Soixante-dix-neuvième session
2e séance plénière – matin
AG/DSI/3736

Première Commission: pour la Haute-Représentante, le désarmement multilatéral doit répondre aux défis de la guerre et de l’érosion des régimes de non-prolifération

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La Première Commission (désarmement et sécurité internationale) a démarré, ce matin, les travaux de fond de sa soixante-dix-neuvième session.  Comme le veut la pratique, l’ouverture de la séance a été confiée à la Haute-Représentantepour les affaires de désarmement, Mme Izumi Nakamitsu, qui a axé son propos sur les enjeux de la Commission dans un contexte marqué par l’adoption récente du Pacte pour l’avenir et les commémorations de l’attaque du Hamas contre Israël perpétrée il y a un an jour pour jour. 

Plusieurs groupes de pays ont eu le temps de faire une déclaration dans le cadre du débat proprement dit malgré une suspension de séance provoquée par la Fédération de Russie.  Le représentant de ce pays avait demandé que la Commission suspende ses travaux jusqu’à ce que soit réglée la question de la non-délivrance par le pays-hôte de visas à certains membres de plusieurs délégations, dont la sienne.  La motion d’ordre présentée par la Fédération de Russie a toutefois été rejetée par un vote, par 10 voix pour, 52 contre et 63 abstentions, permettant ainsi l’ouverture du débat général. 

« La Première Commission entame son débat général exactement un an après les événements horribles du 7 octobre 2023 », a constaté la Haute-Représentante, pour qui l’attaque terroriste du Hamas a déclenché des violences qui ont fait de l’année écoulée un enjeu de taille pour cette enceinte. « Plus que jamais, les délégations devront œuvrer, au cours de cette session, pour que cesse la violence, pour faire taire les armes et rompre le cercle vicieux qui a brisé des vies et infligé de profondes souffrances humaines », a déclaré Mme Nakamitsu. 

Celle-ci a estimé qu’avec le Pacte pour l’avenir adopté lors du Sommet du même nom, les États Membres ont pris d’importants engagements pour relancer l’avènement d’un monde sans armes nucléaires, revitaliser le mécanisme multilatéral de désarmement, empêcher la militarisation de l’espace ou encore de réduire les risques associés aux technologies nouvelles, l’intelligence artificielle notamment. 

Sur le premier de ces engagements, la Haute-Représentante a appelé la Fédération de Russie et les États-Unis à reprendre la mise en œuvre intégrale du Nouveau Traité START de réduction des armes stratégiques. Concernant les autres armes de destruction massive, Mme Nakamitsu a jugé notables les progrès accomplis dans le cadre des délibérations de la Conférence sur la création au Moyen-Orient d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction entamées, à New York, en 2019.  La cinquième session de ce processus, soutenu par le Groupe arabe et le Conseil de coopération des États arabes du Golfe représenté par le Qatar, mais auquel ne participe pas Israël, aura lieu le mois prochain sous la présidence de la Mauritanie. 

Israël et la Mauritanie –cette dernière s’exprimant au nom du Groupe arabe- se sont ensuite invectivés sur la crise au Moyen-Orient.  Dans le cadre des droits de réponse, Israël a qualifié de discours incompréhensible, décrivant une « réalité alternative », les accusations de génocide dont se serait rendu coupable son pays à Gaza et au Liban proférées par le Groupe arabe mais aussi par le Mouvement des pays non alignés représenté par l’Indonésie.  La représentante israélienne a martelé qu’à ceux qui font comme si le 7 octobre n’avait jamais existé, comme si l’Iran n’avait pas procédé, contre Israël, au tir de barrage le plus massif de l’histoire du Moyen-Orient, qu’à ceux finalement qui ne souhaitent que son extinction, son pays répondra toujours en disant la vérité et en réaffirmant sa volonté indestructible de se reconstruire et d’exister.  La Mauritanie, secondée par la Syrie et l’Iran, ont rejeté le « mépris » d’Israël, dont la politique destructrice et meurtrière ne saurait être défendue selon eux par aucune justification morale. 

Parmi les autres groupes d’État qui se sont exprimés, l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), par la voix du représentant de la République démocratique populaire lao, a réitéré l’engagement de ses membres à contribuer à la mise en place des principaux instruments constitutifs du désarmement multilatéral qu’ils soutiennent activement.  Mais à ces devoirs répondent des droits, y compris celui de l’utilisation aux usages pacifiques de l’énergie nucléaire et celui, tout aussi légitime, à utiliser des armes classiques pour maintenir la sécurité intérieure et défendre l’intégrité territoriale des pays, a rappelé l’ASEAN.  Sur cette catégorie d’armes, en particulier les armes légères et de petit calibre (ALPC), le représentant a souligné l’importance de soutenir et d’accélérer la mise en œuvre du programme de formation sur les ALPC du Programme d’action pertinent de l’ONU, en particulier pour les pays en développement. 

