La Cinquième Commission ouvre l’enveloppe de 3 millions de dollars proposée pour la nouvelle Institution chargée des personnes disparues en Syrie
Malgré l’opposition de plusieurs délégations dont celles de la Syrie, de la Fédération de Russie et de l’Iran, la Cinquième Commission, chargée des questions administratives et budgétaires, a ouvert aujourd’hui l’enveloppe exacte de 2 991 700 dollars proposée par le Secrétaire général* pour la toute nouvelle Institution indépendante chargée de la question des personnes disparues en République arabe syrienne et ses 28 postes prévus, dont celui d’un sous-secrétaire général qui travaillera avec son équipe à Genève.
Créée l’année dernière, par l’Assemblée générale**, l’Institution indépendante a pour mandat de faire la lumière sur le sort des plus de 100 000 personnes disparues, selon les premières indications, et le lieu où elles se trouvent et d’apporter un soutien approprié aux victimes, aux survivants et aux familles concernées. Le Secrétaire général indique d’emblée que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a mis en place une équipe de démarrage chargée de mener à bien les activités préalables à la mise en place de l’Institution indépendante, en tirant parti des capacités existantes.
Le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCAQB)*** se félicite d’ailleurs que Genève ait été choisie comme siège de l’Institution indépendante car, acquiesce-t-il, c’est l’endroit où se trouvent les mécanismes de protection des droits de l’homme et d’autres mécanismes compétents, ainsi que d’autres institutions dont les activités concernent la République arabe syrienne avec lesquelles l’Institution indépendante devra coopérer.
Alors que le Secrétaire général prévient que dès qu’elle sera pleinement opérationnelle en 2025, l’Institution indépendante nécessitera une enveloppe de l’ordre de 10 millions à 12 millions de dollars, le CCQAB appelle à la retenue cette année. Les ressources demandées servant à financer 28 postes, il prône une démarche graduelle.
Sachant que les activités seront lancées le 1er avril 2024 avec le souci d’accroître les gains d’efficience et d’éviter les doubles emplois, le CCQAB propose de réduire les postes à 22, de soustraire la somme de 27 800 dollars au 278 000 demandés pour les frais généraux de fonctionnement et de diminuer de 17 000 dollars le montant de 72 800 dollars prévus pour les voyages du personnel, comptant que l’on fera appel à tous les outils de communication virtuelle. C’est donc l’ouverture d’un crédit de 2 432 900 dollars que le CCQAB recommande.
Afin d’assurer la mise en œuvre complète des fonctions qui ont été accordées à l’Institution indépendante et pour répondre aux exigences en matière d’indépendance, d’administration, de sécurité et de diligence, il faut approuver toutes les ressources humaines demandées par le Secrétaire général, a contré la Suisse qui a salué le choix de Genève, comme siège de l’Institution indépendante. Elle a en effet argué des synergies importantes sur place avec, entre autres, le Bureau de l’Envoyé Spécial pour la Syrie, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ou encore le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
Il est tout aussi important, a poursuivi la Suisse, que l’Institution soit établie dans un lieu qui garantisse l’accès à toutes les Syriennes et à tous les Syriens et la sécurité de l’ensemble des victimes et familles concernées.
L’Institution, a-t-elle précisé, est un mécanisme humanitaire important qui dispose d’un mandat clair, et c’est la base même d’un financement adéquat par le biais du budget ordinaire. Dans l’optique d’un processus budgétaire efficace, il est crucial de nous concentrer sur les questions de nature technique et de renoncer à répéter les discussions qui ont déjà eu lieu. Ces propos n’ont pas empêché la Syrie de rejeter l’Institution et son financement par le budget ordinaire de l’ONU. Notre gouvernement, a-t-elle dit, n’a jamais failli à son devoir de rechercher les personnes disparues et il poursuit son action en la matière.
Compte tenu du refus de la Syrie de coopérer avec ce nouveau mécanisme, a commenté la Fédération de Russie, nous ne pouvons nous empêcher de voir dans les coûts qu’il représente un gaspillage de ressources. Nous le rejetons donc, a-t-elle martelé, soutenue par le Nicaragua, la Chine et le Venezuela qui a dénoncé cette ingérence dans les affaires intérieures de la Syrie.
L’idée d’une telle institution, a confirmé la Fédération de Russie, doit être lancée à la demande ou avec le consentement de l’État concerné. Or tel n’est pas le cas.
Nous voyons dans l’Institution, a-t-elle avoué, un autre instrument de pression politique sur Damas et nous sommes d’emblée convaincus que cette dernière ne sera ni indépendante ni impartiale, à l’instar des mécanismes précédents. Il est en effet préoccupant, a embrayé l’Iran, de voir la prolifération de mécanismes spécifiques à des pays qui ne sont là que pour manipuler les droits de l’homme et les questions humanitaires, au détriment de la souveraineté nationale.
L’appétit insatiable de certains acteurs pour de tels mécanismes ne peut qu’affaiblir la cause des droits de l’homme et nourrir les divisions, la méfiance et la confrontation.
Une telle instrumentalisation de l’ONU, a affirmé l’Iran, menace sa crédibilité d’organe international créé pour protéger et promouvoir des objectifs communs par le dialogue et une coopération internationale fondée sur les principes de non-sélectivité, de neutralité et d’objectivité. Par ailleurs, a conclu l’Iran, l’affectation rationnelle des ressources est une responsabilité fondamentale de cette Commission, surtout au moment où l’Organisation traverse une grave crise de trésorerie.
La Cinquième Commission, qui tient comme d’habitude la majeure partie de sa session à huis clos, a prévu une autre séance publique demain mercredi 6 mars, à partir de 10 heures, pour examiner la question du renforcement du principe de responsabilité au Secrétariat de l’ONU.
* A/78/627
** A/RES/78/301
*** A/78/7/Add.43