématique sur le désarmement régional, plusieurs délégations ont exercé leur droit de réponse: Chine, Israël, RPDC, États-Unis, Mauritanie, Iran et République de Corée.
La Première Commission poursuivra son débat thématique, demain, mardi 29 octobre, à 11 h 30.
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