Au nom du Groupe des États d’Afrique, le représentant du Tchad a tenu des propos similaires, ajoutant que les États africains attirent l’attention sur le fait que le transfert d’armes classiques à des destinataires non autorisés par leurs gouvernements alimente les conflits et le terrorisme.  Il est par conséquent nécessaire de renforcer la coopération visant à tenir les fabricants et exportateurs responsables de ce commerce illicite, source de prolifération des ALPC.  Le représentant a également fait observer que le Centre régional des Nations Unies pour la paix et le désarmement en Afrique, qui célèbre cette année son trente-huitième anniversaire, continue d’offrir, malgré des ressources limitées et en partenariat avec l’Union africaine (UA), une assistance technique précieuse aux États de la région pour la mise en œuvre des instruments onusiens.  Il a appelé les pays à veiller à ce que les Centres régionaux disposent des ressources adaptées à l’exécution de leur mandat.

Au nom des pays nordiques, la Finlande, qui a une fois de plus condamné la guerre menée par la Russie en Ukraine, a déploré les initiatives de « certains États » pour saper et politiser le travail de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).  À cet égard, sa représentante a salué le travail de l’Agence pour garantir la sécurité de la centrale de Zaporizhzhia et dénoncé les agissements irresponsables de la Russie sur ce site à hauts risques.  Elle s’est également dite inquiète du manque de coopération de l’Iran avec l’AIEA afin de respecter ses obligations en vertu de l’Accord de garanties généralisées liant les deux parties.  Elle a en outre lancé un appel à la République populaire démocratique de Corée (RPDC) pour qu’elle renonce à son programme d’armes nucléaires.  Les délégués iranien et de la République populaire démocratique de Corée ont rejeté les propos des pays nordiques, arguant respectivement du droit à l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques et à la défense de l’intégrité territoriale. 

En tout début de séance, la Présidente de la Commission, Mme Maritza Chan Valverde (Costa Rica), avait déploré la sous-représentation des femmes dans les négociations de désarmement.  Rappelant que c’est seulement la deuxième fois en 79 ans d’existence de la Première Commission que cette dernière était dirigée par une femme, Mme Chan Valverde a invité à y réfléchir.  À sa suite, la Haute-Représentante a elle aussi souligné l’importance d’une pleine participation et sur un pied d’égalité des femmes aux activités des différentes composantes du Mécanisme du désarmement des Nations Unies. 

La Commission poursuivra son débat général demain, mardi 8 octobre, à 10 heures.  Elle entendra en outre une déclaration du Président de l’Assemblée générale, M. Philémon Yang. 

DÉBAT GÉNÉRAL SUR TOUS LES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR TOUCHANT LE DÉSARMEMENT ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE

Déclaration liminaire

Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a d’abord noté que, cette année, la Première Commission serait présidée par une femme pour la deuxième fois seulement de son histoire, et a souligné l’importance d’une participation pleine et égale des femmes à toutes les discussions sur le désarmement. 

Rappelant que la Première Commission entame son débat général exactement un an après les « les événements horribles du 7 octobre 2023 », la Haute-Représentante a constaté que l’attaque terroriste du Hamas avait déclenché des violences et des effusions qui ont fait de l’année écoulée un enjeu de taille pour cette enceinte.  Les délégations devront œuvrer au cours de cette session plus que jamais pour que cesse la violence, pour faire taire les armes et rompre le cercle vicieux qui a brisé des vies et infligé de profondes souffrances humaines. 

Mme Nakamitsu a estimé qu’avec le Pacte adopté, non sans difficulté, lors du Sommet de l’avenir, les États Membres avaient pris ou renouvelé d’importants engagements touchant au désarmement et à la sécurité internationale, qu’il s’agisse de revitaliser le mécanisme multilatéral de désarmement, de relancer l’objectif d’un monde exempt d’armes nucléaires, de prendre des mesures pour prévenir une course aux armements dans l’espace ou encore de progresser dans la réduction des risques potentiels associés aux technologies nouvelles. De plus, le Pacte, « en considérant le désarmement comme une partie intégrante des efforts de paix et de sécurité de l’ONU, avertit de l’impact négatif d’une augmentation continue des dépenses militaires sur les investissements dans le développement durable et la pérennisation de la paix ». 

Mme Nakamitsu a repris les termes du Secrétaire général de l’ONU lors du Sommet, à savoir que les défis auxquels la communauté internationale est confrontée ne pourront être résolus qu’au sein d’un ordre international fondé sur le droit international, au bénéfice de tous.  Pour elle, le Pacte pour l’avenir est un pas en avant dans la reconnaissance du fait que les divisions, notamment sur les questions de désarmement, ne sont pas insurmontables et que, partant, tout doit être fait pour que les questions y relatives soient au cœur des efforts multilatéraux de paix, de sécurité et de développement. 

