Première Commission: face à la dégradation de la sécurité internationale, les pays défendent leurs doctrines et plaident pour des mesures de confiance régionale
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Renoncer à la « mentalité de guerre froide », universaliser le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), créer au Moyen-Orient une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive, mieux coopérer pour lutter contre le trafic d’armes légères et de petit calibre: en ce quatrième jour du débat général de la Première Commission (chargée des questions de désarmement et de sécurité internationale), les 22 délégations qui se sont exprimées ont exploré les moyens à privilégier pour atténuer les tensions et pacifier à terme un environnement sécuritaire ébranlé par les conflits au Moyen-Orient et en Ukraine.
La Chine, seule puissance nucléaire à s’être exprimée aujourd’hui, a défendu sa doctrine en matière de sécurité, tandis que le Bélarus, où la Russie a déployé l’an dernier des armes nucléaires tactiques, a expliqué quels sont les principes qui guident sa politique militaire alors que des « confrontations » ont toujours lieu à ses frontières. De leur côté, plusieurs États du Groupe arabe ont souligné la nécessité urgente d’avancer dans la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient.
La Chine a ainsi appelé « certains pays » à renoncer à la mentalité de la Guerre froide. Le représentant a notamment reproché aux États-Unis –sans les nommer- d’investir des centaines de milliards de dollars pour renforcer et améliorer techniquement leurs immenses stocks nucléaires et déployer de nouveaux missiles dans la Région Asie/Pacifique. Cette attitude conduit l’humanité dans l’impasse et empêche la réalisation des aspirations de l’humanité à la création d’un monde exempt d’armes nucléaires, a soutenu le délégué. Il a en outre invité les États dotés à reconnaître l’efficacité de la politique nucléaire de la Chine depuis 1964, date à laquelle elle a pris l’engagement, respecté à la lettre depuis, de ne jamais utiliser d’armes nucléaires contre des États non dotés ou appartenant à une zone exempte d’armes nucléaires. La Chine continuera à œuvrer à l’amélioration de la gouvernance sécuritaire mondiale ainsi qu’à la revitalisation et à la dépolitisation de la Conférence du désarmement, a-t-il dit encore déclaré.
Le Bélarus, sur ce thème de la dégradation et de « la fragmentation du système de sécurité international » -lesquelles sapent l’efficacité des instruments de désarmement et de contrôle des armements- a jugé urgent de restaurer la confiance dans le mécanisme multilatéral de désarmement. À cette fin, il a préconisé de mettre fin à la politisation des processus, en s’attachant à rétablir la règle du consensus dans les secrétariats techniques des conférences d’examen des traités majeurs et des conventions interdisant les armes de destruction massive.
À cette fin, le représentant du Bélarus a invité les délégations de la Commission à soutenir un projet de résolution que son pays présentera sur la lutte contre le risque de prolifération de ces armes, en lien avec la résolution 1540 (2004) du Conseil de sécurité. Le représentant a en outre assuré que son pays est attaché à la sécurité nucléaire, ce qu’a reconnu, a-t-il dit, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) lors d’une récente visite au Bélarus.
Le Tadjikistan a tenu à rappeler qu’il revient à l’ONU de tenir le premier rôle dans l’organisation d’une réponse rapide et coordonnée aux conflits et tensions mondiaux. Le succès des actions de prévention et de règlement de ces défis en matière de sécurité dépend de l’utilisation efficace des outils de diplomatie préventive et de médiation, a-t-il insisté.
À la lumière de la crise au Moyen-Orient, l’Égypte a elle aussi déploré une dégradation de l’environnement sécuritaire, la qualifiant à ce niveau de « catastrophique ». Dans ce contexte marqué par la tragédie de Gaza, l’invasion destructrice et militaire du Liban et la rhétorique nucléaire d’Israël -un contexte de tout évidence lourd de menaces pour la sécurité internationale-, le représentant a souligné la nécessité d’avancer concrètement et « sans délais » sur la voie d’un désarmement nucléaire complet et irréversible.
Qualifiant le désarmement nucléaire du Moyen-Orient d’impératif militaire, juridique et moral, le représentant égyptien a rappelé la nécessité de rendre universel le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), afin qu’il puisse donner sa pleine mesure.
Le représentant a également abordé la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, une proposition de son pays datant de 1995. Sur ce sujet, au cœur d’un projet de résolution annuel égyptien, il a souhaité que la cinquième session de la Conférence sur une telle zone soit assortie d’avancées supplémentaires sur le fond. Dans une allusion claire à Israël, non partie au TNP et qui ne participe pas à ce processus de négociations, le délégué a insisté sur l’importance que tous États de la région « sans exception » s’engagent dans l’élaboration d’un « instrument juridiquement contraignant pour se débarrasser de toutes les armes de destruction massive au Moyen-Orient ».
La Jordanie et la Mauritanie, laquelle présidera cette cinquième session en novembre prochain, à New York, ont, elles aussi, appelé Israël à assumer ses responsabilités en adhérant au TNP, en participant à la Conférence mais aussi en plaçant ses installations nucléaires « clandestines » sous le contrôle de l’AIEA. La Jordanie et l’Iraq ont appuyé les travaux de la Conférence et souhaité plein succès à la présidence mauritanienne. D’autres pays arabes, comme le Yémen, ont désigné directement Israël comme le principal obstacle à la réalisation d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient. Le représentant yéménite a ainsi considéré que le refus israélien de travailler à la création de cette zone, ainsi que de toutes les initiatives internationales visant à universaliser le TNP, exacerbe l’instabilité et la course aux armements dans la région.
Le Maroc, de son côté, a rappelé le droit conféré à tout adhérent du TNP aux utilisations de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques.
La circulation anarchique et en grandes quantités des armes classiques sur le plan régional, au premier rang desquelles les armes légères et de petit calibre (ALPC), a été pointée du doigt par des pays en développement des régions d’Afrique et d’Amérique latine. Pour le Burkina Faso, ces armes alimentent depuis 2015 le terrorisme dans un pays qui avait jusqu’alors toujours été un havre de paix. Devant cette réalité alarmante, le représentant a appelé à une mobilisation urgente et déterminée de la communauté internationale incluant le partage de renseignements, la formation des forces de sécurité et le renforcement des contrôles aux frontières.
De leur côté, le Guatemala et la Colombie ont salué la portée du document final de la dernière réunion de la Conférence des Nations Unies chargée d'examiner les progrès accomplis dans l'exécution du Programme d'action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects, qui a décidé la création d’un groupe technique d’experts à composition non limitée chargé de suivre l’évolution de la fabrication, de la technologie et de la conception de ces armes aux effets dévastateurs sur le développement durable. La question du suivi des munitions des ALPC tout au long de leur cycle de vie fera l’objet d’un projet de résolution dont la Colombie est l’un des principaux coauteurs.
En fin de séance, Israël a exercé son droit de réponse, provoquant des interventions de représentants de pays arabes et de l’Iran. La République de Corée et la République populaire démocratique de Corée (RPDC) ont également eu de vifs échanges dans ce cadre.
La Première Commission poursuivra son débat général lundi 14 octobre, à 15 heures.