Soixante-dix-neuvième session
18e et 19e séances plénières – matin & après-midi
AG/DSI/3748

Première Commission: les pays soulignent l’importance d’une prise en compte des dimensions éthique et humanitaire de certaines armes classiques

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

La Première Commission (désarmement et de sécurité internationale) a achevé aujourd’hui sa discussion thématique sur les armes classiques après avoir entendu 84 interventions en deux jours.  Parce que ces armes classiques, considérées par beaucoup comme les véritables armes de destruction massive de notre temps, représentent un enjeu majeur de sécurité pour l’ensemble des régions du monde, qu’elles soient ou non touchées par des conflits, les délégations ont souligné qu’il n’existe pas de réponse unique pour en contrôler la circulation, l’usage, la destruction ou encore l’interdiction. 

C’est pourquoi, outre les traités déjà existant que la plupart appellent à pleinement appliquer et à universaliser, les États Membres prônent la prise de mesures spécifiques dans le cadre des processus multilatéraux en cours, à travers notamment divers projets de résolution.  Si la communauté internationale doit renforcer concrètement la paix et la sécurité internationales par ces moyens, il convient notamment de prendre en compte, sur les plans éthique et humanitaire, les préoccupations de sécurité de tous dans un contexte de conflit et de développement rapide des hautes technologies militaires, a-t-il été dit. 

Ainsi, plusieurs pays, dont la France, ont salué la création d’un groupe d’experts techniques à composition non limitée visant à assurer la mise en œuvre du Programme d’action de l’ONU relatif aux armes légères, « à l’heure des progrès préoccupants réalisés dans la fabrication, la technologie et la conception de ces armes », certaines pouvant déjà être produites par impression 3D.  Concernant la question connexe des munitions, la Commission devrait adopter dans les prochains jours un projet de résolution franco-allemand actualisant la mise en œuvre du cadre global sur la gestion des munitions afin d’empêcher leur détournement vers les marchés illicites. 

Systèmes d’armes létaux autonomes: À étudier dans le cadre de la Convention sur certaines armes classiques

Comme la veille, les pays ont exprimé leur satisfaction vis-à-vis du renouvellement, dans le cadre de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC), du mandat du Groupe d’experts gouvernementaux sur les systèmes d’armes létaux autonomes (SALA) pour la période 2024-2026. 

À cet égard, la Commission a noté que le Groupe était parvenu à tenir des discussions approfondies et fructueuses sur la caractérisation des SALA, l’application du droit international humanitaire et les mesures de d’atténuation des risques.  La Norvège et l’Autriche, comme le Zimbabwe, l’Afrique du Sud ou encore la Sierra Leone, ont toutefois mis en garde contre le lancement de discussions parallèles sur les SALA, qui risqueraient de fragiliser le travail du Groupe, la fragmentation des discussions nuisant souvent aux efforts multilatéraux pour faire progresser toute régulation internationale.  En raison du caractère inclusif du Groupe, les pays qui le soutiennent ont appelé les États voulant y participer activement à adhérer à la Convention. 

Par ailleurs, l’Autriche a déploré le retrait de la Lituanie de la Convention sur les armes à sous-munitions, appelant cette dernière à revenir sur sa décision.  L’Irlande, qui a rappelé la « portée humanitaire incontestable » de la Convention, s’est jointe à cet appel, l’Iraq soulignant son rôle crucial pour les pays touchés en matière de soutien à la réinsertion sociale et économique des victimes. 

Dans son intervention, le représentant lituanien a d’abord déclaré que son pays, qui fut l’un des premiers à signer la Convention à Oslo, en 2008, est tout à fait conscient de l’importance des dispositions humanitaires des traités.  Devenir partie à la Convention comme nous l’avons fait en 2011, compte tenu du contexte régional et du fait, toujours d’actualité, qu’aucun des pays qui partagent une frontière terrestre avec la Lituanie n’a adhéré à cet instrument, représentait déjà une restriction de notre légitime défense, a-t-il avancé.  Il a justifié le retrait de la Convention de son pays par la dégradation de la sécurité régionale, qui a obligé son gouvernement à « explorer tous les moyens possibles de renforcer sa posture de dissuasion et de défense ».  Le délégué a assuré ses homologues qu’en dépit de cette décision « difficile », la Lituanie reste pleinement déterminée à respecter le droit international humanitaire, en particulier « en tant que partie aux Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels ». 