La Haute-Représentante a ensuite fait des observations sur les points les plus saillants de l’ordre du jour de la Première Commission: les armes nucléaires et autres armes de destruction massive, les armes classiques, les nouvelles technologies ainsi que le mécanisme onusien de désarmement. 

Sur les armes nucléaires, Mme Nakamitsu a notamment appelé la Fédération de Russie et les États-Unis à reprendre la mise en œuvre intégrale du Nouveau Traité START de réduction des armes stratégiques.  En outre, elle a considéré que si le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) demeure la pierre angulaire du désarmement nucléaire, il est complété par le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), que ne reconnaissent pas les États détenteurs de ces armes, et du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), dont l’entrée en vigueur nécessite la ratification d’une quarantaine de pays, y compris les États-Unis et la Chine. 

Pour ce qui est des autres armes de destruction massive, Mme Nakamitsu a jugé importants les progrès accomplis dans le cadre des délibérations de la Conférence sur la création au Moyen-Orient d'une zone exempte d'armes nucléaires et d'autres armes de destruction massive entamées, à New York, en 2019.  Le succès de ce processus dépendant de la participation de tous les États de la région, elle a souhaité que la cinquième session de la Conférence, qui aura lieu au Siège le mois prochain sous la présidence de la Mauritanie, soit enrichie des vues d’un nombre accru d’intervenants.

Après avoir appelé au renforcement et à la consolidation des régimes d’interdiction et d’élimination des armes chimiques et biologiques, la Haute-Représentante a noté que, face à la militarisation croissante, le Registre des armes classiques de l’ONU et le Rapport des Nations Unies sur les dépenses militaires restent des instruments clefs pour inverser cette tendance néfaste au développement durable.  En cette période de tensions accrues, nous n’avons d’autre choix, notamment sur le plan régional, que d’investir dans des mécanismes qui améliorent la transparence militaire, œuvrent au renforcement de la confiance et contribuent à la réduction des risques, a-t-elle déclaré. 

Mme Nakamitsu a demandé aux délégations de traduire en actions concrètes les engagements pris par les États lors de l’adoption, en juin dernier, du document final de la quatrième Conférence d’examen du Programme d’action sur les armes légères et de petit calibre (ALPC).  Elle a de même appelé les États à mettre en œuvre le Cadre mondial pour la gestion des munitions Cadre mondial pour la gestion des munitions classiques tout au long de leur cycle de vie, adopté l’année dernière, estimant qu’il peut avoir un impact réel en réduisant le double risque de détournement et d’explosions accidentelles.  Elle a aussi rappelé que l’utilisation d’armes explosives dans des zones peuplées reste l’une des menaces les plus importantes pour les civils dans les conflits armés, comme le montrent les scènes d’horreur en Ukraine et à Gaza. 

Mme Nakamitsu a constaté avec satisfaction l’intérêt manifesté par un nombre croissant d’État quant aux répercussions potentielles de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine militaire.  Si des discussions ont eu lieu à l’ONU sur les applications civiles de l’IA, les aspects militaires n’ont pas encore été abordés, a-t-elle relevé. Elle a donc salué l’appel de plusieurs pays à la tenue de discussions intergouvernementales spécifiques sur les implications de l’IA pour la paix et la sécurité internationales. 

La Haute-Représentante a en outre dit sa satisfaction après l’adoption d’un rapport de consensus par le Groupe d’experts gouvernementaux sur de nouvelles mesures pratiques pour la prévention d’une course aux armements dans l’espace, rappelant à ce propos qu’au nom du Pacte pour l’avenir, les États Membres ont décidé de mener des négociations internationales pour empêcher une course aux armements dans l’espace « sous tous ses aspects ». 

Concernant le Mécanisme de désarmement des Nations Unies, la Secrétaire générale adjointe a relevé une continuité encourageante dans les méthodes de travail de la Conférence du désarmement en 2024, saluant une innovation qui, a-t-elle dit, devra se traduire par une reprise rapide des travaux de fond de la Conférence, afin qu’elle puisse rependre la négociation d’instruments juridiquement contraignants.  Elle a aussi plaidé en faveur d’un désarmement onusien plus inclusif, conforme en cela au souhait du Secrétaire général de l’ONU, l’ouverture des délibérations aux femmes, à la société civile, au secteur privé et aux universités étant l’un des moyens les plus efficaces de revitaliser le multilatéralisme. 

Mme Nakamitsu a conclu en rappelant que « les États Membres doivent s’acquitter de leurs obligations financières au titre des conventions sur le désarmement, faute de quoi les services de réunion sont compromis ». Il ne doit pas y avoir de retard dans l’exécution des mesures de désarmement en raison d’un manque durable de ressources, a-t-elle affirmé. 

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