En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-neuvième session
15e et 16e séances plénières – matin & après-midi
AG/DSI/3746

Première Commission: les armes de destruction massive au cœur des débats

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Après avoir achevé son débat sur les armes nucléaires, la Première Commission (désarmement et sécurité internationale) s’est penchée, aujourd’hui, sur les « autres armes de destruction massive », soit essentiellement les armes chimiques et les armes biologiques ou à toxine. 

À la Russie, qui a demandé une révision des attributions du Mécanisme permettant au Secrétaire général d’enquêter sur les allégations d’emploi d’armes chimiques et biologiques, les Occidentaux et l’Ukraine ont répondu en l’accusant d’utiliser des agents chimiques contre des soldats ukrainiens et de propager de fausses informations susceptibles de saper la Convention sur les armes biologiques. L’Union européenne (UE) a appelé la Syrie à détruire ses stocks d’armes chimiques non déclarées, les États-Unis qualifiant l’existence, en 2024, de ces stocks, de menace constante à la sécurité internationale. 

Renforcer le Mécanisme de contrôle du Secrétaire général

La Russie, au nom d’un groupe de pays, dont la Chine, la Syrie et l’Iran, a demandé, comme elle le fait au Conseil de sécurité, qu’il soit tenu compte des progrès réalisés dans le domaine de la science et des technologies depuis la mise en place du Mécanisme permettant au Secrétaire général d’enquêter sur les allégations d’emploi d’armes chimiques et biologiques.  De plus, la situation relative aux régimes de la Convention sur les armes chimiques (CIAC), de la Convention sur les armes biologiques (CIABT) et du Protocole de Genève de 1925 a changé depuis la création de ce mécanisme en 1987 « et l’approbation de ses directives et procédures techniques en 1990 ».  La Russie a ainsi demandé au Secrétaire général de l’ONU d’organiser un processus de « révision » des directives et procédures du Mécanisme actuellement en vigueur. 

L’Allemagne, qui a apporté son plein soutien au Mécanisme auquel elle contribue de manière importante par des modules de formation des experts désignés et le développement des laboratoires d’analyse, a rejeté la proposition russe. Elle a dit y voir une tentative « à peine voilée de réviser ce mécanisme dans le but véritable de l’affaiblir par le biais d’un éventuel veto russe au Conseil de sécurité ».  La France a elle aussi réitéré son soutien au Mécanisme et salué, le rôle de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), qui a eu l’immense mérite de démontrer que le régime syrien a brisé « le tabou des armes chimiques ».  De même, l’Espagne a salué les grands accomplissements de l’OIAC en matière de non-prolifération des armes chimiques, évoquant notamment la fin d’une ère, en 2023, avec la destruction de tous les arsenaux déclarés 

 Après avoir assuré la Commission que la France reste mobilisée, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, dans la lutte contre l’impunité de ceux qui recourent à ces armes inhumaines que sont les armes chimiques et biologiques, la représentante a indiqué que sa délégation et celle de l’Allemagne présenteraient un projet de résolution visant à empêcher que des organisations terroristes aient accès à des agents radioactifs. 

Le Pakistan a toutefois estimé qu’il ne s’agit pas seulement de démanteler des arsenaux physiques, mais aussi de cultiver une mentalité de retenue, de responsabilité et de respect pour la vie. Son représentant a dit partager ses préoccupations face à l’accélération des progrès des sciences biologiques et chimiques, qui menacent d’éroder les normes durement acquises dans le cadre de la CIAC et de la CIABT.  Il a préconisé un équilibre délicat entre la prévention des mauvaises utilisations des technologies émergentes et la jouissance par les États des bénéfices de leurs applications pacifiques, ce qui passe par la coopération et la confiance. Il a souligné dans ce cadre le rôle crucial du comité consultatif scientifique de la CIAC et a préconisé la création d’un mécanisme scientifique et technologique pour la CIABT. 

