Première Commission: rappel des souffrances endurées par les victimes de l’arme nucléaire et dénonciation des obstructions au désarmement par les pays dotés
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La Première Commission, chargée des questions de désarmement et de la sécurité internationale, a repris, ce lundi 14 octobre, son débat général dominé par les questions nucléaires. S’exprimant lors de la même séance, le Japon et Kiribati ont partagé une perspective particulière sur le sort des victimes des bombardements comme des essais nucléaires. Plusieurs délégations ont également mentionné le problème croissant des armes légères et de petit calibre (ALPC), tout particulièrement dans les pays en développement.
Au nom de la Coalition pour un nouvel ordre du jour, l’Afrique du Sud, dans une intervention entièrement consacrée au risque nucléaire, a multiplié les rappels à l’ordre à l’intention des pays dotés, estimant que l’expansion quantitative de leurs arsenaux trahit leur intention de les détenir de manière indéfinie, contrairement à leurs engagements au titre de l’article VI du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Le représentant a appelé les pays dotés à prendre des mesures de transparence pour mettre en œuvre cet article, qui porte sur le désarmement nucléaire des pays dotés, mentionnant notamment la soumission de rapports détaillés sur leurs projets de modernisation des arsenaux, leurs capacités, le type et statut de leurs ogives, leur doctrine, leurs mesures de réduction des risques ou encore les quantités de matière fissile dont ils disposent.
Le Japon a lui aussi soulevé la question de la transparence en matière nucléaire, jugeant la Chine coupable de manquements à cet égard. Sa représentante a lancé un appel aux pays dotés pour qu’ils fournissent des informations chiffrées sur leurs arsenaux, estimant qu’une telle mesure constitue le fondement du désarmement nucléaire. La déléguée japonaise a en outre évoqué le prix Nobel de la paix, attribué la semaine dernière au mouvement national des hibakushas, les survivants des bombardements nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki. L’année prochaine marquera le quatre-vingtième anniversaire de cette tragédie, a-t-elle rappelé, estimant qu’un renforcement du TNP pourrait faire qu’un tel événement ne se reproduise jamais.
Hélas, la voie vers un monde sans armes nucléaires est compromise en raison des divisions croissantes de la communauté internationale, a-t-elle déploré, mentionnant notamment l’emploi de la menace nucléaire de la Russie et les programmes balistiques de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), deux pays dont les activités ont été dénoncées par plusieurs autres délégations. La Lituanie a ainsi condamné le retrait par la Fédération de Russie, en fin d’année dernière, de sa ratification du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et l’installation d’armes nucléaires sur le sol du Bélarus.
Autre nation victime des armes nucléaires, à la suite des essais effectués sur son territoire, Kiribati a souligné leurs conséquences humanitaires et environnementales durables. À ce titre, le délégué a dénoncé un test de missile balistique chinois, le mois dernier, lequel a explosé en haute mer mais à proximité de la zone économique exclusive de Kiribati, État partie au Traité de Rarotonga qui a établi une zone exempte d’armes nucléaires dans cette partie du Pacifique. Le délégué a rappelé que son pays avait, avec le Kazakhstan, soumis l’année dernière une résolution adoptée par 171 États sur le traitement de l’héritage des essais nucléaires, se félicitant que le Secrétaire général ait depuis mentionné des efforts en cours afin de soutenir les victimes. Il a également pris note des déclarations d’un État doté « qui a testé ses armes à Kiribati », à propos de ses efforts de remise en état dans son pays.
Le Royaume-Uni, seul pays doté à s’exprimer aujourd’hui, a défendu une « posture de dissuasion nucléaire crédible et minimale », expliquant qu’il continuera de détenir des armes nucléaires aussi longtemps que d’autres pays feront de même. Le premier devoir d’un gouvernement est d’assurer la sécurité de la nation, a poursuivi le délégué, estimant que la doctrine de dissuasion de son pays représente une garantie vitale de sécurité pour lui-même, ses alliés et le monde dans son ensemble. En outre, il a évoqué la prise de mesures pratiques au niveau national en vue de réduire le risque nucléaire.
L’Iran, dont le programme nucléaire suscite toujours les inquiétudes de nombreux pays, a, pour sa part, considéré que les États dotés n’étaient pas seuls à devoir être blâmés. Son délégué a ainsi rappelé que cinq États de l’OTAN, « dont la Belgique, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas », hébergent des armes nucléaires américaines, tandis que plus de 40 pays, « dont l’Australie, le Japon et la République de Corée », s’appuient sur la dissuasion nucléaire élargie que leur offrent les États-Unis. À ce titre, ces nations sont toutes coupables de violations au titre du TNP, a-t-il estimé.