Intelligence artificielle dans les armes: inévitable et à responsabiliser

S’agissant des technologies basées sur l’intelligence artificielle (IA), la République de Corée, comme hier les Pays-Bas, a jugé inévitable leur développement dans les systèmes d’armes.  Dès lors, les délégations ont encouragé une utilisation de défense de l’IA responsable et respectueuse du droit international.  République de Corée et Pays-Bas sont les principaux coauteurs d’un projet de résolution préconisant une meilleure compréhension collective des implications de l’IA dans le contexte militaire. 

Revenant sur les SALA, le Mexique a jugé inquiétant que des algorithmes puissent décider de la vie des gens, et essentiel de maintenir un contrôle humain sur tout usage éventuel de la force.  Faisant sien l’appel du Secrétaire général à adopter un instrument juridiquement contraignant sur ces systèmes d’armes, le délégué mexicain a appelé les États Membres à soutenir le projet de résolution présenté en ce sens.  Le Saint-Siège a aussi entendu l’appel du Secrétaire général. 

La Chine, quant à elle, s’est également prononcée en faveur de la négociation d’un tel instrument, « uniquement au sein de la Convention sur certaines armes classiques ». 

Les considérations humanitaires en regard des crises au Moyen-Orient, en Afrique et en Ukraine ont été au centre de nombreuses déclarations.  Pays développés et en développement ont déploré que l’emploi d’armes explosives dans des zones peuplées provoque d’énormes souffrances et des dommages considérables pour les civils.  Lorsque les guerres se propagent dans les zones urbaines, les civils ont peu d’endroits où se cacher et les effets directs et indirects durent des décennies, voire des vies entières, a ainsi relevé le représentant de la Norvège, qui a cité comme exemples actuels les situations à Gaza, au Soudan et en Ukraine. 

Dans ce contexte, la Norvège considère que la Déclaration politique sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires découlant de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées est absolument essentielle.  Elle a en outre indiqué que la tenue de la première Conférence de suivi de la Déclaration, à Oslo, il y a six mois, a fourni une feuille de route pertinente et réaffirmé la volonté des États de traduire leurs engagements en actions concrètes. 

Appels à universaliser la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel

Alors que se profile la cinquième Conférence d’examen de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, qui aura lieu le mois prochain, à Siem Reap, au Cambodge, les pays contaminés ont appelé à l’universalisation de cet instrument, lequel ambitionne la réalisation d’un monde exempt de mines à l’horizon 2025. 

L’Égypte a rappelé que les États qui sont les premiers responsables de l’implantation de mines terrestres hors de leur territoire doivent coopérer avec les pays affectés par le biais d’échanges d’informations, d’une assistance technique soutenue pour le déminage, de la prise en charge des coûts de déminage et d’indemnisation pour les pertes causées par les mines posées.  L’Égypte étant l’un des pays qui a été gravement touché par ce fléau, son représentant a indiqué que son pays respecte, depuis les années 1980, un moratoire sur la production et l’exportation de mines terrestres antipersonnel. 

L’Ukraine a déclaré que l’agression de la Russie a conduit au fait qu’environ un quart du territoire du pays, soit environ 140 000 kilomètres carrés, est potentiellement contaminé par des mines et des explosifs de guerre.  Notant, qu’à ce jour, les démineurs ukrainiens ont dépollué 35 000 kilomètres carrés, le représentant a déclaré que le Gouvernement ukrainien estime qu’il faudra poursuivre sa stratégie nationale de lutte contre les mines jusqu’en 2033.  Il a salué l’engagement pris par les partenaires internationaux de l’Ukraine lors de la Conférence de Lausanne, tenue la semaine dernière, de tout faire pour que son pays soit débarrassé des mines à cet horizon de temps. 

L’Australie, après avoir souligné l’intensité de ses activités d’assistance au déminage dans toute la région Indopacifique, a invité les États Membres à appuyer, lors de la phase d’adoption de la Commission, son projet de résolution intitulée « Contrer la menace posée par les engins explosifs improvisés ». Sur cette question de la coopération antimines, le représentant de la Chine a rappelé que lors du récent Sommet de Beijing du Forum sur la coopération sino-africaine, son président a annoncé des mesures pour « débarrasser l’Afrique de ce fléau ». 

