Cinquième Commission: le consensus vole en éclat mais le Secrétariat de l’ONU s’en sort avec une enveloppe de 3,7 milliards de dollars pour 2025
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Avec ses 11 jours de retard et la multiplication des votes, la Cinquième Commission, chargée des questions administratives et budgétaires, a donné tort à sa propre Présidente qui le 7 octobre, au début des travaux, imputait son optimisme au « changement générationnel » qu’elle constatait dans la salle.
Malgré leur jeunesse, les délégués ont négocié avec la même hargne et la même ténacité que leurs aînés les projets de résolution recommandés aujourd’hui à l’Assemblée générale, dont le moindre n’est pas celui sur un budget de 3,7 milliards de dollars pour le Secrétariat de l’ONU en 2025 (A/C.5/79/L.25).
La Présidente de la Commission, Mme Egriselda Aracely González López, d’El Salvador, a dirigé « la session la plus ardue », selon ses propres mots. Soulagée à la fin d’une séance mouvementée, la Présidente a salué des résultats très importants, « avant Noël ». Nous devons être fiers de ce qui a été fait ici. Le Groupe des 77 s’est félicité des résultats concernant le financement du système des coordonnateurs résidents et les prévisions révisées pour le Pacte pour l’avenir. Il a aussi jugé qu’il était préférable à ce stade, de préserver les éléments essentiels de la méthodologie pour le barème des quotes-parts.
Il s’est aussi réjoui des 50 millions de dollars versés au Fonds de consolidation de la paix ainsi que du consensus sur les prévisions révisées pour l’UNRWA. Le Groupe des États d’Afrique a salué l’accord sur les orientations politiques pour les missions politiques spéciales, avant que l’Union européenne (UE) ne mette en lumière plusieurs tendances préoccupantes, dont la multiplication des votes et des amendements.
Elle a réclamé une réflexion approfondie sur les méthodes de travail pour préserver l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Les engagements de fin de journée, les réunions de fin de semaine et les propositions de dernière minute excluent de nombreuses délégations du processus de négociation, et nuisent considérablement à la transparence, à l’inclusivité et au multilinguisme.
Après avoir rappelé qu’ils ont versé 13 milliards de dollars l’année dernière, soit l’équivalent des contributions des quatre autres plus grands argentiers, les États-Unis ont souligné qu’il est de l’intérêt de tous de mettre de côté les différences afin de renforcer l’ONU. Les membres de la Cinquième Commission devraient respecter et défendre l’esprit du consensus, a acquiescé le Japon.
Le Viet Nam s’est d’ailleurs félicité de ce que la résolution sur le Fonds de pension dont il a coordonné les négociations ait été adoptée par consensus. La Commission, a commenté le Royaume-Uni, souffre de la politisation des questions techniques et d’un manque de volonté de négocier de bonne foi. Après que le Botswana s’est dit heureux de la fin des travaux, l’Australie a rappelé que les budgets ne sont pas que des chiffres. Ce qui est important, ce sont les valeurs et les principes qu’ils incarnent. Mais un budget sans argent ne mène pas très loin, a prévenu le contrôleur de l’ONU, M. Chandramouli Ramanathan.
Réfugiés de Palestine
Certes, mais il prévoit tout de même un montant de 84,3 millions de dollars pour les réfugiés de Palestine, dans une résolution (A/C.5/79/L.4) qui, selon le Groupe des 77 et de la Chine, réaffirme le mandat essentiel de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).
Après un vote demandé par Israël qui a qualifié le texte de précédent troublant puisqu’il introduit des éléments politiques dans une question essentiellement budgétaire, le projet a été adopté par 105 voix pour, 5 voix contre et 50 abstentions. L’Union européenne, le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Suisse et le Royaume-Uni, qui se sont abstenus, ont eux aussi rejeté la politisation des résolutions de la Cinquième Commission.