Le représentant s’en est ensuite pris à Israël, « seul État détenteur » de l’arme nucléaire au Moyen-Orient, qui « a menacé d’annihilation nucléaire les autres tout en les accusant à tort de prolifération ». Il a lancé un appel à la communauté internationale pour faire pression sur Israël, exigeant son adhésion au TNP et la soumission de ses installations au régime de garantie de l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
Le représentant iranien a aussi assuré que le programme nucléaire de son pays était « pacifique » et donc légitime. La plupart des pays en développement qui ont pris la parole ont, à l’image de Cuba, souligné l’importance pour eux de pouvoir exercer leur droit inaliénable aux utilisations pacifiques de l’énergie atomique, ainsi d’ailleurs que des ressources spatiales. Sur ce point, le Kenya, notamment, a souhaité le renforcement les capacités permettant à tous un accès équitable à la technologie nucléaire et spatiale, laquelle favorise le progrès partagé.
Comme l’Iran, la Syrie a dénoncé Israël, son recours au terrorisme comme arme politique et sa politique régionale d’occupation et de destruction, en violation flagrante de la Charte des Nations Unies. Il a en outre pointé du doigt la détention clandestine d’armes nucléaires fournies par les États-Unis à Israël, reprochant à ces pays leur refus méprisant de participer aux négociations, lancées en 2019, sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient. Assurant par ailleurs que son pays a démantelé ses stocks d’armes chimiques, le représentant syrien a déploré que cet accomplissement soit éclipsé par les accusations infondées d’entorses syriennes à la Convention sur les armes chimiques (CIAC). Il a accusé le Secrétariat technique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) d’être gravement politisé.
Les instruments de contrôle des armes classiques ont également été mentionnés. Cuba a dit son attachement à leurs principes et objectifs généraux, y compris ceux du Traité sur le commerce des armes (TCA), tout en rappelant le droit à la légitime défense dont disposent les États parties à ces traités. La légitime défense est un droit international dont l’Article 51 de la Charte des Nations Unies a codifié les principaux aspects, a souligné le représentant.
C’est aussi par le droit de se défendre dans un monde où la sécurité s’est dégradée que la Lituanie a justifié son retrait de la Convention sur les armes à sous-munitions cette année –une « décision difficile » mais aussi son « droit souverain ». Le représentant a toutefois assuré de la pleine adhésion de son pays au droit international humanitaire, notamment dans le cadre des Conventions de Genève, mais aussi des autres instruments internationaux de désarmement auxquelles elle est partie.
Plusieurs délégations, notamment africaines, ont une nouvelle fois soulevé la question des armes légères et de petit calibre (ALPC). Le Ghana a souligné le rôle des ALPC dans la perpétuation des violences, l’instabilité et le sous-développement de plusieurs régions d’Afrique. Il a rappelé que son pays est la troisième nation africaine à bénéficier de l’initiative SALIENT, avec le soutien du Bureau des affaires de désarmement (UNODA) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Ce programme pourrait fournir des leçons utiles pour mettre en œuvre des approches globales, à même de lutter contre le trafic des ALPC, a-t-il espéré.
Pour sa part, le Nigéria a réaffirmé son attachement au Programme d’action des Nations Unies sur les ALPC, se félicitant de l’adoption du document final de la quatrième Conférence d’examen en juin dernier. Le Nigéria a estimé avoir démontré son engagement en s’associant à plusieurs instruments internationaux, régionaux et sous-régionaux, notamment en ratifiant le TCA et en concluant un partenariat avec le Centre régional des Nations Unies pour la paix et le désarmement en Afrique.
Enfin, le représentant du Soudan a assuré la Première Commission de la détermination sans faille de son gouvernement à mettre un terme aux attaques lancées par les milices des Forces d’appui rapide, qu’il a accusées de crimes de génocide. Ces exactions sont rendues possibles par l’appui financier et militaire des pays de la région, a-t-il ajouté, jugeant effarant le silence de la communauté internationale, qui protège les complices du meurtre de masse des Soudanais. Il a appelé le Conseil de sécurité à ranger les Forces d’appui rapide parmi les organisations terroristes passibles de sanctions.
En fin de séance, les États-Unis ont exercé leur droit de réponse à la suite de propos de la Chine sur leur rôle dans la région Pacifique. L’Australie, en son nom et en celui du Royaume-Uni et des États-Unis, a réagi à la critique par l’Iran du programme AUKUS. De vifs échanges ont eu lieu entre la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et le Japon, d’une part, et Israël, la Syrie et l’Iran, d’autre part.
La Première Commission poursuivra son débat général, demain mercredi 15 octobre, à 15 heures.