De son côté, le Viet Nam, qui a affirmé que les restes explosifs de guerre menacent encore le développement durable des communautés du pays, a remercié de leur « soutien inestimable » ses partenaires internationaux dans la lutte multidécennale contre les mines. 

En ce qui concerne le Traité sur le commerce des armes (TCA), le Royaume-Uni a rappelé, aux nombreux pays qui demandent aux principaux États exportateurs de renforcer leur engagement en matière de contrôle, qu’il avait présenté, en août dernier à Genève, la Déclaration politique pour la prochaine décennie du Traité.  Cette déclaration, qui a été approuvée par plus de 70 États lors de la dixième Conférence des États parties, reconnaît l’importance du TCA depuis son entrée en vigueur et se propose d’être une plateforme pour renforcer encore sa mise en œuvre au cours de la prochaine décennie, a-t-il dit.  Les États-Unis, premier exportateur d’armes au monde et qui n’ont pas ratifié le Traité, ont tenu à rappeler qu’ils sont le principal soutien aux activités de destruction des armes classiques de l’ONU, un effort auquel, a rappelé le représentant, ils ont consacré plus de 5 milliards de dollars depuis 1993. 

Des pays qui entretiennent des relations tendues ont pris la parole.  Le Pakistan, a accusé « un État d’Asie du Sud » qui, avec les quantités d’armes de pointe déstabilisatrices qu’il reçoit et accumule, s’arroge le droit de mener des politiques hostiles à l’égard de ses voisins, défiant plusieurs résolutions du Conseil de sécurité.  Dans ce contexte, le Pakistan œuvre à l’établissement d’un régime de retenue stratégique dans la région, visant l’équilibre des forces conventionnelles, a assuré son représentant, qui a ajouté que son pays ne souhaite pas et ne participe pas à une course aux armements dans la région, comme en témoignent les projets de résolution qu’il propose depuis des années à la Première Commission.  L’Inde s’est contentée de souligner la nécessité de disposer d’armes classiques pour sécuriser ses zones frontalières les plus vastes et parer ainsi la menace terroriste. 

Le représentant du Soudan n’a, lui, pas hésité à accuser nommément les Émirats arabes unis de livrer armes, munitions et véhicules militaires à la « rébellion ».  Il a vu dans de telles actions, à l’origine de la mort de « 150 000 civils », des violations claires de la Charte et de la résolution 1591 du Conseil de sécurité sur le Darfour.  Aussi a-t-il souhaité l’instauration de mesures capables d’empêcher des États de livrer des armes classiques à des groupes terroristes et autres milices.  Il a toutefois insisté, après beaucoup d’autres, sur le droit des États de disposer d’armes classiques pour répondre à leurs besoins en matière de sécurité et exercer leur droit à la légitime défense. 

Enfin, L’Azerbaïdjan a accusé l’Arménie, d’avoir sapé le régime de maîtrise des armes classiques dans la région, évoquant en guise de preuve la confiscation par son pays d’armements des forces armées arméniennes, déployés par ces dernières dans le Haut-Karabagh.  Ces arsenaux démontrent l’ampleur de la militarisation de la région par l’Arménie, qui ne s’acquitte pas de ses obligations en matière de maîtrise des armements, a affirmé le représentant. 

À l’issue du débat thématique sur les armes classiques, les délégations de la République populaire démocratique de Corée, de la Lituanie, des Émirats Arabes Unis, de l’Iran, de la République de Corée et du Soudan ont exercé leur droit de réponse. 

En toute fin de séance, la Première Commission a commencé l’examen du chapitre suivant de son débat thématique, consacré aux « autres mesures de désarmement », qui fera l’objet des deux séances de la Commission demain, vendredi 25 octobre.  Les deux interventions présentées aujourd’hui dans ce cadre, par l’Indonésie au nom du Mouvement des pays non alignés (MNA) et par l’Union européenne, seront présentées dans le communiqué du vendredi 25. 

La Première Commission se réunira donc demain, vendredi 25 octobre, à 10 heures.  Elle entendra en début de séance un exposé du Président du groupe de travail à composition non limitée sur la sécurité du numérique et de son utilisation (2021-2025). 

NOUVEAU - Suivez la couverture des réunions en direct sur notre LIVE

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.