Israël a ensuite présenté un autre projet de résolution (A/C.5/79/L.14), en insistant sur la nécessité de respecter l’Article 17 de la Charte des Nations Unies qui réaffirme que la Cinquième Commission n’a pas pour mandat de discuter des questions politiques. Ne minons pas la neutralité et la technicité de nos travaux.
Invoquant l’article 116 du Règlement intérieur, le Groupe des 77, appuyé par la Ligue des États arabes, a présenté une motion d’ajournement, adoptée par 94 voix pour, 17 voix contre et 45 abstentions, consistant à ce que la Commission ne se prononce pas sur le projet israélien. Le message est clair, a commenté Israël: des États Membres peuvent être réduits au silence et le consensus n’a plus aucune valeur.
Cela ne l’a pas empêché de présenter un autre texte sur les prévisions révisées pour l’UNRWA (A/C.5/79/L.16), afin d’insister sur la mise en œuvre des 50 recommandations du Rapport Colonna élaboré à la suite ses accusations sur l’implication des membres de l’Office dans l’attaque du 7 octobre. En réponse, le Groupe des 77, soutenu par la Ligue des États arabes et Cuba, a invoqué une nouvelle fois l’article 116 du Règlement intérieur dans une motion, adoptée par 99 voix pour, 16 voix contre et 40 abstentions. Il faut croire, a taclé Israël, que les conclusions de l’ONU ne comptent pas quand elles ne correspondent pas à certaines idées politiques. L’essentiel est de couvrir la vérité.
Questions relatives au budget-programme
Venant à ces questions relatives au budget-programme (A/C.5/79/L.21), adopté finalement sans vote, Israël a présenté un amendement oral visant à donner « zéro dollar » à l’UNRWA car il n’est pas digne de confiance. Bien au contraire, il incite à la violence. Sans surprise, le Groupe des 77 a demandé un vote à l’issue duquel, l’amendement israélien a été rejeté par 149 voix contre, 6 voix pour et 4 abstentions. L’Union européenne a regretté l’initiative d’Israël contre un Office qu’elle soutient fermement.
À son tour, la Fédération de Russie a voulu, par son propre amendement, priver d’un financement le Mécanisme international impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables. L’Union européenne a vivement protesté et demandé un vote qui a rejeté l’amendement russe par 78 voix contre, 11 voix pour et 53 abstentions.
Elle a ensuite présenté son propre amendement oral, en insistant sur le montant de 19,3 millions à octroyer au Mécanisme. Après une mise aux voix demandée par la Fédération de Russie, l’amendement européen a été adopté par 76 voix pour, 11 voix contre et 52 abstentions. Sri Lanka s’est étonnée de la prorogation des mandats sans l’assentiment des États Membres.
Planification des programmes
La Fédération de Russie avait déjà manifesté la même opposition à l’adoption du projet de résolution sur la planification des programmes (A/C.5/79/L.19), contrée par l’amendement oral du Qatar, soutenu par l’Union européenne. Demandant un vote, la délégation russe, appuyée par le Groupe des Amis de la défense de la Charte des Nations Unies, a vu l’amendement être adopté par 85 voix pour, 11 voix contre, dont le Bélarus, la Fédération de Russie, le Nicaragua et la République populaire démocratique de Corée (RPDC), et 47 abstentions.
Barème des quotes-parts pour les dépenses de l’ONU
À la surprise générale, elle a aussi demandé un vote sur le projet de texte relatif au barème des quotes-parts pour les dépenses de l’Organisation (A/C.5/79/L.5) qui a finalement été adopté par 151 voix pour, 5 voix contre et une abstention. Avant cela, appuyée par les Comores, elle avait présenté un amendement (A/C.5/79/L.7) pour s’opposer à la discrimination sélective vis-à-vis des États Membres et au deux poids, deux mesures dans la sélection des données statistiques.
Le Royaume-Uni, qui a reçu le soutien de l’Ukraine et de l’Union européenne, a estimé que l’amendement russe pourrait saper les processus statistiques qui existent depuis longtemps et détruire le mandat du Comité des contributions. Il a demandé un vote qui a rejeté l’amendement par 68 voix contre, 21 voix pour et 51 abstentions.