Saluant le Mécanisme du Secrétaire général comme un outil adapté pour enquêter sur les usages allégués d’armes biologiques ou chimiques, il a toutefois jugé que les mesures de confiance ne peuvent remplacer un mécanisme global juridiquement contraignant reposant sur la conformité.

Armes chimiques: la Syrie toujours mise en cause

L’UE a réitéré ses accusations d’une utilisation d’armes chimiques par la Syrie alors même qu’elle est partie à la CIAC, exhortant ensuite ce pays à détruire « tous ses stocks » et à se tenir prêt à rendre des comptes.  Après avoir rappelé que l’emploi d’armes chimiques représente toujours une menace à la paix et à la sécurité internationales, l’UE a fait part de la préoccupation de ses membres face à l’utilisation par la Russie d’agents chimiques sur le théâtre ukrainien.  Enfin, elle a assuré l’OIAC de son plein soutien, notamment contre les mises en cause de son indépendance qui ne visent rien d’autre qu’à saper sa crédibilité. 

Israël, qui n’est partie ni à la CIAC, ni à la CIABT, a fustigé les États qui semblent adhérer aux conventions sur les armes de destruction massive (ADM) pour mieux pouvoir les violer.  La Syrie, par exemple, est allée jusqu’à retourner ses armes chimiques contre son propre peuple, a accusé sa déléguée.  Celle-ci a appelé à la mise en place d’une enquête sur les activités militaires chimiques de la Syrie pour empêcher toute érosion de la norme sur ces armes « inhumaines » et afin d’éviter que le Moyen-Orient ne soit de nouveau meurtri par leur emploi par le régime criminel syrien.  Le Conseil de sécurité doit aussi veiller à ce que l’Iran, qui fournit des agents chimiques « militarisables » à ses différents bras armés, respecte ses obligations internationales en vertu de la résolution 1540, a-t-elle dit.

Si la Fédération de Russie, invoquant ses ressources humaines insuffisantes en raison de la non-attribution de visas par les États-Unis, n’a pas fait de déclaration orale sur les armes nucléaires, la Chine a appelé de ses vœux une application « équilibrée » de la CIAC, estimant qu’il faut lui octroyer suffisamment de moyens pour la supervision et la vérification des armes chimiques, notamment celles abandonnées par le Japon sur son territoire à la fin de la Seconde Guerre mondiale. 

Pour sa part, la Mauritanie, au nom du Groupe des États arabes, a déclaré qu’Israël, au lieu de semer la terreur au Moyen-Orient, ferait mieux d’adhérer à ces traités d’interdiction des armes de destruction massive, « comme il est de son devoir de participer aux sessions de la Conférence sur la création au Moyen-Orient d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive ». 

Les États-Unis ont constaté que, cette année encore, la Commission est forcée de reconnaître que la sécurité internationale est ébranlée par l’existence d’armes chimiques non déclarées de la Syrie et l’utilisation d’agents chimiques par la Russie contre des soldats ukrainiens.  Le représentant a, de plus, appelé au renforcement de la norme prohibant le développement et l’emploi d’armes biologiques, les pays irresponsables qui agissent en ce sens étant les mêmes qui diffusent de fausses informations sur les États-Unis et l’Ukraine dans les enceintes internationales.  Enfin, il a indiqué que son pays présentera dans les prochains jours la version 2024 du projet de résolution sur l’interdiction des armes radiologiques déposé l’an dernier pour la première fois par sa délégation.  La France a indiqué qu’elle soutient la proposition du texte américain d’ouvrir la discussion sur ces armes à la Conférence du désarmement. 

De son côté, le Canada a accusé la Russie de répondre par des mensonges concernant l’emploi de produits chimiques potentiellement mortels en Ukraine.  Cette attitude met en péril les Conventions sur les armes chimiques et sur les armes biologiques, a déploré son représentant. Il a fait remarquer que son pays mène une initiative de lutte contre la désinformation dans les domaines chimique, biologique, radiologique et nucléaire, mise en œuvre au nom des 31 membres du partenariat mondial dirigé par le G7.

Appels au renforcement de la Convention sur les armes biologiques

Sur les armes biologiques, la Nouvelle-Zélande a salué la décision prise au cours de la neuvième Conférence d’examen de la Convention sur ces armes de créer un groupe de travail sur le renforcement de cet instrument.  L’Espagne, qui s’est félicitée de la récente adhésion des Tuvalu à la Convention, désormais presque universelle, a lancé un appel pour que la prochaine conférence d’examen de la Convention élabore des outils de vérification plus robustes.  La Chine a elle aussi préconisé la mise en place de mécanismes de vérification de la CIABT, estimant qu’il s’agissait du moyen le plus efficace d’en assurer le respect.  Elle a exhorté les pays à ne pas faire obstacle à la mise en place de ce régime.  En revanche, elle a réaffirmé son opposition à la création d’une organisation internationale consacrée à la biosécurité. 

La Suisse a suggéré une conférence spéciale de la CIABT, en 2025, qui verra à la fois le centenaire du Protocole de Genève de 1925 interdisant l’usage de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et le cinquantième anniversaire de l’entrée en vigueur de la CIABT.  Son représentant y a vu l’occasion d’établir deux mécanismes dédiés respectivement à l’examen des innovations scientifiques et technologiques, et à la coopération et l’assistance internationales. 

L’Ukraine a rejeté les allégations de la Russie concernant le développement d’armes biologiques par les États-Unis sur le territoire ukrainien, estimant qu’elles ne visent qu’à détourner l’attention de l’agression russe contre son pays. 

S’agissant encore de la mise en œuvre sur le plan régional de la résolution 1540 (2004) le Mouvement des pays non alignés, la Communauté des Caraïbes (CARICOM) et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) ont souligné la nécessité que les activités de vérification y relatives du Conseil se déroulent sans entorse au respect des principes de souveraineté nationale et d’intégrité territoriale consacrés par la Charte des Nations Unie. Pour les pays en développement de ces régions, la mise en œuvre de la résolution ne renforcera la confiance interétatique et ne luttera efficacement contre le terrorisme que si leurs besoins en matière de coopération technique sont dûment pris en compte. 

Sur ce point, l’ASEAN s’est félicitée des efforts déployés conjointement par le Centre d’excellence chimique, biologique, radiologique et nucléaire de l’Union européenne en Asie du Sud-Est et le réseau d’experts de référence de l’Association.  L’Australie a évoqué l’action du Groupe de l’Australie, qui participe aux opérations de contrôle à l’exportation, qui sont un moyen de vérifier que les États remplissent leurs objectifs de non-prolifération au titre de la résolution mais aussi des Conventions sur les armes biologiques et chimiques. 

Le Bélarus a souligné le risque croissant que des groupes non étatiques ne mettent la main sur des ADM. Il a notamment jugé important d’étudier la possibilité de création de nouvelles ADM, rappelant l’adoption, pendant la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale, d’un projet de résolution qui prévoit un mécanisme de réaction et l’élaboration de recommandations sur les nouveaux types d’ADM. 

Fin du débat sur les armes nucléaires

La Première Commission avait auparavant achevé sa discussion sur le chapitre des armes nucléaires. 

Kiribati est revenue sur les conséquences catastrophiques des détonations nucléaires sur la santé humaine et l’environnement.  Dans une déclaration commune avec le Kazakhstan, cette délégation a rappelé que, dans la seule région du Pacifique, 318 essais nucléaires avaient été effectués, avec des répercussions délétères sur les communautés de toute la région du Pacifique. 

L’île de Kiritimati et sa population ont subi, entre 1957 et 1958, les retombées radioactives de 9 explosions à très haute altitude représentant l’équivalent de 50 bombes d’Hiroshima.  Au Kazakhstan, il y eut, pendant les années 50 et 60, près de 460 essais nucléaires à Semipalatinsk (aujourd’hui Semeï), leur puissance explosive totale équivalant à 250 bombes d’Hiroshima.  Le représentant a signalé que, dans les deux pays, les taux de cancers et de malformations congénitales se situent depuis lors à des niveaux alarmants.  Les essais nucléaires ont contaminé les terres et les eaux, rendant de vastes étendues de terre pratiquement inaccessibles aux communautés locales. 