Questions spéciales relatives au budget-programme
Sur ces questions (A/C.5/79/L.24), Israël a, par un amendement oral, voulu priver l’UNRWA de toute ressource, avant que le Groupe des 77 ne demande un vote à l’issue duquel l’amendement israélien a été rejeté par 151 voix contre, 6 voix pour et 4 abstentions. L’Union européenne a regretté l’initiative israélienne dans une Commission exclusivement administrative et budgétaire et chargée de financer les mandats. Elle n’a pas manqué de réitérer son ferme appui à l’UNRWA.
Appuyée par le Nicaragua, le Venezuela, l’Iran et le Bélarus, Cuba s’est opposée, par un amendement oral, au financement du Bureau du Conseiller spécial du Secrétaire général pour la responsabilité de protéger, un concept jamais agréé par l’Assemblée générale dont la résolution 60/1 ne mentionne ni la création d’un tel bureau ni ses prérogatives. Il est également scandaleux que le Bureau actuel n’ait rien dit sur le génocide dont est victime le peuple palestinien, s’est emportée Cuba. Le vote demandé par le Canada, soutenu par l’Union européenne, a donné lieu au rejet de l’amendement cubain par 75 voix contre, 17 voix pour et 54 abstentions.
Pas en reste, Israël est venu avec son propre amendement pour priver de ressources tous les fonds prévus pour les activités humanitaires à Gaza, en Cisjordanie et dans le Golan syrien. Un vote a été demandé par l’Arabie saoudite et l’amendement a été rejeté par 136 voix contre, 7 voix pour et 10 abstentions.
La Pologne a insisté sur le rôle de la Commission qui est d’assurer l’exécution et le financement des mandats confiés par l’ONU. Le rôle n’est en aucun cas de renégocier les mandats, a-t-elle martelé, avant que la Serbie, appuyée par la Fédération de Russie, le Bélarus et le Nicaragua, ne se dissocie du consensus sur l’allocation de ressources pour la Journée internationale de commémoration du génocide de Srebrenica, tirée d’une résolution politisée et préparée dans le secret. La Géorgie a parlé des discussions de Genève, avant que la Fédération de Russie ne rejette ses propos sur le conflit.
Autres projets de texte
Les résolutions sur les dépenses imprévues et extraordinaires (A/C.5/79/L.8), le fonds de roulement (A/C.5/79/L.9), le Fonds de consolidation de la paix (A/C.5/79/L.15) et le barème des quotes-parts des dépenses pour les opérations de paix (A/C.5/79/L.6), le Régime des pensions de l’ONU (A/C.5/79/L.12); ou encore le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (A/C.5/79/L.13) ont été adoptées sans vote.
Incidences budgétaires des textes du Conseil des droits de l’homme
En revanche, les incidences budgétaires des 62 résolutions et 3 décisions du Conseil des droits de l’homme, contestées de vive voix par l’Iran, le Bélarus, le Nicaragua, la République populaire démocratique de Corée (RPDC), le Venezuela, l’Érythrée et le Soudan, ont donné lieu à un vote.
Présentant un projet d’amendement (A/C.5/79/L.11), la Fédération de Russie s’est opposée au financement des résolutions spécifiques à des pays car il est inacceptable que l’Occident instrumentalise ainsi les droits humains afin d’empiéter sur la souveraineté des États et promouvoir une domination idéologique, politique et économique. À la demande de l’Union européenne, l’amendement a été mis aux voix et rejeté par 80 voix contre, 15 voix pour et 52 abstentions.
En début de séance aujourd’hui, l’Argentine s’est d’emblée dissociée des dispositions relatives au Programme de développement durable à l’horizon 2030 et au Pacte pour l’avenir, qui sont contraires à la protection de la vie, à la liberté, à la propriété privée. Nous n’appuierons pas les programmes qui se veulent supranationaux.
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