Surtout, les États dotés d’armes nucléaires responsables des essais ont réalisé leurs propres études scientifiques, dont plusieurs n’ont pas été rendues publiques.  En raison de l’impact persistant de ces explosions, Kiribati et le Kazakhstan ont présenté l’an dernier une résolution « historique » sur la gestion de l’héritage des armes nucléaires, ouvrant la voie à un processus difficile d’évaluation des besoins dans les États concernés.  Nous déposons cette année une version actualisée du texte de résolution, qui demande que soient prises des mesures concrètes pour aider les victimes et assainir les environnements contaminés, a indiqué le délégué de Kiribati. 

Concernant le lien entre désarmement nucléaire et développement, Cuba a considéré que la possession et la production d’armes nucléaires ne sont pas seulement immorales, elles détournent aussi des ressources qui pourraient être utilisées pour assurer une véritable sécurité mondiale et avancer sur la voie du développement durable.  Le Saint-Siège n’a pas dit autre chose, appelant en outre tous les États, y compris ceux qui n’y ont pas encore adhéré, à participer à la troisième conférence des États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), qui aura lieu en mars prochain, à New York. 

De son côté, le Togo a déclaré qu’à l’approche 2030, « nous devons œuvrer à utiliser l’énorme potentiel de l’énergie nucléaire pour atteindre les objectifs de développement durable ».  Il a ainsi noté que son pays a bénéficié de l’assistance technique de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour élaborer un certain nombre de textes sur la sécurité et la sûreté des matières radioactives en cours de transport au Togo, dont la validation a eu lieu lors d’un atelier national à Lomé en mai 2023.

L’Inde, en tant qu’« État doté responsable », a plaidé en faveur d’une convention internationale interdisant l’usage des armes nucléaires en toutes circonstances et d’un traité interdisant la production de matières fissiles à des fins militaires qui seraient négociés à la Conférence du désarmement.  Depuis la fin des années 90, nous soumettons à la Première Commission deux projets de résolution relatifs à ces propositions qui concernent le thème plus général de la réduction du risque nucléaire, a rappelé le représentant. 

La République de Corée s’est quant à elle inquiétée des conséquences potentiellement dramatiques de l’entêtement de Pyongyang à rejeter tous les appels qui lui sont lancés à renoncer à ses « frénétiques » activités nucléaires militaires.  La représentante a en outre déploré la coopération militaire illégale de la Russie et la République populaire démocratique de Corée (RPDC), cette dernière ayant, depuis le début du mois, déployé environ 1 500 membres des forces spéciales dans les villes de l’Extrême-Orient russe à bord de navires de guerre russes.  Cette collaboration envoie un message dangereux aux proliférateurs potentiels et constitue une menace directe pour l’intégrité du système des Nations Unies, a-t-elle déclaré. 

Citée tout au long de la discussion thématique, l’AIEA a rappelé le sens de sa principale contribution à la paix et à la sécurité internationales: grâce à son système de garanties, a dit la déléguée, l’Agence vérifie de manière indépendante que les États respectent l’engagement pris à ne pas détourner, à des fins militaires, des matières nucléaires destinées à des activités pacifiques.  Ainsi, en détectant rapidement tout détournement de matières nucléaires, l’AIEA alerte la communauté internationale d’éventuels cas de prolifération nucléaire, a-t-elle précisé. 

Parmi les pays ayant exercé leur droit de réponse, l’Autriche a regretté que la France persiste à retirer toute légitimité au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.  L’Égypte et le Brésil ont contesté la pertinence invoquée par des États dotés de la notion de « partage nucléaire ». 

La Commission poursuivra ses discussions thématiques demain, mercredi 23 octobre, à 10 heures. 

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